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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4092/2024

JTAPI/1260/2024 du 19.12.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

PARTIELMNT ADMIS par ATA/68/2025

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4092/2024 MC

JTAPI/1260/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Alexandre ALIMI

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.             Le 3 décembre 2024, faisant l'objet d'un ordre d'arrestation provisoire à la suite de plusieurs vols, ainsi qu'à l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, Monsieur A______, qui s'est présenté en Suisse sous cette identité en se disant par ailleurs né le ______ 1993 et originaire d'Algérie, a été arrêté par les services de police genevois, à la rue du Mont-Blanc.

2.             Outre le fait de séjourner illégalement sur le territoire Suisse, il lui était reproché d’être en possession d'un téléphone portable signalé volé, et d’avoir :

·         le 16 novembre 2024, volé le sac à dos de Monsieur B______, et d’avoir utilisé frauduleusement de la carte bancaire de ce dernier pour un montant de CHF 46.- ;

·         le 24 novembre 2024, volé le sac à main de Madame C______ et d’avoir utilisé frauduleusement des cartes de débits à son nom (tentatives refusées) ;

·         le 24 novembre 2024, volé le porte-monnaie de Madame D______ et d’avoir utilisé frauduleusement des cartes bancaires à son nom pour un montant total de CHF 66.-.

3.             M. A______ – démuni de document d’identité authentique et de moyens de subsistance – a partiellement admis les faits qui lui étaient reprochés. Il avait volé les habits en question pour pouvoir se présenter dans une tenue décente devant de potentiels employeurs genevois auprès desquels il pensait postuler. Il n’avait aucune attache particulière en Suisse. Il vivait à E______, en France voisine. Il travaillait au marché de cette ville trois jours par semaine (il préparait des sandwichs dans un snack) et gagnait environ EUR 800.- par mois.

4.             Sur ordre du commissaire de police, M. A______, prévenu de vol (art.  139 du Code pénal ; CP ; RS 311.0) et d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), a été mis à disposition du Ministère public, lequel, par ordonnance pénale prononcée le 4 décembre 2024, l’a condamné pour les faits ayant conduit à son arrestation, c'est-à-dire quatre vols commis entre le 16 et le 24 novembre 2024 (sacs à main, porte-monnaie et téléphone portable), ainsi que l'utilisation ou la tentative d'utilisation frauduleuse des cartes bancaires trouvées dans les affaires volées de ses victimes. Les transactions effectuées à l'aide des cartes bancaires étaient de CHF 46.-, de CHF 46.- deux fois de suite, puis de CHF 20.-. Une tentative pour CHF 300.- avait échoué.

5.            Le même jour à 16h25, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès territoire du canton de Genève) pour une durée de dix-huit mois.

6.            M. A______ a formé opposition contre cette décision par acte déposé au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) le 10 décembre 2024.

7.            Le 10 décembre 2024 également, le commissaire de police a transmis au tribunal un rapport d'arrestation daté du jour même, duquel il ressort en particulier que M. A______ avait reconnu le vol à l'étalage de trois parfums, une montre et un rasoir d'une valeur totale de CHF 796.95. Concernant son interdiction territoriale, il pensait qu'elle n'était pas valable dans la mesure où il avait fait opposition à son encontre.

8.            Lors de l'audience du 18 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a expliqué que la durée de dix-huit mois était exagérément longue. Il avait une copine qui vivait à F______(VD) et à laquelle il souhaitait pouvoir continuer à rendre visite. Il travaillait sur le marché à E______ mais gagnait peu d'argent et n'avait pas vraiment les moyens pour se déplacer par exemple jusqu'à F______(VD) ainsi que peu de moyens pour vivre. C'était d'ailleurs ce qui l'avait amené malheureusement à commettre des infractions. Récemment, son logeur l'avait mis dehors parce qu'il ne pouvait pas lui payer les EUR 600.- qu'il lui demandait pour son logement. Il avait d'abord pu trouver la possibilité de dormir deux nuits dans un hôpital, mais les trois ou quatre nuits suivantes, il avait dormi dehors. D'habitude, c'était son amie qui venait le trouver à E______ ou à Genève, mais les deux derniers mois, elle n'avait pas tellement eu le temps de faire ces déplacements et c'était lui qui s'était déplacé à F______(VD) malgré ses faibles ressources, à raison d'une à deux fois par semaine. Sur question du tribunal, il ne travaillait pas à Genève mais uniquement à E______. Par ailleurs, il trouvait que Genève était une belle ville et il lui semblait ne pas avoir fait des choses si graves qu'il mérite une interdiction de pénétrer dans le canton pendant dix-huit mois.

Sur question de son conseil, il était en couple avec sa copine, qui vivait à F______(VD), depuis février 2024. Il la voyait habituellement à E______ mais ils passaient également la journée à Genève avant de rentrer le soir à E______. Il leur était arrivé cinq ou six fois de dormir à l'hôtel à Genève. Dans ce cas, c'était parfois elle qui payait et parfois lui. Sur question du tribunal, il ne se souvenait pas du prix qu'il avait payé à ces occasions.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à l'annulation de l'interdiction territoriale, subsidiairement à ce que cette interdiction soit limitée au périmètre situé entre la gare Cornavin et la place Bel-air, à une durée de six mois au maximum.

Le représentant du commissaire de police a plaidé et conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de l'interdiction territoriale pour une durée de dix-huit mois.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.

De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

5.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

6.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

7.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).

Même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.3 ; cf. aussi ATA/45/2014 du 27 janvier 2014).

A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).

8.             Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

9.             Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

10.         Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

11.         Dans un jugement relativement récent (JTAPI/68/2024 du 29 janvier 2024), le tribunal a passé en revue la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) rendue en 2023, constatant que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, font l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation peut parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) ont, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.

Dans le même jugement susmentionné du 29 janvier 2024, le tribunal a également rappelé qu'il avait récemment réduit de dix-huit à six mois une mesure d'éloignement du territoire du canton de Genève prise à l'encontre d'une personne condamnée à une seule reprise en Suisse, pour faux dans les certificats et infractions contre la LEI, et contre laquelle deux autres procédures pénales étaient en cours, dont l'une concernait une infraction contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023), ce jugement n'ayant pas fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative. Par conséquent, le tribunal, dans l'affaire objet du JTAPI/68/2024, a à nouveau réduit de douze à six mois la durée de l'interdiction territoriale, constatant que l'on avait affaire à des troubles de très peu de gravité contre l'ordre public liés au vol d'une faible somme d'argent (CHF 60.-) et d'un téléphone portable usagé, ainsi qu'à l'obtention d'un prestation d'assurance sociale que le Tribunal de police avait qualifiée de peu de gravité. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a confirmé ce jugement en relevant que "Cette réduction permet de tenir dûment compte des particularités du cas d’espèce. Contrairement aux exemples que cite le recourant, l’intimé n’a pas participé à un trafic de drogues ni acquis des stupéfiants pour sa propre consommation, soit des infractions susceptibles de porter une atteinte importante à la sécurité et l’ordre publics" (ATA/232/2024 du 20 février 2024 consid. 3.5).

12.         Il résulte de ce dernier considérant que la chambre administrative entend établir une différence de traitement, quant à la durée d'une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, selon que la personne concernée a commis une infraction telle qu'un vol de peu d'importance ou selon qu'elle a participé à un trafic de stupéfiants.

13.         Dans le cas d'espèce, M. A______ a été condamné le 4 décembre 2024 suite à plusieurs vols commis entre les 16 et 24 novembre 2024, dont la valeur n'a pas été déterminée, ainsi que pour utilisations frauduleuses de cartes bancaires pour un montant total de CHF 158.-. A cela s'ajoutait une tentative d'utilisation frauduleuse de carte bancaire pour CHF 300.-, la transaction ayant échoué. Il est par ailleurs dépourvu de titre de séjour en Suisse, de sorte que, sur le principe, les conditions légales d'une interdiction de pénétrer sur un territoire déterminé, au sens de l'art. 74 LEI, sont réalisées. Cette question n'est d'ailleurs pas débattue par M. A______.

14.         Sous l'angle de la proportionnalité de la mesure, le tribunal doit non seulement examiner si ce principe est respecté dans le cas d'espèce, mais également veiller à une certaine égalité de traitement entre les différentes personnes à l'égard desquelles le commissaire de police prononce une mesure en application de l'art. 74 LEI.

Il en découle, eu égard à la jurisprudence rappelée ci-dessus, qu'une mesure d'éloignement pour une durée de dix-huit mois va sensiblement au-delà de la durée qui a plusieurs fois été prononcées dans des cas similaires à celui de M. A______, c'est-à-dire vis-à-vis de personnes qui, sans avoir aucun lien avec le canton de Genève, n'avaient jusque-là fait l'objet d'aucune autre mesure d'éloignement et n'avaient été condamnées qu'à une seule reprise pour des infractions de gravité mineure, celles-ci n'ayant de surcroît aucun lien avec la LStup.

15.         Conformément à la pratique suivie par le tribunal de céans dans des cas comparables à celui de M. A______ depuis le jugement JTAPI/68/2024 du 29 janvier 2024 mentionné plus haut (cf. JTAPI/1031/2024 du 21 octobre 2024 ; JTAPI/394/2024 du 29 avril 2024), la durée de l'éloignement devra être ramené à six mois. Il convient de préciser que le tribunal n'a pas à prendre en considération les faits en raison desquels M. A______ a à nouveau été arrêté par la police le 10 décembre 2024, puisqu'ils sont postérieurs à la décision litigieuse, qu'ils n'ont donc, par définition, pas pu être pris en considération par le commissaire de police, et que l'examen de la proportionnalité de la mesure ne peut prendre en considération que les éléments sur lesquels s'est fondé le commissaire de police.

16.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______, mais en réduira la durée à six mois.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

18.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 10 décembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 4 décembre 2024 pour une durée de dix-huit mois ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 4 décembre 2024 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de six mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière