Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1241/2024 du 17.12.2024 ( OCPM ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 17 décembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né ______ 1986, est ressortissant du Kenya.
2. Le 8 janvier 2024, B______ Sàrl a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) en faveur de M. A______ en qualité de cuisinier.
Elle était à la recherche d’un cuisiner pour compléter son équipe de cuisine du restaurant C______ et souhaitait engager M. A______.
3. Par décision du 31 janvier 2024 l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui la demande avait été transmise pour raison de compétence, a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée.
4. B______ Sàrl a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 2 mars 2024.
Ce recours a été déclaré irrecevable par jugement du 26 avril 2024 (JTAPI/392/2024), entré en force.
5. Par décision du 24 juin 2024, l’OCPM, en raison de la décision préalable négative de l’OCIRT, a refusé de délivrer une autorisation de séjour à M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse, avec un délai de départ fixé au 24 septembre 2024.
En raison de la décision négative préalable de l’OCIRT, il n’était pas en mesure de délivrer une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative à M. A______.
6. Par acte du 24 août 2024, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru auprès du tribunal contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi du dossier pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.
L’OCIRT avait abusé de son pouvoir d’appréciation en lui refusant l’octroi d’une autorisation de séjour. Ce refus injustifié, compte tenu du fait qu’il avait fait valoir des justificatifs sur ses qualités qui n’avaient pas été pris en compte par l’OCIRT, avait amené l’OCPM à également refuser l’autorisation.
Son droit d’être entendu avait été manifestement violé car il n’avait pas eu l’opportunité de s’exprimer sur les éléments manquants de son dossier. Il n’avait pas été invité à produire des éléments de preuve pertinents pour appuyer ses propos.
7. L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 30 octobre 2024, proposant son rejet. Il a produit son dossier.
Par décision du 24 janvier 2024, l’OCIRT avait refusé de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi déposée par B______ Sàrl. Cette décision était entrée en force, le recours déposé auprès du tribunal ayant été déclaré irrecevable le 26 avril 2024. Dans la mesure où il était lié par le préavis de l’OCIRT, c’était à juste titre qu’il avait prononcé le renvoi de Suisse du recourant. Les arguments de ce dernier en lien avec ses compétences professionnelles et les recherches de candidats effectuées par le restaurant C______ étaient irrelevants dans le cadre de la présente procédure qui ne portait que sur la question du renvoi.
8. Le recourant a répliqué le 22 novembre 2024, maintenant intégralement ses arguments.
Rien dans la loi n’indiquait expressément que l’autorité cantonale en charge de l’immigration était liée par l’appréciation de l’autorité en charge du marché du travail. L’admission des arguments de l’OCPM reviendrait à limiter la marge d’appréciation de l’autorité cantonale chargée d’octroyer les permis de séjour de manière non conforme au droit fédéral.
9. Invité à dupliquer, l’OCPM a confirmé au tribunal le 5 décembre 2024 que seule la question de l’exécution du renvoi du recourant pouvait être examinée dans le cadre de la présente procédure, à l’exclusion de tout argument en lien avec la décision négative de l’OCIRT, laquelle était entrée en force à la suite du jugement du tribunal du 26 avril 2024.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).
6. L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités).
7. À titre préalable, le tribunal constate que le recours porte sur la décision du 19 septembre 2024 par le biais de laquelle l’OCPM a prononcé le renvoi de Suisse du recourant, aux motifs que l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative lui avait été refusée par décision de l’OCIRT du 31 janvier 2024 entrée en force suite au jugement du tribunal du 26 avril 2024, et que l’exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.
Partant, le tribunal étant lié par l’objet du litige, circonscrit notamment par la décision attaquée, seule la question de l’exécution du renvoi du recourant pourra être examinée dans le cadre du présent jugement, à l’exclusion de tout argument en lien avec la décision négative de l’OCIRT ou avec l’éventuelle délivrance en sa faveur d’un titre de séjour pour un autre motif, étant rappelé que cette question n’a, à ce stade, pas été examinée par l’autorité intimée.
8. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kenya.
9. Tout étranger qui désire séjourner en Suisse en vue d’y exercer une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11 al. 1 LEI).
En cas d’activité salariée, la demande doit être déposée par l’employeur auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 al. 1 et 3 LEI).
10. Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI).
Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l’OCIRT (art. 2 al. 2 LaLEtr et 6 al. 4 du règlement d’application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01), dont la décision préalable lie l’OCPM (art. 6 al. 6 RaLEtr ; cf. aussi directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, état au 1er juin 2024, ch. 1.2.3.2).
11. Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, l’autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (let. b) et d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).
Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
12. En l’espèce, le recourant est dépourvu à ce jour de titre de séjour valable en Suisse suite à la décision de l’OCIRT du 31 janvier 2024 - devenue définitive suite au jugement du tribunal du 26 avril 2024 - constatant qu’il ne remplissait pas les conditions de séjour avec activité lucrative en Suisse.
Partant, l’OCPM, lié par cette décision négative de l’OCIRT, n’avait d’autre choix que de prononcer le renvoi du recourant, en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI.
Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l’exécution du renvoi du recourant au Kenya ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, étant souligné que le recourant ne fait valoir aucun argument en ce sens.
13. En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté.
14. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant succombe est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
15. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 24 juin 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge Monsieur A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
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