Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1233/2024 du 16.12.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Par bordereau du 28 juillet 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l’impôt à la source que Monsieur A______ devait sur les indemnités dont il avait bénéficié en 2020 pour pertes de salaire.
2. Le 12 octobre 2022, se présentant au guichet de l'AFC-GE, le contribuable a contesté ce bordereau, en déposant divers justificatifs.
3. Par courrier du 17 octobre 2022, l'AFC-GE a fait savoir au contribuable que sa démarche du 12 octobre précédent serait considérée comme une réclamation.
4. Par décision du 6 février 2023, l'AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable, car tardive.
5. Le 7 avril 2023, l'AFC-GE a adressé au contribuable un rappel l’invitant à s’acquitter de l’impôt fixé par bordereau du 28 juillet 2022.
6. Par courrier du 24 avril 2023, le contribuable a expliqué s’être rendu au guichet de l'AFC-GE au mois d’août 2022 pour déposer sa réclamation, et que le 12 octobre 2022, il n’y était revenu que pour déposer des justificatifs, afin de compléter son acte de réclamation.
7. Par courrier du 4 mai 2023, accusant réception de « la réclamation du 25 avril 2023 », l'AFC-GE a indiqué au contribuable qu’elle procéderait à un nouvel examen de son dossier.
8. Par décision du 19 février 2024, comportant l’annotation « Date de notification : 5 mars 2024 » et expédiée sous pli simple, l'AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable, en raison de sa tardiveté, considérant qu’elle avait été formée contre le bordereau du 28 juillet 2022.
9. Par acte déposé le 3 avril 2024, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à la rectification de sa taxation 2020 au fond.
Le 24 août 2020, il s’était présenté auprès de l'AFC-GE afin de réclamer contre cette taxation. La personne qui l’avait reçu lui avait indiqué qu’il devait apporter d’autres justificatifs et qu’en attendant, elle allait « mettre en freeze » sa réclamation, pour une durée de trois mois. Le 12 octobre 2022, il avait déposé auprès de l'AFC-GE d’autres justificatifs « pour faire la réclamation ».
Le but de sa venue du 24 août 2020 ayant précisément été de « faire la réclamation » dans le délai légal de 30 jours, il ne comprenait pas pourquoi « le délai de 3 mois » qui lui avait été accordé n’avait pas été « enregistré et respecté ».
Le 1er mars 2024, il s’était à nouveau présenté auprès de l'AFC-GE. La personne qui l’avait reçu lui avait dit : « Je vois dans système que vous avez été ici le 24 août 2022 mais qu’elle ne voit pas […] le délai de 3 mois […] accordé le 24 août 2022 et qu’elle pense que la raison pour laquelle cette information est manquante, c’est parce qu’elle aurait dû être faite par écrit » (sic), ce qui ne lui avait jamais été « demandé ni expliqué le 24 août 2022 »
10. Dans sa réponse du 27 juin 2024, l'AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours, pour cause de sa tardiveté, considérant que sa décision avait été « notifiée » le 19 février 2024 et qu’en conséquence, le délai de recours avait échu le 20 mars 2024.
Au surplus, la réclamation du 12 octobre 2022 avait, elle aussi, été tardive. Lorsqu’un contribuable se présentait au guichet pour contester sa taxation, le collaborateur qui le recevait rédigeait une « note valant réclamation », comme cela avait été fait en l’occurrence le 12 octobre 2022, date à laquelle le recourant avait déposé ses justificatifs.
Enfin, « la seconde réclamation » du 24 avril 2023 avait été déposée tardivement, à réception du rappel de paiement du 7 avril 2023.
11. Le 30 juillet 2024, le recourant a persisté dans son argumentation et ses conclusions.
Il s’était présenté à l'AFC-GE le 24 août 2022 pour « faire réclamation », mais celle-ci n’avait pas été enregistrée.
Le 26 novembre 2019, il avait survécu à un tremblement de terre en Albanie et depuis lors, il était dans l’incapacité totale de travailler et de gérer ses affaires administratives, comme l’attestaient deux certificat médicaux qu’il produisait. Malgré cela, il avait essayé de faire de son mieux pour donner suite « aux courriers et demandes administratives », avec l’aide de son ami, Monsieur B______, qui l’avait accompagné lors de ses « aller-retours à l’AFC ». Il s’estimait « lésé par l’acharnement de l'AFC alors qu’[il ne lui devait] rien ».
12. Par duplique du 28 août 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position, relevant que l’état de santé du recourant ne constituait pas un motif sérieux permettant une restitution du délai de réclamation.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26eptembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. A cet égard, il sera relevé que l’on ne saurait suivre l'AFC-GE lorsqu’elle prétend que le délai de recours de 30 jours aurait échu le 20 mars 2024 déjà, d’autant moins qu’elle a elle-même indiquée sur la décision entreprise « Date de notification : 5 mars 2024 » et qu’elle l’a expédiée sous plus simple, de sorte qu’elle n’est pas en mesure d’établir la date exacte de sa notification. Du reste, prétendre que le délai de recours aurait échu le 20 mars 2024 signifie que cette décision, datée du 19 février 2024, aurait été reçue par le recourant le lendemain, ce qui paraît invraisemblable et ce que d’ailleurs, aucun élément au dossier ne permet de constater. Dans ces conditions, le recours est recevable.
3. Contestant l’irrecevabilité de sa réclamation, le recourant demande que le bordereau du 28 juillet 2022 soit examiné au fond.
4. Or, en matière de décision d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).
Il en résulte que les griefs du recourant relatifs au bien-fondé du bordereau précité sont irrecevables.
5. Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD et 41 al. 1 LPFisc).
6. De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondances ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les arrêts cités). L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit ainsi communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2).
7. Selon la jurisprudence, en cas d'envoi de décisions sous pli simple, comme en l’espèce, on admet que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (cf. ATA/1373/2018 du 18 décembre 2018 consid. 7c, ATA/461/2018 du 8 mai 2018 consid. 10, ATA/687/2017 du 20 juin 2017 consid. 6c).
8. Il appartient à l'administré qui réclame ou qui recourt d'établir qu'il l'a fait dans le respect du délai légal (cf. not. ATA/899/2015 du 1er septembre 2015 ; ATA/243/2015 du 3 mars 2015; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 2.2.6.7 p. 304).
9. En l'occurrence, aucun élément ne permet de connaître la date de la notification du bordereau daté du 28 juillet 2022, celui-ci ayant été envoyé au recourant par pli simple. Cela étant, ce dernier n'indiquant dans aucune de ses écritures à quelle date il a reçu ce bordereau, ni ne contestant qu'il lui a été communiqué, il convient de retenir qu'il lui a été notifié dans les quelques jours qui ont suivi le 28 juillet 2022. En tout état, il faut admettre qu’il l’a reçu le 24 août 2022 au plus tard, puisqu’il allègue qu’à cette date, il se serait présenté auprès de l'AFC-GE afin de le contester. Or, il n’a fourni absolument aucun élément de preuve de cette démarche. S’il s’était effectivement présenté au guichet de l'AFC-GE à cette date, elle lui aurait alors remis une quittance de son passage, comme elle l’a fait lors de son passage du 12 octobre 2022. Comme elle ne l’avait pas fait spontanément, il aurait alors dû lui demander une note confirmant le dépôt de sa réclamation le 24 août 2022, ce qu’il n’a pas fait. Dans ces conditions, on ne saurait admettre qu’il a réclamé à cette date, mais à celle du 12 octobre 2022, soit manifestement en dehors du délai légal de 30 jours.
10. En se prévalant de son incapacité de travailler et de gérer ses affaires administratives, en raison de son état de santé depuis 2019, le recourant demande, à tout le moins implicitement, une restitution du délai de réclamation.
11. Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos (cf. ATA/286/2020 du 10 mars 2020).
Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. not. ATF 142 V 152 consid. 4.2).
12. Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, applicable par renvoi de l’art. 17 LISP, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.
Un délai inobservé est restitué si la personne contribuable exécute l’acte omis dans les 30 jours qui suivent la disparition de l’empêchement et prouve qu’elle a été empêchée d’agir en temps utile pour des motifs sérieux (art. 21 al. 3 LPFisc).
13. Selon la jurisprudence, les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable et son éventuel représentant n'ont pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne leur est pas imputable à faute (arrêts du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).
Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de l'extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés. Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l'assujetti (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/328/2018 du 10 avril 2018).
14. En particulier, la maladie ou l'accident peuvent être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_287/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Même une incapacité de travail totale n'exclut pas une simple activité administrative tendant à confier à un mandataire externe la défense de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2F_33/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4 et les réf.).
Par ailleurs, un surcroît de travail ou une inattention ne constituent pas des motifs de restitution du délai (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 13, p. 1736).
15. En l’espèce, si les deux certificats médicaux produits par le recourant indiquent notamment qu’il a été en incapacité de travailler du 1er novembre 2021 au 31 juillet 2024, ils ne font cependant aucunement état d’une impossibilité subjective ou objective de gérer ses affaires administratives. Du reste, cette incapacité ne l’a pas empêché de se présenter auprès de l'AFC-GE le 12 octobre 2022, de formuler sa contestation du 24 avril 2023 et de déposer son acte de recours le 3 avril 2024. En tout état, on ne saurait retenir sur la base de ces certificats qu’il aurait été dans l’incapacité de mandater un tiers pour agir à sa place en temps utile.
Ainsi, c’est à bon droit que l'AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation déposée le 12 octobre 2022.
16. Partant, le recours sera rejeté.
17. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 19 février 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| Le greffier |