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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1427/2015

ATA/899/2015 du 01.09.2015 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1427/2015-FORMA ATA/899/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ (ci-après : l’étudiant), né en 1991 et domicilié à Genève, a commencé, en septembre 2013, des études à la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (ci-après : HEPIA), afin d'obtenir un baccalauréat universitaire en ingénierie des technologies de l'information. La formation devait s'achever en juin 2015.

Il avait obtenu le diplôme national de licence appliquée en systèmes informatiques et logiciels à l'Université El Manar de Tunis. Étant au bénéfice d’équivalences, il a commencé en deuxième année à l’HEPIA.

2) Le 16 octobre 2013, il a sollicité une bourse d’études auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : le SBPE) pour l’année scolaire 2013-2014.

À l’issue d’une procédure judiciaire, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé l’octroi d’un prêt d’études, à hauteur de CHF 5'813.- (ATA/925/2014 du 25 novembre 2014 et ATA/567/2015 du 2 juin 2015), précisant notamment que la formation subséquente entreprise auprès de l’HEPIA ne pouvait pas être considérée comme la formation initiale de l’intéressé.

3) Le 27 janvier 2015, l’étudiant a déposé une demande de bourse ou prêt d’études pour la troisième année auprès de l’HEPIA, année scolaire 2014-2015.

4) Par décision du 17 février 2015, le SBPE a accordé un prêt à hauteur de CHF 6'990.-.

La décision a été adressée, par courrier B, à l’intéressé.

5) Par réclamation datée du 20 mars 2015, M. A______ a adressé une réclamation au SBPE.

La décision qui le concernait était contradictoire avec celle de sa sœur, B______, qui venait d’obtenir, pour la même année, une bourse de CHF 16'000.-. Les chiffres retenus entre les deux décisions n’étaient pas similaires. Il sollicitait une révision de la décision, qualifiée de déraisonnable, et l’octroi de la bourse d’études qui le soulagerait afin qu’il puisse réussir dans ses études académiques.

6) Par décision du 7 avril 2015, le SBPE a déclaré la réclamation irrecevable. Elle avait été adressée après le délai légal de trente jours. Pour le surplus, la décision litigieuse était maintenue.

7) Le 4 mai 2015, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative contre la décision du 7 avril 2015. Il a conclu à son annulation.

La décision du mardi 17 février 2015 avait été reçue dans sa boîte aux lettres le lundi 23 février 2015. Elle avait été transmise par courrier B. La réclamation avait été formée dans le délai utile. En comparaison, la décision sur réclamation du 7 avril 2015 ne lui était parvenue que le vendredi 13 avril 2015, soit six jours après sa rédaction. Il appartenait au SBPE de prouver que son courrier B avait pu arriver à destination avant le lundi 23 février 2015.

Sur le fond, il persistait dans l’argumentation développée dans sa réclamation, notamment le traitement différent des dossiers relatifs à sa sœur et au sien.

8) Par observations du 8 juin 2015, le SBPE a conclu au rejet du recours.

Le SBPE avait rendu sa décision le mardi 17 février 2015. Envoyé en courrier B, le recourant aurait dû la recevoir au plus tard le vendredi 20 février 2015, date à laquelle le bénéficiaire avait pris connaissance de la décision et débutait le délai pour la réclamation. Celle-ci, reçue le 24 mars 2015, était hors délai. Pour être recevable, elle aurait dû parvenir au SBPE au plus tard le 20 mars 2015.

Sur le fond, la différence du montant octroyé était dû au fait que B______ avait 25 ans révolus pendant l’année académique 2014-2015 et qu’elle était porteuse d’un diplôme du baccalauréat acquis à Tunis, considéré comme première formation de type secondaire II. Dans cette situation, les revenus des parents n’étaient pris que partiellement en compte, en l’espèce à hauteur de 50 %, ce qui expliquait qu’elle pût bénéficier d’une bourse d’études plus importante que son frère.

Par ailleurs, les deux étudiants n’avaient pas suivi les mêmes études en Tunisie. Le diplôme de B______ n’était pas reconnu en tant que deuxième formation tertiaire, contrairement à celle du recourant. Un organigramme expliquant les différents cursus de formation possibles à l’Université El Manar de Tunis était joint aux observations.

Selon les informations en possession du SBPE et, compte tenu de l’arrêt susmentionné de la chambre administrative du 25 novembre 2014, l’étudiant effectuait une deuxième formation de niveau tertiaire et pouvait bénéficier d’un prêt remboursable, contrairement à sa sœur qui bénéficiait d’une bourse d’études.

Concernant l’établissement des revenus, l’allocation familiale était prise en compte dans les revenus du père. Seul le subside d’assurance-maladie 2014 était comptabilisé dans le budget de l’étudiant.

9) Par réplique du 30 juin 2015, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

10) Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur le droit de l’étudiant à une bourse ou un prêt d’études pour l’année scolaire 2014-2015.

3) Dans un premier grief, le recourant conteste l’irrecevabilité de la réclamation formée par courrier du 20 mars 2015.

4) a. À teneur de l'art. 62 al. 1 let. a LPA, le délai de recours est de trente jours s’il est dirigé contre une décision finale.

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. À ce titre, ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/312/2014 du 29 avril 2014 consid. 3).

c. Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA). À cet égard, il y a lieu de préciser que tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/312/2014 précité consid. 4 et les réf. citées ; ATA/171/2014 du 18 mars 2014 consid. 1a et les réf. citées).

d. S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, pp. 302-303 n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b p. 44 ; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées).

e. S'il appartient à l'administré qui réclame ou qui recourt d'établir qu'il l'a fait dans le respect du délai légal, le fardeau de la preuve de la notification de la décision appartient à l'administration (ATA/342/2014 du 13 mai 2014 consid. 2 ; ATA/171/2014 précité consid. 1c ; ATA/740/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2). Celle-ci supporte les conséquences de l’absence de preuve en ce sens que si la notification, ou sa date, sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 136 V 295 consid. 5.9 p. 295 ; 129 I 8 consid. 2.2. p. 10 ; 124 V 400 consid. 2a p. 402 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_293/2010 du 31 mai 2010 consid. 3 ; 6B_955/2008 du 17 mars 2009 ; 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4 ; 9C_411/2008 du 17 septembre 2008 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3390/2011 du 1er février 2012 consid. 1.3.1).

5) En l'espèce, le délai de réclamation est de trente jours (art. 28 al. 1 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 - LBPE - C 1 20).

La décision attaquée, datée du mardi 17 février 2015, a été adressée au recourant par pli simple, ce qui ne permet pas d'établir précisément la date à laquelle elle a été réceptionnée, étant précisé que le recourant n'allègue aucun incident relatif à la notification ou la réception de cette décision du SBPE et ne se prévaut pas d'un cas de force majeure.

Le recourant indique l’avoir reçue le lundi 23 février 2015, alors que l’intimé allègue qu’il devait être en possession du pli le vendredi 20 février 2015 déjà, ce qui représente trois jours seulement après l’envoi. L’intimé se fonde sur la documentation fournie par la Poste selon laquelle un envoi isolé du courrier B déposé le mardi est distribué au plus tard le vendredi. Ce seul document ne suffit pas à prouver la réception par l’intéressé du pli litigieux le vendredi 20 février 2015. Dans une correspondance au recourant traitant de sa réclamation pour avoir reçu tardivement un courrier B de l’administration, la Poste n’a pas exclu un retard. Compte tenu des règles qui précèdent, des règles relatives au fardeau de la preuve, et du fait qu’il est parfaitement crédible que le recourant n’ait reçu que le lundi suivant un courrier parti par pli simple le mardi qui précède, l’administration doit supporter les conséquences de l’absence de preuve. La réclamation doit être déclarée recevable.

De surcroît, le calcul effectué par le SBPE s’avère erroné. Même à considérer que le recourant ait reçu le pli le vendredi 20 février 2015, le délai serait arrivé à échéance le lundi 23 mars 2015 et non le vendredi 20 mars 2015 comme soutenu dans ses observations devant la chambre de céans le 8 juin 2015.

6) Il est toutefois inutile de renvoyer la cause à l’intimé, dès lors que les parties ont pris position quant au fond du litige et que la chambre de céans est en mesure d’analyser le bien-fondé de la décision litigieuse.

7) Le recourant fait grief à l’intimé de traiter de façon différente le dossier de sa sœur et le sien.

La chambre de céans a eu l’occasion de préciser le type de formation suivie par l’intéressé et d’ores et déjà jugé que celle-ci ne pouvait, légalement, lui permettre d’accéder qu’à un prêt d’études et non à une bourse (ATA/925/2014 et ATA/567/2015 précités). Pour ce seul motif, le droit applicable au dossier de l’intéressé n’est pas identique à celui de sa sœur.

La chambre de céans a aussi rappelé que les décisions du SBPE prenaient en considération, par définition, la situation économique de l’étudiant concerné. Celle de la sœur de l’intéressé et sa propre situation n’étaient pas identiques, à l’instar des revenus des deux étudiants, singulièrement des subsides d’assurance-maladie.

Concernant les revenus des parents, le montant de CHF 53'565.- est identique dans les deux décisions. Toutefois, en application des art. 18 al. 3 LBPE et 8 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01), le SBPE n’a retenu que le 50 % des revenus des parents dans le dossier de B______, celle-ci étant âgée de plus de 25 ans et devant ainsi contribuer de façon plus importante aux frais du ménage commun puisqu’il est retenu qu’elle devrait participer à raison de CHF 11'806.- au découvert de ses parents, alors que son frère ne serait tenu que par un montant de CHF 5'110.-.

Quand bien même cette différence peut choquer l’étudiant, elle a été voulue par le législateur au motif que l'obligation d'entretien des parents est assouplie dans deux cas particuliers, notamment lorsque la personne en formation a plus de 25 ans et qu’elle est au bénéfice d'une première formation (MGC 2008-2009 XI A exposé des motifs relatifs à l’art. 18 LBPE).

Pour le surplus, il n’appartient pas à la chambre administrative d’examiner le bien-fondé de l’octroi d’une bourse à la sœur, ni le montant de celle-là.

Le grief de violation du principe de l’égalité de traitement est infondé.

8) Mal fondé, le recours sera donc rejeté. Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui succombe au fond bien que son recours ait été justifié sur la problématique de l’irrecevabilité de l’opposition (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2015 par Monsieur A______ contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 7 avril 2015  ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :