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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/567/2016

ATA/328/2018 du 10.04.2018 sur JTAPI/1179/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/567/2016-ICCIFD ATA/328/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 avril 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Monsieur Georg Naneix, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________





Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2016 (JTAPI/1179/2016)

 


EN FAIT

1) Le 8 mai 2014, Madame et Monsieur A______ (ci-après : les contribuables), domiciliés dans le canton de Genève, propriétaires de plusieurs biens immobiliers dont un en copropriété, sis à B______ dans le canton de Vaud, ont adressé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur déclaration fiscale 2013. Elle faisait état de frais d’entretien en CHF 1'608.95 pour l’immeuble précité.

2) Le 14 juillet 2015, l’AFC-GE a communiqué aux contribuables :

- un bordereau d’impôts cantonaux et communaux 2013 (ci-après : ICC 2013) retenant un revenu imposable de CHF 446'513.- au taux de CHF 505'549.- et une fortune imposable de CHF 2'121'121.- au taux de CHF 4'242'105.- ;

- un bordereau d’impôt fédéral direct 2013 (ci-après : IFD 2013) retenant un revenu imposable de CHF 499’400.- au taux de CHF 503’500.-.

3) Le 25 novembre 2015, les contribuables ont demandé à l’AFC-GE « la réouverture de la taxation 2013 » afin de tenir compte d’une déduction de frais d’entretien pour l’immeuble d’B______ de CHF 474'092.-.

La totalité du montant des travaux d’entretien effectués en 2012, 2013 et 2014 pour cet immeuble avait été déduite dans leur déclaration fiscale 2014 déposée le 24 juillet 2015, du fait que le décompte final n’avait été établi qu’à fin 2014. Ils n’étaient pas conscients qu’ils auraient dû les déduire chaque année, nonobstant la difficulté, voire l’impossibilité de déterminer la part annuelle au moment de l’établissement des déclarations fiscales 2012 et 2013. Sur la base du décompte précité, l’administration fiscale vaudoise (ci-après : AFC-VD) avait accepté, le 16 octobre 2015, la rectification de leur taxation 2013 datée du 8 septembre 2015. Le montant de la déduction devait être également modifié dans la déclaration fiscale 2014.

4) Considérant le courrier susmentionné comme réclamation contre l’ICC et contre l’IFD 2013, l’AFC-GE l’a déclarée irrecevable par décisions distinctes du 14 janvier 2016, en raison de sa tardiveté. Elle n’avait pas été présentée dans le délai impératif de trente jours prévu tant par la par la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) que par la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

5) Par acte du 18 février 2016, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre les décisions susmentionnées, concluant à ce que les bordereaux ICC et IFD 2013 soient réformés, subsidiairement à ce que le décompte final des travaux établi en 2014 et la décision rectificative consécutive pour la taxation vaudoise 2013 soient considérés comme des faits nouveaux constituant un motif de révision.

Ils avaient été dans l’impossibilité matérielle d’établir eux-mêmes le décompte des travaux, menés par un atelier d’architecture. Ils avaient agi dans les trente jours suivant la notification de la dernière décision de taxation en matière intercantonale, soit la décision de l’AFC-VD du 16 octobre 2016. En refusant d’admettre la déduction des frais d’entretien comme l’avait fait l’AFC-VD, l’AFC-GE violait l’interdiction de la double imposition intercantonale.

6) Après avoir ordonné un échange d’écritures au cours duquel l’AFC-GE avait relevé qu’il n’y avait pas de problématique de double imposition intercantonale, le TAPI a rejeté le recours le 14 novembre 2016, retenant l’argumentation de l’AFC-GE et écartant l’hypothèse de la réalisation d’un cas de révision.

7) Par acte du 21 décembre 2016, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, reprenant leurs conclusions et leur argumentation antérieures.

8) Le 30 décembre 2016, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

9) Le 26 janvier 2017, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.

10) Le 24 février 2017, les contribuables ont exercé leur droit à la réplique.

11) Après quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le contentieux fiscal en matière d’ICC est soumis aux dispositions de la LPFisc ainsi qu’à celles de la LPA si les dispositions de la LPFisc n’y dérogent pas (art. 2 al. 2 LPFisc). Pour l’IFD, selon l’art. 5 al. 2 du règlement d’application de diverses dispositions fiscales fédérales du 30 décembre 1958
(RDDFF - D 3 80.04), la procédure est réglée par les articles 140 à 144 LIFD.

3) Selon l’art. 39 al. 1 LPFisc, la décision de taxation peut faire l’objet d’une réclamation dans les trente jours suivant sa notification.

En matière d’IFD, le délai de réclamation suivant la notification de la taxation est également de trente jours (art. 132 al. 1 LIFD).

Ni la LPFisc, ni la LIFD ne connaissent de suspension des délais de réclamation ou de recours.

4) a. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/702/2016 du 23 août 2016 consid. 6a ; ATA/1068/2015 du 6 octobre 2015 consid. 5a). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 p. 67 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_507/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3 ; 2D_18/2009 du 22 juin 2009 consid. 4.2).

b. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 
al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/212/2014 du 1er avril 2014 et les références citées).

5) En l’espèce, les bordereaux litigieux, datés du 14 juillet 2015, ont été reçus le 21 juillet 2015, selon les écritures des recourants. Le délai de réclamation de trente jours venait donc à échéance le jeudi 20 août 2015. Formée le 25 novembre 2015, leur réclamation est hors délai.

Le fait d’avoir ignoré qu’ils devaient procéder à une déduction annuelle des travaux effectué n’est pas pertinent, ni crédible, s’agissant de contribuables propriétaires de plusieurs biens immobiliers, n’en étant pas à leur première expérience fiscale, à même de se renseigner sur le contenu de leurs obligations fiscales auprès des autorités compétentes et pouvant être assistés par des mandataires professionnellement qualifiés. Cette ignorance alléguée ne répond en aucun cas à la définition du cas de force majeure.

Le fait de ne pas avoir été en mesure d’établir eux-mêmes le décompte annuel des travaux de rénovation ne peut être davantage considéré comme un cas de force majeure au sens de la jurisprudence précitée, permettant d’envisager une restitution de délai. Au vu des éléments du dossier, cette situation résulte de l’organisation des rapports des recourants avec l’atelier d’architecture qui menait les travaux et avec le copropriétaire du bien en cause et, dans ce contexte, rien n’indique qu’ils n’aient pas été en mesure de prendre les dispositions utiles pour se faire remettre chaque année un décompte des travaux ou de tenir eux-mêmes les comptes des coûts qu’ils avaient assumés. Ils ne peuvent ainsi se prévaloir d’aucun cas de force majeure.

6) Les recourants soutiennent que la décision de l’AFC-GE constitue une violation de l’interdiction de la double imposition intercantonale et avoir dès lors agi en temps utile conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, soit dans le délai de trente jours suivant la notification de la dernière décision intercantonale, soit la décision sur réclamation de l’AFC-VD du 26 octobre 2015.

Le principe de l'interdiction de la double imposition au sens de
l'art. 127 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet et pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle ; ATF 134 I 303 consid. 2.1 ; 133 I 308 consid. 2.1 ; 132 I 29 consid. 2.1 ; 131 I 285 consid. 2.1).

Toutefois, la correction d’une éventuelle double imposition intercantonale résultant des taxations effectuées par les autres cantons ne peut être faite que par le Tribunal fédéral, qui peut attraire les décisions en question et statuer sur la répartition, en application de l’art. 100 al. 5 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Cette disposition ne s’applique qu’à la procédure de recours devant le TF. Les recourants ne peuvent ainsi s’en prévaloir au niveau cantonal.

7) Il reste à examiner si les recourants peuvent prétendre à une révision de l’IFD et de l’ICC 2013.

Selon l’art. 147 al. 1 let. a à c LIFD et l’art. 55 al. 1 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître, ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD et art. 55 al. 2 LPFisc).

En l’espèce, les recourants ne peuvent faire état d’aucun fait important ou preuve concluante découvert après le prononcé des bordereaux IFD et ICC 2013. Il ressort du dossier que les factures des travaux en cause ont été établies et réglées tout au long de l’année 2013, de sorte que les recourants étaient à même de disposer des éléments leur permettant de déterminer, ou de faire déterminer par un mandataire, le montant de la déduction fiscale. Il n’y a ainsi pas matière à révision.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2016 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique le présent arrêt à M. Georg NANEIX, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, juge, M. Hofmann, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :