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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13742/2023

ACJC/1173/2025 du 02.09.2025 sur JTBL/29/2025 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13742/2023 ACJC/1173/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 2 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 janvier 2025, représentée par Me Lida LAVI, avocate, Lavi Avocats, 9 rue Tabazan, 1204 Genève,

 

et

FONDATION B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Nadia Isabel CLERIGO CORREIA, avocate, Siegrist & Lazzarotto Avocats, quai des Bergues 23, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/29/2025 du 9 janvier 2025, le Tribunal des baux et loyers a déclaré efficace le congé notifié le 22 juin 2023 pour le 31 juillet 2023 par la FONDATION B______ à A______ concernant l'appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a condamné la précitée à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens l'appartement en cause (ch. 2), a transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel contre le jugement, au Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré que le congé extraordinaire fondé sur la violation de son devoir de diligence par la locataire, lequel s'inscrivait dans un contexte de conflit de voisinage, avait été motivé par le comportement de A______, soit des agressivités et des insultes proférées à l'encontre d'une locataire de l'immeuble. La précitée reprochait à C______ de causer plusieurs nuisances, notamment sonores, à l'unique fin de nuire à son fils en situation de handicap, reproches dont la véracité n'avait pas été démontrée. A______ avait reproché le même comportement à une autre voisine, laquelle avait contesté en être l'auteure. La précitée avait par ailleurs rencontré les mêmes complications dans son ancien logement. Ses allégations selon lesquelles les reproches faits par ses anciens voisins étaient liés au handicap de son fils, contestées par la bailleresse, n'avaient pas été prouvées. Il en allait de même du prétendu défaut d'isolation de l'immeuble.

En dépit des avertissements adressés tant à A______ qu'à C______, la situation ne s'était pas améliorée; au contraire, la police était intervenue à réitérées reprises et plusieurs plaintes pénales avaient été déposées. A______ n'avait par ailleurs pas initié le processus de médiation suggéré. Le comportement adopté par l'intéressée était suffisamment grave pour justifier une résiliation fondée sur l'art. 257f al. 3 CO.

B. a. Par acte déposé le 18 février 2025 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 1 à 3 de son dispositif. Elle a conclu à ce que la Cour déclare inefficace le congé notifié le 22 juin 2023.

b. Dans sa réponse du 21 mars 2025, la FONDATION B______ (ci-après : la FONDATION) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique et duplique des 15 avril et 6 mai 2025, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Par courrier du 15 mai 2025, A______ a derechef persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 23 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La FONDATION a pour but de délivrer des logements sociaux de type HBM à des locataires réalisant de bas revenus.

Elle bénéficie d'un droit de superficie, inscrit au Registre foncier, portant sur la parcelle sise chemin 1______ no. ______.

Un immeuble a été construit sur ladite parcelle; le chantier a débuté en février 2016 et s'est achevé en août 2018.

Il bénéficie du label MINERGIE.

b. Par contrat du 8 août 2018, la FONDATION a remis à bail à A______ un appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble précité.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année et quatre mois, du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2019, renouvelable par tacite reconduction d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé à 1'014 fr. par mois et les acomptes de charges à 160 fr.

c. La locataire vit dans le logement avec son fils D______, atteint d'un trouble du spectre autistique. Il présente des comportements de mise en danger nécessitant une surveillance constante et des crises lors de changement d'environnement. Les traitements médicamenteux utilisés n'avaient pas eu d'effet sur l'hyperactivité importante dont souffre l'enfant. Chaque changement d'environnement était source de stress pour celui-ci.

En accord avec la bailleresse, A______ a procédé à quelques aménagements spécifiques dans l'appartement pour la sécurité de son fils.

A______ souffre notamment d'une affection cardiaque et a suivi une chimiothérapie dans le courant de l'année 2022. Elle est incapable de travailler depuis l'année 2021.

d. Dès le début de l'année 2019, A______ a rencontré des problèmes de voisinage avec E______, habitant au 5ème étage.

Les deux voisines ont entamé une médiation en 2020 qui n'a pas abouti, malgré un certain apaisement de la situation.

e. Le 18 mai 2020, A______ a mis en demeure C______, habitant au 3ème étage, de cesser les nuisances sonores, récurrentes et intentionnelles. Elle a déploré le fait qu'elle refusait tout dialogue et conciliation.

f. Par pli du 4 juin 2020, A______ a informé la régie en charge de la gestion de l'immeuble que les nuisances dont elle se plaignait provenant de chez ses deux voisines (nuisances sonores volontaires et répétées tard dans la nuit et tous les jours aux alentours de 4h du matin), E______ et C______, n'avaient pas cessé. Une médiation avait pu être organisée avec la première nommée mais la seconde s'y refusait.

g. Le 17 juin 2020, C______ a transmis à la régie le courrier de A______ de mai 2020, contestant les reproches faits à son égard. Elle a précisé être mère de deux enfants en bas âge, soit une fille de 3 ans et un bébé de 6 mois, de sorte qu'aucun bruit ne survenait durant la nuit.

h. Le 4 mars 2021, A______ s'est à nouveau plainte auprès de C______ des nuisances provenant de son logement (divers bruits entre 3h30 et 6h du matin tels que vibrations, coups au plafond, plinthes et fenêtres, bruits de machine à café) de même qu'une attitude agressive dans le hall de l'immeuble. Elle lui a reproché d'avoir violé sa vie privée et d'avoir vandalisé sa cave et sa boîte aux lettres, notamment.

Le même jour, A______ a informé la régie des différents reproches faits à C______, à savoir dégradation de la porte de sa cave, comportement agressif, interception de son courrier et nuisances sonores (notamment vibrations et coups portés au plafond à des heures tardives, jets de meubles et objets lourds en fin de journée ou tôt le matin, bruits métalliques contre les plinthes ou les fenêtres, bruit de cor des Alpes aux aurores, cris et insultes…).

Le 23 mars 2021, la régie a pris note de ce courrier et a suggéré à A______ de faire appel à un collectif de médiation, précisant également avoir écrit à la voisine concernée. Elle a également proposé une telle médiation à C______.

i. Les 22 mars et 18 mai 2021, C______ et A______ ont déposé des plaintes pénales l'une contre l'autre pour calomnie.

Le Ministère public a rendu deux ordonnances de non-entrée en matière le
31 août 2021.

j. Le 7 décembre 2021, la régie, consciente de ce que la situation devenait préoccupante avec E______, a invité A______ à entreprendre une médiation.

Le 17 décembre 2021, A______ a refusé cette médiation, la précédente n'ayant pas abouti. Aucun dialogue n'était possible. Elle avait décidé de "couper tout lien toxique avec cette personne".

Le 4 janvier 2022, la régie a réitéré sa proposition d'organiser une médiation, demandant à A______ de trouver rapidement un "axe de temporisation". Si la situation devait persister ou empirer, les baux des belligérantes seraient résiliés.

Le 3 mars 2022, l'ancien conseil de A______ a indiqué à la régie que la santé de sa mandante ne lui permettait pas d'entreprendre dans l'immédiat une médiation mais que dès que son état le permettrait, elle ferait appel à un organisme de médiation, précisant qu'il était également nécessaire d'entreprendre une telle démarche avec C______.

k. Le 27 mai 2022, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale à l'encontre de C______ pour contrainte et diffamation.

Le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière le
2 août 2022.

l. Le 6 juillet 2022, C______ s'est plainte auprès de la régie du comportement de A______ qui l'accusait à tort de diverses nuisances sonores et qui faisait souvent appel à la police alors que cette dernière ne constatait jamais aucune nuisance. La précitée l'avait insultée en décembre 2021 dans la rue. C______ a précisé que la locataire était la seule habitante de l'immeuble qui se plaignait de bruit.

m. Le 14 juillet 2022, la régie a informé A______ avoir reçu une plainte d'un résident de l'immeuble en raison de plusieurs comportements inadéquats et lui demandait à nouveau de trouver rapidement un "axe de temporisation" sous menace de résiliation de bail. La tranquillité et la sécurité de l'ensemble des locataires devaient être préservées; tout manque de respect avéré envers le voisinage ne serait pas toléré. Si la situation devait persister ou empirer, afin de maintenir le calme dans l'immeuble, les contrats de chacun des belligérants seraient résiliés.

Le 24 août 2022, A______ a contesté les reproches à son égard et s'est plainte à son tour de nuisances venant de son voisinage, notamment sonores la nuit visant à perturber son fils autiste. Le comportement de son fils était le seul grief que ses voisins pouvaient avoir à son encontre; il était parfois agité et pleurait d'avantage qu'un enfant sans handicap. Elle avait pris des mesures pour atténuer le bruit. Les nuisances intentionnelles et répétées de C______, E______ et F______ relevaient selon elle du harcèlement moral.

Le 7 octobre 2022, l'ancien conseil de la locataire a également contesté les faits reprochés à sa mandante et a demandé l'identité de l'auteur des plaintes et des précisions sur les prétendus comportements inadéquats.

Le 14 octobre 2022, la régie a refusé de donner l'identité du plaignant, précisant que la plainte portait sur des comportements agressifs ainsi que des insultes proférées par A______. La situation actuelle était intenable, compte tenu des nombreuses plaintes de voisinage reçues à l'encontre de la précitée. Elle a maintenu les termes de son courrier du 14 juillet 2022.

n. Le 23 décembre 2022, la régie, faisant suite à son courrier du 14 octobre 2022, a adressé à A______ une ultime mise en demeure de faire le nécessaire, afin que les nuisances et doléances cessent, et de prendre rendez-vous auprès d'un service de gestion des conflits, sous 30 jours, et de lui fournir la preuve de cette démarche. A défaut, le bail serait résilié.

La régie a réitéré cette mise en demeure par pli du 6 janvier 2023.

Une mise en demeure a également été envoyée à la famille [de] C______ le
22 décembre 2022.

Le 18 janvier 2023, A______ a informé la régie que son état de santé ne lui permettait pas de se soumettre à une médiation, certificats médicaux à l'appui.

o. Le 30 mai 2023, A______ a adressé un courrier à C______ et E______ se plaignant de leur comportement, des nuisances sonores et du harcèlement dont elles faisaient preuve à son égard.

p. Le 9 juin 2023, C______ s'est plainte du comportement de A______ auprès de la régie. Elle avait reçu un courrier recommandé au contenu prétendument inexact, des plaintes et des appels de la police.

q. Par avis officiel du 22 juin 2023, la régie a résilié le bail de A______ pour le 31 juillet 2023, les nuisances qu'elle occasionnait persistant.

Par avis du même jour, elle a résilié le bail de la famille [de] C______.

r. Par requête déposée le 28 juin 2023 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de la Commission du 8 décembre 2023 et portée devant le Tribunal le
29 décembre 2023, A______ a conclu au constat de l'inefficacité du congé, subsidiairement à son annulation et plus subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans.

Elle a contesté la réalisation des conditions d'une résiliation pour défaut de devoir de diligence. Elle a fait état d'une mauvaise isolation de l'immeuble, laquelle engendrait de vives tensions entre les locataires.

Lors de son audition par le Tribunal, A______ a déclaré que peu de temps après son emménagement, en décembre 2018, elle avait reçu une lettre de la régie l'informant de plaintes à son encontre. Selon elle, les rapports avec E______ s'étaient dégradés lorsqu'elle était allée sonner chez elle en janvier 2019 pour se plaindre du bruit. Pour elle, la régie avait pris parti pour ses deux voisines et n'avait jamais tenu compte de ses doléances. Avant d'habiter au chemin 1______, elle logeait dans un autre appartement propriété de la même bailleresse et son bail avait été résilié en raison des plaintes de ses voisins, liées à l'attitude de son enfant, à savoir des cris et des pleurs. Elle avait décliné l'offre d'une nouvelle médiation en 2022 en raison de son état de santé puisqu'elle suivait une chimiothérapie. Elle aurait souhaité entamer une médiation avec C______ aussitôt que son état de santé lui aurait permis de le faire.

s. Le 29 juin 2023, A______ a porté plainte contre la bailleresse auprès du Ministère public pour discrimination envers son fils handicapé et parti-pris dans un conflit de voisinage.

Elle a également contacté la presse pour dénoncer sa situation, un article étant paru le ______ novembre 2023 dans [le journal] G______.

t. Par mémoire réponse et demande reconventionnelle du 8 mars 2024, la bailleresse a conclu, sur demande principale, à l'efficacité du congé et sur demande reconventionnelle, à l'évacuation de A______, avec mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

H______, directeur de la bailleresse, a déclaré au Tribunal que dans le cadre du précédent contrat de bail conclu avec A______, cette dernière avait rencontré des problèmes de voisinage. L'immeuble était neuf. Une médiation avait également été initiée aux frais de la bailleresse sans succès; le médiateur avait suggéré de reloger l'intéressée ailleurs. L'intéressée rencontrait dans l'immeuble actuel les mêmes difficultés que précédemment. A sa connaissance, aucun autre habitant de l'immeuble ne se plaignait de problèmes d'insonorisation de l'immeuble. En raison de la procédure pendante, les conditions de relogement de A______ dans un autre immeuble propriété de la bailleresse n'étaient pas réunies. Avant d'envisager un éventuel relogement, une analyse précise de la situation devrait être faite; les difficultés rencontrées à deux reprises avec le même locataire risquaient de se produire à nouveau.

u. Par mémoire de réponse à la demande reconventionnelle du 12 avril 2024, A______ a conclu au déboutement de la bailleresse de ses conclusions.

v. Le 1er juin 2023, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale à l'encontre de ses deux voisines, pour harcèlement moral, diffamation, tapages sonores, xénophobie et discrimination d'un enfant mineur impotent.

Par ordonnance de non-entrée en matière du 20 décembre 2023, le Ministère public a retenu que la police était intervenue à de très nombreuses reprises, que les faits reprochés n'étaient pas suffisamment décrits, qu'il n'était pas possible de définir une période pénale claire et que les faits semblaient s'inscrire dans le cadre d'un conflit de voisinage de longue durée.

w. Le 27 juin 2023, C______ a adressé à la régie une pétition signée par
12 personnes selon laquelle elle était victime d'harcèlement et de calomnie de la part de A______. Les signataires attestaient que C______ était une personne très discrète, respectueuse, calme et entretenant de bons rapports de voisinage.

x. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties, dont les déclarations ont été reprises ci-avant, et de témoins.

I______, habitant dans l'immeuble au 7ème  étage, a déclaré qu'il n'avait pas constaté de problème d'insonorisation. Il avait connaissance du conflit entre ses voisines. A______ lui avait indiqué que ses deux voisines faisaient du bruit pour l'embêter, à des heures plus que tardives. La voisine du 5ème étage l'avait approché pour signer une pétition car son bail avait été résilié mais il ne l'avait pas signée. Il n'avait aucun problème avec A______ et n'avait entendu personne d'autre se plaindre d'elle, ni des deux autres voisines.

J______, gestionnaire de l'immeuble au sein de la régie, a déclaré qu'en dehors de C______, elle n'avait pas reçu de plaintes d'autres locataires à l'endroit de A______. Le concierge lui avait toutefois rapporté des agressions verbales entre les trois voisines, en 2022. Un locataire s'était plaint de bruit causé par C______. Elle n'avait pas connaissance de problèmes d'insonorisation de l'immeuble. Depuis les résiliations, C______ cherchait un nouveau logement et d'un point de vue général, la situation s'était calmée. Le bail de E______ n'avait pas été résilié. Après la médiation, aucune plainte n'avait émané de l'une ou l'autre des protagonistes, ce qui indiquait que E______ était sortie du conflit. De son point de vue, A______ n'avait rien entrepris pour que la situation s'apaise avec C______. Le congé était motivé par le conflit de voisinage, étant précisé que A______ avait rencontré des problèmes similaires auparavant. La médiation proposée n'avait dans un premier temps pas été initiée en raison de l'affection dont souffrait la précitée. Elle avait ensuite clairement indiqué qu'elle ne souhaitait pas entamer cette médiation.

E______ a exposé ne rencontrer aucun problème avec les habitants de l'immeuble. Il était arrivé que A______ vienne frapper à sa porte assez violement à 5h du matin une fois et durant l'après-midi une autre fois en lui reprochant de faire du bruit et elle avait alors appelé la police. Une séance de médiation avait eu lieu avec la précitée; le médiateur l'avait informée que les séances suivantes avaient été annulées sans qu'elle n'en connaisse les raisons. Depuis lors, elle évitait de croiser A______ et elle n'osait pas inviter des gens chez elle de peur que l'intéressée se plaigne du bruit, la police étant venue à plusieurs reprises chez elle après appel de A______. Elle avait en outre été très affectée par le courrier de la précitée du 30 mai 2023.

C______ a déclaré qu'au mois de mai 2020, deux ans après son emménagement, A______ lui avait adressé un premier courrier dans lequel elle lui reprochait de faire du bruit la nuit et qu'elle devait cesser ce comportement sous menace de dénonciation aux services sociaux pour le retrait de la garde de ses enfants. La précitée s'était par la suite excusée lui disant que le courrier était en réalité adressé à une voisine du 5ème étage. Elle avait ensuite reçu d'autres courriers de A______, qu'elle avait transmis à la régie. La police s'était rendue à plusieurs reprises chez elle à la demande de la précitée mais n'avait rien constaté. Elle avait contesté son congé mais la bailleresse lui avait dit qu'elle ne la considérait pas comme responsable. Elle cherchait à déménager mais son dossier était suspendu en raison de la procédure. Elle avait accepté la médiation en 2022 mais A______ l'avait refusée.

y. Les 14 octobre et 3 décembre 2024, A______ a déposé des plaintes à l'encontre de C______, auprès du Tribunal de première instance et du Ministère public, en lien avec les déclarations de la précitée relatives à la menace de dénonciation aux services sociaux pour retrait de la garde des enfants de C______, qui étaient selon elle fausses.

z. Par plaidoiries finales des 11 et 15 novembre 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

La bailleresse a déposé une réplique spontanée le 29 novembre 2024.

La cause a été gardée à juger le 10 décembre 2024.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1).

1.2 En l'espèce, la résiliation du bail est litigieuse. Au vu du montant annuel du loyer, charges comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est donc ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.  L'appelante conteste la réalisation des conditions de résiliation de l'art. 257f CO. Elle fait grief au Tribunal d'avoir constaté les faits et apprécié les preuves de manière arbitraire et ainsi procédé à une application arbitraire de l'art. 257f al. 3 CO.

2.1 Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de
30 jours pour la fin d'un mois.  

Cette disposition vise un cas particulier d'inexécution des obligations, spécifique à la relation entre bailleur et locataire, et en règle les effets. Dans son domaine de validité, elle exclut l'application des règles générales de l'art. 107 CO relatif aux droits de la partie qui ne parvient pas à obtenir le respect d'un contrat
(ATF 132 III 109 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du
9 février 2021 consid. 4.1; 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1). 

2.2 La résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes: une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit préalable du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêts du Tribunal fédéral 4A_468/2020 précité ibid; 4A_457/2013 du
4 février 2014 consid. 2 et les arrêts cités).  

Le comportement du locataire doit constituer une violation de son devoir de diligence ou un usage de la chose violant les stipulations du contrat
(ATF 132 III 109 consid. 5; 123 III 124 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 du 17 décembre 2024 consid. 4.2; 4A_500/2023 du 11 avril 2024 consid. 5.1.1). Le manquement reproché au locataire doit atteindre une certaine gravité (ATF 134 III 300 consid. 3.1). Cette violation n'est pas nécessairement le fait du locataire, lequel répond des actes de ses auxiliaires, soit notamment des personnes avec qui il vit, des visites, des employés ou des sous-locataires (arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 précité consid. 4.2; 4A_227/2017 du
5 septembre 2017 consid. 5.1.2; 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1; 4A_296/2007 du 31 octobre 2007 consid. 2.2). 

L'application du régime de l'art. 257f al. 3 CO requiert un avertissement écrit du bailleur. L'avertissement doit indiquer précisément quelle violation est reprochée au locataire, afin que celui-ci puisse rectifier son comportement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 précité consid. 4.2; 4A_500/2023 précité
consid. 5.1.2; 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3; 4A_263/2011 du
20 septembre 2011 consid. 3.2; Lachat/Bohnet, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n. 10 ad art. 257f CO; Higi/Bühlmann, in Zürcher Kommentar, 5e éd. 2019, n. 51 ad art. 257f CO; Lachat, Le bail à loyer, 2019,
p. 887 n. 3.1.7). 

La persistance du locataire à ne pas respecter ses devoirs suppose que les perturbations se poursuivent malgré la mise en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 précité consid. 4.2; 4A_655/2017 précité consid. 3; 4A_173/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.2). 

2.3 L'excès de bruit et l'irrespect des règles d'utilisation des parties communes constituent, en cas de réitération malgré un avertissement, des motifs typiques de congé pour manque d'égard envers les voisins (ATF 136 III 65 consid. 2.5; arrêt 4A_44/2014 du 17 mars 2014 consid. 2.1).

La violation peut également consister en des dénonciations réitérées du comportement des voisins au bailleur ou à la police, sans que cela ne soit justifié (arrêts du Tribunal fédéral 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3; 4A_173/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.2). 

Selon la jurisprudence, le maintien de plaintes pénales à l'encontre de voisins, pour des faits qui sont l'objet même du conflit de voisinage, est de nature à envenimer ce conflit, à tout le moins à l'entretenir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_655/2017 précité consid. 4.2.2).

2.4 Pour apprécier la validité du congé anticipé, le juge doit prendre en considération le motif de congé invoqué par le bailleur et se placer au moment où il a été notifié (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_284/2024 précité consid. 4.4; 4A_596/2019 du 30 juin 2020 consid. 4.1).  

  2.5 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat
(ATF 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1 et les références; 140 III 16 consid. 2.1; 140 III 157 consid. 2.1; 139 III 334 consid. 3.2.5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_58/2017 du 7 avril 2017 consid. 2.1; 5A_895/2016 du 12 avril 2017 consid. 2).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références; 137 III 226 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 2.2.1).

2.6 En l'espèce, l'appelante conteste la réalisation des conditions d'une résiliation extraordinaire pour violation de son devoir de diligence. Elle fait valoir que cette prétendue violation n'a pas été démontrée et qu'en tout état, ses comportements ne seraient pas d'une gravité suffisante pour rendre la poursuite du bail intolérable pour les autres habitants de l'immeuble.

Dès son emménagement, l'appelante s'est plainte auprès de l'intimée de nuisances que sa voisine du dessus, E______, aurait occasionnées. Elle a également, un peu plus d'un an plus tard, été en conflit avec sa voisine du dessous, C______.

L'appelante tente de minimiser la situation en affirmant ne pas être la seule locataire de l'immeuble à rencontrer des problèmes de voisinages avec C______, se fondant sur le témoignage de la gestionnaire de l'immeuble. Si, certes, le témoin J______ a déclaré qu'un autre locataire s'était plaint du bruit occasionné par la précitée, elle n'a pas fait état de la personne en cause ni témoigné de ce que ce locataire se serait plaint à réitérées reprises des agissements de C______. En tout état, le fait qu'un locataire se soit plaint du comportement de la précitée ne saurait justifier le comportement adopté par l'appelante à l'égard de l'intéressée.

Les conflits entre l'appelante et ses deux voisines résultent indéniablement tant des pièces de la procédure que des témoignages recueillis (J______, C______, E______).

Il est constant que l'appelante a fait appel à réitérées reprises à la police, pour se plaindre de prétendues nuisances sonores provenant de chez ses deux voisines, et que celle-ci n'a constaté aucun bruit chez les intéressées. Il est également constant que l'appelante a déposé plusieurs plaintes pénales contre sa voisine C______, lesquelles ont fait l'objet d'ordonnances de non-entrée en matière du Ministère public, et qu'elle a également déposé plainte pénale contre l'intimée. Ces comportements dénotent d'un manque d'égards, tant envers les autres habitants de l'immeuble qu'envers l'intimée, et constituent une violation du contrat.

Les nombreuses interventions de la police chez ses voisines, sans comportement répréhensible démontré, sont par ailleurs de nature à troubler la tranquillité et la sérénité des intéressées.

Le sentiment de persécution de l'appelante et le fait qu'elle ferait l'objet de discriminations en raison de la maladie dont est atteint son fils ne sont objectivés par aucun élément du dossier.

L'appelante soutient qu'aucun locataire hormis C______ ne se serait plaint à la bailleresse, de sorte qu'il s'agirait de la parole de l'une contre l'autre. Ce faisant, l'appelante passe sous silence la médiation qui a eu lieu avec sa voisine E______ et le fait que malgré celle-ci, laquelle avait apaisé la situation, elle a continué à adresser à l'intéressée des courriers de doléances, lesquelles n'ont pas été démontrées dans la présente procédure. Lors de son audition, la témoin E______ a déclaré qu'elle n'osait plus inviter personne chez elle de peur que l'appelante ne se plaigne de bruit et qu'elle évitait de croiser l'appelante.

Il résulte du témoignage de J______ que le précédent bail de l'appelante a été résilié pour violation de son devoir de diligence, pour des problèmes similaires. Sur ce point également, l'appelante substitue sa propre appréciation des faits à ceux constatés par le Tribunal. A son sens, son bail aurait été résilié en raison des bruits causés par son fils. Ce fait ne résulte toutefois pas des témoignages recueillis. Contrairement à ce que soutient l'appelante, rien ne justifie de s'écarter du témoignage de J______. L'appelante n'a d'ailleurs produit aucune pièce venant asseoir son allégation selon laquelle la précédente résiliation aurait reposé sur les désagréments causés par son fils en raison de sa maladie.

Il convient ainsi de retenir que l'appelante a adopté dans l'immeuble actuel le même manque d'égards envers ses voisins que dans le précédent immeuble dans lequel elle vivait.

L'appelante n'a eu de cesse d'entretenir son conflit avec ses voisines, leur adressant régulièrement des courriers de mises en demeure de cesser des comportements, qui n'ont pas été démontrés.

L'intimée a adressé à l'appelante plusieurs mises en demeure d'apaiser la situation et d'entamer des démarches en ce sens, auxquelles la précitée n'a pas donné suite. Si, certes, l'appelante a été gravement atteinte dans sa santé, et n'était pas en mesure, durant un certain temps, de pouvoir participer à une médiation, il résulte également du témoignage de J______ que l'appelante a ensuite refusé de s'y soumettre. Elle a, de plus, continué à envenimer la situation en adressant des courriers – dont les faits allégués non sont pas établis – à ses voisines.

Il est également constant qu'après les mises en demeure, l'appelante n'a pas modifié son comportement vis-à-vis de ses voisines, dès lors qu'elle leur a adressé un courrier le 30 mai 2023, postérieurement à l'ultime mise en demeure de l'intimée du 6 janvier 2023.

Les comportements réitérés de l'appelante envers ses voisines sont d'une gravité suffisante pour rendre le maintien du bail insupportable. Les dénégations de l'appelante à cet égard sont sans portée.

Ainsi, le Tribunal a correctement établi les faits et apprécié les preuves.

Enfin, le contrat a été résilié en respectant le délai de 30 jours pour la fin d'un mois.

S'il est indéniable, au vu des certificats médicaux produits, qu'un déménagement est de nature à créer un stress important chez le fils de l'appelante, lequel a besoin d'un environnement stable, ce fait ne saurait être pris en considération pour juger de la gravité des agissements de l'appelante. Tout au plus pourra-t-il être pris en compte lors de l'exécution du jugement d'évacuation.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation anticipée au sens de l'art. 257f al. 3 CO étaient réunies et a déclaré efficace le congé notifié.

Comme l'appelante ne disposait plus d'aucun titre l'autorisant à occuper le logement (art. 267 al. 1 CO), le Tribunal était fondé à ordonner l'évacuation immédiate de l'appelante de l'appartement en cause.

Il sera par ailleurs relevé que l'appelante ne semble pas mesurer les effets du comportement qu'elle adopte vis-à-vis de son voisinage, dès lors qu'elle a derechef déposé plainte pénale à l'encontre de C______, après son audition par le Tribunal, et persiste donc à envenimer le conflit de voisinage.

2.7 L'appel se révèle ainsi infondé. Le jugement sera par conséquent confirmé.

3.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182
consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 février 2025 par A______ contre le jugement JTBL/29/2025 rendu le 9 janvier 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13742/2023‑4-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.