Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1237/2025 du 04.11.2025 sur JTAPI/1216/2023 ( LCI ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/551/2023-LCI ATA/1237/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 4 novembre 2025 3ème section |
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dans la cause
A______ et B______ recourants
représentés par Me Mattia DEBERTI, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2023 (JTAPI/1216/2023)
A. a. A______ et son frère B______ sont copropriétaires des parcelles adjacentes nos 1'110 et 1'111 de la commune de C______ (ci-après : la commune). Ces parcelles ont été acquises par l'arrière-grand-père des propriétaires actuels, D______, en 1935 pour la première et en 1963 pour la seconde. Elles sont revenues à son décès, survenu en 1966, à sa veuve puis, par succession ou acte entre vifs, à la grand-mère des propriétaires actuels, à leur mère puis finalement à eux-mêmes en 2021.
b. Les parcelles nos 1'110 et 1'111 sont situées pour partie en zone agricole et pour partie en zone de bois et forêts.
Elles font partie du périmètre protégé des rives du Rhône et sont comprises dans l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale IFP « Le Rhône genevois – Vallons de l’Allondon et de la Laire » ainsi que dans celui des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ci‑après : ISOS) pour C______.
Selon le plan directeur cantonal 2030, soit notamment sa fiche C06 et sa carte n° 8, ces parcelles se trouvent le long du couloir biologique et à enjeux « Champagne genevoise », ainsi que dans le périmètre de la fiche n° 9 rattachée à la fiche C08 visant à consolider les espaces naturels protégés.
Les deux parcelles sont entourées au sud de plusieurs parcelles situées essentiellement en zone agricole et, sur les trois autres côtés, de surfaces boisées.
Environ 100 m au sud des parcelles se trouve une bifurcation du chemin E______, venant du village de C______ : sa partie droite devient après quelques dizaines de mètres un chemin piétonnier qui longe le côté droit (est) des parcelles nos 1'110 et 1'111 avant de s'enfoncer dans la forêt en direction des rives du Rhône, alors que sa partie gauche rejoint, moins de 100 m après la bifurcation, le chemin des F______, venant également de C______, puis, une trentaine de mètres plus loin, pénètre sur la parcelle n° 1'110 par son côté gauche (ouest).
c. La parcelle n° 1'110 a la forme d'un quadrilatère irrégulier avec à sa base, au sud, une limite rectiligne d'environ 110 m orientée du sud à l'est, et une limite nord plus accidentée et plus courte (environ 80 m), les deux côtés étant plus ou moins rectilignes et d'une longueur de 85 m pour la limite ouest et de 55 m pour la limite est.
Deux bâtiments s'élèvent sur la parcelle n° 1'110, soit une habitation à un logement d'une surface au sol de 83 m² et un garage d'une surface de 19 m².
La parcelle n° 1'110 est accessible aux véhicules motorisés par une voie non bitumée y pénétrant par son côté ouest et la reliant au village de C______ par les chemins E______ et des F______.
La parcelle n° 1'111 est une bande de terrain d'une largeur approximative de 13 m adjacente à la limite sud de la parcelle n° 1'110, avec laquelle elle forme une unité.
Les parties nord et est des parcelles sont occupées par une surface boisée, englobant la totalité de la zone bois et forêts, formant une sorte de croissant et laissant une partie centrale, ouest et sud dégagée, occupée par les constructions et les voies permettant d'y accéder, un jardin et pour le surplus par de la végétation. Sous réserve d'un portail en bois supporté par deux piliers en granit, situé à l'entrée ouest de la parcelle n° 1'110, les deux parcelles sont entourées par une clôture métallique à large treillis d'environ 1 m de hauteur, largement invisible car dissimulée par la forêt ou, du sud du portail à la partie boisée située à l'est de la parcelle n° 1'111, par une haie d'une hauteur légèrement supérieure à 2 m.
B. a. Par décision du 13 juillet 2021, dans le cadre d’une requête en non‑assujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) de la parcelle n° 1'110, l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a constaté que onze constructions ou installations avaient été répertoriées sur cette parcelle, dont cinq (objets désignés par les lettres A, C, D, F et I) avaient été construites entre les années 1950 et 1960 sans autorisation, selon les indications du représentant de la copropriétaire. Il s'agissait en particulier, en ce qui concerne les objets encore litigieux, du portail situé à l'entrée de la parcelle, côté ouest, en bois, porté par deux piliers en granit (objet A), et de la clôture en métal d'environ 1 m de hauteur située en limite de parcelle, sauf le long de la parcelle n° 1'111.
Dès lors, il allait ordonner, par décision séparée, le rétablissement d’une situation conforme au droit concernant ces cinq objets.
b. Le 27 juillet 2021, A______ a transmis au département diverses photos prouvant selon elle qu’à l’exception de la cabane de jardin (objet D) toutes les constructions avaient plus de 50 ans.
c. Le 15 octobre 2021, le département a imparti à A______ et B______ un délai de dix jours pour faire valoir leurs observations quant aux constructions et installations réalisées sur la parcelle, sans autorisation, à savoir, notamment :
- le portail (objet A) situé à l’entrée de la parcelle, côté ouest, en bois, porté par deux piliers de granit ;
- la clôture en métal d’environ 1 m de hauteur (objet I) située en limite de parcelle, sauf le long de la parcelle n° 1'111.
d. A______ a exposé, le 25 octobre 2021, que le portail (objet A) avait été réalisé en 1970 et avait un aspect d’utilité publique, confirmé par la commune de C______ dans son courrier au département du 20 octobre 2021, car empêchant les promeneurs se dirigeant vers la réserve naturelle G______ de se détourner du tracé officiel et partant de se perdre. La clôture (objet I) permettait aussi d’empêcher les promeneurs de se détourner du chemin officiel, ainsi que d’accueillir des ânes et des ovins sur la parcelle.
e. Par deux décisions du 17 décembre 2021 (I-1______), le département a ordonné à A______ et B______ de requérir une autorisation de construire afin de régulariser la situation des objets A, D, F et I et de remettre en état le terrain naturel dans un délai de 30 jours. Il renonçait à exiger la remise en état de l’objet C.
f. Le 14 janvier 2022, A______ a déposé une requête en autorisation de construire (DD 2______/1) en vue de la régularisation de l’infraction I-1______, pour les objets A, D, F et I. La requête portait également sur la clôture entourant les trois côtés ouest, sud et est de la parcelle n° 1'111, non concernée par le constat d'infraction, non adjacents à la parcelle n° 1'110.
Leur famille avait construit ces installations sans autorisations préalables entre les années 1950 et 1960. Le portail (objet A) avait été réalisé en 1970 pour empêcher les promeneurs de s'égarer sur leur propriété. La commune avait de son côté pris des mesures pour améliorer la signalétique destinée aux randonneurs. La clôture (objet I) avait été posée dans les années 1960 par leurs grands-parents et permettait d'éviter toute intrusion fortuite des randonneurs, d'accueillir des ânes et des ovins sur la partie basse à l'ouest de la parcelle n° 1'110 et d'éviter une fauche mécanique pluriannuelle.
Dans un courrier au département du 16 juin 2022, A______ a encore relevé que les parcelles voisines étaient utilisées par la commune pour les festivités du 1er août. Si la clôture (objet I) était supprimée, il faudrait donc en installer une, provisoire, de 150 m pour prévenir les incivilités. Cette clôture permettait en outre d’empêcher la venue de gros gibier. Conformément aux recommandations formulées dans la procédure de consultation, elle s'engageait à ce que la clôture située dans la partie forestière de la parcelle n° 1'110, au nord et à l'est de celle-ci, ainsi qu'à l'est de la parcelle n° 1'111, soit déposée et reportée en dehors de cette partie. L'ensemble de la clôture serait par ailleurs aménagé de manière à permettre le passage de la petite faune, ce qui était déjà partiellement le cas.
g. A______ a encore transmis des observations le 19 octobre 2022.
h. Dans le cadre de l’instruction de la requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :
- le 19 septembre 2022, de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), favorable avec dérogation de l’art. 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) ; elle ne s’opposait plus à l’installation d’un portail et d’une clôture ;
- le 16 novembre 2022, de l’office de l’urbanisme (ci-après : OU), lequel après plusieurs autres préavis, a sollicité la modification du projet ; les aménagements, dépourvus d’autorisation de construire n’étaient pas au bénéfice de la garantie de la situation acquise selon l’art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) ; non conformes à la zone agricole, ils ne pouvaient être autorisés ;
- le 21 novembre 2022 de la commission de consultation de la diversité biologique (ci-après : CCDB), favorable à une dérogation au sens de l’art. 11 LForêts, vu la plus-value apportée à la végétation forestière ;
- le 2 décembre 2022, de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), défavorable, après plusieurs autres préavis ; la clôture et le portail situés à l’ouest de la parcelle n° 1'110 pouvaient bénéficier de la garantie de la situation acquise au sens de l’art. 24c LAT ; cependant, la clôture séparant les parcelles nos 1'112 et 1'111 ainsi que la clôture déplacée de la zone forêt dans la zone agricole n’étaient pas conformes à la zone ; néanmoins, comme il n'y avait pas d'impact sur les surfaces d'assolement, ni sur des surfaces agricoles utiles, que les aménagements projetés ne portaient pas atteinte à l'exploitation agricole des terrains avoisinants et qu'il y avait un besoin de maîtriser le gibier et le cheminement des randonneurs, il laissait le soin à l’autorité compétente de procéder à une pesée des intérêts en présence ;
- le 11 février 2023, de la commune de C______, favorable, sans observations ;
- le 23 juin 2022, de l’office des autorisations de construire (ci-après : DAC), qui a demandé la poursuite de l’instruction, relevant que le portail et la clôture n’étaient pas conformes à la zone et devaient être supprimés, sous réserve de l’avis des instances spécialisées.
i. Par décision du 12 janvier 2023, le département a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée, faisant sien les préavis défavorables de l’OCAN, l’OU et la DAC.
C. a. Par deux décisions séparées du 27 janvier 2023 adressées à A______ et à B______, le département a ordonné le rétablissement d’une situation conforme au droit d’ici au 28 avril 2023 avec remise en état du terrain naturel après démolition/suppression/évacuation des objets A, D, F et I de la parcelle n° 1'110 (I-1______).
b. Aucun recours n’a été déposé contre ces décisions.
D. a. Par acte du 13 janvier 2022, A______ et B______ ont formé recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de refus d'autorisation du 12 janvier 2023.
La parcelle n° 1'110 et la maison d’habitation qui y était édifiée depuis 1915-1916 n’étaient pas utilisées pour l’agriculture. Le portail existait antérieurement à 1955 et la clôture séparant les parcelles nos 1'111 et 1'112 avait été installée en 1964, soit avant 1972.
Aucun intérêt public n’imposait l’enlèvement de la clôture. Celle-ci permettait notamment d’empêcher les sangliers d’endommager le jardin. Là où la clôture allait être déplacée, elle serait aménagée pour permettre le passage de la petite faune. C’était donc à tort que le département n’avait pas envisagé l’application de l’art. 24c LAT et affirmé que l’autorisation ne pouvait être délivrée qu’avec l’accord de l’OCAN, alors que l’art. 82 al. 2 loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), pour autant que légal, n’imposait pas cet accord. L’OCAN avait reconnu l’intérêt tant public que privé des installations.
b. La commune a confirmé que le maintien de la clôture et du portail à l’entrée de la parcelle n° 1'110 côté est était indispensable afin de canaliser les promeneurs ainsi que le public des festivités du 1er août.
c. Le département a conclu au rejet du recours.
Une séance avait eu lieu le 22 mai 2023 avec A______ et B______ afin d’étudier une nouvelle implantation de la clôture pour l’éloigner au maximum de la forêt. Toutefois, il n’avait pas identifié de projets de clôture et de portail autorisables.
La LCI du 27 avril 1940, applicable au moment de la réalisation de ces deux objets, assujettissait déjà ce type de constructions à l'obtention d'une autorisation de construire. L’art. 24c LAT était inapplicable en l’espèce du seul fait déjà que les objets litigieux n’avaient pas été érigés ou transformés légalement au sens de son al. 2, comme justement relevé par l’OU.
La préservation de la forêt et la valorisation de la lisière forestière justifiaient d’interdire toute clôture en forêt ou à proximité. De plus, la clôture et le portail litigieux ne répondaient pas à des besoins de l’agriculture. Les conditions de l’art. 4 al. 2 de la loi sur la protection générale des rives du Rhône du 27 janvier 1989 (LPRRhône - L 4 13) interdisaient dès lors leur régularisation. Les installations litigeuses n’étaient de toute façon pas objectivement imposées par leur destination (art. 24 al. 1 LAT). L’al. 2 de l’art. 24 LAT n’était pas non plus applicable vu l’intérêt public à la préservation de la forêt, respectivement des rives du Rhône et de la zone agricole.
La plus-value décrite par la CCDB découlait de la suppression de la clôture sise dans la forêt et non pas de son remplacement tel qu’envisagé. La clôture projetée, malgré sa localisation en dehors de la forêt cadastrée, viendrait péjorer la situation telle qu’elle devrait être au terme de la remise en état.
d. Dans leur réplique, A______ et B______ ont relevé qu’ils avaient démontré que le portail et la clôture litigeuse étaient antérieurs à 1950, période à laquelle le portail avait été rénové, ce qui impliquait qu’il fût alors déjà construit. Il était manifeste que la clôture avait été posée en même temps, sans quoi le portail n’aurait eu aucune utilité. Compte tenu de l’ancienneté des faits et des changements de propriétaires successifs, il n’était pas possible de retracer précisément l’historique antérieur de ces constructions litigieuses. Il était hautement vraisemblable qu’elles remontent à la construction de la maison, vers 1918.
La LCI du 6 avril 1918 permettait la pose d’une clôture ou d’un portail sur tout le territoire genevois. Une autorisation n’était requise que si la construction était en limite d’une voie publique. Un défaut d’autorisation ne permettait pas d’en exiger la démolition. La parcelle n° 1'110 n’était bordée que sur environ 50 m par un petit chemin vicinal. La loi de 1918 exigeait l’établissement de clôtures suffisantes en bordure des voies publiques, ce qui confirmait que le portail et la barrière avaient nécessairement dû être construits et posés dès la construction de la maison, laquelle avait été cadastrée le 3 juin 1918. Vu la date de cette inscription au cadastre, il était vraisemblable que la maison ait été édifiée avant l’entrée en vigueur de la LCI du 6 avril 1918 et que la question devrait être examinée par référence à la loi antérieure, de 1885. Il était ainsi possible qu’aucune autorisation n’ait été nécessaire à l’époque, même pour la partie de la clôture en bordure du chemin vicinal. Ce n’était que dès 1940 que la LCI avait soumis à autorisation toutes les clôtures et les portails. Le département ne prétendait pas qu’une amende aurait été infligée, ce qui tendait à démontrer qu’une autorisation avait été obtenue à l’époque, dans la mesure où elle aurait été nécessaire. Un défaut d’autorisation ne permettait pas d’exiger une démolition puisque ces constructions de faible importance étaient conformes à la loi applicable et réputées ratifiées par l’autorité compétente. De surcroît, le délai de péremption trentenaire aurait pu s’appliquer.
Ils peinaient à comprendre l’acharnement avec lequel le département voulait obtenir la suppression de la clôture et du portail, soit une situation qui existait depuis des décennies, voire plus d’un siècle.
Ils avaient prévu le déplacement de la clôture afin d’éviter toute atteinte à la forêt. La zone agricole n’était pas concrètement mise en péril puisque leurs parcelles n’étaient pas exploitées pour l’agriculture. Enfin, les rives du Rhône ne subissaient aucune atteinte.
e. Dans sa duplique du 24 août 2023, le département a relevé qu’une construction des deux installations litigieuses en 1918 n’était qu’une vaine conjecture.
f. Le 12 octobre 2023, le TAPI a procédé à un transport sur place en présence des parties ainsi que de la maire de la commune de C______.
f.a Le département a indiqué que l’ordre de remise en état, qui ne portait que sur la parcelle n° 1'110, était en force et qu'il avait exigé la suppression totale de la barrière concernée par cet ordre. L’abattage de la haie n'avait pas été demandé, contrairement à la suppression de la barrière située dans la haie à droite du portail d’entrée, le long du chemin d’accès. La procédure de désassujettissement de la parcelle n° 1'110 était terminée. Il y avait eu une demande de régularisation pour une barrière sur la parcelle n° 1'111 qui, en l’état, n’avait pas fait l’objet d’une demande de remise en état. Il n’était absolument pas possible de mettre une barrière en zone agricole.
A______ et B______ ont indiqué qu'ils souhaitaient déplacer la barrière située en zone forêt, constituée d’un grillage à large treillis, à 2 m de ladite zone. Ce type de barrière ajourée faisait le tour de la propriété le long de la zone forestière. Sans celle-ci, les sangliers dévastaient tout le jardin en quelques heures. Leur grand-père avait acquis la parcelle n° 1'111 en 1963, relié les deux parcelles et déplacé la barrière du côté de la limite de la parcelle n° 1'111. Pendant une certaine période, ils avaient mis à disposition la parcelle du bas à des paysans qui amenaient leurs ânes et moutons pour paître.
Le département a indiqué qu'il ne faisait aucune différence entre une barrière en treillis et une barrière ajourée. Seule la petite faune pouvait passer à travers la seconde.
La maire de la commune a confirmé que le sentier G______ était très fréquenté par les habitants mais aussi des enfants en courses d’école. Les parcelles de la commune, voisines de la parcelle n° 1'111, étaient un poumon de verdure pour les habitants et leurs chiens. Des fauches avec des animaux y étaient également réalisées.
Le département a constaté la présence d’un bout de barrière récent à l’extrémité de la parcelle n° 1'110. Il n'allait pas demander la suppression de la haie le long de la parcelle n° 1'111.
A______ et B______ ont répondu qu'ils entretenaient régulièrement la barrière en remplaçant des éléments abîmés et en la redressant.
À l’angle avec le chemin piétonnier, la juge du TAPI a constaté que, sur une quinzaine de mètres, la barrière était en petit treillis plus récente, avant d’être reliée à une barrière à large treillis.
A______ et B______ ont relevé que le champ de cyclamens sur le haut de la parcelle n° 1'111 serait piétiné par les animaux sauvages si la propriété n’était pas entourée d’une barrière. La barrière était sur leur parcelle et la haie sur la parcelle n° 1'112.
g. Dans leurs observations finales du 24 octobre 2023, A______ et B______ ont soutenu qu’aucun ordre de remise en état n'avait été prononcé.
Le tronçon plus récent de la barrière litigieuse en lisière de forêt correspondait à de l'entretien de l'ancienne barrière, étant rappelé que les principes de l'art. 24c LAT étaient applicables. Cette barrière, installée avant 1972, bénéficiait de la garantie de la situation acquise.
h. Selon le département, les dates auxquelles avaient été érigées les installations litigieuses selon les propriétaires étaient devenues de plus en plus anciennes, sans que de quelconques éléments probants soient fournis. Le sentier G______ se situait, pour la partie la plus proche des parcelles concernées, en zone des bois et forêts, ce qui confirmait que d'autres mesures et/ou installations conformes à l'affectation de la zone permettaient à la commune de signaler aux personnes le fréquentant la séparation avec la propriété privée. La reconstruction à neuf de certaines parties de la clôture ne pouvait être assimilée à de l'entretien.
i. Le TAPI a, par jugement du 2 novembre 2023, rejeté le recours, rappelant qu’il était dirigé contre le refus du 12 janvier 2023 d'autorisation de construire et non pas l'ordre de remise en état selon décisions du 27 janvier 2023, dès lors qu'aucun recours n'avait été formé contre celles-ci.
Seule demeurait litigieuse la question de la régularisation du portail à l'entrée est de la parcelle n° 1'110 et de la clôture le long des parcelles nos 1'110 et 1'111, sises en zone agricole.
Les deux parcelles précitées étaient comprises dans le périmètre de protection des rives du Rhône, à l'intérieur duquel les constructions, notamment les clôtures, n’étaient en principe pas autorisables, sauf si imposées par leur destination (art. 4 LPRRhône). Il était manifeste que tant le portail que la clôture n'avaient aucune vocation agricole et aucun élément ne permettait de s'éloigner des préavis défavorables de l'OCAN et de la DAC. La délivrance d'une autorisation de construire au sens de l'art. 22 LAT n'était donc pas possible.
Aux dires des copropriétaires, le portail et la clôture avaient avant tout pour objectif de délimiter le périmètre de leur parcelle et ainsi empêcher les promeneurs et le gibier d'y pénétrer. Ces motivations, bien que compréhensibles, ne correspondaient pas à des raisons objectives justifiant leur implantation en zone agricole au sens de l'art. 24 let. a LAT. Ainsi, dès lors que la première des conditions cumulatives de l'art. 24 LAT n'était manifestement pas remplie, il n'était pas nécessaire d'examiner si la seconde était réalisée.
Les copropriétaires prétendaient que ces deux constructions seraient autorisables par le biais de la dérogation de l'art. 24c LAT. Il n'était pas possible de déterminer une date précise de leur réalisation. À l'occasion de la procédure de non‑assujettissement de la parcelle n° 1'110, leur représentant avait indiqué que le portail avait été réalisé en 1950 et la clôture en 1960. Lors de l'instruction de la requête en régularisation, il était d’abord question de 1970 pour le portail et des années 1960 pour la clôture puis, après des recherches complémentaires dans les archives familiales, d’une réalisation du portail antérieurement à 1955 avant d’affirmer qu'en 1950 il s’était agi uniquement de sa rénovation et qu’il était vraisemblable qu'il avait été réalisé au moment de la construction de la maison dans les années 1920. Cela étant, aucun élément versé au dossier, y compris issu des archives familiales et des données librement accessibles du système d’information du territoire genevois (SITG), ne permettait de déterminer l'étendue de cette prétendue rénovation ou encore que les constructions litigieuses auraient été réalisées en même temps que la maison.
En outre, les copropriétaires avaient expressément admis, dans leur courrier d'accompagnement à leur requête en régularisation, que les constructions litigieuses avaient été réalisées sans dépôt préalable d'une autorisation de construire.
Il pouvait être raisonnablement admis, sur la base des documents produits et de leurs déclarations initiales, que les deux constructions litigieuses avaient été réalisées aux alentours des années 1950-1960. Or, le droit des constructions genevois soumettait, à tout le moins depuis la mouture de la LCI de 1940, la réalisation de clôtures et de portails à l'obtention préalable d'une autorisation de construire (art. 1 al. 1 let. c aLCI). Ainsi, les deux constructions litigieuses réalisées sans être au bénéfice d'une quelconque autorisation de construire, soit illégalement, ne pouvaient bénéficier de la garantie de la situation acquise et n’étaient pas autorisables sous l'angle de l'art. 24c LAT.
Bien que les copropriétaires ne s'en prévalent pas dans leurs écritures, se posait encore la question de l'octroi éventuel d'une dérogation fondée sur l'art. 24e LAT. La présence d’ânes et d’ovins sur la partie ouest de la parcelle n° 1'110 était toutefois occasionnelle et permettait avant tout d'éviter un entretien mécanique de la parcelle, au profit d'une méthode en harmonie avec le principe de conservation de la réserve naturelle G______. Cela étant, il était manifeste que le portail et la clôture étaient avant tout destinés à délimiter leur propriété. L'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 24e LAT était également à écarter.
Les autres dérogations, des art. 24a 24b et 24d LAT, n’étaient pas pertinentes en l'espèce.
Ainsi ni le portail ni la la clôture ne sauraient être régularisés, tant par le biais d'une autorisation de construire ordinaire que dérogatoire. Le département n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant d’en délivrer une.
E. a. A______et B______ ont formé recours le 6 décembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Ils ont conclu à l’annulation dudit jugement ainsi que de la décision du département du 12 janvier 2023 et au retour à ce dernier du dossier afin qu’il délivre l’autorisation de construire sollicitée.
Ils avaient, au fil de la procédure, essayé d’obtenir des preuves attestant de l’ancienneté des deux constructions litigieuses et pu préciser les dates grâce à leurs différentes découvertes. Ce raisonnement s’appliquait à l’obtention ou non d’autorisations de construire. Ils n’en avaient pas trouvées mais ignoraient si elles avaient été obtenues il y avait presque un siècle.
Les parcelles n°s 1’100 et 1’111 n’étaient pas utilisées pour l’agriculture. S’agissant de la première, il était quasiment certain que depuis l’édification de l’habitation purement résidentielle, soit en 1915-1916, bâtiment et jardin n’étaient pas utilisés pour l’agriculture. La clôture séparant ces deux parcelles d’une part du chemin des Prés-des-Bonnes et des voies entourant les parcelles au nord et à l’est d’autre part, datait d’avant le milieu des années 1950, selon le témoignage écrit de H______. Son portail avait été « refait » en 1955 selon des notes d’I______. Si les travaux de réfection avaient alors été nécessaires, il pouvait être raisonnablement retenu que ce portail avait été installé depuis un certain temps sans quoi il n’aurait pas été nécessaire de le rénover.
Vu l’utilité du portail et de la clôture, à savoir la protection contre la faune locale, la délimitation du chemin d’accès à la réserve naturelle et celle de la parcelle, il était plus probable que ces constructions aient été réalisées en même temps que l’édification de la maison, période à laquelle il n’était pas nécessaire de solliciter une autorisation de construire. Il était établi que la barrière litigieuse pouvait être construite sur la parcelle n° 1'110, que ce soit sous le régime de la LCI de 1918 ou des versions subséquentes de 1929 et 1940. Un autre indice non négligeable était que, même dans l’hypothèse où ces deux constructions auraient été réalisées postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ancienne LCI, le système légal dans les années 50 ne distinguait pas la zone à bâtir de la zone agricole. L’obtention d’une autorisation de construire une clôture et un portail était une simple formalité administrative à l’issue favorable prévisible. Ils avaient démontré que ces deux éléments bénéficiaient de la garantie de la situation acquise, ce qui était l’avis de l’OCAN.
Les conditions de l’art. 43a let. c à e de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), les let. a et b ne s’appliquant pas au cas d’espèce, puisque relatives à un changement d’affectation, étaient réalisées, avec pour conséquence qu’ils étaient en droit d’obtenir la régularisation de ses constructions. Ces conditions n’avaient toutefois pas été analysées par le TAPI.
Ils avaient soumis un projet à l’OAC prévoyant le déplacement de la clôture en lisière de forêt et l’installation d’un treillis permettant le passage de la petite faune. Si l’autorisation de construire venait à être définitivement refusée, ils pourraient très vraisemblablement invoquer le droit au maintien des constructions litigieuses vu la modification législative récemment votée par le Parlement fédéral (nouvel art. 25 al. 5 LAT) en lien avec la prescription trentenaire en zone agricole. L’intérêt public dont se prévalait l’OAC commanderait ainsi que l’autorisation de construire soit délivrée plutôt que de parvenir à une solution de statu quo.
b. Le département a conclu au rejet du recours.
Comme l’avait rappelé à maintes reprises la jurisprudence, les constructions qui n’étaient pas au bénéfice d’un permis n’entraient pas dans le champ d’application de l’art. 24c LAT. Il s’avérait superflu d’examiner si les conditions de l’art. 43a OAT étaient satisfaites.
c. Le 12 juin 2024, le juge délégué a procédé à un transport sur place, en présence des parties et de la maire de la commune de C______.
d. Par écritures des 1er et 26 juillet 2024, les parties ont persisté dans leurs argumentation et conclusions respectives.
e. Les parties ont été informées, le 5 août 2024, que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. L’objet du litige est la conformité au droit des décisions du département du 12 janvier 2023, notifiées à chacun des copropriétaires des parcelles concernées, refusant de leur délivrer l’autorisation pour régulariser le portail à l'entrée est de la parcelle n° 1'110 et la clôture le long des parcelles nos 1'110 et 1'111, sises en zone agricole.
Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).
3. Les recourants se plaignent d'une constatation inexacte des faits au motif que le TAPI aurait retenu à tort une année de construction pour les deux constructions en cause « aux alentours des années 1950-1960 ».
3.1 Le principe d’instruction d’office (art. 19 LPA) est contrebalancé par le devoir des parties de collaborer à leur établissement dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes (art. 22 LPA), en particulier d’étayer leurs propres thèses et d’indiquer à l’autorité les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3b à 3d et les arrêts cités). En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA), la force de persuasion des preuves administrées, et non leur genre ou leur nombre, étant déterminante (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2).
3.2 En l’espèce, les recourants ont varié dans leurs affirmations s’agissant de la période de construction des deux éléments litigieux pour, au fil de l’instruction, la faire remonter le plus loin possible dans le temps, arrivant ainsi à la conclusion que ni la construction du portail ni celle de la clôture n’auraient été soumises à autorisation.
Ils ne peuvent être suivis. Le TAPI a sur ce point développé un raisonnement fouillé que l’argumentation présentée au stade du recours ne permet pas de remettre en cause. Ainsi, à l'occasion de la procédure de non-assujettissement à la LDFR de la parcelle n° 1'110, le représentant des recourants a indiqué que le portail et la clôture notamment avaient été réalisés entre les années 1950 et 1960. Lors de l'instruction de la requête en régularisation des constructions litigieuses, les recourants ont fait remonter la construction du portail en 1970 et celle de la clôture dans les années 1960. Dans leur recours au TAPI, disant s’appuyer sur des recherches complémentaires dans les archives familiales, dont une note manuscrite non datée émanant selon leurs dires d’I______, ancienne propriétaire de la maison, ils ont affirmé que le portail aurait été réalisé antérieurement à 1955, vu l’indication « refaire portail » y figurant, pour affirmer ensuite dans leur réplique qu'en 1950 cet élément avait uniquement été rénové alors qu’il aurait été construit au moment de l’édification de la maison d’habitation dans les années 1920. H______, la mère des recourants, dans une attestation du 9 février 2023, ne confirme nullement la thèse d’une présence de ces deux éléments dès la constitution de la maison, mais indique seulement que, dans « ses souvenirs suffisamment précis », dans « le milieu des années 50 » la parcelle n° 1’110 était entourée d’une clôture qui, lors de l’achat de la parcelle n° 1'111, avait été complétée pour englober celle-ci. Tant le portail que la clôture avaient ensuite été régulièrement entretenus. Il sera encore rappelé que les recourants ont exposé, le 25 octobre 2021, que le portail avait été réalisé en 1970, de sorte qu’il ne peut être exclu qu’il se soit alors agi d’un remplacement. Enfin les trois photos produites en pièces 26 et 27 du chargé des recourants du 13 février 2023 permettent uniquement de constater la présence de la clôture dans les années 1960-1970 vu les propriétés desdites photos, de même que les tenues des personnes et le mobilier de jardin y figurant.
Aussi, c’est à juste titre que le TAPI, sur la base de ces éléments, a retenu que la date de construction exacte des aménagements litigieux n'avait pu être déterminée et a en conséquence fondé son raisonnement, conformément aux éléments du dossier, sur une date de construction du portail et de la clôture « aux alentours des années 1950-1960 », ce qui n’exclut pas que le portail ait en 1955 pu être simplement rénové, voire même remplacé en 1970.
4. Les recourants soutiennent que sous le régime des aLCI de 1918 et de 1929, la « barrière litigieuse » pouvait être construite sans autorisation.
Cet argument tombe à faux dans la mesure où ils n’ont pas été en mesure de démontrer, comme retenu ci-dessus, que les deux constructions encore litigieuses auraient été construites avant les années 1950-1960, et en particulier avant 1940, date à partir de laquelle ils ne contestent pas qu'une autorisation était nécessaire. C’est donc à juste titre que le département a retenu que la aLCI du 27 avril 1940 était applicable au moment de la construction de ces installations, lesquelles étaient donc soumises à autorisations (art. 1 al. 1 let. c aLCI).
Sur ce point, les recourants ont dans un premier temps indiqué qu’aucune demande d’autorisation n’avait été déposée à l’époque pour ensuite dire qu’ils n’en avaient pas trouvée. Toujours est‑il qu’ils ont échoué à démontrer que ces installations avaient dûment été autorisées à l’époque de leur construction, voire au moment du possible remplacement du portail en 1970.
5. Les recourants contestent le refus de délivrance d’une autorisation de construire pour le portail et la clôture. Ils se plaignent d’une violation de la garantie de la situation acquise visée à l’art. 24c al. 1 LAT.
5.1 Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2 let. a LAT).
5.2 Les deux constructions litigieuses, situées en zone agricole, ne relevant pas d’une exploitation agricole, ne sont pas conformes à l’affectation de la zone, ce que nul ne remet en cause.
Une autorisation pour construction conforme à ladite zone au sens de l’art. 22 al. 2 LAT n’entre donc pas en considération.
Il convient donc d’examiner si les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont réalisées.
6. 6.1 Les conditions à une dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24d LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les art. 26 et ss de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).
6.2 Aux termes de l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L’autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).
6.3 Les objets qui peuvent bénéficier de la garantie de la situation acquise en zone agricole concernent trois périodes successives : (1) ceux qui sont construits avant le 1er juillet 1972, à savoir la date d’entrée en vigueur de l’ancienne législation sur la protection des eaux contre la pollution qui établissait la première séparation officielle entre les secteurs constructibles et non-constructibles ; (2) les ouvrages construits jusqu’au 1er janvier 1980, date d’entrée en vigueur de la LAT ; (3) les ouvrages construits depuis lors.
Lors de chacune de ces périodes, les règles applicables à la zone agricole ont été modifiées ; ne bénéficient de la garantie de la situation acquise que les ouvrages qui à chaque fois ont été érigés dans le respect des prescriptions du moment. Les constructions illicites sont donc soustraites à toute garantie, même si un rétablissement de l’état conforme au droit n’a jamais pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de préemption, même si dite construction a été détruite volontairement ou par accident et même si le registre foncier ne fait pas état de la situation (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, n. 465).
6.4 Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement. La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 OAT précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5).
6.5 Selon l’art. 27C de la LaLAT, lequel traite des « Constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l’affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l’agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions (al. 1). Les constructions visées à l’art. 43 OAT sont régies par les normes de la 4e zone. Les autres constructions existantes sont régies par les normes de la 5e zone (al. 2).
6.6 Les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 LaLAT sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la cinquième zone de la LCI (art. 82 al. 1 LCI). En cas d’application des art. 34 à 38 et 40 OAT, le département ne peut délivrer une autorisation qu’avec l’accord, exprimé sous forme d’un préavis, de l’OCAN (art. 82 al. 2 LCI).
6.7 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/486/2023 du 9 mai 2023 consid. 6.1.1 et les références citées).
6.8 Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/1296/2022 du 20 décembre 2022 consid. 6c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 508 p. 176 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/423/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.2 ; ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4d et les références citées).
6.9 Garanti par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).
6.10 Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée). L'intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d'utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir ne pèse pas lourd (ATF 147 II 309 consid. 5.6).
6.11 En l’espèce, comme déjà relevé, aucune autorisation n’a été délivrée pour la construction, dans les années 1950-1960, du portail et de la barrière litigieux. Or, une telle autorisation était nécessaire en application de l’aLCI du 27 avril 1940 (art. 1 al. 1 let. c aLCI). Partant, les recourants ne peuvent se prévaloir de la garantie de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT. Ceci est conforme au préavis, défavorable, de l’OU du 16 novembre 2022. L’OCAN a de même préavisé défavorablement la régularisation de ces deux installations, dans son préavis du 2 décembre 2022, retenant en particulier que la clôture séparant les parcelles nos 1'112 et 1'111 ainsi que la clôture déplacée de la zone forêt dans la zone agricole n’étaient pas conformes à ladite zone. Il a certes, dans la mesure où il n'y avait pas d'impact sur les surfaces d'assolement, ni sur des surfaces agricoles utiles, ni atteinte à l'exploitation agricole des terrains avoisinants, laissé le soin à l’autorité compétente de procéder à une pesée des intérêts en présence, considérant le besoin des recourants de maîtriser le gibier et le cheminement des randonneurs.
Toutefois, dans la mesure où comme déjà dit il n’est pas question d’une situation acquise pour ces installations, il n’y a pas de place pour une pesée globale des intérêts en présence, dont l’intérêt privé des recourants à ne pas voir de promeneurs ou de personnes fêtant le 1er août cheminer sur leur propriété ou de la grosse faune y pénétrer.
7. Les recourants se prévalent de l’art. 43a OAT.
7.1 Depuis la révision partielle de 2012 de l’OAT, les conditions générales énoncées à l’art. 43a OAT s’appliquent à toutes les autorisations exceptionnelles de construire hors de la zone à bâtir, hormis celles de l’art. 24a LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 31 ad Remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT [ci‑après : Rem. prélim. art. 24 ss LAT]).
Selon l’art. 43a OAT, des autorisations ne peuvent être délivrées sur la base de la section 6 (Exceptions pour les constructions et installations hors de la zone à bâtir) que si les conditions suivantes sont remplies : la construction n’est plus nécessaire à l’utilisation antérieure conforme à l’affectation de la zone ou imposée par sa destination ou le maintien de cette utilisation est assuré (let. a) ; le changement d’affectation n’implique pas une construction de remplacement que n’imposerait aucune nécessité (let. b) ; tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et tous les coûts supplémentaires d’infrastructure occasionnés par l’utilisation autorisée sont à la charge du propriétaire (let. c) ; l’exploitation agricole des terrains environnants n’est pas menacée (let. d) ; aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. e).
7.2 L’intention du législateur était, en même temps que d’élargir le champ d’application matériel de l’art. 24c LAT, d’étendre, par analogie, certaines des restrictions énoncées à l’art. 24d LAT aux cas relevant des art. 24b et 24c LAT. Le but était d’ancrer partout l’exigence d’une pesée des intérêts en présence, tout en soulignant certains aspects déterminants pour le respect du principe de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. Si les conditions générales de l’art. 43a OAT sont remplies, l’étape suivante consiste à examiner si le projet répond aux critères spécifiques à l’un des états de faits visés aux art. 24 à 24e LAT et 37a LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 31 s ad Rem. prélim. art. 24 ss LAT).
7.3 On discerne mal en l’espèce ce que les recourants entendent tirer de l’art. 43a OAT au-delà de ce que prévoit l’art. 24c LAT, dont il a été vu que les conditions dérogatoires n’étaient en l’espèce pas réalisées, faute de pouvoir se prévaloir de la garantie de la situation acquise.
La tolérance souhaitée par les recourants pour ce qu’ils considèrent en fait comme une dérogation mineure au régime légal ne peut en conséquence pas être admise.
Au vu de ce qui précède, il appert que c’est sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le département a refusé de délivrer une autorisation aux recourants pour le portail et la clôture.
En tous points infondé, le recours sera rejeté.
8. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’500.-, comprenant les débours entraînés par le transport sur place du 12 juin 2024, sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2023 par A______ et B______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Mattia DEBERTI, avocat des recourants, au département du territoire-OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi que pour information à la commune de C______.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
J. RAMADOO
|
| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
|
| la greffière :
|