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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3122/2021

ATA/1261/2022 du 13.12.2022 sur JTAPI/500/2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : OBJET DU LITIGE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;EXPERTISE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);5E ZONE;4E ZONE B;CONSTRUCTION À LA LIMITE;VOISIN;IMMISSION
Normes : LPA.65; LPA.69; Cst.29.al2; LaLAT.26.al2; LCI.14.al1; LPA.88
Résumé : Autorisation de construire un immeuble de deux étages plus attique sur rez-de-chaussée sur des parcelles en partie en zone 4B protégée et en partie en zone 5, en appliquant pour l'ensemble du projet les règles de la zone 4B protégée par voie dérogatoire. L'art. 26 al. 2 LaLAT ne requiert pas la réalisation des conditions de l'art. 26 al. 1 LaLAT. Conditions de la dérogation de l'art. 26 al. 2 LaLAT réalisées, y compris l'existence d'une situation exceptionnelle justifiant la dérogation. Examen des inconvénients graves pour le voisinage allégués (bruit et circulation, ensoleillement, perte de vue, perte de valeur des propriétés) et des risques hydrogéologiques. Conclusion en condamnation d'une amende pour téméraire plaideur irrecevable. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3122/2021-LCI ATA/1261/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

3ème section

 

dans la cause

Madame et Monsieur A______

Monsieur B______

Madame C______

Madame et Monsieur D______
représentés par Me Pierre Rüttimann, avocat

contre

E______

représentée par Mes David Bensimon et Guillaume Francioli, avocats

et

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 

et

 

Madame F______
représentée par Me Pierre Rüttimann, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 mai 2022 (JTAPI/500/2022)


EN FAIT

1) a. E______ (ci-après : E______) est propriétaire des parcelles nos 7'013, 10'437 et 11'070, feuillet 5 de la commune de ______ (ci-après : la commune), sises pour la plus grande partie en cinquième zone de construction et pour le reste en quatrième zone B protégée. Sur la partie sud de la parcelle no 10'437, au ______, se trouve G______.

b. Madame F______, Madame C______, Madame et Monsieur A______, Madame et Monsieur D______ ainsi que Monsieur  B______ (ci-après : tous ensemble, les consorts de première instance et, sans Mme F______, les consorts) sont respectivement propriétaires des parcelles nos 10'939, 10'998, 11'000, 11'001 et 11'002, feuillet 5 de la commune, situées aux ______.

2) a. Par requête du 17 septembre 2019, enregistrée sous dossier M 1______, E______ a sollicité auprès de de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), rattaché au département du territoire (ci-après : DT), l'autorisation de démolir un centre de loisirs, une crèche (bâtiments provisoires) et un cabanon de jardin, avec abattage d'arbres sur les parcelles nos 7'013, 10'437 et 11'070.

b. Par une deuxième requête du même jour, référencée sous dossier DD 2______, E______ a également demandé la délivrance d'une autorisation de construire un immeuble d'habitation et activités de deux étages sur rez-de-chaussée plus attique, avec garage souterrain, sur ses trois parcelles. Le projet prévoyait la création de trente-cinq logements, d'une crèche et d'une salle paroissiale.

Le dossier d'autorisation de construire comprend notamment un rapport d'étude géotechnique du 8 septembre 2020 ainsi qu'une étude acoustique du 12 février 2021.

3) Le 30 octobre 2020, les consorts et Mme F______ et son époux, Monsieur  F______ ont formulé des observations dans le cadre de la procédure DD 2______.

4) a. Le 1er décembre 2020, la commission des monuments et des sites (ci-après : CMNS) a demandé des pièces complémentaires et la modification du projet pour améliorer certaines interventions sortant de la pratique courante des nouvelles constructions en quatrième zone B protégée.

Elle n'émettait pas d'objection à la densification de la parcelle au vu de la situation des parcelles adjacentes situées en troisième zone de développement en vis-à-vis du Mail 2000 et vu la situation en retrait de la zone 4B protégée du bâtiment projeté. La possibilité de profiter de cette zone incluait d'en assumer les contraintes, à savoir réaliser une insertion qualitative dans le site.

b. Le 10 décembre 2020, le service compétent de l'office de l'urbanisme (ci-après : SPI et OU) s'est prononcé favorablement au projet.

Les aménagements décrits dans le plan d'aménagement paysager présentaient une noue paysagère avec une arborisation intense. En accord avec la commune, la crèche, le jardin d'aventure et la salle paroissiale étaient regroupés sur la partie arrière de l'église, donnant ainsi plus de marge pour l'espace public les réunissant. Le parti pris, les gabarits et la programmation proposés déclinaient un ensemble de qualité, intégré dans le site, à l'articulation des divers espaces publics (Mail 2000, parvis autour de l'église et route de Saint-Julien) et trois zones différenciées (troisième zone de développement, cinquième zone et quatrième zone B protégée). L'aménagement du secteur jouait donc un rôle essentiel pour ordonner et mettre en dialogue ces divers espaces et pour favoriser les usages futurs. L'indice de densité proposé était cohérent avec la demande d'application de la dérogation pour construction en limite de zones. L'OU était favorable au projet, tant pour la programmation et la qualité d'insertion proposées que pour le recours à la dérogation.

c. Le 18 décembre 2020, la commission d'urbanisme (ci-après : CU) a préavisé positivement le projet, spécifiant être favorable à une dérogation pour construction en limite de zones.

d. Le 19 mai 2021, après avoir demandé des pièces complémentaires le 11 novembre 2020, l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau) s'est déclaré favorable au projet, sous conditions.

Concernant le contexte, s'agissant de la dynamique de l'eau, c’était une zone à danger de crues en référence à la législation sur les eaux. En matière d'évacuation des eaux des biens-fonds, une des conditions posées était la réalisation d'un ouvrage de rétention à ciel ouvert de 34 m3 de volume utile sans limitation du débit de restitution. En matière de dynamique de l'eau, une condition requérait la prise de toutes les mesures constructives nécessaires à la minimisation des risques en cas d'événement exceptionnel (inondation), compte tenu de la nature des objets prévus dans la zone.

e. Le 1er juin 2021, la CMNS s'est prononcée favorablement au projet, sous conditions.

f. Le 4 juin 2021, après avoir demandé des modifications le 28 octobre 2021, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a préavisé favorablement le projet, sous conditions.

g. Le 16 juin 2021, après un premier préavis demandant des pièces complémentaires le 24 novembre 2020, la commune a rendu un préavis favorable sous conditions et avec souhaits.

h. Le 8 juillet 2021, après des demandes de modifications les 20 novembre 2020 et 3 mai 2021, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) s'est déclarée favorable au projet avec dérogation pour construction en limite de zones (construction sur une parcelle, la parcelle no 10'437, qui chevauche la quatrième zone B protégée) et sous conditions. La surface en zone 4B protégée était de 1'663 m2 et celle en zone 5 de 8'210 m2.

5) Par deux décisions du 22 juillet 2021, publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le DT a délivré à E______ les autorisations de démolir et de construire sollicitées. S'agissant de l'autorisation de construire, les préavis annexés, dont ceux de l'OCT du 4 juin 2021, de la CMNS du 1er juin 2021 et de l'OCEau du 19 mai 2021, devaient être strictement respectés et en faisaient partie intégrante.

6) Le 28 juillet 2021, le DT a délivré à la commune l'autorisation de construire DD 3______, portant sur la construction d'un centre de loisirs, d'un jardin d'aventure et d'un four à pain sur ses parcelles nos 10'129, 10'130 et 10'131, feuillet 5 de la commune, adjacentes aux trois parcelles de E______.

7) a. Par acte du 15 septembre 2021, référencé sous cause A/3128/2021, les consorts de première instance ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation de construire du 22 juillet 2021, concluant préalablement à un transport sur place et à une expertise indépendante sur les conséquences hydrogéologiques du projet et l'efficacité des mesures préconisées par l'OCEau dans son préavis du 19 mai 2021, et principalement à l'annulation de la décision attaquée. Dans la motivation de leur recours, ils sollicitaient un constat des avoisinants avant tous travaux sur les parcelles du projet litigieux.

Ce recours a suivi un autre recours interjeté le jour précédent contre la même autorisation et enregistré sous cause A/3122/2021. Après que les deux causes avaient été jointes sous cause A/3122/2021 par décision du TAPI du 25 novembre 2021, ce recours a été retiré le 12 janvier 2022, ce dont le TAPI a pris acte par décision du 20 janvier 2022.

b. Dans le cadre de la procédure devant le TAPI, E______ a notamment versé à la procédure un rapport d'évaluation empirique de la perte d'ensoleillement engendrée par le projet sur les bâtiments voisins du 20 octobre 2021.

8) Par jugement du 12 mai 2022, rendu après un double échange d'écritures, le TAPI a déclaré le recours irrecevable en tant qu'il portait sur l'insuffisance de places de stationnement et l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Hormis le fait que les consorts de première instance jugeaient que les solutions recommandées par l'OCEau n'étaient pas les plus adéquates, rien n'amenait à penser que l'examen fait par cette instance spécialisée était lacunaire ou manifestement infondé. Ils ne faisaient qu'évoquer l'existence d'un danger, sans le démontrer, ce qui était insuffisant pour remettre en question l'appréciation faite par l'autorité spécialisée. Ils se contentaient de substituer leur propre appréciation à celle de l'autorité spécialisée. La demande d'expertise était rejetée.

Concernant le constat des avoisinants, E______ s'était engagée dans sa réponse à effectuer un constat d'huissier des bâtiments des parcelles contigües au projet avant tout commencement des travaux, ce qui rendait inutile la production d'un tel document à ce stade de la procédure.

Les parcelles étaient situées à la fois en zone 5 et en zone 4B protégée. Le projet se situant à cheval entre ces deux zones, l'application de la dérogation pour constructions en limite de zones était envisageable. L'instance compétente, soit la CU, s'était déclarée favorable au projet et à l'octroi de la dérogation après un examen approfondi de la situation d'espèce, au vu des différents préavis. Il ressortait du préavis du SPI que le projet lié autorisé par DD 3______ avait été pris en compte dans le cadre de l'examen de l'intégration du projet litigieux dans le quartier. L'examen de l'intégration du projet dans le quartier avait été mené de manière approfondie et détaillée par les autorités compétentes pour l'octroi de la dérogation, en prenant aussi en compte que le projet se situait essentiellement en zone de villas, tel que cela ressortait du préavis de la CMNS du 1er décembre 2021 (recte : 2020). Le projet tendait à offrir trente-cinq logements supplémentaires. L’intérêt public, s'il ne pouvait à lui seul justifier l'octroi de la dérogation, était important et devait être pris en compte dans le cas particulier. Les intérêts de la commune au développement du quartier n'étaient pas lésés, au contraire. Le DT avait consulté la CU avant d'octroyer la dérogation et n'avait pas appliqué de manière arbitraire la disposition permettant la dérogation en matière de constructions en limite de zones. Les consorts de première instance ne démontraient pas suffisamment en quoi la réalisation du projet engendrerait des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage. Le DT avait suivi l'avis favorable des instances spécialisées et n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation.

Le gabarit théorique de l'immeuble projeté, entre 9,95 et 6,62 m, était inférieur au gabarit théorique maximum de 10 m prévu pour les zone 4B protégée et 5.

La législation sur les constructions ne prévoyait pas d'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) pour la zone 4B protégée et le SPI avait relevé que le projet présentait un indice de densité cohérent. Les irrégularités liées au calcul des surfaces dans les préavis ne portaient pas à conséquence quant à la validité du projet, celui-ci ne portant pas sur la parcelle no 10'130.

Dans toutes les situations, les ombres portées au jour moyen d'hiver, l'équinoxe de printemps, l'équinoxe d'automne ainsi que le solstice d'été avaient un impact sur les toitures inférieur à 2h par jour, de sorte que la perte d'ensoleillement n'était pas constitutive d'un inconvénient grave.

Toutes les instances de préavis consultées, composées de spécialistes, dont l'OCT, avaient préavisé favorablement le projet. La crèche projetée ne constituait que la reconstruction de celle existante. Contrairement à l'église, la salle paroissiale ne visait pas à recevoir des offices religieux ni d'autres célébrations dans une mesure telle que les consorts de première instance seraient notablement touchés. Seul un emplacement de parking était prévu par logement ainsi que quatre places de parking pour les visiteurs en extérieur. Si le trafic lié à l'habitation serait vraisemblablement augmenté, il ne s'agirait en moyenne que de va-et-vient d'une trentaine de véhicules, sans que cela n'entraîne un usage particulièrement accru de la voie d'accès au bâtiment projeté par le chemin de la Mère-Voie. Les consorts n'avaient pas de droit acquis à ce que la fréquentation de la route demeure comme elle l’était.

9) Par acte du 15 juin 2022, les consorts ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse et à la condamnation de E______ et du DT aux dépens. Préalablement, ils sollicitaient une expertise indépendante sur les conséquences hydrogéologiques du projet et l'efficacité des mesures préconisées par l'OCEau dans son préavis du 19 mai 2021, et qu'il soit donné acte à E______ de son engagement du 16 novembre 2021 d'effectuer à ses frais un constat d'huissier des bâtiments des parcelles contigües au projet litigieux avant tout commencement des travaux.

Les dangers hydrogéologiques ressortaient du préavis de l'OCEau du 19 mai 2021 et de l'étude géotechnique du 8 septembre 2020, laquelle faisait état du très faible potentiel d'infiltration du sol et du risque de venues d'eau ponctuelles dans le sous-sol. La mise en place du bassin de rétention à proximité immédiate des habitations, d'une crèche et d'un terrain d'aventure fréquenté par un nombre élevé de jeunes enfants était inadaptée sur le plan sécuritaire. C'était par ailleurs incompatible avec les recommandations sanitaires de l'État de Genève préconisant de bannir la formation de zones d'eau stagnante pour éviter l'apparition de légionnelle ou la propagation d'insectes porteurs de maladies, notamment le moustique tigre. L'efficacité de cet ouvrage était par ailleurs contestée. En rejetant leur demande d'expertise, le TAPI avait violé leur droit d'être entendus. Il ne leur appartenait pas d'apporter de manière plus accrue la démonstration de dangers bien réels et identifiés. L'expertise avait précisément pour objet de se positionner sur l'efficacité de la mesure contestée.

Le TAPI avait limité son pouvoir de cognition à l'arbitraire dans le cadre de l'examen de l'octroi de la dérogation en matière de constructions en limite de zones, alors que le contrôle judiciaire devait uniquement être exercé avec retenue. Ni le dossier du DT, ni le jugement du TAPI ne démontraient une situation exceptionnelle, que la seule existence de préavis favorables ne suffisait pas à établir. Le quartier était uniquement constitué de villas individuelles et il n'était pas question d'ensemble immobilier. La qualité éventuelle d'un projet ne constituait pas une situation exceptionnelle suffisant à octroyer la dérogation. Il était inconcevable qu'un projet prévoyant une barre d'immeubles de 90 m de long et 13 m de haut comportant trente-cinq logements, un garage souterrain, une crèche et une salle paroissiale soit implanté par voie dérogatoire dans un espace urbanisé classé à faible densité par le plan directeur communal de la commune du 27 octobre 2009 (ci-après : PDCom) et pour l'heure exclusivement constitué de villas conformes à la zone. Les conditions d'application d'une dérogation devaient être d'autant plus restrictives dans une zone classée à faible densité. L'application par voie dérogatoire des règles de la zone 4B protégée aboutissait à un résultat contraire à la vocation protectrice des règles concernant cette zone en bouleversant l'aménagement et le caractère architectural du quartier. Vu les inconvénients notoires liés au projet litigieux (bruit, vue, ensoleillement, circulation de véhicules, qualité de l'environnement, perte de valeur de leurs propriétés), ils avaient un intérêt privé protégé à s'opposer à la dérogation accordée, contrebalancé par aucun intérêt public démontré. Des inconvénients graves faisaient obstacle à l'octroi de la dérogation.

10) Par réponse du 9 août 2022, E______ a conclu au rejet du recours et à la condamnation des consorts aux dépens ainsi qu'à une amende pour téméraire plaideur.

Le projet litigieux était situé en dehors de tout secteur lié à de quelconques dangers d’inondation ou d'érosion. Rien n'amenait à penser que l'examen de l'OCEau était lacunaire ou manifestement infondé. Les consorts s'évertuaient à substituer leur appréciation à celle de services spécialisés composés de personnes rompues aux affaires d'urbanisme. Ils réitéraient leurs critiques de nature purement appellatoire s'agissant de prétendues nuisances ou inconvénients graves en faisant fi de tous les développements du DT et du TAPI.

11) Par réponse du 10 août 2022, le DT a conclu au rejet du recours.

On ne discernait pas en quoi les risques identifiés par l'instance spécialisée justifiaient une expertise. Le fait d'avoir relevé les mesures propres à les minimiser corroborait l'examen non lacunaire ni infondé de l'instance spécialisée. Les allégations des consorts n'étaient pas documentées.

La motivation du TAPI sur l'octroi de la dérogation en matière de constructions en limite de zones ne prêtait pas le flanc à la critique et était conforme à la jurisprudence cantonale en matière de circonstances particulières. Les consorts ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle du DT et de l'instance spécialisée.

12) Le 20 septembre 2022, en l'absence de réplique dans le délai imparti à cet effet, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA). La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

c. En l'espèce, la décision litigieuse est une autorisation de construire. La conclusion des recourants concernant un constat d'huissier, aux frais de E______, des bâtiments des parcelles contigües au projet litigieux avant tout commencement des travaux n'a pas en tant que tel trait à l'autorisation de construire et est partant exhorbitante au litige.

Cette conclusion sera par conséquent déclarée irrecevable. Le litige porte uniquement sur la conformité au droit de la confirmation par le TAPI de l'autorisation de construire DD 2______.

3) Les recourants reprochent au TAPI d'avoir violé leur droit d'être entendus en refusant d'ordonner une expertise indépendante sur les conséquences hydrogéologiques du projet et l'efficacité des mesures préconisées par l'OCEau dans son préavis du 19 mai 2021. Ils sollicitent à nouveau une telle expertise devant la chambre administrative.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1.).

b. En l'espèce, les recourants affirment qu'une partie du prérimètre étant situé dans une zone indicative de dangers liés aux crues et le préavis de l'OCEau identifiant un certain nombre de risques en matière d'évacuation et de dynamique de l'eau et préconisant un bassin de rétention pour parer à ces risques, les dangers seraient bien réels et identifiés et nécessiteraient une expertise. La création d'un bassin de rétention pourrait être insuffisante pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

Néanmoins, le dossier comprend deux préavis de l'instance spécialisée en la matière, l'OCEau, du 11 novembre 2020 et du 19 novembre 2021, lequel a préavisé le dossier contenant l'étude géotechnique du 8 septembre 2020 et ayant expressément relevé que le projet se trouvait en zone de danger indicatif.

Les recourants n'apportent aucun élément permettant de jeter le doute sur l'analyse faite par l'OCEau et rendant nécessaire un nouvel examen du dossier par le biais d'une expertise.

Une telle expertise n'apparaît dès lors pas nécessaire et la chambre administrative, tout comme le TAPI avant elle, dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. La demande d'instruction sera rejetée et le grief de violation du droit d'être entendu écarté.

4) Les recourants affirment que le projet ne serait pas conforme à l'affectation de la zone et que les conditions permettant une dérogation aux règles de la zone 5 ne seraient pas remplies.

a. Selon à l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (let. a) et si le terrain est équipé (let. b ; art. 22 al. 2 LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l’intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).

b. La Confédération, les cantons et les communes veillent à une utilisation mesurée du sol et à la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire (art. 1 al. 1 LAT). Les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir (définies aux art. 15 et 15a LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). Le droit cantonal peut prévoir d’autres zones d’affectation (art. 18 al. 1 LAT). Il peut régler le cas des territoires non affectés ou de ceux dont l’affectation est différée (art. 18 al. 2 LAT).

À teneur de l’art. 12 de la loi d'application de la LAT du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la LaLAT (al. 1). Les zones instituées à l’alinéa 1 sont de trois types : les zones ordinaires (let. a), les zones de développement (let. b) et les zones protégées (let. c ; al. 2). Les zones protégées constituent des périmètres délimités à l'intérieur d'une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l'aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (al. 5). Les villages protégés, selon les art. 105 à 107 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) sont désignées par la LaLAT comme zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT (art. 29 al. 1 let. f LaLAT). La quatrième zone est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements. Lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées (art. 19 al. 2 LaLAT). La quatrième zone rurale (quatrième zone B) est applicable aux villages et aux hameaux (art. 19 al. 2 let. a LaLAT), alors que les règles de la quatrième zone urbaine s'appliquent à la quatrième zone A (art. 19 al. 2 let. b LaLAT). La cinquième zone est une zone résidentielle destinée aux villas ; des exploitations agricoles peuvent également y trouver place ainsi que certaines activités professionnelles à certaines conditions (art. 19 al. 3 LaLAT).

c. Lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage, le département peut déroger aux dispositions des art. 18 et 19 quant à la nature des constructions. En zone industrielle et artisanale, des activités culturelles ou festives peuvent être autorisées à ces conditions (art. 26 al. 1 LaLAT). Lorsque l’implantation d’une construction est prévue à proximité immédiate ou lorsqu’elle chevauche une limite de zones sur un terrain situé dans une zone à bâtir, limitrophe d’une zone à bâtir 3 ou 4, le département peut, après consultation de la commission d’urbanisme, faire bénéficier la construction prévue des normes applicables à cette dernière zone (art. 26 al. 2 LaLAT). Cette dérogation n’entraîne pas de modification des limites de zones (art. 26 al. 3 LaLAT). L'art. 26 al. 2 LaLAT permet donc l'application des normes de construction de la zone 3 ou 4 uniquement sur l'entier d'une parcelle, mais pas celles des normes prévues pour l'autre zone (ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 6a, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 in SJ 2020 I 317).

d. Selon la jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, étant précisé qu'un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige. L'autorité de recours se limite ainsi à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/807/2020 du 25 août 2020 consid. 9a ; ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 4d).

e. Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, elle confère à cette autorité un pouvoir d'appréciation qui n'est limité que par l'excès ou l'abus, la chambre administrative n'ayant pas compétence pour apprécier l'opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/258/2020 précité consid. 3d).

Les autorités de recours doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. Leur intervention n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).

f. Dans le cas d'un projet pour lequel les normes de la zone 4B protégée avaient été appliquées et qui était prévu sur trois parcelles dont une sise en zone 5 adjacente à deux parcelles sises en zone 4B protégée, le Tribunal fédéral a posé, sans la trancher, la question de savoir si les conditions de l'art. 26 al. 1 LaLAT devaient également être réunies ou s'il suffisait de satisfaire à celles posées à l'art. 26 al. 2 LaLAT. En effet, l'octroi d'une dérogation supposant une situation exceptionnelle, il n'était pas arbitraire de subordonner son application à l'existence de circonstances particulières et à l'absence d'intérêts privés ou public opposés. Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que la construction de deux immeubles de neuf logements chacun en lieu et place des villas qui auraient pu être édifiées en conformité avec la destination de la zone 5 allait dans le sens poursuivi par le législateur lorsqu'il avait adopté l'art. 26 al. 2 LaLAT et constituait un intérêt public important même si elle ne constituait pas en soi une circonstance particulière propre à justifier la dérogation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_81/2015 du 3 juin 2015 consid. 2.4).

L'actuel art. 26 LaLAT est entré en vigueur le 24 mai 2003. Il a rassemblé, dans un seul article, les dérogations en zone à bâtir. L'al. 1 reprend le précédent art. 26 LaLAT, simplement en ne visant que les constructions en zone à bâtir et en supprimant donc l'ancienne référence aux art. 20 à 22, qui concernent la zone agricole. Les al. 2 et 3 qui correspondent exactement à l’ancien art. 27 LaLAT, relatif aux constructions en limite de zones, en zone à bâtir (MGC 2001 5/I 744). Les art. 26 al. 1 et 26 al. 2 LaLAT, figurant historiquement dans deux dispositions différentes, constituent par conséquent deux dérogations distinctes, ce dont il découle que l'art. 26 al. 2 LaLAT ne requiert pas la réalisation des conditions de l'al. 1. La chambre administrative n'a d'ailleurs pas même cité l'al. 1 dans un arrêt récent sur l'art. 26 al. 2 LaLAT (ATA/934/2019 précité).

5) a. Le plan directeur localisé, dont le plan directeur communal, fixe les orientations futures de l'aménagement de tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes. Il est compatible avec les exigences de l'aménagement du territoire du canton, contenues notamment dans le plan directeur cantonal (art. 10 al. 1 et al. 2 LaLAT). Le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel. Pour autant que cela soit compatible avec les exigences de l'aménagement cantonal, les autorités cantonales, lors de l'adoption des plans d'affectation du sol relevant de leur compétence, veillent à ne pas s'écarter sans motifs des orientations retenues par le plan directeur localisé (art. 10 al. 8 LaLAT).

b. Selon les travaux préparatoires et la jurisprudence constante de la chambre administrative, les plans directeurs localisés ont le caractère d'un outil de travail consensuel liant les autorités entre elles. Ils doivent permettre d'accélérer les procédures subséquentes. Ces instruments lient les autorités entre elles, à l'exclusion des particuliers, à l'égard desquels ils ne produisent pas d'effets juridiques (ATA/438/2021 du 20 avril 2021 consid. 3b ; MGC 2001 41/VIII p. 7'360 ss, notamment p. 7'366).

c. Selon la jurisprudence, un projet de construction conforme au droit cantonal ne peut être refusé au seul motif qu'il contreviendrait à un plan directeur communal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_257/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5.3 ; 1A.154/2002 du 22 janvier 2003).

6) En l'espèce, il sera d'emblée relevé que les recourants invoquent, au chapitre de l'art. 26 LaLAT, une violation de l'al. 1 dudit article, le TAPI ayant d'ailleurs exposé de la jurisprudence relative à cet alinéa dans l'arrêt attaqué. L'art. 26 al. 1 LaLAT n'est cependant pas applicable en l'espèce, la dérogation appliquée étant ici celle de l'art. 26 al. 2 LaLAT.

Par ailleurs, il convient préalablement de constater que les parcelles concernées par le projet litigieux se trouvent pour partie en cinquième zone de construction et pour partie en quatrième zone de construction B protégée. L'implantation du bâtiment litigieux est par ailleurs prévue en cinquième zone à proximité immédiate de la quatrième zone de construction B protégée et le projet inclut également des éléments sur la partie de parcelles en quatrième zone de construction B protégée. La première condition de l'art. 26 al. 2 LaLAT est par conséquent réalisée, ce qui n'est du reste pas remis en cause.

Il n'est pas non plus contesté que la seconde condition de cet article est remplie, puisque la CU a rendu un préavis positif le 18 décembre 2020.

Les recourants contestent toutefois l'existence d'une situation exceptionnelle justifiant l'octroi de la dérogation.

Le projet litigieux porte sur la construction d'un immeuble de deux étages plus attique sur rez-de-chaussée, affecté à l'habitation et aux activités, prévoyant ainsi la création de trente-cinq appartements, une crèche et une salle paroissiale.

Or, il ressort du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, le projet ne se situe pas dans un quartier constitué exclusivement de villas individuelles. S'il est en effet situé principalement en zone 5, il est néanmoins à cheval sur la zone 4B protégée et à proximité de la zone de développement 3, voisine, comme l'ont relevé la CMNS et le SPI. De surcroît, si les recourants argumentent que le bâtiment lui-même est exclusivement situé en zone 5, l'art. 26 al. 2 LaLAT vise tant les constructions chevauchant deux zones que celles à proximité immédiate de la limite de zones. Au surplus, le projet chevauche ici deux zones, puisque si le bâtiment est situé exclusivement en zone 5, le projet dans son ensemble et les parcelles concernées sont à cheval entre la zone 5 et la zone 4B protégée. Il sera pour le reste relevé que l'essence même de la dérogation de l'art. 26 al. 2 LaLAT est de permettre de faire bénéficier un projet situé au moins en partie en zone 5 des normes de la zone 4B protégée et donc d'appliquer les normes de cette dernière zone dans une zone de villas.

Par ailleurs, le projet a été conçu en coordination avec le projet DD 3______, concernant la construction d'un centre de loisirs, d'un jardin d'aventure et d'un four à pain, autorisation accordée six jours après l'autorisation objet du présent litige. Ainsi, comme l'a constaté le SPI, le projet s'inscrit dans un projet d'ensemble, la crèche et la salle paroissiale, ainsi que le jardin d'aventure étant regroupés sur la partie arrière de l'église afin de donner plus de marge à l'espace public les réunissant, le projet assurant une bonne articulation des espaces publics du quartier, ce qui revêt un intérêt public indéniable et important plaidant en faveur de la dérogation, tant au niveau des activités pratiquées que de l'espace dévoué au public. Or, les recourants n'apportent aucun élément concret, si ce n'est leur propre appréciation, remettant en cause celle des spécialistes sur ce point, laquelle est au contraire corroborée par les éléments au dossier. Il sera à cet égard encore précisé que la crèche ne sera en réalité pas nouvelle, l'autorisation de démolir M 1______ visant déjà un bâtiment provisoire voué à l'exploitation d'une crèche.

S'agissant de l'indice de densité, le SPI a relevé qu'il était cohérent avec la demande de dérogation de l'art. 26 al. 1 LaLAT. Or, le fait de qualifier le projet de densification extrême en zone villas, en mettant en avant les dimensions de la construction projetée, ne suffit pas à remettre en cause la cohérence de l'indice de densité, ceci sur des parcelles, comme déjà relevé, non seulement à cheval avec la quatrième zone de construction B protégée, mais également à proximité de la zone de développement 3, ceci dans un contexte d'application de l'art. 26 al. 2 LaLAT, dont la dérogation permet par nature une plus grande densification par l'application des normes de la zone 4B protégée. Cette densification rend possible la création de trente-cinq logements, soit plus de logements que ne le permettrait la cinquième zone de construction, ce qui dénote un autre intérêt public important.

En outre, comme l'indiquent les recourants, le PDCom prévoit certes qu'une partie des parcelles, comprenant l'endroit où est prévue la construction, soit désignée comme un espace urbanisé à faible densité. Néanmoins, d'une part, cette classification est opérée en harmonie avec la délimitation de la cinquième zone de construction. D'autre part, les parcelles concernées sont aussi à cheval avec la zone du noyau villageois ou hameau selon le PDCom, à l'image de la zone 4B protégée. Ces éléments découlant du PDCom se recoupent donc précisément avec l'essence de la dérogation de l'art. 26 al. 2 LaLAT, qui permet justement de déroger au plan d'affectation, étant au surplus relevé que le PDCom ne lie que les autorités entre elles.

De plus, comme l'a relevé la CMNS, la dérogation permettant l'application des normes de la quatrième zone B protégée implique le respect des contraintes de celles-ci, d'autant plus importantes qu'il s'agit d'une zone protégée, ce qui répond également à un intérêt public certain à proximité de la zone 4B protégée. La CMNS n'était d'ailleurs initialement pas satisfaite de l'insertion qualitative du projet dans le site et en a demandé des améliorations pour une meilleure insertion dans la zone protégée, pour finalement préaviser favorablement le projet une fois ses demandes satisfaites. Or, les recourants n'apportent pas d'éléments concrets remettant en cause cette analyse, faites par des professionnels, le SPI ayant par ailleurs lui aussi souligné la qualité d'insertion du projet.

Finalement, comme constaté précédemment, il s'agit d'un projet mis sur pied en concertation avec la commune, requérante dans l'autorisation DD 3______ et qui a préavisé favorablement le projet, de sorte que ses intérêts au développement du quartier ne sont pas lésés par le projet litigieux, bien au contraire.

Par conséquent, la dérogation répond à de nombreux intérêts publics et est conforme aux buts généraux poursuivis par la loi, de sorte que l'on se trouve dans une situation exceptionnelle justifiant la dérogation. L'autorité intimée, tout comme le TAPI, n'ont dès lors pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en suivant l'avis unanime des spécialistes et en accordant la dérogation de l'art. 26 al. 2 LaLAT.

Le grief sera écarté.

7) Même s'ils ne soulèvent pas ce motif en tant que tel, les recourants soutiennent dans le cadre de leur argumentation relative à l'art. 26 al. 2 LaLAT, que l'autorisation litigieuse se heurterait à l'art. 14 al. 1 let. a LCI. Ils invoquent par ailleurs des risques hydrogéologiques.

a. Le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c) ou offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d ; art. 14 al. 1 LCI).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 18b). La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable au sens de l'art. 14 LCI ; de fait, l'accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI (ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 9e).

Les émissions de bruit d'une nouvelle installation fixe seront limitées conformément aux dispositions de l'autorité d'exécution dans la mesure où cela est réalisable sur le plan de la technique et de l'exploitation et économiquement supportable (let. a), et de telle façon que les immissions de bruit dues exclusivement à l'installation en cause ne dépassent pas les valeurs de planification (let. a ; art. 7 al. 1de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 - OPB - RS 814.41). L'exploitation d'installations fixes nouvelles ou notablement modifiées ne doit pas entraîner un dépassement des valeurs limites d'immissions consécutif à l'utilisation accrue d'une voie de communication (let. a) ou la perception d'immissions de bruit plus élevées en raison de l'utilisation accrue d'une voie de communication nécessitant un assainissement (let. b ; art. 9 OPB). L’art. 9 OPB constitue la seule disposition réglant la question des nuisances secondaires. Elle a uniquement trait aux incidences du trafic d’une installation nouvelle ou notablement modifiée sur les voies existantes (Anne-Christine FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l’environnement – Le système – Les particularités liées à l’aménagement du territoire, 2002, n. 13.1.2.3 p. 308).

c. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser qu’en s’inspirant de la réglementation existante, une perte d'ensoleillement pour les bâtiments environnants due à une ombre qui recouvre la totalité de l’habitation ou du bien-fonds voisin, de deux heures au maximum, à l’équinoxe ou un jour moyen d’hiver était, en principe, admissible. Toutefois, la question devait être examinée par l’autorité avec un large pouvoir d’examen, compte tenu des circonstances locales. Le critère de deux heures ne saurait au surplus avoir une portée absolue et constituer à lui seul l’élément décisif (ATF 100 Ia 334 consid. 9b et 9d). Le Tribunal fédéral a également indiqué que dans la mesure où la construction projetée respectait les prescriptions applicables à la zone (indice d’utilisation du sol, gabarit, distances aux limites, etc.), il n'existait pas de droit du voisin à voir sa parcelle ensoleillée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.3).

La chambre de céans a précisé qu’en l’absence de réglementation cantonale en la matière, un inconvénient grave peut exister au sens de l’art. 14 al. 1 let. a LCI lorsque les nouvelles constructions occasionnent sur celles existantes une absence d'ensoleillement supplémentaire de deux heures, cette mesure étant prise par rapport à la date des équinoxes. Une perte plus importante est néanmoins admissible en fonction de l'intérêt public lié à la nouvelle construction. Il convient de noter que cette jurisprudence ne permet de tenir compte des ombres portées que sur les constructions déjà existantes, et non sur les bien-fonds sur lesquels elles se trouvent. Dans leur principe, ces règles jurisprudentielles sont applicables à toutes les zones (ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 17b et les références citées).

Le Tribunal fédéral a encore précisé que toute projection d'ombre ne saurait constituer une atteinte à la propriété et qu’il appartenait dès lors à l'intéressé d'apporter la preuve du fait qu’il alléguait et, en particulier de quantifier la perte d'ensoleillement subie, puisqu'il tentait d'en déduire un droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 3.2).

d. S’agissant notamment de la perte de vue, la jurisprudence admet que ce droit n’est en tant que tel pas protégé en droit public, si ce n’est de façon indirecte par le biais des règles de police des constructions (distances aux limites et entre bâtiments, hauteurs maximum, notamment ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_279/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.5.2). En conséquence, la perte de vue qui résulte de constructions ne saurait constituer en soi un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI (ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 10).

e. En l'espèce, les recourants affirment que du seul fait que la construction litigieuse ne serait pas conforme à la zone de villas, elle ne pourrait qu'être source d'inconvénients graves pour eux, soutenant que les nuisances en termes de bruit, de vue, d'ensoleillement, de circulation de véhicules et de qualité de l'environnement, de même que la perte de valeur de leurs propriétés seraient notoires.

Ce faisant, les recourants n'apportent aucun élément permettant concrètement de remettre en cause l'analyse faite par l'instance précédente de l'examen du dossier par l'autorité intimée et les instances spécialisées.

En relation avec le bruit et la circulation, le TAPI a à juste titre constaté que les recourants ne motivaient leur grief que de façon très générale, ceci alors que les spécialistes de l'OCT avaient rendu un préavis favorable. Or, ils n'ont pas apporté plus de substance à leurs allégations devant la chambre administrative, de sorte qu'ils n'apportent aucun élément propre à remettre en cause le préavis favorable de l'OCT, dont les spécialistes ont examiné à deux reprises le dossier, ayant la première fois demandé des modifications. Par ailleurs, le dossier d'autorisation de construire comprend une étude acoustique du projet, laquelle conclut que le bruit du trafic induit par le projet respecte l'art. 9 OPB, conclusion que rien au dossier ne conduit à contredire.

S'agissant de la perte d'ensoleillement, le TAPI a à juste titre constaté que les recourants n'avaient apporté aucune substance à leur allégation alors que la requérante a produit une étude sur ce point à l'appui de sa réponse devant le TAPI, du 20 octobre 2021. Celle-ci conclut que, dans toutes les situations, les ombres portées au jour moyen d'hiver, l'équinoxe de printemps, l'équinoxe d'automne ainsi que le solstice d'été ont un impact inférieur à 2h par jour sur les toitures. Le TAPI était donc fondé à conclure que la perte d'ensoleillement due au projet litigieux n'était pas constitutive d'un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI.

Concernant la vue, les recourants n'invoquent plus devant la chambre administrative de violation de règles de police des constructions, n'ayant en particulier pas repris le grief de violation du gabarit de hauteur formulé devant l'instance précédente. Pour le reste, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la perte de vue résultant des constructions ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI.

Quant à la perte de valeur de leurs propriétés, outre le fait que les recourants l'allèguent, sans la rendre vraisemblable, un tel argument ressortit au droit privé et est exorbitant au litige (ATA/197/2022 du 22 février 2022 consid. 4c et la référence citée).

Finalement, en relation avec les risques hydrogéologiques, l'OCEau, instance spécialisée en la matière, a étudié à deux reprises le dossier contenant l'étude géotechnique, a spécifiquement relevé le fait que le projet litigieux se trouvait en zone de danger indicatif, a expressément fait référence à l'art. 14 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et 9 du règlement d'application de la LEaux-GE du 15 mars 2006 (REaux - L 2.05.01), concernant les zones de danger dû aux crues, et a demandé la prise de toutes les mesures constructives nécessaires à la minimisation des risques en cas d'événement exceptionnel (inondation), compte tenu de la nature des objets prévus dans la zone. Les risques hydrogéologiques ont ainsi pleinement été pris en compte et les recourants se contentent de substituer leur appréciation, sans l'étayer, à celle des spécialistes. Par ailleurs, s’ils invoquent des problèmes de sécurité liés au bassin de rétention demandé par l'OCEau, on ne voit pas en quoi un tel bassin ne pourrait pas être réalisé tout en assurant la sécurité des usagers de la crèche et du terrain d'aventure notamment. S'agissant des risques sanitaires, un bassin de rétention a précisément pour but de réguler l'écoulement des eaux de pluie, ce qui n'implique pas d'eau stagnante que les recourants craignent au regard des recommandations sanitaires.

Au vu de ce qui précède, l'instance précédente a, à juste titre, écarté le grief de violation de l'art. 14 LCI, tant par rapport aux inconvénients graves invoqués que par rapport aux risques sécuritaires sur le plan hydrogéologique.

8) Les conclusions de E______ à la condamnation des recourants à une amende pour téméraire plaideur (art. 88 al. 1 et 2 LPA) sont irrecevables (ATA/439/2022 du 26 avril 2022 consid. 12a et les références citées) et il n'existe en l'occurrence pas de motifs justifiant le prononcé d'une telle amende.

9) Dans ces circonstances, le recours contre le jugement du TAPI confirmant l'autorisation de l'autorité intimée, entièrement mal fondé, sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, ce qui exclut Mme F______, qui n'est pas intervenue et n'a pas pris de conclusion dans la procédure devant la chambre administrative (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à E______, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 15 juin 2022 par Madame  et Monsieur A______, Monsieur B______, Madame C______ et Madame ainsi que Monsieur D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 mai 2022 ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur  A______, Monsieur B______, Madame C______ et Madame ainsi que Monsieur D______ ;

alloue à E______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge solidaire de Madame et Monsieur  A______, Monsieur B______, Madame C______ et Madame ainsi que Monsieur D______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Rüttimann, avocat des recourants et de Madame  F______, à Mes David Bensimon et Guillaume Francioli, avocats de E______, au département du territoire ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.


 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :