Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2809/2021

ATA/486/2023 du 09.05.2023 sur JTAPI/1014/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.06.2023, rendu le 13.02.2024, REJETE, 1C_294/2023
Normes : Cst.29.al2; Cst.5.al3; Cst.8; Cst.9; LCI.1.al1; LCI.3.al3; LCI.5.al6; LRoutes.11.al3; LPN.3; LPMNS.35; LPMNS.36.al1; LPMNS.36.al2.leta; RCVA.1; RCVA.15; RCVA.16
Résumé : Recours contre un jugement du TAPI confirmant une décision du département refusant de délivrer une autorisation de construire. L’autorisation préalable accordée en 2016 est devenue caduque à l’échéance d’un délai de deux ans en l’absence d’une demande de prolongation de validité. Le département était donc en droit d’examiner librement le nouveau projet soumis en 2019 et de s’écarter de son appréciation antérieure. Les recourants ne peuvent pas se prévaloir du respect de la bonne foi. Le projet de construction ne respecte pas la distance minimale de 15 m à la route communale, de sorte que l’octroi d’une dérogation est nécessaire. Le département a suivi le préavis négatif de la commune, qui a mis en évidence plusieurs motifs pertinents à l’encontre du choix d’implantation des bâtiments. L’OCAN a également émis un préavis négatif car le projet prévoyait l’abattage d’une quantité importante d’arbres sans compensation effective possible. La situation des bâtiments auxquels se réfèrent les recourants pour invoquer une violation du principe de l’égalité de traitement diffère nettement de celle du projet litigieux. Rejet du recours et confirmation du jugement du TAPI.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2809/2021-LCI ATA/486/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______, B_____, C_____, D_____,
E_____ et F_____, recourants

représentés par Me Karin GROBET THORENS, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

et

COMMUNE DE BERNEX,
représentée par Me Nicolas WISARD, avocat

et

G_____, H_____, I_____, J_____, K_____, L_____, M_____, N_____, O_____, P_____, Q_____

intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2022 (JTAPI/1014/2022)


EN FAIT

A. a. R_____ (ci-après : R_____) est propriétaire de la parcelle n° 8'697 sise sur la commune de Bernex (ci-après: la commune).

E_____ est propriétaire de la parcelle n° 8'698 sise sur la commune.

A______, B_____, C_____ et D_____ sont copropriétaires de la parcelle n° 2'796 de la commune.

Ces trois parcelles, sises en zone 4B protégée, sont contiguës et situées entre la rue de Bernex et le chemin de la Naz, en bordure de la zone agricole.

b. Le 6 juin 2013, E_____ a sollicité du département du territoire (ci- après : le département) une autorisation de construire préalable (ci-après : DP) portant sur les parcelles nos 2'796 et 3'168 (devenues les parcelles nos 8'697 et 8'698) visant la construction de trois bâtiments villageois, d'un parking souterrain, la transformation d'immeubles existants, la création d'aménagements extérieurs, de places de parking extérieures et de murs. Cette requête a été enregistrée sous le numéro DP 1_____.

Dans le cadre de l'instruction de cette demande, la commune et la direction générale de la nature et du paysage, devenue l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN), ont préavisé favorablement le projet.

Le 15 février 2016, le département a accordé l'autorisation préalable sollicitée, rappelant la teneur de l'art. 5 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), à savoir la durée de validité de deux ans de cette autorisation à compter de sa publication dans la Feuille d'avis officielle
(ci-après: FAO).

Cette décision a été publiée dans la FAO du 19 février 2016. Aucune demande définitive n'ayant été déposée avant le 19 février 2018, la DP 1_____ est devenue caduque après cette date.

c. Le 8 novembre 2019, E_____ et F_____ (ci-après : les requérants), société spécialisée dans le domaine des opérations mobilières et immobilières, notamment la construction, et dont A______, B_____, C_____ et D_____ sont les administrateurs, ont déposé une demande définitive (ci-après : DD) d'autorisation de construire auprès du département. Cette requête portait sur la construction de deux immeubles villageois, d'un parking souterrain, d'aménagements extérieurs et l'abattage d'arbres sur les parcelles nos 2'796, 8'697 et 8'698. Elle ne visait plus le projet de rénovation des immeubles existants et différait du projet DP 1_____, principalement au niveau de l'accès des véhicules au parking souterrain qui se ferait par un ascenseur à voitures et non plus une longue rampe, des places de stationnement extérieures, de la taille du sous-sol et de l'aménagement de la cour. Elle a été enregistrée sous le numéro DD 2_____.

Plusieurs préavis ont été recueillis, dont celui défavorable de l’OCAN, lequel a relevé que le projet prévoyait l'abattage d'une quantité importante d'arbres présentant une bonne qualité sanitaire et que la suppression de ces végétaux impliquait un fort impact sur l'image paysagère environnante (préavis du
12 décembre 2019).

La commune a requis la production de pièces complémentaires permettant de donner une vue d'ensemble des impacts sur la végétation, relevant que le projet prévoyait d'abattre une importante quantité d'arbres à l'intérêt paysager et de fraîcheur indéniable, sans qu’il soit possible de vérifier s’ils seraient dûment compensés par la plantation d'autres arbres, en particulier sur la parcelle n° 2'796 (préavis du 31 janvier 2020).

d. Le 16 novembre 2020, les requérants ont déposé une nouvelle version du projet, qui prévoyait notamment la réduction de la taille du parking en sous-sol et du nombre de places pour véhicules, la définition de places pour motos, l’augmentation des places pour vélos, le réaménagement du parking existant en surface et la définition d'un plan d’aménagement paysagé (ci-après : PAP).

Plusieurs autorités ont sollicité des documents complémentaires et des modifications, dont la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) qui a requis la production de l'extrait du plan cadastral établi par l'ingénieur géomètre officiel mis à jour (préavis du 16 novembre 2020), la police du feu qui a sollicité la modification du projet sur certains points et observé que ce derrnier péjorait la situation des voies d'accès des engins d'incendie et de secours pour les bâtiments alentours, de sorte que des modifications devaient être apportées selon les échanges du 18 juin 2020 entre S_____ et T_____, inspecteur de la police du feu (préavis du 25 novembre 2020), et l’office cantonal de l’eau (ci-après : l’OCEau) qui a requis la production du nouveau formulaire TAXEAU (préavis du 13 janvier 2021).

La commune a émis un préavis défavorable, relevant que le problème principal posé par le projet tenait à la recherche d'une maximisation de l'utilisation du terrain en implantant une nouvelle barre dans les jardins à l'arrière d'un ensemble d'immeubles existants, occupant la quasi-totalité de la partie libre de la parcelle. La densité excessive ainsi recherchée impliquait de positionner les bâtiments projetés à 5 m de l'axe du chemin de la Naz, ce qui ne respectait pas la distance légale de
15 m à la voie publique. L'autorisation de construire ne pourrait donc être délivrée qu'en vertu d'une dérogation, laquelle devait être justifiée par une pesée des intérêts. Elle a conclu que l’examen des caractéristiques du projet conduisait au constat que ses impacts l’emportaient sur l’ensemble des intérêts, de sorte que l’octroi de la dérogation ne se justifiait pas (préavis du 17 décembre 2020).

L’OCAN a préavisé défavorablement le projet, reprenant en substance les termes de son préavis du 12 décembre 2019 et précisant que le projet de replantation ne présentait pas les conditions permettant aux arbres d'atteindre leur taille adulte (préavis du 7 janvier 2021).

e. Par décision du 24 juin 2021, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée. Il a rappelé le contenu des préavis défavorables de l'OCAN et de la commune, s’agissant de l'abattage d’une quantité importante d’arbres présentant une bonne santé sanitaire. Le projet n’était pas conforme aux dispositions de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du
1er juillet 1966 (LPN – RS 451) et aux prescriptions du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04). De plus, il nécessitait une dérogation selon l'art. 11 de la loi sur les routes du
28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10), à laquelle la commune était opposée. Dès lors, « pour ce seul motif déjà », l'autorisation de construire sollicitée ne pouvait être accordée. Vu l'absence d'accord de l'OCAN et de la commune, le département renonçait, par économie de procédure et en application du principe de célérité, à transmettre aux requérants les demandes de modification du projet et de compléments sollicitées par la police du feu, la DAC et l'OCEau.

B. a. Le 26 août 2021, les requérants et A______, B_____, C_____ et D_____ (ci-après : les recourants) ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision précitée, concluant préalablement à leur audition personnelle ainsi qu’à celle de S_____, et à ce que soit ordonnée une inspection locale. Principalement, ils ont conclu à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause au département pour qu’il délivre l’autorisation de construire. En substance, les requérants ont invoqué le principe de la bonne foi, qui imposait à la commune et au département d'observer un comportement permettant de protéger les garanties données. Ils ont reproché au département de ne pas avoir tenu compte du PAP, lequel prévoyait des mesures adéquates et suffisantes, notamment la plantation de 25 arbres, dont 20 en pleine terre. Ils n'avaient reçu aucune demande de compléments de la police du feu, de la DAC et de l'OCEau, de sorte que la décision de refus consacrait une violation du droit d'être entendu. Vu l'abrogation du règlement de la commune prévoyant un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) maximum, la densification du projet litigieux répondait aux prescriptions légales régissant la zone 4B protégée. Le plan officiel du géomètre joint au dossier faisait apparaître que les exigences légales en matière de distance entre les bâtiments neufs et existants étaient respectées. Enfin, les onze places motos et les 90 places vélos prévues étaient conformes aux exigences légales et avaient été validées par l'OCT.

b. Par écriture du 5 octobre 2021, G_____, H_____, I_____, J______, K_____,
L_____, M_____, N_____, U_____, V_____, O_____, P_____, Q_____ et W_____(ci-après : les intervenants) ont demandé à intervenir dans la procédure. Ils habitaient dans des immeubles aux nos 353 – 359 de la rue de Bernex. Ils appuyaient les observations de l'OCAN et de la commune, et s'opposaient au projet de construction, ainsi qu'à l'abattage d'arbres importants. Au-delà des problèmes d'environnement, ce projet péjorerait gravement les qualités d'habitabilité pour les locataires des appartements existants.

Après avoir invité les parties à se déterminer, le TAPI a admis cette demande d'intervention, par décision du 27 octobre 2021 (DITAI/507/2021).

c. Le département a conclu au rejet du recours et les requérants ont persisté et maintenu leur argumentation. La commune, également intervenante, a fait part de ses observations, et le département a rappelé que la commune, dont la consultation était imposée, était opposée à l'octroi de la dérogation et faisait valoir un motif pertinent. Les requérants ont transmis des observations finales.

d. Par jugement du 28 septembre 2022, notifié le 3 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours, considérant que le département avait à juste titre choisi de suivre le préavis défavorable de la commune.

Il a écarté la demande d’acte d’instruction, considérant qu’il disposait des documents nécessaires au dossier et que les mesures requises n’étaient pas utiles. Il a exclu toute violation du droit d'être entendu, relevant que la décision de refus se référait aux préavis défavorables de l'OCAN et de la commune, de sorte que même si les requérants avaient pu donner suite aux demandes de compléments formulées par certaines autres instances de préavis, la solution retenue aurait été la même.

S'agissant de la violation du principe de la bonne foi, les éléments fixés dans la
DP 1_____ avaient perdu leur autorité de chose décidée puisque que l'autorisation était devenue caduque en février 2018, en l’absence de toute demande de prolongation de validité. Le département était donc en droit de procéder à un nouvel examen global du projet et de tenir compte des nouvelles positions de l'OCAN et de la commune.

Les différentes versions du PAP présentaient des divergences et il ne ressortait pas du dossier que des mesures adéquates et suffisantes avaient été prévues pour compenser l'abattage des nombreux arbres, de sorte que les réserves exprimées par l'OCAN demeuraient valables.

Quant au refus d'une dérogation à la distance à la route, les bâtiments voisins situés sur le tronçon du chemin de la Naz perpendiculairement à la rue de Bernex étaient de typologie différente et ne marquaient pas de front visible qui permettrait d'y situer un alignement de constructions existantes.

C. a. Par acte du 2 novembre 2022, les recourants ont interjeté recours contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu, préalablement, à ce que soient ordonnées leur audition et celle de S______, ainsi qu’une inspection locale. Principalement, ils ont conclu à l’annulation du jugement attaqué et à l’annulation de la décision de refus du 24 juin 2021, ainsi qu’au renvoi de la cause au département afin qu’il délivre l’autorisation de construire n° DD 2_____.

La décision de refus d’autorisation du département était notamment fondée sur la prétendue absence de remise des documents sollicités par la police du feu et par l’OCEau. Or, ils n’avaient reçu aucune demande s’agissant des compléments listés par l’office des autorisations de construire dans sa décision du 24 juin 2021. Ils ne s’étaient donc pas prononcés sur ces motifs, ce qui consacrait une violation du droit d’être entendu.

La décision de refus consacrait une violation du principe de la bonne foi. En effet, la demande préalable était pratiquement identique à la demande définitive, en particulier s’agissant des motifs de refus invoqués dans la décision du 24 juin 2021, soit les aspects liés à l’abattage d’arbres et à la distance à la route communale. Le délai prévu à l’art. 5 al. 6 LCI visait à éviter qu’un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l’autorisation reçue à un changement de règlementation, mais ce droit ne saurait vider de sa substance le principe plus large conféré à la protection des garanties données et à la protection du principe de la bonne foi. Retenir que l’autorisation préalable excluait l’application de ce principe fondamental revenait à placer le destinataire d’une autorisation administrative dans une situation plus défavorable que tout autre administré, ce qui serait contraire au droit. Ainsi, la caducité de la demande préalable ne saurait à elle seule justifier l’adoption d’un comportement contraire au principe de la bonne foi, qui imposait tant à la commune qu’au département d’observer un comportement permettant de garantir les assurances que l’administré avait acquises de bonne foi. La décision de refus n’était pas fondée sur des modifications du projet, ni motivée par des changements législatifs, mais reposait uniquement sur des éléments qui avaient à l’époque été positivement préavisés et qui avaient de surcroît été améliorés. De plus, il suffisait d’un courrier motivé pour obtenir la prolongation de l’autorisation préalable, laquelle aurait dû être accordée au vu de la jurisprudence. Enfin, le changement de politique publique et la nouvelle « sensibilité s’agissant des arbres » évoqués par la commune ne se fondaient pas sur une base légale et étaient contraires aux garanties conférées. Le changement de sensibilité s’expliquait en réalité par celui des responsables au sein de la commune. En l’absence de modifications législatives, le principe de la légalité ne s’opposait pas à l’application de celui de la bonne foi.

En outre, le refus du département consacrait une violation du principe de proportionnalité, dans l’application de l’art. 11 LRoutes, d’une part, et dans celui de l’art. 3 al. 2 LPN et des prescriptions du RCVA, d’autre part.

Selon les travaux préparatoires, le but de l’art. 11 LRoutes était de permettre l’éventuel élargissement des voies publiques et la dérogation prévue à son al. 3 s’appliquait notamment si un tel élargissement paraissait peu probable. Par ailleurs, il convenait de relever le caractère purement consultatif et non contraignant de la commune face à la possibilité d’octroi d’une dérogation par le département. Vu l’absence de plan d’alignement à l’endroit concerné, le projet ne pouvait en principe être implanté à une distance de moins de 15 m du chemin de la Naz, mais la pesée des intérêts en présence aurait dû conduire à l’octroi d’une dérogation. En effet, de nombreux bâtiments étaient implantés le long du chemin de la zone agricole en face à une distance inférieure à 15 m du chemin de la Naz, ce qui excluait d’ores et déjà un futur élargissement de la route, sans compter qu’il s’agissait d’un chemin sans issue. La ratio legis de la dérogation prévue à l’al. 3 résidait précisément dans le fait de permettre à un projet de respecter un alignement des constructions existantes, lorsqu’un élargissement de la route paraissait illusoire. L’office cantonal des transports n’avait formulé aucune remarque relative à la distance à la route, que ce soit au stade la demande préalable ou au stade de la demande définitive, et les considérations relatives à l’impact sur le contexte urbain et paysager, les nuisances causées au voisinage, la densité et le gabarit, ou encore l’impact sur l’ensoleillement n’avaient jamais été soulevées dans le cadre de la demande préalable. Cela étant, ils avaient démontré que leur projet n’aurait qu’un très faible impact sur l’ensoleillement et que sa densité respecterait parfaitement les limitations en vigueur. Il n’y avait aucun intérêt public justifiant le refus de la dérogation. Même si tel avait été le cas, il conviendrait d’admettre que leurs intérêts étaient à tout le moins prépondérants, puisque le bâtiment projeté ne pourrait être que de 1.08 m de large en respectant la distance limite de 15 m, ce qui reviendrait à déclarer le terrain inconstructible, alors qu’il se trouvait en zone 4B protégée, causant ainsi une perte de valeur de plus de CHF 2'000'000.-, sans compter les frais déjà engagés.

S’agissant des arbres, le préavis de la commune du 17 décembre 2020 s’était appuyé sur des éléments du plan directeur communal qui n’était en l’état toujours pas en vigueur. Suite au préavis DP 1_____ et aux exigences imposées par l’OCAN, un PAP avait été déposé et l’implantation du parking et des bâtiments avait été modifiée afin que « le domaine vital de l’arbre » soit préservé. L’abattage de onze arbres avait été ramené à dix arbres dans le cadre de la demande définitive et le PAP, établi par un professionnel, prévoyait des mesures compensatoires adéquates et suffisantes, dont la plantation de 25 arbres parmi lesquels 20 étaient en pleine terre. Rien ne permettait de considérer que ces derniers ne pourraient atteindre leur taille adulte. Ils avaient pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être attendues d’eux afin de préserver au mieux l’environnement et compenser l’abattage d’arbres prévu par des mesures compensatoires suffisantes. Exiger d’eux qu’ils renoncent entièrement à leur projet pour ce motif consacrait une violation du principe de proportionnalité.

La décision de refus violait en outre le principe d’égalité de traitemen,t puisque de multiples bâtiments dérogeaient à la distance limite de 15 m applicable, et ce dans des conditions tout à fait similaires au projet en cause, étant encore relevé que certains de ces projets avaient été autorisés très récemment, le dernier en août 2022. Le TAPI avait exclu l’existence d’une situation « identique », mais le principe d’égalité de traitement trouvait son application dans des situations similaires déjà, et non strictement identiques.

b. Les intervenants habitants du 353 au 359 rue de Bernex ont déclaré appuyer sans réserve le jugement entrepris et persister dans leur détermination du 5 octobre 2021 adressée au TAPI.

c. Le département a conclu au rejet du recours.

d. Le 10 janvier 2023, la commune a conclu à la confirmation du jugement du TAPI.

e. Dans leur réplique, les recourants ont soulevé qu’ils n’avaient pas demandé la prolongation de l’autorisation préalable précisément car ils avaient apporté des modifications visant à améliorer et favoriser l’aspect écologique de leur projet, donnant ainsi suite aux réserves formulées dans le cadre de la procédure préalable. Ils pouvaient de bonne foi considérer que l'ensemble des éléments préavisés favorablement dans le cadre de la demande préalable, de même que ceux modifiés afin d'être améliorés, ne poseraient pas de difficultés dans le cadre de leur demande définitive, puisqu’aucun changement législatif n'était intervenu. Rien ne permettait de considérer que les 20 arbres dont la plantation était prévue en pleine terre ne pourraient atteindre leur taille adulte : une telle appréciation était arbitraire. L'argumentation générale et laconique consistant à invoquer une « modification du contexte global » ou une « évolution des réflexions liées à la nature » ne pouvait fonder un refus avec toutes les conséquences majeures qui en découlaient, étant encore observé qu’à peine plus de trois années s’étaient écoulées entre la délivrance de l’autorisation préalable et le dépôt de la demande définitive. La première génération du « Plan climat cantonal 2030 » avait été adoptée par le Conseil d'État en 2015 et était donc déjà d'actualité au moment de la DP 1_____. S'il était vrai que les considérations liées à la nature ne cessaient d'évoluer, ce qu’ils avaient précisément pris en compte avec les modifications apportées au projet, il serait disproportionné de considérer celles survenues en trois ans comme suffisantes pour justifier un revirement total de la position de la commune, ce d'autant qu'aucun changement législatif n'était intervenu durant ce laps de temps.

Un transport sur place aurait permis de constater l'absence totale d'intérêt à refuser une dérogation à la LRoutes. La DP 1_____ confirmait d'ailleurs ce principe. Les considérations de la commune ne sauraient être suivies, dans la mesure où le projet litigieux se situait en zone 4B protégée, comme d’autres projets autorisés qui n’étaient pas situés plus au centre du village. L’IUS était actuellement de 0.59 et serait porté à 0.93 avec le projet litigieux, ce qui demeurait dans la fourchette habituelle de la zone 4B (entre 0.8 et 1.0). Lorsque le précédent règlement communal applicable à Bernex était en vigueur avec un indice maximum de 0.4, la commune accordait quasi systématiquement des dérogations. Enfin, il convenait de prendre en considération leur intérêt, puisque le respect de la distance limite au chemin de la Naz sans dérogation empêchait concrètement toute réalisation d'un bâtiment avec des habitations. Il était assimilable, de fait, à une expropriation partielle. Une telle contrainte avait pour conséquence une perte de valeur du projet équivalente à plus de CHF 2'000'000.- et empêchait la création d'un nombre substantiel de nouveaux logements sur la commune. Une pesée des intérêts en présence devait conduire à l'octroi d'une dérogation fondée sur l'art. 11
al. 3 LRoutes.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. Le contenu des pièces sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI du 28 septembre 2022 rejetant le recours des requérants contre la décision du 24 juin 2021, par laquelle le département a refusé de leur délivrer l’autorisation de construire.

3.             À titre préalable, les recourants sollicitent leur audition personnelle, celle de S_____ et une inspection locale.

3.1 Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause, étant encore rappelé que la procédure administrative est en principe écrite (art. 18 LPA ; art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2).

3.2 En l'espèce, la chambre de céans dispose d'un dossier complet, comprenant notamment les écritures des parties et toutes les pièces produites à leur appui. Les recourants ne soutiennent pas que leur audition ou celle de témoins apporteraient des éléments pertinents qui ne résulteraient pas déjà des documents versés à la procédure. En outre, les nombreux plans figurant au dossier, en particulier ceux de construction et d’arborisation, complétés en tant que de besoin par la consultation du Système d’information du territoire à Genève (SITG), permettent de se rendre compte de la situation de fait, de sorte qu’un transport sur place n’est pas utile.

Partant, pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, la chambre de céans estime être en possession de tous les éléments nécessaires pour statuer en pleine connaissance de cause sur les griefs invoqués par les recourants.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées.

4.             Les recourants invoquent une violation de leur droit d'être entendus et reprochent au département d’avoir rendu la décision litigieuse sans leur avoir au préalable communiqué les demandes de compléments de certaines instances de préavis.

En l’occurrence, la décision de refus litigieuse se réfère aux préavis défavorables de l'OCAN et de la commune et est fondée sur le non-respect des art. 1, 14 et
16 RCVA, 3 LPN et 11 LRoutes.

Par conséquent, compte tenu des motifs retenus pour refuser l'autorisation, le département pouvait, par économie de procédure et dans un but de célérité, ne pas transmettre aux recourants les demandes de compléments.

Aucune violation du droit d'être entendu ne saurait donc être retenue.

5.             Les recourants font valoir une violation du principe de la bonne foi. Ils rappellent avoir obtenu une autorisation préalable le 15 février 2016 (DP 1_____), portant sur un projet pratiquement similaire, s'agissant en particulier des aspects ayant motivé la décision de refus, à savoir en lien avec l'abattage d'arbres et la distance de la route.

5.1 Le principe de la bonne foi est consacré par l'art. 5 al. 3 Cst, qui dispose que les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst.

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences, que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu, qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2019 du
3 avril 2020 consid. 5.1). Le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un simple comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, pour autant que celui-ci soit susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). L'administré doit donc avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en déduire les conséquences qu'il en a tirées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2019 du 3 avril 2020 consid. 5.1).

5.2 Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).

L’art. 4 LCI prévoit notamment que l’autorisation est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la FAO (al. 5). Lorsque la demande en est présentée un mois au moins avant l’échéance du délai fixé à l’alinéa précédent, le département peut prolonger d’une année la validité de l’autorisation de construire ; dans ce cas, la présentation des pièces prévues à
l’art. 2 al. 2 n’est pas exigible (al. 7). Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (al. 8). La décision accordant une prolongation est publiée dans la Feuille d'avis officielle (al. 9).

En vertu de l’art. 5 LCI, la demande préalable tend à obtenir du département une réponse sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (al. 1). La réponse à la demande préalable régulièrement publiée vaut décision et déploie les effets prévus aux art. 3, 5 al. 1 et 146 de la loi (al. 5). L'autorisation préalable est caduque si la demande définitive n'est pas présentée dans le délai de deux ans à compter de sa publication dans la FAO. L'art. 4 al. 7, 8 et 9, est applicable par analogie (al. 6).

5.2.1 L'autorisation préalable d'implantation a été créé pour garantir à la procédure d'autorisation de construire un déroulement par étapes, expéditif et aussi économique que possible. Cette autorisation empêche le renchérissement ou l'allongement de la procédure d'autorisation. Elle permet surtout de garantir la sécurité du droit et la transparence aussi bien pour les constructeurs que pour les éventuels tiers intéressés (ATF 135 II 30 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_40/2012 du 14 février 2012). En déposant une telle demande préalable, le constructeur cherche à obtenir une décision de principe sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet. Il s'agit d'éviter d'engager des frais considérables liés à un projet d'envergure, compliqué ou potentiellement controversé, sans obtenir certaines assurances quant au caractère réalisable du projet (arrêt du Tribunal fédéral 1C 588/2016 26 octobre 2017 consid. 2.3).

L'art. 5 al. 6 LCI prévoit la caducité de l'autorisation préalable lorsqu'elle est n'est pas suivie d'une demande d'autorisation de construire dans les deux ans qui suivent sa publication. Cette limitation dans le temps tend à confirmer qu'une telle décision n'est pas vouée à rester en force sur le long terme (arrêt du Tribunal fédéral 1C_74/2021, 1C_76/2021 du 24 janvier 2022 consid. 6.2).

5.2.2 Le permis d'implantation confère temporairement force de chose décidée aux éléments qu'il contient, ce qui a pour effet d'empêcher que ces éléments soient remis en cause à l'occasion du permis de construire. C'est en cela qu'il contribue à la sécurité du droit. En statuant sur une demande préalable d'implantation, l'autorité communale doit trancher des questions de principe liées à l'édification de la construction, en particulier le droit de construire, l'emplacement, le type d'ouvrage et les rapports de surface. L'autorisation de construire doit être délivrée si la demande en est faite dans le délai de deux ans et si le projet de construction est conforme aux conditions fixées par le permis d'implantation. Si le propriétaire laisse son permis d'implantation se périmer ou s'il présente un projet qui ne respecte pas les conditions fixées par cette autorisation préalable ou qui diffère du projet faisant l'objet de l'autorisation, l'autorité communale, le cas échéant l'autorité de recours, examine librement toutes les questions que soulève le projet sans être liée par le permis d'implantation initial. L'autorisation préalable ne lie la municipalité lors de la procédure définitive de permis de construire que dans la mesure où la situation de fait et de droit déterminante qui a conduit à son octroi reste pour l'essentiel inchangée (arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud AC.2016.0015 du
23 août 2016, in RDAF 2017 I p. 104 ss).

S’agissant de l’autorisation de construire, la caducité est la conséquence de l'absence de travaux dans le délai mentionné à l'art. 4 al. 5 LCI, ce délai étant un délai de péremption (arrêt du Tribunal fédéral 1A.150/2001 du 31 janvier 2002 consid. 1.1.3 ; ATA/247/2013 du 16 avril 2013 consid. 4b). Selon la doctrine, pour des motifs de stabilisation juridique, les législations prévoient souvent un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé ; il s'agit d'éviter qu'un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l'autorisation qu'il a reçue à un changement de réglementation. De plus, le juge doit examiner d'office si ce droit est périmé (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 102-104 ; ATA/308/2021 du 9 mars 2021 consid. 4b).

Selon la jurisprudence, l'intérêt au respect de l'autorité de la chose jugée et de la bonne foi n'est pas pertinent lorsque l'autorisation de construire est devenue caduque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_273/2021 du 28 avril 2022, 1C_587/2017 du 19 mars 2018).

5.3 Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 147 V 35 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_686/2020 du 12 mai 2021 consid. 2.1.2). Le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 147 III 78 consid. 6.4). Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 146 IV 249 consid. 1.3). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 144 III 58 consid. 4.1.3.1) ou plus généralement au droit supérieur (ATF 146 V 87 consid. 8.2.2).

5.4 En l'espèce, l'autorisation préalable DP 1_____, publiée dans la FAO le
19 février 2016, n'a fait l'objet d'aucune demande de prolongation de validité et est ainsi devenue caduque à l'échéance d'un délai de deux ans, soit le 20 février 2018. Les recourants ne le contestent pas.

La jurisprudence relative à l’art. 4 al. 5 LCI qui concerne les autorisations de construire ordinaires peut s'appliquer mutatis mutandis à l’art. 5 al. 6 LCI en matière d’autorisation préalable, ces deux dispositions prévoyant dans des termes identiques la caducité de l’autorisation délivrée en l’absence de certaines démarches dans un délai de deux ans suivant la publication dans la FAO, et ce dans un même but, soit celui de ne pas permettre à l’autorisation de demeurer en force sur le long terme.

Partant, les recourants ayant laissé leur autorisation préalable se périmer, celle-ci a perdu toute validité. Le département n’était donc plus lié par la DP 1_____ lorsque les recourants ont déposé le 8 novembre 2019 la première version de la DD 2_____. Que cette dernière soit similaire au projet autorisé à titre préalable est sans pertinence, puisque les éléments fixés dans la DP 1_____ ont perdu leur autorité de chose décidée avec la caducité de l'autorisation. Le département était donc en droit d’examiner librement toutes les questions soulevées par le nouveau projet et à s’écarter de son appréciation antérieure.

Le TAPI a donc jugé à bon droit que les recourants ne pouvaient se prévaloir du respect de la bonne foi, puisque l'autorisation était devenue caduque. À toutes fins utiles, il sera rappelé que les recourants auraient pu solliciter la prolongation de l’autorisation préalable et que le département, pas plus que la commune, ne leur ont délivré d’information erronée ni n’ont adopté un comportement propre à les tromper. Ils n’ont jamais émis l'assurance qu'ils conserveraient la même appréciation au-delà de la période de validité de la demande préalable. Au contraire, l’autorisation préalable mentionnait déjà être délivrée à certaines conditions, dont celle d’observer les directives contenues dans certains préavis, notamment celui de l’OCAN du 23 septembre 2013, lequel était favorable sous réserve qu’un PAP complet soit soumis lors de la demande définitive démontrant, entre autres, la conservation valable de la végétation en place et la plantation projetée compensant les arbres devant être sacrifiés à la construction.

Le département était donc fondé à procéder à un nouvel examen global du projet, en tenant compte des nouvelles positions de l'OCAN et de la commune, et ce même en l’absence de tout changement législatif.

Partant, le principe de la bonne foi n'a pas été violé.

6.             Les recourants invoquent une violation du principe de proportionnalité dans le cadre de l’application de l’art. 11 LRoutes, d’une part, et de l’art. 3 al. 2 LPN et des prescriptions du RCVA, d’autre part.

6.1 Ils soutiennent que la pesée des intérêts en présence aurait dû conduire à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 11 al. 3 LRoutes. Selon eux, cette dernière s’appliquait notamment si un élargissement des voies publiques paraissait peu probable. De plus, plusieurs bâtiments étaient implantés à une distance inférieure à 15 m du chemin de la Naz et la ratio legis de la dérogation résidait précisément dans le fait de permettre à un projet de respecter un alignement des constructions existantes, lorsqu’un élargissement de la route paraissait illusoire. Les considérations relatives à l’impact sur le contexte urbain et paysager, les nuisances causées au voisinage, la densité et le gabarit, ou encore l’impact sur l’ensoleillement n’avaient jamais été soulevées dans le cadre de la demande préalable. Cela étant, leur projet n’aurait qu’un très faible impact sur l’ensoleillement et sa densité respecterait les limitations en vigueur. Il n’y avait aucun intérêt public justifiant le refus de la dérogation. Même si tel avait été le cas, leurs intérêts étaient à tout le moins prépondérants, compte tenu de la perte de valeur de leur terrain qui serait alors minconstructible et des frais déjà engagés.

6.1.1 L’art. 3 al. 3 LCI prévoit notamment que les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis.

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 6a et les références citées).

6.1.2 Selon l’art. 11 LRoutes, aucune nouvelle construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée entre les voies publiques et les alignements de construction fixés par les plans d’alignement, adoptés conformément aux art. 5 et 6 de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) ou par tous autres plans d’affectation du sol au sens des articles 12 ou 13 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; .al. 1). À défaut de plan d’alignement, cette interdiction s’étend sur une profondeur, mesurée de l’axe de la route, de 25 m pour les routes cantonales et de 15 m pour les routes communales. S’il existe un plan de correction, cette distance se mesure de l’axe rectifié de la voie (al. 2). Le département, après consultation de la commune, peut déroger aux distances prescrites à l’al. 2 si les conditions locales font apparaître que l’interdiction de construire qui en découle ne repose sur aucun motif pertinent d’aménagement du territoire ou d’environnement (al. 3).

L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/193/2023 du 28 février 2023 consid. 7.2 ; ATA/1547/2017 du
28 novembre 2017 consid. 5c et les références citées). Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/193/2023 du 28 février 2023 consid. 7.2 ; ATA/1101/2022 du
1er novembre 2022 consid. 5e ; ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).

6.1.3 En l’occurrence, il est admis que l’autorisation de construire sollicitée requiert l’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 11 al. 3 LRoutes, dérogation qui peut être accordée si les conditions locales font apparaître que l’interdiction de construire ne repose sur aucun motif pertinent d’aménagement du territoire ou d’environnement. La question d’un éventuel élargissement des voies publiques n’est donc pas décisive.

Comme constaté par le TAPI, il ne saurait être retenu que les bâtiments voisins cités par les recourants forment une ligne structurante forte constitutive d'un alignement de fait. En effet, il ressort clairement des plans versés au dossier et des photographies aériennes du SITG que les immeubles situés sur cette partie du chemin de la Naz, à savoir l'immeuble n° 9_____ et la cabine SIG (bâtiment n° 3_____) sis sur la parcelle n° 2'796, et la villa localisée du côté opposé du chemin de la Naz (bâtiment n° 4_____) sur la parcelle n° 2'798, ne sont pas alignés sur une même ligne droite et ne marquent pas de front visible permettant d'y situer un alignement de constructions existantes. En outre, ces immeubles sont effectivement de typologie différente.

La décision litigieuse, par laquelle le département a décidé de suivre le préavis défavorable de la commune, laquelle est l'instance compétente au sens de l'art. 11 al. 3 LRoutes, n’apparaît donc pas critiquable.

Dans son préavis du 17 décembre 2020, la commune a dûment motivé les raisons pour lesquelles elle émettait un préavis négatif. Elle a notamment observé que le projet prévoyait la densification excessive d'un ensemble résidentiel déjà amplement construit et impactait trop lourdement un secteur fragile, de grande sensibilité urbaine et paysagère. L'IUS final était de 0.99. La densité de l’opération était sans commune mesure par rapport aux densités existantes dans le quartier sur cette même zone qui était en outre d’affection rurale. Le projet nuirait, en raison de son gabarit et de son choix d'implantation, aux points de vue accessibles au public et impacterait l'ensoleillement des logements existants situés à proximité directe, en supprimant le dégagement sur le parc actuel. Les bâtiments se feraient front, celui existant se retrouverait en contre-bas du nouveau et subirait un effet d'encaissement pour les logements en rez-de-jardin. La cour se retrouverait dans l’ombre quasi permanente sauf en plein été avec alors le risque de surchauffe de l’espace enclavé. En outre, le projet prévoyait d’abattre onze arbres majeurs, sacrifiant un jardin, pièce maîtresse de la valeur paysagère, patrimoniale et structurante du quartier, alors que la partie des parcelles destinée à accueillir le projet était la seule de l'ensemble résidentiel à offrir actuellement une arborisation, qui était de qualité déterminante et servait de frange et de filtre à l'urbanisation en bordure de la zone agricole. Ces arbres, dont certains étaient cinquantenaires, constituaient un habitat pour la petite faune. En outre, l’ampleur du parking débordant en sous-sol et les
20 à 30 cm de remblai prévu sur la dalle du parking réduisaient presque à néant la surface en plein terre, de sorte que les possibilités de plantation étaient réduites. Ainsi, des arbustes étaient prévus à la place d’arbres majeurs et ils connaîtraient des conditions de croissance limitée, de sorte qu’ils ne pourraient pas permettre de reconstituer l’équivalent des sujets existants, même dans 50 ans. Le projet était déficitaire en termes de places de stationnement pour les motos et vélos, et l’implantation de l’essentiel des places vélos en sous-sol n’était pas favorable à l’utilisation au quotidien. Le projet risquerait également de provoquer un encombrement du trafic débordant sur le chemin de la Naz et de compromettre la sécurité des piétons. 

Elle a ainsi mis en évidence plusieurs motifs pertinents à l’encontre du choix d’implantation des bâtiments, soit en défaveur de l’octroi d’une dérogation.

Les recourants ne font valoir aucun argument permettant de douter de la pertinence de cette analyse. Que l’IUS final soit porté avec leur projet à 0.93 comme ils le calculent, ou à 0.99 comme retenu par la commune, représente une minime différence qui n’est pas susceptible de remettre en cause la densification excessive retenue par la commune. Les recourants ne prétendent d’ailleurs pas que le département se serait livré à une appréciation insoutenable, qu’il aurait négligé des facteurs décisifs ou encore qu’il se serait laissé guider pas des considérations étrangères au but de la loi. Que des autorités de préavis, dont l’OCT, n’aient formulé aucune remarque n’est pas pertinent. Il en va de même du fait que certaines considérations n’aient pas été soulevées au stade de la demande préalable, la
DP 1_____ étant devenue caduque.

L’intérêt économique des recourants ne justifie pas l’octroi de la dérogation sollicitée, eu égard aux intérêts publics et privé en présence. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, le refus d’autorisation de construire ne saurait être assimilé à une expropriation, étant rappelé que leurs parcelles sont déjà construites.

Enfin, les autres projets autorisés évoqués par les recourants dans leur argumentation au sujet de la proportionnalité, soit les DD 5_____ (parcelles
nos 2'558, 2'559 et 2’560), DD 6_____ (parcelle n° 2'599) et DD 7_____ (parcelles nos 8'119 et 8'120), ne sont pas comparables car ils ne se situent pas en bordure de la zone agricole. Leur implantation est prévue à proximité des principaux axes routiers traversant le village (route d’Aïre-la-Ville, chemin des Saules, rue de Bernex) et ils respectent un alignement de fait. On relèvera encore que le premier de ces projets est situé très près d’un bâtiment de grand gabarit (école de Luchepelet) et que le deuxième prévoit un immeuble de typologie similaire aux constructions existantes sur les parcelles contiguës, dont il respecte l'alignement en escalier. Enfin, la commune a exposé que ces projets ne présentaient pas d'enjeux paysagers et ne requéraient pas d’abattre une quantité importante d’arbres.

Partant, le grief de violation du principe de proportionnalité doit être écarté s’agissant de l’application de la LRoutes.

6.2 Les recourants font ensuite valoir que leur projet de construction respectait les prescriptions imposées par le RCVA, que le PAP, établi par un professionnel, prévoyait des mesures compensatoires adéquates et suffisantes, avec la plantation de 25 arbres dont 20 en pleine terre dont rien ne permettait de retenir qu’ils ne pourraient pas atteindre leur taille adulte. Ils reprochent également à la commune de s’être basée sur des éléments du plan directeur communal qui n’était pas encore en vigueur.

6.2.1 Conformément à l’art. 3 LPN, les autorités, services, instituts et établissements fédéraux ainsi que les cantons doivent, dans l’accomplissement des tâches de la Confédération, prendre soin de ménager l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments historiques et, lorsque l’intérêt général prévaut, d’en préserver l’intégrité (al. 1). Ils s’acquittent de ce devoir, notamment, en attachant des charges ou des conditions aux autorisations et aux concessions, ou en refusant celles-ci
(al. 2 let. a ; art. 2 let. b). Ce devoir existe quelle que soit l’importance de l’objet au sens de l’art. 4. Une mesure ne doit cependant pas aller au-delà de ce qu’exige la protection de l’objet et de ses environs (al. 3).

La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour but d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l'aménagement des sites visés à
l'art. 35 LPMNS, soit notamment les espèces végétales. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

6.2.2 En application de cette disposition, le Conseil d'État a adopté le RCVA, qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage
(art. 1 RCVA). Il est notamment applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

Selon l’art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département, sous réserve de l’al. 2, non pertinent en l'occurrence.

En application de l'art. 14 RCVA, les propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autres usagers de terrains sont tenus de veiller avec la plus grande attention à la préservation des arbres, haies vives et boqueteaux existants (al. 1). Il leur incombe de prendre, notamment lors de travaux, toutes précautions utiles pour assurer la survie des arbres, haies vives et boqueteaux, en se conformant aux directives édictées par le département (al. 2 let. b).

À teneur de l’art. 15 RCVA, l'autorisation d'abattage d'arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l'obligation de réaliser des mesures compensatoires (al. 1). Une valeur de remplacement est attribuée aux végétaux dont l'abattage ou le défrichage est autorisé (al. 2).

L’art. 16 RCVA dispose que le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires.

Selon les art. 1, 4, 16 et 17 RCVA en lien avec les art. 7, 9 et 10B du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du
27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), un PAP est imposé par l’autorité compétente dans le cas de construction à proximité d’arbres conservés ou de fort impact sur la végétation existante.

6.2.3 La directive d'août 2008 concernant la conservation des arbres (ci-après : la directive) précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et simultanément le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l’intérêt de maintien prime sur les motifs d’abattage. La décision d'abattage est prise seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive). Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée du département du territoire (art. 2.1 de la directive).

Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l’intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d’autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d’un espace plantable, situations particulières).

Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012,
ch. 2.8.3.1). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 4d).

6.2.4 En l'espèce, l'OCAN, instance compétente dans ce domaine et qui est le mieux à même de prendre en considération tous les paramètres spécifiques, s'est déclaré défavorable au projet. Il a souligné que ce dernier prévoyait l'abattage d'une quantité importante d'arbres présentant une bonne qualité sanitaire et que la suppression de ces végétaux impliquait un fort impact sur l'image paysagère environnante (préavis du 12 décembre 2019), et que le projet de replantation prévu selon le PAP du 13 novembre 2020 ne permettrait pas aux arbres d'atteindre leur taille adulte (préavis du 7 janvier 2021). De plus, la commune a expliqué que le projet, en raison des arbres à abattre, sacrifiait un jardin, qu’elle a qualifié de « pièce maîtresse de la valeur paysagère, patrimoniale et structurante du quartier » (préavis du 17 décembre 2020).

À l’instar du TAPI, la chambre de céans constate que les recourants ne font pas valoir d’arguments propres à démontrer que l'analyse de l'OCAN aurait été effectuée de manière irrégulière ou qu’elle serait fondée sur des considérations arbitraires ou étrangères au but poursuivi par le RCVA. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, les documents sur lesquels le département s’est basé expliquent les raisons pour lesquelles une absence de compensation effective possible a été retenue. Il ressort en effet du préavis de la commune que l’ampleur du parking en sous-sol et les 20 à 30 cm de remblai prévu sur sa dalle réduisaient presque à néant la surface en pleine terre, et donc les possibilités de plantation. Elle a observé que des arbustes étaient prévus à la place d’arbres majeurs et que leur croissance serait limitée. Ils ne pourraient pas permettre de reconstituer l’équivalent des sujets existants, même dans 50 ans.

Le département, en suivant les préavis de la commune et de l’OCAN, n'a pas excédé ou mésusé de son pouvoir d'appréciation. À cet égard, il sera encore rappelé la retenue dont doivent faire preuve les autorités de recours afin d’éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis, qui disposent des connaissances techniques, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci.

Dans ces conditions, le grief de violation du principe de proportionnalité doit également être écarté concernant l’application de l’art. 3 al. 2 LPN et des prescriptions du RCVA.

7.             Enfin, les recourants allèguent une violation du principe d'égalité de traitement dans la mesure où de multiples bâtiments voisins dérogeaient à la distance limite de
15 m applicable dans des conditions tout à fait similaires à leur projet. Ainsi, la cabine SIG n° 3_____ était implantée à moins de 5 m de l'axe du chemin de la Naz, le bâtiment n° 9_____ se trouvait à environ 8 m de l'axe du chemin et le bâtiment
n° 4_____ était implanté à une distance d’environ 10 m. La distance minimale ne semblait pas non plus être respectée pour le bâtiment n° 8_____, localisé sur la parcelle n° 2'800, étant encore relevé que certains de ces projets avaient été autorisés très récemment, le dernier en août 2022. Le TAPI avait exclu l’existence d’une situation « identique », mais le principe d’égalité de traitement trouvait son application dans des situations similaires déjà.

7.1 La protection contre l'arbitraire et celle de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) sont étroitement liées.

Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.), lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité, ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but. Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références).

Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1).

7.2 En l'espèce, les bâtiments auxquels se réfèrent les recourants ne se trouvent pas dans une situation similaire à celle du projet litigieux. Les bâtiments n° 4_____ et 8_____ sont des habitations à un seul logement et de dimensions bien plus modestes que celle du projet litigieux. Le bâtiment n° 3_____ est une cabine SIG, soit un établissement de droit public SIG, d’un tout autre gabarit. Enfin, le bâtiment
n° 9_____, sis sur la parcelle n° 2'796, soit l’une de celles comprises dans le projet, est un immeuble villageois, mais il a été construit entre 1961 et 1970 selon les informations publiées sur le site SITG et il ne fait pas front à d’autres habitations. Il ne se trouve pas non plus sur le même tronçon du chemin de la Naz que le projet des recourants et n'impacte pas le même contexte paysager et urbain.

Ainsi, la situation des bâtiments évoqués par les recourants diffère nettement de celle du projet litigieux.

Partant, le grief de violation du principe d'égalité de traitement doit être écarté.

En tous points infondé, le recours doit être rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune et aux habitants voisins, qui n’y concluent pas (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2022 par A______,
B_____, C_____, D_____, E_____ et F_____, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______,
B_____, C_____, D_____, E_____ et F_____ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Karin GROBET THORENS, avocate des recourants, au département du territoire, à Me Nicolas WISARD, avocat de la commune de Bernex, N_____ et consorts ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :