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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2662/2025

ATA/986/2025 du 09.09.2025 ( PROF ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 20.10.2025, 2C_600/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2662/2025-PROF ATA/986/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

B______ intimés



EN FAIT

A. a. En octobre 2019, A______, domicilié au Royaume-Uni, a mandaté B______, titulaire du brevet d’avocat inscrit au registre des avocats du canton de Genève, pour défendre ses intérêts et le représenter en justice dans le cadre d'un litige l'opposant à C______, avec lequel il était associé dans la société à responsabilité limitée D______ (ci-après : la société), ayant son siège à E______. Le mandat a pris fin en février 2024.

b. Le 9 septembre 2024, A______ a dénoncé B______ à la commission du barreau (ci-après : CB), lui reprochant des faits susceptibles de constituer des violations de son obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence. B______ l'avait mal conseillé sur les démarches procédurales à engager, le dissuadant notamment d'agir en liquidation de la société comme il aurait dû le faire d'emblée, avait transféré des informations confidentielles à sa partie adverse, avait volontairement rédigé des actes viciés, lui avait donné de fausses informations sur la teneur du droit suisse applicable et lui avait suggéré à plusieurs reprises de céder ses parts à leur valeur nominale alors que celle-ci était très inférieure à leur valeur réelle.

c. La CB a transmis la dénonciation à B______, qui s’est déterminé le 7 octobre 2024, contestant l’intégralité des reproches d'A______.

d. Par décision du 10 mars 2025, le président de la CB a classé la procédure.

B______ avait fait preuve de la diligence requise en informant le dénonciateur de manière circonstanciée sur les options à sa disposition, tout en prenant soin de tempérer celles-ci au vu des risques qu'elles comportaient. Bien que le résultat ne soit pas une exigence que l'on puisse attendre d'un avocat, même diligent, B______ avait en l'occurrence permis au dénonciateur d'obtenir des décisions favorables, tout en lui offrant des voies alternatives de règlement des différends que celui-ci était bien entendu libre de refuser. Enfin, rien ne permettait de retenir que B______ aurait communiqué à des tiers des informations couvertes par le secret professionnel de l'avocat. Aucun manquement aux devoirs professionnels ne pouvait ainsi être retenu à son encontre.

e. Par lettre adressée le 26 mai 2022 à la CB, A______ a demandé que sa dénonciation soit soumise à la CB dans sa composition plénière, conformément à l'art. 43 al. 2 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10).

La décision du président de la CB du 10 mars 2025 ne tenait pas compte de plusieurs éléments factuels graves, auxquels s'ajoutaient de nouveaux éléments recueillis depuis lors.

f. Par décision du 23 juin 2025, la CB a confirmé la décision présidentielle de classement du 10 mars 2025, se référant à la motivation qu'elle comportait.

B. a. Par acte adressé le 28 juillet 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre la décision de la CB du 23 juin 2025. La décision contestée consacrait une violation de son droit d'être entendu et du devoir d'instruire d'office les faits pertinents incombant à la CB. La CB avait apprécié de manière arbitraire les preuves documentaires qu'il avait produites. En l'absence d'analyse motivée des griefs soulevés, la décision contestée le privait d'un recours effectif. La CB avait failli à son devoir de surveillance en renonçant à sanctionner B______ pour les manquements professionnels qu'il avait commis.

b. Ni B______ ni la CB n'ont été invités à se déterminer. Cette dernière a toutefois transmis son dossier à la chambre administrative.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).

1.1 Selon l'art. 60 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

1.2 La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/91/2023 précité consid. 3b et les références citées). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d).

1.3 L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que la partie recourante soit touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2 ; 137 II 40 consid. 2.3).

2.             Les art. 12 et 13 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) définissent exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1). Il n'y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1).

Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à leur égard (ATF 135 III 145 consid. 6.1). Les règles déontologiques ou us et coutumes qui émanent des associations professionnelles. ont une portée juridique limitée, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles et où elles expriment une conception largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1). Il en va de même du droit cantonal (ATF 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1).

2.1 La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/139/2021 précité consid. 3a ; ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c et les références citées).

2.2 Aux termes de l'art. 48 LPAv, si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l'auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée. Il n'a pas accès au dossier ; la commission du barreau lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

La procédure de surveillance disciplinaire des avocats a pour but d'assurer l'exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/91/2023 précité consid. 3d ; ATA/139/2021 précité consid. 3a). Dans les procédures disciplinaires engagées contre des personnes exerçant une profession réglementée, le dénonciateur ou le plaignant n'est donc pas partie à la procédure (ATA/91/2023 précité consid. 3d ; ATA/841/2019 du 30 avril 2019 et les références citées).

Celui qui introduit une procédure disciplinaire ne possède aucun droit à une décision, de sorte que, s'il n'y est pas donné suite, il n'est pas atteint dans ses intérêts personnels. Par conséquent, le refus de donner suite à une dénonciation ne peut pas faire l'objet d'aucun recours, puisque le dénonciateur n'agit dans ce cadre que comme auxiliaire de l'autorité en déclenchant la procédure (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c). Le fait que la décision de la commission du barreau soit susceptible d'avoir une incidence sur une procédure à laquelle le dénonciateur est partie ne permet pas non plus de considérer que celui‑ci est directement touché dans ses droits et obligations (ATA/1123/2020 précité consid. 4c ; ATA/316/2020 du 30 avril 2020 consid. 4).

De jurisprudence constante, la chambre de céans considère ainsi que le client qui dénonce son avocat à la commission du barreau pour des manquements professionnels supposés ne dispose pas de la qualité pour recourir contre la décision de classement (pour des exemples récents ATA/1318/2024 du 12 novembre 2024 ; ATA/622/2023 du 13 juin 2023 ; ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 ; ATA/238/2022 du 8 mars 2022).

2.3 En l'espèce, le recourant se trouve dans la position du dénonciateur, et la cause n'a pas pour objet une décision de la commission du barreau portant sur l'existence ou non d'un conflit d'intérêts actuel d'un avocat avec son mandant ou sa partie adverse, soit sur une question ayant une incidence directe sur la conduite d'un mandat en cours conduit par l'avocat concerné. Elle a pour objet le respect par un avocat de ses obligations de diligence découlant des art. 12 et 13 LLCA.

Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, la qualité pour recourir doit être déniée au dénonciateur, dès lors qu'il n'a pas un intérêt propre et digne de protection à demander le prononcé d'une sanction disciplinaire pour d'éventuelles violations des obligations professionnelles. De surcroît, la procédure de surveillance disciplinaire des avocats n'a pas pour but la défense des intérêts privés du recourant, mais d'assurer l'exercice correct de la profession d'avocat.

Le recourant, en qualité de dénonciateur, n'étant pas directement atteint par la décision de classement attaquée ne peut faire valoir aucun intérêt digne de protection particulier lui accordant la qualité pour recourir contre celle-ci.

Ainsi, au vu de ce qui précède, le recours est manifestement irrecevable, ce qui peut être constaté sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 28 juillet 2025 par A______ contre la décision de la commission du barreau du 23 juin 2025 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge d'A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commission du barreau ainsi qu’à B______.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :