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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/314/2022

ATA/91/2023 du 31.01.2023 ( PROF ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AVOCAT;AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;QUALITÉ POUR RECOURIR;DÉNONCIATEUR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;HONORAIRES;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : LPA.60.al1; LPAv.48; LLCA.12; LLCA.13; LPAv.36
Résumé : Dénonciation de la recourante par rapport à des manquements de son avocate dans le cadre de procédures pénales dans lesquelles elle était partie et par rapport à la note d'honoraires établie par son conseil. Décision de l'autorité intimée ne constatant aucun manquement et classant la dénonciation. Absence de qualité pour recourir de la recourante qui n’a pas un intérêt propre et digne de protection à demander le prononcé d'une sanction disciplinaire pour d’éventuelles violations des obligations professionnelles. La problématique portant sur la note d'honoraires a été traitée par la commission en matière d'honoraires d'avocats. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/314/2022-PROF ATA/91/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

et

Madame B______
représentée par Me Jacques-Alain Bron, avocat



EN FAIT

1) a. Le 12 mai 2018, Monsieur C______ a déposé plainte pénale contre Madame A______ des chefs d'utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et contrainte (art. 181 CP).

Une instruction pénale a été ouverte sous la référence P/1______/2018.

b. Le 30 juillet 2018, Mme A______ a, à son tour, déposé plainte pénale contre M. C______, pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

La procédure pénale a été enregistrée sous le numéro P/2______/2018.

c. Dans le cadre de ces procédures, et dans un premier temps, Mme A______ a été assistée par Madame B______, titulaire du brevet d'avocat inscrite au registre des avocats du canton de Genève.

2) Le 3 juin 2021, Mme A______ a dénoncé à la commission du barreau (ci-après : CB) Mme B______, son conseil d'août 2019 à janvier 2020, en lui reprochant, dans le cadre d'une procédure en contestation de ses honoraires auprès de la commission en matière d'honoraires d'avocats (ci-après : ComTax), d'avoir, sans son accord, joint à ses pièces l'intégralité de l'expertise médicale du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) la concernant établie le 16 mai 2019 dans le cadre de la P/1______/2018, alors que son conseil savait qu'elle contestait les conclusions de cette expertise violant ainsi son secret professionnel.

Mme B______ avait, ce faisant, contrevenu à l'art. 321 CP.

Elle reprochait également à Mme B______ de l'avoir mal défendue dans le cadre des procédures pénales susmentionnées. Mme B______ n'avait notamment pas posé une question déterminante par-devant le Ministère public et avait refusé de transmettre un document qu'elle jugeait pertinent pour sa défense.

Mme B______ avait ainsi violé l'art. 27 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10).

Enfin, Mme B______ avait laissé se multiplier des heures de travail sans l'en informer, contrevenant par conséquent au code de déontologie, adopté par la Fédération suisse des avocats le 10 juin 2005, ainsi qu'à ses demandes de contrôle des coûts.

3) Le 10 juin 2021, la CB a accusé réception de la dénonciation et a donné connaissance à Mme A______ de l'art. 48 LPAv, qui règle la position procédurale du dénonciateur.

4) Le même jour, la CB a demandé Mme B______ de se déterminer sur la dénonciation.

5) Le 1er juillet 2021, Mme B______ a contesté avoir commis une quelconque faute professionnelle et a conclu au classement de la dénonciation.

L'activité qu'elle avait menée dans le cadre des procédures pénales susmentionnées avait été nécessaire compte tenu du contexte du litige et de la personnalité de Mme A______.

Mme A______ avait contesté ses honoraires auprès de la ComTax et un accord était intervenu en audience, au terme duquel l'intéressée s'était engagée à payer la somme de CHF 5'000.-, à raison de CHF 200.- par mois, le 30 de chaque mois, la première fois le 31 janvier 2021. Après s'être acquittée des mensualités de janvier et février 2021, Mme A______ s'était abstenue de tout paiement. Mme B______ l'avait informée, par courrier du 28 mai 2021, qu'elle entendait saisir la CB pour solliciter la levée de son secret professionnel.

Le montant de ses honoraires était justifié compte tenu du travail effectué, des multiples prises de contact de la part de Mme A______ (longs courriers, courriels, téléphones et messages vocaux), ainsi que du résultat de l'affaire qui s'était terminée par un classement.

La dénonciation de Mme A______ avait pour but de ne pas régler les honoraires dus.

Elle a joint à son écriture un certain nombre de pièces dont l'expertise du CURML précitée.

6) Le 23 août 2021, Mme A______ a demandé que la CB ordonne une audience de comparution personnelle des parties.

Elle a joint à son courrier sa lettre envoyée à la ComTax laquelle faisait état de deux arrêts récents rendus par la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) la concernant et dans le cadre desquels elle s'était défendue seule. Dans le premier arrêt, la CPR avait admis partiellement son recours contre l'ordonnance de classement rendue le 25 janvier 2021 par le Ministère public (ACPR/3______/2021 du 3 juin 2021 dans la cause P/1______/2018). Dans le second, la CPR avait admis son recours et prononcé la récusation de la Procureure dans le cadre de la procédure P/2______/2018 (ACPR/4______ /2021 du 12 août 2021). Ces éléments démontraient que Mme B______ avait manqué à ses devoirs professionnels et que ses honoraires étaient disproportionnés.

7) Le 6 septembre 2021, la CB a informé Mme A______ qu'elle ne procédait à des auditions que si elle l'estimait nécessaire, la procédure étant principalement écrite. Elle serait informée de la suite donnée à sa dénonciation, comme indiqué dans le courrier du 10 juin 2021.

8) Le 13 septembre 2021, Mme A______ a réitéré sa demande d'audition et de confrontation avec Mme B______.

Elle estimait que l'enchaînement des événements était extrêmement grave. Elle avait été trompée par son avocate qui lui avait caché la vérité sur ses droits, notamment par rapport à l'existence de l'art. 79 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), lequel aurait permis la rectification d'un procès-verbal d'audience. Ce faisant, Mme B______ avait contrevenu à l'art. 140 CPP.

9) Le 23 septembre 2021, Mme B______ a persisté dans sa conclusion en classement de la procédure, indiquant que les deux arrêts de la CPR avaient été rendus postérieurement à la fin de son mandat. Ils ne concernaient donc pas directement l'activité qu'elle avait déployée.

10) Par décision du 13 décembre 2021, la CB a constaté que Mme B______ n'avait pas violé les art. 12 et 13 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) et a classé la procédure.

Mme B______ avait transmis le dossier intégral de Mme A______ à la ComTax. Elle avait, par ailleurs, sollicité, par courrier du 6 janvier 2021, la levée de son secret professionnel auprès de la CB, qui lui avait répondu qu'elle considérait que ledit secret était préservé devant la ComTax, les membres de cette dernière étant soumis au secret de fonction et les travaux de cette ComTax ayant lieu à huis-clos (art. 36 al. 4 et 37 al. 2 LPAv).

Mme B______ pouvait donc, sans violer le secret de sa cliente, déposer l'intégralité de son dossier devant la ComTax. Il en était de même lorsque Mme B______, dans son courrier du 1er juillet 2021 à la CB, avait transmis à nouveau l'intégralité de l'expertise du 16 mai 2019.

Lors de chaque démarche où il était amené à dévoiler des informations concernant ses clients, l'avocat, devait, même s'il y était autorisé, comme en l'espèce, procéder pour chaque document à une pesée des intérêts. Il n'était donc pas forcément utile de produire l'intégralité de l'expertise psychiatrique en question pour démontrer l'ampleur du travail effectué en faveur de Mme A______. Cet excès d'information n'était cependant pas punissable, car porté à la connaissance des seules des commissions professionnelles, elles-mêmes liées par le secret de fonction.

Le secret professionnel n'était donc pas violé.

À la lecture du dossier, malgré l'insatisfaction de Mme A______, il apparaissait que l'activité de Mme B______ avait permis d'obtenir le classement de la plainte dirigée contre sa cliente. Ainsi, rien ne permettait à la CB de retenir que Mme B______ avait violé les règles professionnelles de l'art. 12 LLCA.

Le litige opposant Mme A______ et Mme B______ au sujet des honoraires d'avocat avait déjà été soumis à la ComTax devant laquelle un accord avait été trouvé le 21 janvier 2021. Il n'y avait pas lieu d'y revenir.

La décision a été notifiée le 29 décembre 2021 à Mme A______ dans son intégralité.

11) Par acte daté du 26 janvier 2022, mais mis à la poste le lendemain, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

Mme A______ reprenait les griefs soulevés devant la CB.

Elle a ajouté que Mme B______ avait contrevenu à l'art. 151 CP (atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d’autrui) pour être allée dans le sens du Ministère public à son complet détriment et à l'art. 146 CP (escroquerie) en prétendant avoir consacré quarante-cinq heures de travail sur son dossier. En effet, le Ministère public lui avait octroyé une indemnité de quinze heures sur les frais d'avocat. La soudaine augmentation des honoraires était survenue au moment où elle avait souhaité faire recours contre une décision incohérente prise par le Ministère public.

Le classement de la plainte de M. C______, tout en la condamnant à payer l'expertise du CURML, laquelle la considérait comme « folle » malgré les preuves du contraire et ne lui octroyant aucune indemnisation, tout en affirmant que sa contre-plainte serait classée, alors qu'elle devait être instruite, constituait une défaite à laquelle Mme B______ avait largement contribué.

Elle ne comprenait pas pourquoi la ComTax n'avait pas tenu compte des deux arrêts de la CPR laquelle lui avait donné raison. Il en était de même s'agissant de la procédure menée par-devant la ComTax. La CB faisait d'ailleurs comme si la question des honoraires d'avocat était définitivement réglée, ce qui n'était pas le cas.

Mme A______ revenait enfin sur l'expertise médicale du CURML mentionnant dans un tableau les bases légales et les points que Mme B______ aurait dû soulever pour sauvegarder ses intérêts.

Elle espérait que sa dénonciation contribuerait à rétablir la justice, au-delà de son cas.

12) Le 15 février 2022, la CB a transmis son dossier et a persisté dans les termes de la décision attaquée.

13) Le 18 mars 2022, Mme A______ a transmis un échange de courriers entre elle et Mme B______ concernant la levée du secret professionnel dans le cadre de la présente procédure.

14) Le 22 mars 2022, Mme B______ a informé la chambre administrative que Mme A______ refusait la levée de son secret professionnel. Elle demandait donc la suspension de la procédure dans l'attente de la décision de la CB à ce sujet. Subsidiairement, un délai de trois mois devait lui être accordé pour remettre ses déterminations.

15) Le 14 avril 2022, le juge délégué a indiqué à Mme B______ que la chambre administrative étant l'autorité de recours de la CB, les avocats pouvaient s'exprimer dans la procédure devant elle sans devoir être déliés du secret professionnel. Il n'y avait donc pas lieu de suspendre la procédure ni de prolonger le délai imparti.

16) Le 23 avril 2022, Mme A______ a transmis un courrier qu'elle avait envoyé le même jour à la CB dans lequel elle notait que Mme B______ avait été déliée de son secret professionnel par celle-ci. Elle revenait également sur les manquements de son avocate dans le cadre des procédures pénales.

17) Le 28 avril 2022, Mme B______, sous la plume de son conseil, a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité du recours, principalement, à son rejet.

En tant que dénonciatrice, l'intéressée ne disposait pas de la qualité pour recourir.

Mme A______ tenait, dans ses écritures, des propos attentatoires à son honneur, lesquels devaient être expurgés de la procédure.

Elle a joint à son écriture notamment une décision de la ComTax du 20 janvier 2022 selon laquelle cette dernière n'entrait pas en matière sur la requête de Mme A______ à la suite du règlement amiable intervenu le 21 janvier 2021.

18) Le 6 juin 2022, Mme A______ a conclu notamment à la recevabilité de son recours et à ce que la chambre administrative ordonne une audience de comparution personnelle des parties. En outre, Mme B______ devait être condamnée à lui rembourser la différence entre l'avance sur honoraires versée à tort et ce qu'elle avait obtenu dans le cadre des procédures pénales, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de CHF 5'000.-.

Elle était touchée directement par la décision de la CB, dans la mesure où Mme B______ l'avait entravée dans sa défense en lui faisant notamment manquer le délai de recours pour contester l'expertise du CURML et en surfacturant ses prestations.

La CB indiquait elle-même les voies de recours, de sorte que son recours était recevable. En outre, il serait juridiquement faux qu'une avocate n'ait pas à répondre de ses actes « délétères ».

Mme A______ revenait sur les différents manquements de son avocate les détaillant et en exposait de nouveaux.

19) Le 8 juin 2022, Mme A______ a transmis à la chambre administrative la facture intermédiaire établie par Mme B______ du 20 novembre 2019 s'élevant à CHF 11'454.95 pour une activité déployée du 13 août au 18 novembre 2019.

20) Le 9 juin 2022, la CB a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

21) Le 14 juillet 2022, Mme B______ a rejeté les nouveaux éléments exposés par Mme A______ et a persisté dans ses conclusions.

22) Le 13 août 2022, Mme A______ a pris acte que Mme B______ n'opposait aucun contre-argument aux preuves et arguments supplémentaires apportés.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre de céans examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2 ; ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2).

2) L'intimée se plaint de propos attentatoires à son honneur, lesquels devraient être expurgés de la procédure.

La chambre de céans mettra les termes peu amènes de la recourante – qui se défend en personne – sur le compte des différentes procédures judiciaires qu'elle a affrontées, en partie seule. Par économie de procédure, et faute de base légale en ce sens, elle renoncera à lui retourner ses écrits pour les expurger des termes qui pourraient être constitutifs d'atteinte à la personnalité de l'intimée. Il sera néanmoins rappelé à la recourante que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, celui qui accuse une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel est susceptible de se rendre en principe coupable d'une atteinte à l'honneur (ATF 118 IV 248 consid. 2b).

3) a. Selon l'art. 60 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/139/2021 précité consid. 2a ; ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 consid. 3b et les références citées). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/139/2021 précité consid 2c ; ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3d).

L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1 ; ATA/139/2021 précité consid 2c ; ATA/1352/2020 précité consid. 3c).

c. Aux termes de l'art. 48 LPAv, si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l'auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée. Il n'a pas accès au dossier ; la CB lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

d. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/139/2021 précité consid. 3a ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c et les références citées).

Par conséquent, dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise ; le plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne. La jurisprudence a ainsi dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que celui-là n'avait pas un intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire à l'encontre de l'avocat pour une éventuelle violation de ses obligations professionnelles. En effet, la procédure de surveillance disciplinaire des avocats a pour but d'assurer l'exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard, et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/139/2021 précité consid. 3a ; ATA/1123/2020 précité consid. 4a ; ATA/413/2020 du 30 avril 2020 consid. 4a).

Dans les procédures disciplinaires engagées contre des personnes exerçant une profession réglementée, le dénonciateur ou le plaignant n'est donc pas partie à la procédure (ATA/139/2021 précité consid. 3a ; ATA/841/2019 du 30 avril 2019 et les références citées).

Celui qui introduit une procédure disciplinaire ne possède aucun droit à une décision, de sorte que, s'il n'y est pas donné suite, il n'est pas atteint dans ses intérêts personnels. Le fait que la décision de la CB soit susceptible d'avoir une incidence sur une procédure à laquelle le dénonciateur est partie ne permet pas non plus de considérer que celui-ci est directement touché dans ses droits et obligations (ATA/1123/2020 précité consid. 4c ; ATA/316/2020 du 30 avril 2020 consid. 4 ; ATA/841/2019 du 30 avril 2019 consid. 4 ; ATA/82/2017 du 31 janvier 2017 consid. 4).

Par conséquent, le refus de donner suite à une dénonciation ne peut faire l'objet d'aucun recours, puisque le dénonciateur n'agit dans ce cadre que comme auxiliaire de l'autorité en déclenchant la procédure (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 2 ; 132 II 250 consid. 4.2 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c).

e. De jurisprudence constante, la chambre de céans considère que le client qui dénonce son avocat à la CB pour des manquements professionnels supposés ne dispose pas de la qualité pour recourir contre la décision de classement (pour des exemples récents ATA/238/2022 du 8 mars 2022 ; ATA/1123/2020 précité ; ATA/359/2017 du 28 mars 2017).

4) Les art. 12 et 13 LLCA définissent exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1). Il n'y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1).

Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à leur égard (ATF 135 III 145 consid. 6.1) ; elles se distinguent des règles déontologiques ou us et coutumes qui émanent des associations professionnelles. Ces dernières règles déontologiques conservent néanmoins une portée juridique limitée, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles et où elles expriment une conception largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1). Il en va de même du droit cantonal (ATF 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1). Le code de déontologie a été accepté par tous les ordres cantonaux. Les règles déontologiques qu’il contient ont dès lors été unifiées au niveau national (Kaspar SCHILLER, Schweizerisches Anwaltsrecht, 2009, p. 14 n. 59).

5) En l'espèce, la cause n'a pas pour objet une décision de la CB portant sur l'existence ou non d'un conflit d'intérêts d'un avocat avec son mandant ou sa partie adverse, soit sur une question ayant une incidence directe sur la conduite d'un mandat de représentation en cours conduit par l'avocat concerné. Elle a pour objet le respect par une avocate de ses obligations de diligence découlant des art. 12 et 13 LLCA.

Conformément à la jurisprudence précitée, la qualité pour recourir doit être déniée à la recourante en tant que dénonciatrice, dès lors qu'elle n'a pas un intérêt propre et digne de protection à demander le prononcé d'une sanction disciplinaire pour d'éventuelles violations des obligations professionnelles. En sus, la procédure de surveillance disciplinaire des avocats n'a pas pour but la défense des intérêts privés de la recourante, mais d'assurer l'exercice correct de la profession d'avocat.

Au surplus, la recourante a pu faire valoir ses griefs portant sur la facture d'honoraires de son avocate dans le cadre de la procédure menée par-devant la ComTax, laquelle est, en application de l'art. 36 LPAv, compétente pour traiter ce genre de litige.

Partant, compte tenu de l'objet de la décision incriminée, l'intéressée, en qualité de dénonciatrice, n'est pas directement atteinte par la décision de classement prise par la commission, de sorte qu'elle ne peut faire valoir aucun intérêt digne de protection particulier lui accordant la qualité pour recourir contre celle-ci.

Ainsi, au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable, sans qu'il y ait nécessité de se pencher sur les autres griefs ou conclusions soulevés dans le recours.

6) Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, celle-ci s’étant fiée à la voie de droit indiquée dans la décision (art. 87 al. 1 LPA ; ATA/300/2016 du 12 avril 2016 consid. 9 ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 7 et les arrêts cités). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à l'intimée, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 27 janvier 2022 par Madame A______ contre la décision de la Commission du barreau du 13 décembre 2021 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame B______ à la charge de Madame A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à Me Jacques-Alain BRON, avocat de l'intimée, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber, et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :