Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/884/2025 du 19.08.2025 ( TAXIS ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/48/2025-TAXIS ATA/884/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Philippe CURRAT, avocat
contre
DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE
CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée
A. a. A______, ressortissant turc né le ______ 1965, divorcé et père d’une fille née en 2010, a obtenu une carte de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) le 26 février 2018.
b. Le 1er janvier 2023, l’intéressé a circulé au volant de son véhicule en état d’ébriété. Son permis de conduire a été immédiatement saisi.
c. Par décision du 22 mars 2023, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré son permis de conduire pour une durée de trois mois, sous déduction de la durée déjà subie.
d. Par ordonnance pénale du 6 septembre 2023, le Ministère public (ci-après : MP) a déclaré l’intéressé coupable de conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool qualifié et l’a condamné à une peine pécuniaire de 35 jours-amende à CHF 60.- le jour-amende, ainsi qu’à une amende de CHF 500.- à titre de sanction immédiate. A______ a également été condamné à une amende de CHF 400.- pour violation simple des règles de la circulation routière et pour omission de respecter le devoir général de courtoisie et d’adopter un comportement, une conduite et une tenue correcte.
Il lui était reproché d’avoir, le 1er janvier 2023, circulé au volant de son véhicule, en sa qualité de chauffeur professionnel, avec un taux d’alcool de 0.51 mg/l dans l’haleine. Il avait perdu la maîtrise du véhicule et touché le trottoir. Il ressortait du rapport de renseignements du 22 janvier 2023 qu’il transportait une clientèle. Auditionné par la police, il avait admis avoir consommé une bière et deux verres de vodka. Il avait indiqué avoir percuté le trottoir afin d’éviter une piétonne ivre qui avait « traversé rapidement ». Il ressortait toutefois des images de vidéosurveillance qu’aucun piéton ne se trouvait sur la chaussée lorsque le prévenu avait percuté le trottoir.
L’intéressé n’a pas formé opposition à cette ordonnance.
e. Le 19 avril 2024, la PCTN a informé A______ de son intention de potentiellement révoquer sa carte professionnelle de chauffeur VTC.
f. Par décision du 21 novembre 2024, la PCTN a révoqué la carte professionnelle de chauffeur de VTC délivrée à A______ le 26 février 2018 et lui a ordonné de déposer sa carte auprès d’elle, dès que la décision serait exécutoire. La décision a été assortie de la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).
Il avait fait l’objet d’un retrait de permis de trois mois en raison d’une infraction grave à la circulation routière, soit une infraction incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur. Il s’était mis intentionnellement dans cet état d’ébriété alors qu’il savait qu’il était en service. Il s’agissait d’une négligence très grave de la part d’un chauffeur professionnel, qui devait faire preuve d’un devoir de prudence accru dès lors qu’il était responsable de la sécurité de ses clients.
Bien qu’âgé de 59 ans, divorcé et avec une enfant à charge, la révocation était apte à atteindre le but de protection des usagers. Au vu de la gravité de l’infraction, l’intérêt public l’emportait sur son intérêt privé à poursuivre son activité professionnelle, malgré sa situation personnelle et l’absence d’antécédents au cours des dernières années.
Une nouvelle requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur VTC pouvait être déposée dès le 22 mars 2026, pour autant qu’aucune nouvelle décision administrative ou condamnation incompatible ne soit rendue dans cet intervalle.
B. a. Par acte posté le 7 janvier 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation.
Il avait d’importantes difficultés financières, faisant l’objet de 144 actes de défaut de biens pour un montant de CHF 346'288.83, ainsi que de nombreuses poursuites. Il était en outre débiteur d’une pension alimentaire de CHF 300.- par mois pour l’entretien de sa fille. Il faisait l’objet d’une saisie sur salaire.
Les faits retenus dans l’ordonnance pénale avaient été constatés de manière inexacte. Le MP avait retenu à tort qu’au moment des faits, il était en train d’effectuer une course professionnelle avec des clients. Lors de l’incident, il n’était pas en service et ne transportait pas de clientèle. Il revenait d’une soirée privée et avait pris le volant à la suite d’une dispute avec son ex-femme, étant précisé qu’il n’avait initialement pas prévu de prendre volant. Il mettait un point d’honneur à ne jamais consommer d’alcool lorsqu’il était en service.
La décision était disproportionnée. Avant la condamnation litigieuse, le seul antécédent judiciaire dont il faisait l’objet consistait en une condamnation pour violation de paiement d’une obligation d’entretien. Ainsi, retirer sa carte de chauffeur n’aurait aucun impact sur la sécurité routière. Les faits litigieux remontaient à plus de deux ans, sans qu’il n’ait présenté un quelconque danger pour la sécurité routière depuis lors. Âgé de 60 ans, il ne disposait d’aucune formation particulière et exerçait le métier de chauffeur professionnel depuis de nombreuses années de sorte qu’une reconversion professionnelle était difficilement exigible. Le retrait de sa carte professionnelle revenait à l’amputer de sa seule source de revenus, alors qu’il faisait déjà état de nombreuses dettes et qu’il avait une fille partiellement à sa charge. Il n’aurait d’autre choix que de solliciter l’aide sociale. Il avait déjà été sanctionné de manière conséquente par l’ordonnance pénale et le retrait de son permis.
b. Par réponse du 7 février 2025, la PCTN a conclu au rejet du recours. L’ordonnance pénale du 6 septembre 2023 n’avait fait l’objet d’aucune opposition, si bien que le recourant ne pouvait remettre en cause les faits retenus par les autorités pénales.
c. Le recourant a répliqué le 19 mars 2025.
d. Le 17 juin 2025, faisant suite à une demande de la chambre administrative, le MP a transmis une copie de la procédure pénale P/1______/2023, contenant notamment une clé USB avec des images de vidéosurveillance. Selon le procès-verbal d’audition devant la police du 1er janvier 2023, le recourant avait déclaré ce qui suit : « alors que j’effectuais une course à titre professionnel […], j’ai fait une manœuvre d’évitement pour ne pas percuter une femme qui traversait la route […] J’ai alors déposé ma cliente à l’endroit où vous m’avez interpellé […]. Sur question, je ne me souviens plus du nom de ma cliente. Vous me demandez où est-ce que je l’ai prise en charge et je vous réponds que c’était au Petit-Lancy ».
e. Invitée à se déterminer, la PCTN a relevé que le dossier de procédure pénale confirmait qu’il s’agissait d’une course professionnelle. Le recourant l’avait lui-même admis lors de son audition devant la police.
f. Le recourant a relevé que la présence d’un passager lors de la course litigieuse ne ressortait pas d’un constat de police, mais de ses seules déclarations. Il ressortait des images de vidéosurveillance que le heurt du trottoir n’avait pas généré de choc d’une gravité particulière. Il n’y avait ainsi pas eu de mise en danger particulière. La sanction prononcée était ainsi manifestement disproportionnée.
g. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant se plaint d’une constatation inexacte des faits.
2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l'abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA).
La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/730/2023 du 4 juillet 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).
2.2 Lorsque le complexe de fait soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif ne peut s’écarter du jugement pénal que lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 précité consid. 2.2).
2.3 En l’espèce, l’autorité intimée a retenu que le recourant s’était mis intentionnellement dans un état d’ébriété qualifiée, alors qu’il était en train d’effectuer une course professionnelle avec des clients. Pour retenir ces faits, l’intimé s’est fondé sur l’ordonnance pénale du 6 septembre 2023, selon laquelle, au moment des faits, le recourant transportait une clientèle.
Le recourant admet n’avoir pas contesté cette condamnation pénale. Il estime toutefois que les faits constatés par le juge pénal étaient inexacts, puisque, contrairement à ce qui avait été retenu, il ne transportait pas de clientèle au moment des faits litigieux. L’intéressé n’apporte toutefois aucune preuve permettant d’étayer sa version des faits. Il ressort par ailleurs du procès-verbal d’audition devant la police du 1er janvier 2023, transmis par le MP, que le recourant avait lui-même déclaré, quelques heures après son interpellation, qu’il effectuait une course professionnelle et qu’il avait déposé sa cliente à l’endroit où il avait été interpellé. Il a même précisé l’avoir prise en charge au Petit-Lancy. Cette pièce vient ainsi contredire la thèse du recourant, selon laquelle il avait toujours soutenu qu’il n’était pas en service au moment des faits litigieux. Enfin, et compte tenu des déclarations claires et concordantes de l’intéressé devant la police, le fait que la présence d’une cliente n’ait pas été constatée par la police n’y change rien. Les conditions permettant de s’écarter des constatations du juge pénal ne sont dès lors pas remplies.
3. Le recourant invoque une violation de sa liberté économique.
3.1 Selon l'art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. Exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).
Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).
3.2 La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relative à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique
(art. 1 al. 2 LTVTC).
L’activité de chauffeur de taxi est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).
La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).
La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).
3.3 Le règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01), entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2, que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.
Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).
3.4 Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).
3.5 La chambre administrative a déjà examiné à de nombreuses reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions de la PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VTC sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.
Elle a retenu à deux reprises qu’en ne considérant que des infractions qui n’avaient pas été accomplies dans l’exercice de la profession de chauffeur, la PCTN avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation, ne prenant notamment pas en compte l’intérêt public premier visé par la loi (ATA/669/2018 du 26 juin 2018 ; ATA/3327/2018 du 10 avril 2018). Dans une autre espèce, elle a considéré que la décision de la PCTN révoquant une autorisation en raison d’une infraction pour violation grave des règles de la circulation routière, ne consacrait aucun excès ni abus du pouvoir d’appréciation de la PCTN (ATA/994/2023 précité).
Dans un arrêt récent du 17 avril 2024, le Tribunal fédéral a relevé, en ce qui concernait la proportionnalité au sens étroit, la nécessité de procéder à une réelle pesée des intérêts, retenant qu'on ne pouvait se contenter de qualifier les objectifs de sécurité et d’ordre publics d’intérêts publics prépondérants par rapport à l’intérêt du recourant au maintien de ses cartes professionnelles, sans prendre en considération la durée pendant laquelle le recourant serait empêché de travailler en tant que chauffeur Or, la proportionnalité d’une telle mesure ne pouvait être évaluée sans cet élément. Il en allait de même de la date qui devait être prise en compte en lien avec le délai de trois ans de l'art. 7 al. 3 let. e LTVTC. Il a ajouté qu'il était nécessaire de tenir compte des circonstances personnelles et économiques du recourant. En s’abstenant de cette analyse, de la prise en compte de ces éléments et en omettant d’appliquer l’art. 6 al. 3 RTVTC, qui exigeait une appréciation tenant compte notamment de la réitération des faits et du risque de récidive, la subsomption ne pouvait relever d’une démarche quasi-automatique, fondée uniquement sur la gravité de l’infraction. Cela se ferait alors en violation de l’art. 36 al. 3 Cst. et de l’art. 6 al. 3 RTVTC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_580/2023 du 17 avril 2024 consid 4.5.3).
3.6 En l’occurrence, le recourant subit une restriction à sa liberté économique, dans la mesure où sa carte professionnelle de chauffeur de VTC a été révoquée et que cette activité est protégée par la liberté économique. L’entrée en force de la décision entreprise l’empêchera de pratiquer son activité professionnelle. Il devra, par la suite, en requérir une nouvelle. Par conséquent, le retrait de sa carte professionnelle l'atteint gravement dans ses intérêts économiques. Cette restriction est fondée sur l'art. 7 al. 5 LTVTC et répond par ailleurs à un intérêt public, soit la sécurité des usagers de la route.
Il reste à examiner si la révocation litigieuse respecte le principe de proportionnalité.
La mesure prise à l'encontre du recourant est bien apte à atteindre le but de protection de la sécurité routière, puisque le recourant se trouvera empêché de pratiquer temporairement l'activité de chauffeur et, partant, de mettre en danger les usagers de la route. Il en va de même de la nécessité, puisqu'il n'existe pas d'alternative à la révocation prononcée en application de l'art. 7 al. 5 LTVTC et qu'il n'est donc pas possible de prononcer une mesure moins incisive.
En ce qui concerne la proportionnalité au sens étroit, l’autorité intimée a procédé à une pesée des intérêts en présence. Elle a tenu compte de l’âge du recourant, de la durée de son activité de chauffeur professionnel – soit sept ans –, de sa situation familiale, en particulier de la charge partielle de sa fille, des conséquences de la révocation sur sa situation économique, de la durée durant laquelle le recourant ne pourrait plus travailler en tant que chauffeur professionnel – soit jusqu’au 22 mars 2026 – et de l’absence d’antécédents en la matière. Elle a toutefois estimé qu’au vu de la gravité de l’infraction, les buts de sécurité et d'ordre publics représentaient des intérêts publics prépondérants par rapport à son intérêt au maintien de sa carte professionnelle. Une telle analyse ne consacre ni excès ni abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité. Comme l’a relevé la PCTN, le recourant s’est mis dans un état d’ébriété alors qu’il savait être en service. Or, un chauffeur professionnel doit faire preuve d’une prudence accrue dès lors qu’il est responsable de la sécurité de ses clients. Les allégations contraires du recourant – aucunement étayées, comme on l’a vu (supra consid. 2.3) – ne permettent pas de revenir sur cette appréciation. L’instruction a d’ailleurs permis de retenir que la thèse du recourant selon laquelle il avait toujours soutenu qu’il n’était pas en service au moment des faits litigieux était largement contredite par les pièces de la procédure pénale. C’est le lieu de préciser que le recourant ne démontre pas qu’il ne pourrait exercer une autre activité professionnelle en attendant la délivrance d’une nouvelle carte professionnelle, étant rappelé qu’il a obtenu sa carte VTC en 2018, à l’âge de 53 ans. En pareilles circonstances, l’intérêt public à la sécurité routière, qui constitue l’un des buts premiers de la LTVTC, pèse plus lourd que l’intérêt privé du recourant au maintien de sa carte professionnelle, et cela même en tenant compte des conséquences de la décision sur sa situation familiale et économique, de son âge, et de l’absence d’antécédents en la matière. Comme l’a relevé l’autorité intimée, une nouvelle requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur VTC pourra être déposée dès le 22 mars 2026.
C’est ainsi de manière conforme à la loi et sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que la PCTN a révoqué la carte de chauffeur professionnel de VTC du recourant.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
3.7 Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 janvier 2025 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 21 novembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;
dit qu’il n’est pas perçu d’indemnité ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Philippe CURRAT, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
|
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
|
| la greffière : |