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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2795/2016

ATA/1276/2018 du 27.11.2018 sur JTAPI/1367/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.29.al2; LPA.41; LCI.1.al1; LCI.15; LCI.59.al4.leta; LCI.143; LCUA.4.al1; LCUA.6; RCUA.6
Parties : PROMOCLUSEL SA / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, DAWANCE Alexis, GOLAY Jean Jacques et autres, TANDBERG Jacob, TANDBERG Nini et Jacob, SCHICK Alain, SCHICK Sylviane, GAUDE Monique, WALKER Madeleine, GRABBE Hartwig, PARIDANT DE CAUWERE GRABBE Véronique, PARIDANT DE CAUWERE Monique, CARPIGO Ricardo, KÖNIG Britta, RODRIGUEZ Laurence, COMMUNE DE CORSIER, RODRIGUEZ Alexandre, MARULLAZ Elisabeth, BERCHTOLD Henri, HARTH Théodore, HENTSCH Jean-Claude
Résumé : Recours d'un promoteur contre un arrêt du tribunal administratif de première instance (TAPI) annulant l'autorisation de construire sept villas sur le territoire d'une commune. L'instruction du dossier par le TAPI, en particulier les mesures effectuées lors d'un transport sur place et l'audition du président de la commission de l'architecture (CA), a permis de mettre en évidence des lacunes dans l'examen du dossier par la CA. L'intérêt privé d'un des recourants doit ici primer l'intérêt public à la construction des villas, le projet de construction, tel que la CA en avait requis la modification, lui portant ainsi qu'au voisinage une atteinte et des nuisances dont la portée avait échappé au département du territoire. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2795/2016-LCI ATA/1276/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 novembre 2018

3ème section

 

dans la cause

 

PROMOCLUSEL SA
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

Monsieur Henri BERCHTOLD
Monsieur Ricardo CARPIGO
Madame Monique GAUDE
Monsieur Jean-Jacques GOLAY
Monsieur Hartwig GRABBE
Monsieur Théodore HARTH
Monsieur Jean-Claude HENTSCH
Madame Britta KÖNIG
Madame Elisabeth MARULLAZ
Madame Monique PARIDANT DE CAUWERE
Madame Véronique PARIDANT DE CAUWERE
Monsieur Alexandre RODRIGUEZ
Madame Laurence RODRIGUEZ
Monsieur Alain SCHICK
Madame Sylviane SCHICK
représentés par Me Cécile Berger Meyer, avocate

et

COMMUNE DE CORSIER
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

Monsieur Alexis DAWANCE
représenté par Me Alain Maunoir, avocat

et

Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG
représentés par Me Thierry Ador, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2017 (JTAPI/1367/2017)


EN FAIT

1) Mesdames Liliane AZARMSA, Sabine BUNZLI et Soreya HESTERMANN (ci-après : les propriétaires) sont propriétaires de la parcelle
n° 4'302, feuille 29 de la Commune de Corsier (ci-après : la commune), à l'adresse 9, chemin des Gravannes, dont dépend la parcelle n° 4'304. Elles sont, avec des propriétaires de parcelles voisines, également propriétaires de la parcelle n° 4'305.

La parcelle n° 4'302, située en cinquième zone de construction, occupe une surface de 2'117 m². Une villa de 232 m² est construite sur cette parcelle.

La parcelle n° 4'304 présente une surface de 761 m².

2) En février 2015, les propriétaires ont signé une promesse de vente et d'achat avec la société Promoclusel SA (ci-après : Promoclusel).

3) Le 14 avril 2015, Promoclusel a déposé, auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis le département du territoire (ci-après : le département), une demande d'autorisation pour démolir la villa et sa piscine extérieure situées sur la parcelle n° 4'302 (M 7'396 - 1).

Le 24 août 2015, le département a délivré l'autorisation sollicitée. Cette décision a paru dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 28 août 2015.

4) Entretemps, le 1er juin 2015, Promoclusel, par l'intermédiaire d'Atelier K Architectes SA (ci-après : Atelier K), a déposé auprès du département une demande d'autorisation de construire sept villas mitoyennes et l'abattage d'arbres sur la parcelle n° 4'302 (DD 107'971 - 1).

5) a. Dans le cadre de l'instruction de la demande, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a délivré un préavis favorable avec dérogation à valider par la commission d'architecture (ci-après : CA) s'agissant de la densité des constructions conformes à un standard de haute performance énergétique
(ci-après : HPE) au sens de l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

La surface parcellaire totale retenue était de 2'269 m² et la surface brute de plancher (ci-après : SBP) de 998,5 m², soit un taux de 44 %.

b. La direction générale des transports (ci-après : DGT) a demandé la modification du projet. Le chemin d'accès devait être élargi à 5 m de large afin de permettre le croisement de deux véhicules.

c. La CA a également demandé la modification du projet.

L'espace dédié aux voies carrossables était trop important et péjorait les relations des espaces de séjour (façade nord) avec les espaces extérieurs. En outre, la surface de terre végétale au sol devait être augmentée en prévoyant, par exemple, un parking au sous-sol. Par ailleurs, les niveaux des villas devaient être légèrement relevés pour « éviter les murs de soutènement ». La demande de dérogation relative à la densité des constructions était en suspens.

d. La commune a elle aussi demandé un projet modifié.

Le projet proposé était trop dense et non adapté au site, la configuration des accès et places de parc n'était pas tolérable et la surface imperméabilisée était beaucoup trop importante. En conséquence, la demande de dérogation pour une densité de 44 % n'était pas acceptable.

Elle était toutefois ouverte à une densification mesurée, par exemple la construction de villas bien orientées, profitant du site et de la vue vers le lac, avec parking sous-terrain et aménagement paysager adapté au site.

e. Enfin, tant la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) que la direction générale de l'eau (ci-après : DGEAU) ont demandé des modifications au projet.

En conséquence, le 6 novembre 2015, le département a informé Promoclusel que son projet devait être modifié.

6) Le 22 décembre 2015, Promoclusel a déposé un projet modifié.

Les murs de soutènement prévus le long du côté ouest, du côté nord et du côté est de la parcelle en cause n'existaient plus, sauf pour un angle d'environ 5 m de côté à l'angle nord-est de la parcelle. Par ailleurs, tandis que le sol du
rez-de-chaussée de la villa le plus en amont de la série se trouvait à une altitude de 413,40 m et que le sommet du toit de cette villa se situait à une altitude de
419,70 m, le nouveau projet prévoyait que le même rez-de-chaussée se situerait à une altitude de 414,30 m et le toit à une altitude de 420,50 m.

7) Les services concernés, à l'exception de la DGEAU qui a une nouvelle fois demandé la modification du projet, ont rendu des préavis favorables, parfois sous conditions. Ainsi, la CA a préavisé favorablement la demande avec la dérogation prévue par l'art. 59 al. 4 LCI pour une densité de 44 % HPE. Pour sa part, la DGT a validé le projet considérant « le faible nombre de véhicules générés par le projet et la faible probabilité qu'un véhicule doive attendre sur le domaine public le temps qu'un véhicule sorte ». Elle demandait néanmoins la mise en place d'un moyen indiquant la présence d'un véhicule sur le chemin privé de desserte afin de prévenir le deuxième véhicule.

8) Après une nouvelle modification du projet, la DGEAU l'a finalement préavisé favorablement, sous conditions.

9) Pour sa part, la commune a maintenu sa position et informé le département, le 3 mai 2016, qu'elle préavisait défavorablement le projet. Le département lui a répondu que, dans la mesure où les autres préavis étaient favorables et que les lois et règlements étaient respectés, l'autorisation de construire serait délivrée.

10) Le 16 juin 2016, le département a accordé l'autorisation globale d'autorisation de construire sollicitée. Cette décision a paru dans la FAO du
24 juin 2016.

11) Monsieur Alexis DAWANCE, propriétaire de la parcelle n° 4'303 adjacente au projet, a recouru contre l'autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Il a conclu à son annulation.

Il s'opposait à la modification du projet initial ayant conduit à surélever le faîte de la villa la plus proche de sa propriété, ceci à la demande de la CA.

12) La commune a fait de même et a conclu à l'annulation de l'autorisation de construire.

L'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas été respecté, le calcul des rapports de surface était erroné, le nombre de places de stationnement était insuffisant (art. 5 al. 1 et 9 du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 - RPSFP - L 5 05.10), le plan directeur cantonal 2030 avait été violé, de même que l'art. 62a du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), et la surface des constructions de peu d'importance
(ci-après : CDPI) était excessive (art. 3 al. 3 RCI).

13) Madame Sylvianne et Monsieur Alain SCHICK (propriétaires de la parcelle n° 4'473), Madame Laurence et Monsieur Alexandre RODRIGUEZ (propriétaires respectivement de la parcelle n° 4'788 et de la parcelle n° 4'789), Madame Véronique PARIDANT DE CAUWERE GRABBE et Monsieur Hartwig GRABBE (habitant d'une villa sur la parcelle n° 4'245), Madame Britta KÖNIG et Monsieur Ricardo CARPIGO (parcelle n° 4'246 dont Mme KÖNIG est propriétaire), Mesdames Monique GAUDE (propriétaire de la parcelle n° 4'470), Elisabeth MARULLAZ (propriétaire de la parcelle n° 4'790), Monique PARIDANT DE CAUWERE (propriétaire de la parcelle n° 4'245), et Madeleine WALKER (représentant la communauté héréditaire de feu Monsieur François WALKER, propriétaire de la parcelle n° 4'301) et Messieurs Henri BERCHTOLD (propriétaire de la parcelle n° 4'791), Jean Jacques GOLAY (propriétaire de la parcelle n° 4'300), Théodore HARTH (propriétaire de la parcelle n° 4'792) et Jean-Claude HENTSCH (propriétaire de la parcelle n° 4'260) (ci-après : les voisins) ont également recouru contre cette autorisation auprès du TAPI, concluant à son annulation.

Leur droit d'être entendu, l'art. 59 al. 4 LCI, les règles de densité, celles sur la dévestiture et les accès avaient été violés. Ils contestaient en outre le rapport entre les surfaces vertes et les surfaces imperméables, ainsi que l'absence de prise en compte du préavis de la commune.

14) Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG ont eux aussi recouru, y compris contre l'autorisation de démolir M 7'396-1. Ils ont conclu à la révision de cette dernière, à son annulation et à l'annulation de l'autorisation de construire. L'effet suspensif devait par ailleurs être restitué dans le cadre de l'autorisation de démolir.

Propriétaires de la parcelle n° 4'299, ils n'avaient pas été informés personnellement de l'autorisation de démolir. Cette autorisation n'avait été publiée que dans la FAO et elle devait donc être révisée.

Les dispositions sur le rapport des surfaces (art. 59 al. 4 LCI), sur l'esthétique des constructions (art. 15 al. 1 et 2 LCI), sur la sécurité et la salubrité (art. 14 al. 1 let. e LCI) et enfin les règles de construction sur le rapport des constructions avec les limites de propriétés, sur les vues droites et sur les dispositions intérieures des constructions avaient été violées.

15) Le 4 novembre 2016, le TAPI a prononcé la jonction de ces différentes procédures sous la cause n° A/2795/2016. Il a en outre rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif présentée par les époux TANDBERG dans le cadre de leur recours contre l'autorisation de démolir M 7'396-1 et leur a donné acte de ce que les recours avaient effet suspensif contre l'autorisation de construire
DD 107'971-1.

16) Ce jugement, s'agissant du refus de restitution de l'effet suspensif, a été annulé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 7 mars 2017 suite à un recours déposé par les époux TANDBERG. L'autorisation de démolir était définitive et elle ne pouvait faire l'objet que d'une demande de reconsidération auprès du département.

Le 28 mars 2017, le département a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de l'autorisation de démolir que les époux TANDBERG avaient déposée devant lui. Ces derniers ont recouru contre ce refus auprès du TAPI, lequel a rejeté leur recours le 26 mai 2017. La chambre administrative a ultérieurement rejeté le recours qu'ils avaient déposé devant elle contre le jugement du TAPI. Finalement, dans un arrêt du 6 avril 2018, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours que les époux TANDBERG avaient déposé devant lui.

17) Le 11 avril 2017, le TAPI a convoqué un transport sur place. Il a par ailleurs ordonné à Promoclusel la pose de gabarits et de s'adjoindre, à ses frais, l'aide d'un géomètre officiel chargé, à la date du transport sur place, d'examiner la conformité des gabarits.

La parcelle de M. DAWANCE était située en amont de la parcelle litigieuse, au-delà de laquelle, à environ 500 m, s'étendait le lac Léman. Il se plaignait du fait que, à la demande de la CA et afin d'éviter la construction d'un mur de soutènement, le projet initial avait été modifié, un rehaussement du niveau du terrain naturel fini étant maintenant prévu. Par rapport à sa propriété, la villa la plus proche prévue s'implanterait sur un remblai d'une hauteur de 1,50 m par rapport au terrain naturel actuel et dépasserait d'un mètre le faîte de sa propre villa. Ceci accentuerait globalement un effet d'écrasement nuisible à l'harmonie du quartier et limiterait la vue sur le lac en générant une importante moins-value et une atteinte sévère à ses droits de propriété.

La première version du projet portait l'altitude maximale à 419,70 m, alors que la version autorisée portait cette altitude à 420,50 m, soit une différence de
80 cm. Ainsi, des gabarits, dont l'altitude devait atteindre 420,50 m et portant une marque à l'altitude de 419,70 m, devaient être posés aux deux angles supérieurs du projet.

18) Le 9 mai 2017, le TAPI a organisé un transport sur place. Le 6 juin 2017, il a tenu une audience au cours de laquelle il a entendu le président de la CA. Ces deux événements seront repris et détaillés dans la partie en droit du présent arrêt.

La possibilité que les parties entrent en négociation sur un projet modifié a, à ce stade, été évoquée. Toutefois, un tel accord n'a pas été trouvé.

19) Par jugement du 21 décembre 2017, le TAPI a déclaré irrecevable le recours des époux TANDBERG à l'encontre de l'autorisation de démolir. Il a admis les autres recours.

a. Lors du transport sur place, le TAPI avait procédé à plusieurs constats relatifs à la vue dont bénéficiait M. DAWANCE depuis sa propriété. Les gabarits installés avaient permis de vérifier les effets négatifs du projet sur cette vue. Le TAPI avait par ailleurs pu procéder à des constats relatifs aux murs de soutènement qui existaient déjà dans le quartier.

La décision litigieuse découlait d'une appréciation infondée de la CA en raison de la connaissance incomplète qu'elle avait du dossier. Le projet entraînait des nuisances esthétiques inutilement importantes et le département avait en conséquence abusé de son pouvoir d'appréciation.

Il sera fait dans le détail référence aux éléments retenus par le TAPI dans la partie en droit du présent arrêt.

b. Appliquant le droit d'office, le TAPI a retenu une violation de l'art. 9
al. 2 RCI.

Le projet autorisé prévoyait l'abattage de la haie située à la limite de propriété avec la parcelle des époux TANDBERG, mais également la construction d'un mur de soutènement, au-delà de cette haie, à l'angle nord-est de la parcelle litigieuse comme cela figurait sur le plan 100B visé ne varietur le 16 juin 2016. Or, selon les plans établis à sa demande par un géomètre le 16 mai 2017, la limite de propriété entre la parcelle litigieuse et celle des époux TANDBERG était située de telle sorte que les arbres constituant la haie séparative se trouvaient sur la propriété appartenant à ces derniers. Le plan 100B était donc inexact, puisque soit il empiétait sans droit sur la propriété des époux TANDBERG, soit il était fondé sur des mesures erronées, s'agissant en particulier de la largeur disponible pour le passage des véhicules le long de la limite nord de la parcelle litigieuse et pour leurs manoeuvres à l'extrémité est de cette même limite.

c. Compte tenu de l'admission du recours, les autres griefs ont été examinés sommairement. Les griefs de violation du droit d'être entendu et de violation des art. 14 LCI, 19 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 62a RCI ont été écartés.

d. Pour le reste, dans la mesure où l'appréciation des conditions d'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI par la CA reposait sur une compréhension faussée du dossier, et dans la mesure où le département s'était fondé sur le préavis de la CA, l'autorisation violait cette disposition légale.

e. L'autorisation violait l'art. 5 al. 1 et 9 RPSFP.

Le plan du rez-de-chaussée des immeubles, y compris les aménagements extérieurs, ne mentionnait aucun emplacement de places pour visiteurs ni pour les vélos. Le projet, d'une surface totale de 999 m², impliquait d'aménager une place de stationnement pour voiture pour les visiteurs et entre treize et quatorze places pour les vélos, soit deux places par villa.

S'agissant de la place pour visiteurs, il n'existait pas assez d'espace pour permettre à un visiteur de stationner son véhicule, par exemple sur l'allée située le long de la parcelle n° 4'299 comme le soutenait à tort Promoclusel. L'allée mesurait 3,75 m de large et de nombreux véhicules avaient une largeur de 1,90 m, voire plus, ce qui rendait impossible leur croisement. La largeur de cette allée était en outre sujette à caution, le plan délimitant la parcelle litigieuse et la parcelle
n° 4'299 étant inexact.

S'agissant des places pour vélos, même à supposer que l'absence d'indication de ces places relevait d'une omission, il ne semblait de toute manière pas qu'existaient des surfaces suffisantes, le tout ayant été calculé au plus juste.

f. L'autorisation violait également l'art. 3 al. 3 RCI.

Certes, les plans indiquaient le tracé d'une future division parcellaire, ce qui permettrait de remédier au problème des surfaces des CDPI. Toutefois, l'autorisation litigieuse n'était pas soumise à la condition d'une telle division, de sorte qu'il restait possible d'y renoncer après coup.

En outre, le raisonnement du département ne pouvait pas être suivi dès lors qu'il prenait en considération la totalité de la parcelle actuelle pour le calcul de la SBP au sens de l'art. 59 al. 4 LCI, mais ne tenait compte que de la surface des futures parcelles pour le calcul de la surface maximale des CDPI, le taux de SBP de 44 % étant alors largement dépassé pour la plupart des parcelles.

20) Par acte posté le 1er février 2018, Promoclusel a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative. Elle a conclu, « sous suite de dépens », à son annulation.

a. Le département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

Les instances consultées, en particulier la CA, avaient toutes préavisé favorablement le projet. Lors de son audition, le président de la CA avait posé le cadre de travail général de cette commission et précisé notamment qu'elle n'avait pas fait un transport sur place, les commissaires connaissant « assez bien de manière générale le contexte des différentes parties du canton. Cette connaissance [était] complétée à un niveau plus détaillé par les plans du projet et par exemple par des documents géo-référencés ». Il avait ajouté que « dans les relations entre le projet et son environnement, elle procéd[ait] à une appréciation générale du projet par rapport au quartier. S'agissant des conséquences du projet par rapport à un voisin en particulier, la commission examin[ait] si le projet présent[ait] par exemple une longueur ou une hauteur excessive ».

Lorsqu'elle se penchait sur un dossier, la CA disposait donc de toutes les informations utiles et il paraissait « hautement invraisemblable » que lors de ses deux examens du projet, la CA n'ait pas eu connaissance des éléments pertinents. Elle était en effet composée de professionnels et il devait être présumé qu'elle effectuait ses tâches avec conscience et professionnalisme. Les déclarations du président de la CA devant le TAPI, fournies sans support et près d'une année après la délivrance du préavis, n'engageait que lui et pas la commission toute entière. Si le TAPI avait souhaité connaître l'avis de la CA, il aurait dû auditionner la totalité de ses membres, son président ne pouvant engager la CA sur un dossier particulier. Il convenait au surplus de souligner que le président de la CA avait relevé, lors de son audition, que le premier préavis de cette commission avait permis de gommer le mur de soutènement qui devait se trouver à l'aval du projet, ce qui était une bonne chose.

Le département avait suivi le préavis de la CA et constaté que les gabarits des constructions projetées respectaient la loi, M. DAWANCE ne disposant en outre pas d'une servitude de vue droite sur la parcelle litigieuse.

Enfin, elle devait être protégée dans sa bonne foi. Elle avait en effet modifié son premier projet à la demande de l'administration en le surélevant. Le TAPI ne pouvait pas la sanctionner pour avoir respecté cette demande de la CA.

b. L'art. 9 al. 2 RCI n'avait pas été violé.

Les mesures quant à la limite de la parcelle litigieuse dans le projet autorisé étaient correctes. La différence entre les plans de l'autorisation et le plan établi à la demande du TAPI portait sur l'emplacement du tronc de la haie, qui se trouvait sur la parcelle des époux TANDBERG. Ceci n'avait aucune incidence, l'abattage de cette haie ne concernant pas l'autorisation de construire, mais relevant du droit privé. Ce serait, quoi qu'il en soit, faire preuve de formalisme excessif que d'annuler l'autorisation de construire sept villas, uniquement en raison de l'emplacement d'une haie et d'un mur de soutènement.

c. L'art. 59 al. 4 LCI n'avait pas non plus été violé.

Il avait été démontré, lors de l'analyse du premier grief, qu'il ne pouvait pas être établi que la CA et le département s'étaient fondés sur une compréhension faussée du dossier. Il convenait de se référer à cette argumentation.

d. Les art. 5 al. 1 et 5 al. 9 RPSFP avaient été respectés.

Le jugement du TAPI omettait de prendre en compte l'art. 5 al. 3 RPSFP, selon lequel, dans tous les périmètres, le nombre minimum exigé de places pour les voitures était de deux pour les maisons individuelles ou contiguës dont la SBP excédait 125 m². Cette disposition légale ne faisait pas de distinction entre cases pour habitants et cases visiteurs et déterminait de manière exhaustive la règle applicable à ce type d'habitation. Or, le projet portait sur la réalisation de maisons contiguës et il prévoyait précisément deux places par villa, villas dont les SBP excédaient 125 m². Au besoin, les visiteurs pouvaient stationner sur le chemin des Gravannes. Ce chemin privé mesurait près de 6 m de large et était donc en mesure d'accueillir des véhicules stationnés sans gêner le passage de voitures.

S'agissant des places pour les vélos, le TAPI avait retenu à tort que l'art. 5 al. 9 RPSFP était applicable au cas d'espèce. Elle n'avait pas besoin d'intégrer des places de vélos dans ses plans et l'agencement des constructions permettait amplement de stationner des vélos sur la parcelle ou sur le chemin des Gravannes. La DGT avait préavisé favorablement le projet. Dans la mesure où le département ne s'était pas écarté de ce préavis, le TAPI n'avait pas à revoir cet élément.

e. Enfin, l'autorisation litigieuse ne violait pas l'art. 3 al. 3 RCI.

Les plans indiquaient le tracé d'une future division parcellaire qui permettait de rentrer dans le cadre de cette disposition. Ces plans étaient visés ne varietur et la division parcellaire faisait intégralement partie de l'autorisation de construire. Une réalisation non conforme aurait comme conséquence une violation de la loi.

21) Le TAPI a transmis son dossier et informé la chambre administrative qu'il n'avait pas d'observations à formuler.

22) Par écritures séparées, les voisins, la commune, ainsi que M. DAWANCE ont conclu, « sous suite de dépens », au rejet du recours.

23) Le 9 mars 2018, le département a conclu à l'admission du recours.

24) Le 25 mai 2018, les époux TANDBERG ont préalablement conclu, « sous suite de dépens » :

- à la suspension de la procédure dans l'attente du dépôt de la nouvelle demande de construction et de l'octroi de celle-ci et, en ce cas, déclarer la procédure comme devenue sans objet dès lors que des discussions entre les parties étaient en cours, Promoclusel avançant un nouveau projet de quatre villas avec des garages ;

- à des actes d'instruction complémentaires consistant en la pose de gabarits représentant la façade du futur immeuble au sommet, au milieu et au bas des futures constructions, à savoir les villas 1, 5 et 7, cette pose ayant été requise en première instance le 9 mai 2017 et non effectuée par le TAPI, ainsi qu'à la convocation d'un transport sur place.

Principalement, ils ont conclu au rejet du recours.

Ils ont notamment soulevé les griefs de violation de l'art. 14 al. 1 let. e LCI et de « l'ordonnance sur la protection contre le bruit et autres nuisances ».

25) Le 28 juin 2018, la recourante a répliqué, persistant dans ses griefs et ses conclusions.

26) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

27) Il ressort du dossier et des écritures des parties que, le 28 septembre 2016, le département a délivré à M. DAWANCE une autorisation de construire
(DD 108'897-1) portant sur la création de deux niveaux supplémentaires à sa villa existante. Le 28 juin 2018, M. DAWANCE a toutefois précisé que ce projet ne serait pas réalisé. Dans un courrier du 27 juin 2018 versé à la procédure, il a informé le département qu'il renonçait à cette autorisation.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

2) Les époux TANDBERG sollicitent des actes d'instruction complémentaires, à savoir la pose de gabarits et la convocation d'un transport sur place.

Pour sa part, la recourante estime que le TAPI aurait dû auditionner tous les membres de la CA et pas uniquement son président.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 et les arrêts cités).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

En l'espèce, le dossier contient les pièces suffisantes permettant de trancher le litige sans qu'il soit nécessaire de donner suite à la demande des époux TANDBERG. En outre, l'instruction complète du dossier menée par le TAPI, en particulier le transport sur place, l'ensemble des constats et mesures effectués à cette occasion, ainsi que l'audition du président de la CA, a permis de le compléter utilement.

Pour les mêmes motifs, le TAPI pouvait se contenter d'auditionner le seul président de la CA, ce dernier étant supposé, comme cela sera expliqué
ci-dessous, être à même de la représenter et d'émettre un avis fiable et compétent.

3) La recourante fait grief au TAPI d'avoir retenu que l'autorisation litigieuse reposait sur un abus du pouvoir d'appréciation commis par le département. Selon elle, le département devait examiner si le projet respectait les conditions légales et non pas de quelle manière les voisins seraient prétérités par ce projet. Le département ayant constaté que les gabarits des constructions projetées respectaient la loi et que M. DAWANCE ne disposait pas d'une servitude de vue droite sur la parcelle litigieuse, il avait logiquement délivré l'autorisation de construire.

4) a. Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).

b. À teneur de l'art. 59 al. 4 let. a LCI, applicable à la zone villa, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent.

La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier exigée par l'art. 59 al. 4 LCI est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI.

Selon l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées. Leur contenu variant selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce, ces notions laissent à l'autorité un large pouvoir d'appréciation, celle-ci n'étant limitée que par l'excès ou l'abus de celui-ci. L'autorité de recours s'impose une retenue particulière lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu'elle d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, en matière de technique, en matière économique, en matière de subventions et en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 7 et les références citées).

c. À teneur de l'art 4 al. 1 de la loi sur les commissions d'urbanisme et d'architecture du 24 février 1961 (LCUA - L 1 55), la CA est consultative. Sous réserve des projets d'importance mineure et de ceux qui font l'objet d'un préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites, elle donne son avis en matière architecturale au département du territoire, lorsqu'elle est requise par ce dernier, sur les projets faisant l'objet d'une requête en autorisation de construire. En matière d'autorisations de construire instruites selon la procédure accélérée, sauf exception, le préavis de la commission est exprimé, sur délégation, par le service spécialisé concerné. Si nécessaire, les exceptions sont définies par ladite commission.

La CA est nommée par le Conseil d'État (art. 6 al. 1 LCUA). Elle élit son président pour une année, sous réserve d'approbation du Conseil d'État. Ce mandat est renouvelable (art. 6 al. 2 LCUA).

Selon l'art. 6 du règlement sur les commissions d'urbanisme et d'architecture du 19 juin 1974 (RCUA - L 1 55.03), la CA est convoquée par son président (al .1). Elle élit parmi ses membres, un vice-président qui remplace le président en son absence (al. 2). Un délégué e la commission des monuments, de la nature et des sites participe aux séances de la CA à titre d'expert permanent avec voix consultative (al. 3). La commission peut consulter des sous-commissions dont la composition, les attributions et le monde de fonctionnement sont fixés en accord avec le département (al. 4). Le président, après un examen préliminaire des dossiers présentés par le département, les transmets aux sous-commissions respectives ou les soumet à la commission plénière (al. 5).

d. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis - étant entendu qu'un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable - la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est en fonction de son aptitude à trancher le litige. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. S'agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut ainsi exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/868/2018 du 28 août 2018 consid. 9 c et la référence citée).

L'art. 15 LCI reconnaît au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée).

Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 171).

5) Dans le cas d'espèce, procédant à l'instruction de la demande d'autorisation de construire déposée par la recourante, la DAC a délivré un préavis favorable avec une dérogation à faire valider par la CA s'agissant de la densité de constructions conformes à un standard HPE. Dans son premier préavis, la CA a suspendu la demande de dérogation et demandé une modification du projet s'agissant notamment des niveaux des villas qui devaient être relevés. La recourante a en conséquence déposé un second projet intégrant notamment le relèvement des villas voulu par la CA, laquelle a alors préavisé favorablement la demande et la dérogation prévue par l'art. 59 LCI.

Dans son jugement, le TAPI a retenu que, lors du transport sur place, il avait été constaté que la propriété de M. DAWANCE bénéficiait depuis le jardin, depuis la terrasse ou depuis la pièce de séjour, d'une vue assez large sur le lac. Dans la pièce de séjour, la principale ouverture avait été conçue de manière à garantir la vue la plus large sur le lac. Depuis le jardin, il était possible de voir le sommet des arbres situés sur le bord de la rive gauche. Les gabarits installés avaient montré que le projet tel qu'autorisé obstruerait probablement complétement la vue sur le lac depuis le jardin et ne permettrait presque plus d'en voir la rive opposée. Depuis la terrasse, il apparaissait clairement que la deuxième version du projet obstruerait totalement la vue sur le lac, sauf pour une petite partie qui resterait visible sur la droite. Depuis la pièce de séjour, la disparition de la vue sur le lac semblait encore plus marquée, d'autant que les gabarits ne prenaient pas en compte les superstructures qui seraient installées sur le toit. La recourante ne remet pas en cause les constats effectués par le TAPI.

Dans l'ATA/86/2015, cité par le TAPI, la chambre de céans a examiné le litige opposant les propriétaires d'un appartement avec vue sur le lac à la Ville de Genève qui souhaitait installer un pavillon glacier devant chez eux leur masquant selon eux « gravement la vue dont ils jouissaient sur la rade et le jet d'eau ». La chambre de céans avait rejeté le recours estimant notamment, sous l'angle de
l'art. 15 LCI, que l'intérêt public à l'installation de ces pavillons primait l'intérêt privé des recourants car, « même si la vue depuis l'appartement des recourants [était] susceptible d'embrasser le lac très légèrement moins qu'actuellement et de perdre éventuellement une part minime de sa beauté [...], l'essentiel de la vue - qui porte également sur la ville et les montagnes ainsi que sur les autres parties du lac - demeure maintenu ».

Il ressort également du jugement litigieux que, lors du transport sur place, l'existence d'un mur de soutènement sur le côté sud de l'extrémité est de la parcelle avait été constatée. L'architecte de la recourante présent à cette occasion avait expliqué que, le long de la limite de propriété avec les époux TANDBERG, le projet déposé avant d'être modifié à la demande de la CA prévoyait la construction d'un mur de soutènement dont la hauteur maximale ne dépassait pas celle du terrain et qui s'élevait progressivement jusqu'à une hauteur d'environ 1,60 m à l'angle nord-est de la parcelle, pour se poursuivre en « L » en direction du sud, en perdant progressivement sa hauteur sur une longueur d'environ 15 m, jusqu'à n'atteindre plus qu'une hauteur d'environ 1 m. Seule la partie de ce mur située en limite de propriété avec la parcelle des époux TANDBERG aurait eu une fonction structurelle alors que le retour de ce mur sur la partie nord-est de la parcelle n'aurait eu qu'une fonction esthétique. Il pouvait être supprimé d'un point de vue strictement structurel. Selon le géomètre également présent lors du transport sur place, les gabarits étaient posés 10 cm en dessous du terrain fini selon le projet déposé avant d'être modifié. L'architecte de la recourante avait quant à lui montré que le niveau du terrain fini selon le projet modifié se situerait environ 90 cm au-dessus de l'altitude à laquelle étaient fixés les gabarits.

Par ailleurs, l'existence d'autres murs de soutènement dans le voisinage immédiat, notamment juste de l'autre côté de la limite nord de la parcelle litigieuse avait été constatée lors du transport sur place.

6) Il découle de ce qui précède que les impacts du projet litigieux sur la vue depuis la propriété de M. DAWANCE sont beaucoup plus dommageables que dans l'ATA précité. Selon le TAPI, le projet tel qu'il avait été autorisé provoquait ainsi pour M. DAWANCE une nuisance esthétique massive, ce que la recourante ne conteste pas non plus.

Or, il apparaît que, se fondant sur le préavis de la CA, le département ne pouvait procéder à une correcte pesée des intérêts publics et privés en cause. Il ne pouvait pas non plus se faire une opinion correcte de la compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. En effet, et comme cela ressort du procès-verbal de son audition devant le TAPI, le président de la CA a, dans un premier temps, expliqué que cette dernière accomplissait sa mission en faisant une appréciation générale du projet par rapport au quartier. S'agissant des conséquences sur un voisin en particulier, elle examinait si le projet présentait une longueur ou une hauteur excessive, soit une question d'appréciation et non de légalité. Il a ensuite et surtout déclaré, concernant son premier préavis, que la CA n'avait vraisemblablement pas connaissance des conséquences qu'un rehaussement de 80 cm pouvait avoir pour le voisinage. Confronté aux explications relatives aux constations faites lors du transport sur place, en particulier s'agissant du niveau actuel du terrain en contrebas de la parcelle de
M. DAWANCE et de la présence d'un mur de soutènement sur une partie de la limite entre ces deux parcelles et sur la parcelle voisine côté nord, il a considéré que la CA aurait apprécié différemment le premier projet. Plus précisément, il a déclaré « qu'elle n'aurait pas pu exiger le retour à l'ancien niveau naturel du terrain ni la surélévation induite pour le projet » modifié.

Devant le TAPI, le président de la CA a tenu à souligner que le préavis de la CA avait tout de même permis de gommer le mur de soutènement qui aurait dû se trouver à l'aval du projet, ce qui était une bonne chose. Or, et outre les effets négatifs du projet autorisé sur la propriété de M. DAWANCE, le TAPI a mis en évidence que le transport sur place avait permis d'établir que le quartier comptait déjà plusieurs murs de soutènement. L'exigence formulée par la CA visant la suppression du mur de soutènement situé en contrebas de la dernière villa mitoyenne et du mur de soutènement le long de la limite nord de la parcelle - alors qu'un tel mur existait déjà le long de la même limite du côté des époux TANDBERG - n'apportait d'un côté qu'un changement mineur au projet initial. Mais surtout, alors que la CA visait le but inverse, le projet modifié entraînait d'importants mouvements de terrain, puisque son niveau actuel devrait être augmenté de 90 cm à l'extrémité nord-est du projet, celui-ci étant globalement plus élevé de 80 cm.

La recourante ne remet pas en cause la réalité de ces constats. L'intérêt privé de M. DAWANCE doit ici primer l'intérêt public à la construction de sept villas, le projet modifié lui portant, ainsi qu'au voisinage, une atteinte et des nuisances dont la portée avait échappé à la CA et donc au département lorsqu'il a, en suivant le préavis, délivré l'autorisation litigieuse. Au vu du poids du préavis de la CA et des lacunes dans l'examen du dossier par la CA, mises à jour lors du transport sur place, le département a bien abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation querellée.

7) S'agissant de l'audition du seul président de la CA par le TAPI, il ne ressort pas du procès-verbal que celui-là aurait émis des réserves relatives, par exemple, à une méconnaissance du dossier. Si le président de la CA a plusieurs fois pris des précautions de langage telles que « je pense que » ou « vraisemblablement », il n'a à aucun moment invité le TAPI à consulter ses autres collègues. Au demeurant, l'audition des autres membres de la CA aurait permis, soit de confirmer les propos tenus par le président, soit de mettre en évidence des propos contradictoires entre eux, situation quoi qu'il en soit peu propice à asseoir le préavis de la CA.

L'arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017, auquel se réfère la recourante dans sa réplique, ne lui est ici d'aucun secours. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral précise en effet que le « seul souhait d'un membre d'une [commission officielle] présente lors de l'inspection locale de ne pas voir d'ascenseur dans l'immeuble ne permet pas de remettre en cause le préavis de l'instance spécialisée et collégiale qu'est [cette commission officielle]. En l'espèce, il n'est pas question d'un souhait exprimé par un membre de la CA, mais de la déposition d'un témoin assermenté, en l'occurrence son président, devant une juridiction cantonale et de réponses à des questions techniques et précises.

8) S'agissant enfin de la protection de la bonne foi de la recourante, il ne ressort pas du dossier que le département lui aurait donné une garantie quelconque qu'une fois son projet modifié l'autorisation de construire lui serait sans autre délivrée. Le département ne pouvait au surplus pas empêcher les personnes autorisées à le faire de recourir contre l'autorisation litigieuse, le fait d'avoir modifié son projet à la demande de la CA ne garantissant pas à la recourante qu'au final, l'autorisation qui lui était délivrée était en tout point conforme au droit.

Dans ces conditions, le recours doit être rejeté, le projet ne pouvant être autorisé en l'état.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 4'000.- sera allouée aux intimés, soit CHF 1'000.- aux voisins, CHF 1'000.- à la commune, CHF 1'000.- à M. DAWANCE et CHF 1'000.- aux époux TANDBERG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2018 par Promoclusel SA contre le jugement du Tribunal de première instance du 21 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Promoclusel SA un émolument de CHF 700.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur Henri BERCHTOLD, Monsieur Ricardo CARPIGO, Madame Monique GAUDE, Monsieur Jean-Jacques GOLAY, Monsieur Hartwig GRABBE, Monsieur Théodore HARTH, Monsieur Jean-Claude HENTSCH, Madame Britta KÖNIG, Madame Elisabeth MARULLAZ, Madame Monique PARIDANT DE CAUWERE, Madame Véronique PARIDANT DE CAUWERE, Monsieur Alexandre RODRIGUEZ, Madame Laurence RODRIGUEZ, Monsieur Alain SCHICK, Madame Sylviane SCHICK, à la charge de Promoclusel SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la commune de Corsier, à la charge de Promoclusel SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur Alexis DAWANCE, à la charge de Promoclusel SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG, à la charge de Promoclusel ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, à Me Cécile Berger Meyer, avocate des voisins, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de la commune de Corsier, à Me Alain Maunoir, avocat de Monsieur Alexis DAWANCE, à Me Thierry ADOR, avocat des époux TANDBERG, au département du territoire, soit pour lui l'office des autorisations de construire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :