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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/123/2018

ATA/669/2018 du 26.06.2018 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/123/2018-TAXIS ATA/669/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Jacques Roulet, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Depuis le 22 avril 2009, M. A______, né en 1969, est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi indépendant.

2) Par décision du 30 novembre 2017 déclarée exécutoire nonobstant recours, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN ou service) a refusé d’accorder une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) à M. A______, que celui-ci avait sollicitée par requête datée du 14 septembre 2017 et déposée le lendemain.

À teneur de l’extrait de son casier judiciaire établi le 31 juillet 2017, annexé à ladite requête, l’intéressé avait été condamné par le Ministère public, à chaque fois pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et avec entrée en force :

-          le 9 novembre 2012, à quarante-cinq jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis et délai d’épreuve pendant trois ans ;

-          le 26 juillet 2013, à cinquante jours-amende à CHF 60.- le jour (peine complémentaire à celle infligée le 9 novembre 2012), avec sursis et délai d’épreuve pendant trois ans ;

-          le 4 septembre 2014, à cent-cinquante jours-amende à CHF 30.- le jour (peine partiellement complémentaire à celle infligée le 26 juillet 2013) ;

-          le 5 novembre 2014, à trente jours-amende à CHF 60.- le jour.

Ces condamnations étaient, selon le PCTN, clairement visées par l’art. 6 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01), tant quant à leur quotité qu’à leurs motifs.

Au surplus, la requête du 15 septembre 2017 était incomplète, car les points 1 et 2.1 n’avaient pas été remplis.

3) Le 4 décembre 2017 a été délivrée à M. A______ par le service une carte professionnelle de chauffeur de taxi au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31), entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

4) Par acte expédié le 16 janvier 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, concluant, « avec suite de frais et dépens », à son annulation et, cela fait, à la constatation que les conditions de délivrance d’une AUADP étaient remplies et à la délivrance de cette dernière, subsidiairement au renvoi de la cause au PCTN pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Nonobstant l’extrait de son casier judiciaire, il avait reçu, le 10 août 2017, un certificat de bonne vie et mœurs (ci-après : CBVM), à teneur duquel il était domicilié à Genève depuis 1987 et répondait à toutes les exigences d’honorabilité et de bonne réputation selon la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 (LCBVM - F 1 25).

Aucune décision administrative n’avait été prononcée à son encontre par le service.

Selon les allégations du recourant, celui-ci avait fait l’objet de ces quatre condamnations du fait que l’office des poursuites (ci-après : OP) avait dénoncé les faits en plusieurs fois et qu’il aurait ainsi pu faire l’objet d’une seule condamnation, preuve en serait le fait qu’il avait bénéficié de peines complémentaires.

5) Dans sa réponse du 6 février 2018, le PCTN a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait fait l’objet de plusieurs décisions prononcées par le service entre 2002 et 2004. En outre, par décision du 26 août 2016 lui avait été infligée une amende administrative de CHF 450.-, pour avoir, alors qu’il était chauffeur de taxi de service privé, emprunté, les 3 et 27 octobre 2014, la voie réservée aux transports en commun et aux taxis de service public, l’intéressé ayant admis les faits et présenté des excuses.

6) Par réplique du 13 mars 2018, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours et a produit un contrat de bail à ferme pour chauffeur de taxis de service public indépendant au sein d’une entreprise, conclu le 10 février 2016 avec une société et prenant effet le 1er mars 2016.

7) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

8) Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3, 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Conformément à l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Constitue un excès négatif du pouvoir d’appréciation le fait que l’autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou encore qu’elle renonce d’emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d’appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATA/327/2018 du 10 avril 2018 consid. 3 ; ATA/146/2018 du 20 février 2018 et les références citées). L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 consid. 3 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 consid. 6a et les références citées).

3) Aux termes de l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).

La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu
(ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction à un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2), et proportionnée au but visé (al. 3).

4) a. Le 1er juillet 2017 sont entrés en vigueur la LTVTC et le RTVTC qui ont abrogé respectivement la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis -
H 1 30) et le règlement d’exécution de la LTaxis du 4 mai 2005 (RTaxis -
H 1 30.01) (art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

b. Selon l’art. 1 LTVTC, la LTVTC a pour objet de réglementer les professions de chauffeur de taxi et de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur, en tant que services complémentaires à ceux offerts par les transports publics (al. 1) ; elle a pour but de promouvoir un service public efficace et de qualité capable de répondre à la demande tous les jours de l’année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois (al. 2) ; elle a également pour but de garantir que l’activité des transporteurs est conforme aux exigences de la sécurité publique, de l’ordre public, du respect de l’environnement, de la loyauté dans les transactions commerciales et de la transparence des prix, ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public, tout en préservant la liberté économique (al. 3).

c. À teneur de l’art. 10 LTVTC, les voitures de taxis sont au bénéfice d’une AUADP. Chaque autorisation correspond à une immatriculation (al. 1) ; le nombre des autorisations est limité en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique (al. 2) ; le Conseil d’État fixe le nombre maximal d’autorisations en fonction des besoins évalués périodiquement (al. 3).

Selon l’art. 46 LTVTC, les titulaires de permis de service public au sens de la LTaxis se voient délivrer un nombre correspondant d’autorisations d’AUADP au sens de la LTVTC et conservent la titularité de leurs numéros d’immatriculation, pour autant qu’ils poursuivent leur activité de chauffeur de taxi, respectivement d’entreprise proposant un service de taxis (al. 1 1ère phr.) ; tout titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi qui exploite un taxi de service privé en qualité d’indépendant ou travaille comme employé ou fermier d’un titulaire d’une autorisation d’exploiter un taxi ou une entreprise de taxis de service public au sens LTaxis, délivrée avant le 1er juin 2015, qui, lors de l’entrée en vigueur de la LTVTC, exerce de manière effective sa profession peut demander une AUADP au sens de l’art. 10 LTVTC, dans un délai de six mois après son entrée en vigueur (al. 2 1ère phr.).

L’art. 11 LTVTC précise que les AUADP sont attribuées sur requête, à des personnes physiques ou morales ; elles sont personnelles et incessibles (al. 1) ; le requérant doit être titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou être une entreprise de transport de taxi, quelle que soit sa forme juridique (al. 2 let. a) et ne pas avoir, comme requérant à titre individuel ou comme exploitant d’entreprise, fait l’objet dans les cinq ans précédant la requête de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (al. 2 let. b) ; le Conseil d’État détermine, après consultation des milieux professionnels directement concernés, les modalités d’attribution en prévoyant des critères objectifs, permettant d’assurer un système cohérent, transparent et non discriminatoire, réalisant un équilibre approprié entre le besoin de stabilité des autorisations et la liberté économique. (al. 3).

d. Il ressort des travaux préparatoires portant sur l’art. 11 LTVTC, qu’au moment de la délivrance de la carte professionnelle, l’autorité procède à une vérification concernant les antécédents en termes de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession (art. 5 LTVTC). La sécurité du public est au cœur de cette exigence. La situation telle qu’elle existe lors de la remise de la carte professionnelle peut être différente de celle au moment de l’obtention de l’AUADP. Il est par conséquent nécessaire de procéder à une actualisation. Il y a un intérêt public manifeste à ce qu’un candidat à l’autorisation qui permettra d’exercer comme chauffeur de taxi ne soit pas un contrevenant régulier à la loi. Le Conseil d’État définira les condamnations et décisions pertinentes, qui seront en principe les mêmes que celles prévues pour l’art. 5 LTVTC (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève [en ligne] [ci-après : MGC], séance 49 du 17 septembre 2015 à 17h00, PL 11’709, p. 31, consultable en ligne sur http://ge.ch/grandconseil/ data/texte/PL11709.pdf).

À propos de l’art. 5 LTVTC qui porte sur la carte professionnelle de chauffeur et qui reprend la condition de ne pas avoir fait l’objet, dans les cinq ans précédant la requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (art. 5 al. 2 let. e LTVTC), les travaux préparatoires précisent que les clients d’un transporteur s’en remettent à lui lorsqu’ils montent dans son véhicule. Il n’est pas d’usage de contrôler la probité d’un chauffeur avant de faire appel à lui. Pour ces raisons, il apparaît nécessaire qu’avant la délivrance de la carte professionnelle l’autorité procède à quelques vérifications. Actuellement, la LTaxis, à l’instar de la loi sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes (LTSP ; loi 10’697), utilise la notion de « garanties suffisantes de moralité et de comportement », qui est relativement floue. Elle repose essentiellement sur l’absence de condamnations et la délivrance d’un CBVM, voire d’autres vérifications du même ordre. Il est plus objectif d’exiger l’absence de condamnations ou de décisions administratives incompatibles avec l’exercice de la profession. La conception de ce qui peut être incompatible pouvant évoluer, il se justifie de laisser au Conseil d’État le soin d’en définir les contours par voie réglementaire. Il s’agira principalement de condamnations liées à des infractions routières graves et/ou répétées, ou de condamnations liées à des actes portant atteinte à l’intégrité physique ou sexuelle d’autrui. On peut également penser aux sanctions administratives prononcées par le service cantonal des véhicules, mais ne donnant pas nécessairement lieu à une inscription au casier judiciaire. Enfin, il pourrait également être tenu compte de sanctions prononcées sur la base de la législation régissant les taxis, par exemple en raison de l’exercice illégal de la profession de façon répétée. Le règlement déterminera la façon dont ces informations sont recueillies (MGC [en ligne], séance 49 du 17 septembre 2015 à 17h00, PL 11’709, p. 27, consultable en ligne sur http://ge.ch/grandconseil/ data/texte/PL11709.pdf).

e. Conformément à l’art. 23 al. 1 RTVTC, le PCTN délivre l’AUADP aux conditions de l’art. 11 al. 2 LTVTC ; la condition mentionnée à la let. b dudit alinéa est examinée conformément à l’art. 6 RTVTC.

Selon l’art. 6 RTVTC, le service ne délivre pas la carte professionnelle de chauffeur au requérant ayant fait l’objet, dans les cinq ans précédant le dépôt de sa requête, d’une décision administrative ou d’une condamnation pénale incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur ; peuvent être considérées comme telles les décisions et condamnations prononcées pour infractions au droit pénal commun, suisse ou étranger, en particulier celles contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine (al. 1 let. a), infractions aux règles de la circulation routière ou inaptitude à la conduite ayant mené à un retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16cbis ou 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01 ; al. 1 let. b), infractions aux prescriptions de droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi que les exigences liées aux véhicules (al. 1 let. c) ; le PCTN tient notamment compte de la gravité des faits ou de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la décision, respectivement de la condamnation, ainsi que du risque de récidive (al. 2) ; le PCTN peut suspendre l’examen de la requête, en application de l’art. 14 LPA, lorsqu’il est porté à sa connaissance que le requérant fait l’objet d’une procédure pendante pouvant mener au prononcé d’une décision ou condamnation au sens du présent article (al. 3).

5) a. En l’espèce, le PCTN a fondé sa décision sur les quatre ordonnance pénales du Ministère public des 9 novembre 2012, 26 juillet 2013, 4 septembre 2014 et 5 novembre 2014 portant toutes sur un détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice au sens de l’art. 169 CP.

À teneur de cette disposition légale, celui qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura arbitrairement disposé d’une valeur patrimoniale saisie ou séquestrée, inventoriée dans une poursuite pour dettes ou une faillite, portée à un inventaire constatant un droit de rétention ou appartenant à l’actif cédé dans un concordat par abandon d’actif ou l’aura endommagée, détruite, dépréciée ou mise hors d’usage sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’art. 169 CP protège les créanciers de manière générale, mais sanctionne surtout l’insoumission aux mesures prises en vertu de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), c’est-à-dire une infraction contre l’autorité publique (ATF 99 IV 146 = JdT 1974 IV 72 ; Michel DUPUIS et al., Petit commentaire Code pénal [PC CP], 2017, n. 1 ad art. 169 CP).

Ainsi, comme l’intéressé le relève, l’infraction à l’art. 169 CP peut consister en le fait de disposer, en violation des règles de la LP, de valeurs patrimoniales saisies.

Bien que l’infraction de l’art. 169 CP figure au chapitre des infractions contre le patrimoine et que ce type d’infraction soit visé par l’art. 6 al. 1
let. a RTVTC, force est de constater que les faits ayant conduit aux quatre condamnations sont survenus hors du cadre de son activité professionnelle de chauffeur de taxi et ne sont pas des infractions dirigées contre une personne particulière, comme le seraient un vol ou un abus de confiance (ATA/359/2018 du 17 avril 2018 consid. 6f).

b. De plus, il ressort des travaux préparatoires de la LTVTC que le législateur a abandonné la notion d’honorabilité contenue dans la LTaxis pour celle, plus objective, d’absence de condamnation incompatible avec l’exercice de la profession. Le Conseil d’État a ainsi érigé une liste d’infractions pouvant être considérées comme telles, la formule potestative contenue à l’art. 6 al. 1 RTVTC laissant à l’autorité compétente un pouvoir d’appréciation. Ce pouvoir ressort également de l’al. 2 de cette même disposition, qui prévoit que le PCTN tient notamment compte de la gravité des faits ou de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la décision, respectivement de la condamnation, ainsi que du risque de récidive. Ainsi, la seule présence d’une condamnation au casier judiciaire pour l’une des infractions listées à l’art. 6 al. 1 RTVTC ne suffit pas à refuser à un requérant l’octroi d’une AUADP. L’autorité se doit d’examiner si cette condamnation est effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur. Il ressort également des mêmes travaux préparatoires que le législateur avait premièrement pensé à des condamnations liées à des infractions routières graves et/ou répétées et à des condamnations liées à des actes portant atteinte à l’intégrité physique ou sexuelle d’autrui. La sécurité du public étant l’intérêt public premier visé par le législateur, les infractions contre le patrimoine n’étaient pas mentionnées dans l’exposé des motifs joint au projet de loi (ATA/327/2018 précité consid. 7a).

c. Par ailleurs, s’il est vrai que le recourant a été condamné pénalement par quatre fois, force est de constater qu’il s’agit de la même infraction, soit un détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, infraction lésant la sécurité du public dans une faible mesure, qui n’avait au surplus plus été commise depuis environ trois ans au moment du prononcé de la décision querellée.

Il ne ressort de surcroît pas du dossier que l’intéressé aurait été une nouvelle fois condamné pour quelque motif que ce soit depuis sa dernière condamnation.

D’ailleurs, le 10 août 2017, le recourant s’est vu délivrer un CBVM.

d. Enfin et s’agissant de l’amende administrative de CHF 450.- infligée par le service à l’intéressé le 26 août 2016 pour avoir, alors qu’il était chauffeur de taxi de service privé, emprunté, les 3 et 27 octobre 2014, la voie réservée aux transports en commun et aux taxis de service public, il s’agit certes d’actes inadmissibles mais devant être considérés comme isolés et commis sur une courte période.

e. En définitive, ces condamnations pénales et l’amende administrative ne permettaient pas à elles seules de refuser au recourant l’AUADP sollicitée.

Ainsi, en considérant que le recourant présentait une incompatibilité avec l’exercice de la profession, en lien avec sa requête d’AUADP, le PCTN a commis un abus de son pouvoir d’appréciation et l’a par là même privé d’accéder à une activité économique sans que cela ne soit justifié par l’intérêt public premier visé par la LTVTC, à savoir la sécurité du public.

6) Vu ce qui précède, le recours sera admis partiellement, la chambre de céans n’étant pas en mesure de déterminer si d’autres motifs justifiaient – et justifieraient – le rejet de la requête de délivrance d’une AUADP. La décision querellée sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

L’attention du recourant est toutefois expressément attirée sur le fait que de nouvelles condamnations et/ou de nouvelles décisions administratives tomberaient sous l’art. 12 al. 4 LTVTC et pourraient, le cas échéant, entraîner la révocation de l’AUADP.

7) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 janvier 2018 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 30 novembre 2017 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 novembre 2017 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat du recourant, ainsi qu’au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :