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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3793/2023

ATA/758/2025 du 08.07.2025 sur JTAPI/1247/2024 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES;PERSONNE PROCHE;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;DISTRIBUTION DISSIMULÉE DE BÉNÉFICES;PROCÉDURE FISCALE;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;PRESCRIPTION
Normes : LIFD.57; LIFD.58; LIFD.152; LPA.44.al1; LPA.45.al1; LPA.45.al2
Résumé : Admission partielle d’un recours déposé contre un jugement du TAPI, en raison de l’acquisition de la prescription du droit de procéder au rappel d’impôt pour une année fiscale et confirmation des décisions de reprises d’impôts et des amendes. La contribuable, société de conseil en matière de gestion de fortune, a déclaré les bénéfices liés à une activité de conseil pour les sociétés de gestion successive offshore d’un fond de placement collectif de capitaux, enregistré aux Îles Cayman. Des éléments qui ressortaient de pièces figurant dans un dossier de tiers et soumises au secret fiscal, démontrait la mise en place d’un système permettant la redistribution à des proches des montants encaissés par les structures qui apparaissaient comme gestionnaires du fond, réalisant ainsi une évasion fiscale. Confirmation de l’analyse faite par l’AFC-GE menant à la reprise dans le bénéfice imposable de la contribuable des commissions de gestion et de performance réalisées par les entités offshore.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3793/2023-ICCIFD ATA/758/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juillet 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Malek ADJADJ, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2024 (JTAPI/1247/2024)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) avait pour but, de sa création le 9 janvier 2007 au 4 novembre 2021 : « tous conseils en matière de gestion de fortune, gestion de titres et valeurs, gérance de fortunes et toutes opérations financières, notamment commerce de valeurs mobilières et de papiers-valeurs, ainsi qu’études relatives au marché des capitaux, à l’exclusion d’opérations soumises à la LBVM ». Ses statuts ont ensuite été modifiés, sans incidence sur le présent litige.

b. B______ était administrateur d’A______ avec signature individuelle de janvier 2007 à juillet 2008 puis administrateur président avec signature individuelle depuis avril 2009.

c. C______ (ci-après : le fond C______) est un fond de placement collectif de capitaux ouvert, enregistré aux Îles Cayman. Il regroupe trois principaux sous‑fonds : D______, E______, remplacé par F______ en 2013 et G______ dès 2010.

Le dépositaire du fond C______ est la H______. Son administration a été effectuée par I______ de 2007 à 2010 puis par J______ de 2010 à 2015.

A______ est indiquée comme Investment Advisor (conseiller en investissement) dans les prospectus du fond C______. Des Investement Advisory Agreements (contrat de conseil en investissements) ont été signés successivement par A______ avec K______ (ci-après : K______), L______ (ci-après : L______) et avec M______, Investement managers (gestionnaire ou gérant) successifs des trois sous-fonds du fond C______ entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2014.

d. K______, de Singapour, a été dissoute selon les informations disponibles sur internet. N______ apparaît comme représentante de K______ dans les pièces figurant au dossier.

e. L______ des Bahamas a été dissoute en 2020, selon les informations disponibles sur internet. O______ est directeur général de P______ et Q______, directeur général de R______, deux sociétés des Bahamas actives dans la fourniture de services financiers auprès de sociétés. Ils apparaissent comme représentants d’L______ dans les pièces figurant au dossier.

f. S______ (ci-après : S______), des Émirats arabes unis est un fond souverain d’investissement également actif dans une variété de prestations de services d’ordre financier. L’un de ces cadres est T______. Selon A______, S______ aurait créé le fond C______ en 2007 et l’aurait géré jusqu’à fin décembre 2008.

B. a. A______ a été taxée par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) pour les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD), notamment pour les années 2009 à 2016.

b. Le 14 février 2019, l’AFC-GE l’a informée de l’ouverture, à son encontre, de procédures en rappel d’impôts et soustraction pour les années fiscales 2009 à 2016 et d’une procédure en tentative de soustraction pour l’année fiscale 2017.

Des éléments portés à sa connaissance permettaient d’envisager des déclarations inexactes ou incomplètes. Elle comprenait que la contribuable avait créé un fond de droit des Îles Cayman, le fond C______ et que les sociétés étrangères L______ aux Bahamas, K______ à Singapour et S______ aux Émirats arabes unis y étaient intervenues en qualité de fund manager et lui avaient délégué certaines tâches.

Elle souhaitait procéder à l’analyse du rôle de la contribuable dans ce contexte et, notamment, vérifier l’adéquation de sa rémunération pour les prestations fournies en rapport avec la gestion du fonds précité. Elle requérait ainsi la structure du fonds telle qu’elle était au cours des années 2009 à 2017 (actionnariat, entités impliquées y compris leur nature juridique, de même que les éventuels rapports contractuels qui les ont liés, etc.), organigramme et la structure du fonds pour la même période, toute autre explication utile pertinente permettant de comprendre le fonctionnement et la structure mise en place par A______ dans le cadre de la gestion de ce fond, notamment l’attribution des tâches telle qu’elle avait été faite entre L______, K______, S______ et A______.

c. Par un courrier du 8 mars 2019, un mandataire s'est constitué pour la défense des intérêts de la contribuable et a sollicité la consultation du dossier dans les locaux de l'AFC-GE.

Le 18 mars 2019, l’AFC-GE a refusé cette consultation, relevant que la contribuable serait en mesure d’y accéder, sous réserve de la sauvegarde d’intérêts publics ou privés, une fois l’instruction terminée.

d. Il y a eu par la suite de nombreux échanges téléphoniques et de courriels entre le mandataire de la contribuable et l'AFC-GE, cette dernière persistant à demander la production de documents et la contribuable à avoir un accès au dossier. Une réunion a eu lieu dans les locaux de l'AFC-GE le 27 mai 2019. La contribuable y était représentée par son administrateur accompagné de son mandataire.

e. Dans un courrier du 10 juillet 2019, A______ a commencé par décrire le fonctionnement des fonds, qui comprenait quatre rôles majeurs, à savoir l'administrateur, le dépositaire, le gestionnaire et le conseiller. Le fond C______ avait été mis en place par des acteurs reconnus. Elle n'avait agi qu'en qualité de conseiller et a produit les trois contrats (investment advisory agreements) conclus avec les trois gestionnaires successifs du fond C______, qui prévoyaient le versement d'honoraires calculés en pourcentage de la valeur nette du fond C______ (net asset value, ci-après : NAV). Elle produisait également des factures illustrant le calcul de cette rémunération.

f. Faisant suite à une demande de production de documents complémentaires, la société a, par un courrier du 12 décembre 2019, produit les versions successives du memorandum de placements du fond C______ ainsi que l'ensemble des factures de ses prestations du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2014 accompagnées d'un tableau récapitulatif. Elle indiquait ne pas détenir de documents relatifs à des tiers, notamment les gestionnaires successifs du fond C______. Elle n'était dès lors pas en mesure de transmettre les contrats conclus par ceux-ci, ni la liste de leurs employés. Elle avait conclu des contrats d'apporteurs d'affaires avec deux établissements tiers et avait versé des commissions, dont les factures étaient produites. Elle détaillait les produits exceptionnels comptabilisés en 2011, qui tiraient leur origine dans des performance fees perçues en exécution d’un contrat de conseiller conclu avec un établissement bancaire relatif à d'autres fonds.

g. Par courrier recommandé du 22 septembre 2021, l'AFC-GE a demandé à A______ de produire des documents complémentaires et, notamment, de clarifier la chronologie des faits rapportés dans un tableau annexé, qui faisait apparaître des divergences entre les dates de conclusion des contrats avec les gestionnaires successifs et l'émission des factures. Elle demandait également que soient identifiés les interlocuteurs d’A______ au sein des gestionnaires successifs du fond C______. Réitérant son refus à ce stade de la procédure de laisser consulter le dossier, elle attirait son attention sur le fait que, si elle ne répondait pas de manière complète, l’intéressée violait son devoir de collaboration à la procédure en rappels d'impôts et était considérée comme faisant usage de son droit de se taire sur le plan pénal.

Se plaignant de ce qu'elle considérait être une violation des règles de la procédure, A______ a, par un courrier du 11 octobre 2021, persisté à indiquer que les documents réclamés avaient été conclus entre des tiers et qu'elle avait pour le surplus répondu à toutes les questions posées par les courriers antérieurs. Dans plusieurs échanges successifs entre l'AFC-GE et le mandataire de la contribuable, ce dernier s'est plaint d'une violation du droit d'être entendue de sa cliente et a demandé que soit motivé le refus de consulter le dossier au regard, notamment, de la protection d'éventuels intérêts publics ou privés.

h. Le 3 décembre 2021, l’AFC-GE a informé A______ que les procédures en rappel d’impôts et soustraction étaient terminées.

Elle lui a remis des bordereaux de rappel d’impôts concernant l’ICC et l’IFD 2009 à 2013 ainsi que des bordereaux amendes ICC et IFD 2011 à 2013. Les procédures se terminaient sans supplément d’impôt pour les années 2014 à 2016 et sans amende pour les années 2009, 2010 et 2014 à 2016.

Selon les avis de taxation, les rappels d’impôts découlaient de management et performance fees non comptabilisés, auxquelles s’ajoutaient des provisions pour impôts ainsi que des intérêts sur rappel d’impôts.

Les bordereaux amendes des années 2011 à 2013 retenaient des états financiers incomplets ainsi qu’un montage juridique visant à soustraire un montant important d'impôts et fixaient la quotité de celles-ci à 1.25 fois le montant des impôts éludés.

i. Par une décision incidente du même jour, notifiée par pli séparé, l’AFC-GE a remis 59 pièces numérotées à la contribuable.

Ayant compris, à la lecture du courrier du 1er novembre 2021, que celle-ci entendait faire usage du droit de se taire, elle avait clos l’instruction de la procédure de contrôle. Les faits étant établis, elle accédait à sa demande de consultation de dossier en lui communiquant une copie de celui-ci. Certains éléments sur lesquels elle s’était fondée pour instruire le dossier et déterminer l’étendue des reprises provenaient toutefois de documents soumis au secret fiscal, raison pour laquelle elle en avait résumé le contenu essentiel. A______ ne pouvait les consulter dès lors qu’il s’avérait, après une pesée des intérêts en jeu, que la protection des intérêts publics et privés prépondérants s’y opposait.

j. Par un courrier recommandé du 24 décembre 2021, A______ a formé réclamation contre les bordereaux de rappels d'impôts et amendes. Se plaignant d'une violation de son droit d'être entendue, elle demandait que les décisions de l'AFC-GE soient motivées et sollicitait une réunion dans ses locaux après avoir pu consulter l'ensemble des pièces du dossier.

k. Il ressort d'échanges de courriels versés à la procédure qu'un entretien a eu lieu le 11 mars 2022, mais aucun procès-verbal, ni compte rendu n'a été versé à la procédure. À la suite de celui-ci, la contribuable a, dans un courrier du 1er juin 2022, décrit l'historique de sa constitution et de son activité ainsi que le contexte de la création du fond C______, les relations contractuelles avec ce dernier et les honoraires en lien avec le fond.

Elle exposait notamment que le fond C______ avait été créé par une très grande société d'investissement émiratie et que c'était par hasard qu'il y avait une ressemblance dans les noms, UR étant la transcription de « you are » alors que A______ était l'acronyme de « undiscovered ressources asset management ».

l. Par un courrier du 2 juin 2022, A______ a informé l'AFC-GE qu'elle avait dû clore ses comptes en inscrivant une provision pour les bordereaux notifiés et qu'elle se trouvait dès lors dans une situation de surendettement, ce qui allait justifier une prochaine annonce au juge. Elle demandait qu'une nouvelle réunion soit organisée. Aucun procès-verbal, ni compte rendu de la séance qui s'est apparemment tenue le 9 juin 2022 n'a été versé à la procédure.

m. Le 16 septembre 2022, A______ a fait parvenir à l'AFC-GE une taxation singapourienne 2010 de K______, gestionnaire du fond C______. Le bénéfice s’était élevé à SGD 2'048'909.-, si bien que le montant net après impôts représentait 35.80% du montant repris dans sa propre taxation de l'année 2010 en lien avec cette société. Elle demandait qu'un ratio de 64.20% de charges soit appliqué pour toutes les années et que les reprises effectuées soient corrigées dans ce sens.

n. Le 1er novembre 2022, la contribuable a résumé la réponse aux nombreuses questions posées par l'AFC-GE et produit la copie du contrat de mandat et de conseils en investissement qu'elle avait conclu avec la M______, soit la dernière des trois gestionnaires du fond C______ et d'autres fonds parallèles.

o. À la suite du recours formé contre la décision incidente d’accès aux pièces, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a, par jugement du 23 janvier 2023, admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour qu'elle communique le contenu essentiel de diverses pièces.

p. Le 10 mai 2023, l'AFC-GE a transmis à la contribuable une description plus étendue du contenu des pièces couvertes par le secret fiscal.

q. A______ a fait valoir que le résumé qui lui avait été adressé était lacunaire et insuffisant et qu'il contenait des informations fausses. Elle critiquait en particulier le résumé de la pièce 59, qu'elle analysait point par point, contestant en particulier avoir elle-même géré des fonds, que ce soit en Suisse ou à l'étranger et avoir détenu ses propres fonds où que ce soit. Elle contestait formellement avoir agi comme gestionnaire de fonds situés aux Îles Caïman et avoir perçu, par l'intermédiaire d'une structure intermédiaire, des revenus qui avaient été redistribués à ses actionnaires. Elle demandait à l'AFC-GE de se conformer au jugement du TAPI et de lui faire parvenir une copie, au besoin caviardée, des documents résumés dans la pièce précitée, à tout le moins de lui faire parvenir un résumé objectif et impartial.

r. Le 9 octobre 2023, l'AFC-GE a considéré avoir exécuté le jugement et n'entendait pas remettre d'autres éléments que ceux déjà transmis le 10 mai 2023.

s. Par décision du 10 octobre 2023, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le litige portait sur une problématique de non-respect du principe de pleine concurrence dans le cadre de prestations entre la contribuable et deux entités proches, qui étaient les deux premières gestionnaires du fond C______. Sur la base d'un recoupement d'informations dans le cadre du dossier d'un contribuable tiers, elle avait été informée de ce mode de fonctionnement.

Il ressortait de plusieurs indices que la société était à l'origine de la création du fond C______ qui, de 2009 à 2013 avait, d'après les prospectus, été géré par deux sociétés successives situées offshore aux Bahamas puis à Singapour, relevant qu'aucune information pertinente relative à une éventuelle substance suffisante de ces entités ne lui avait été apportée. Ces entités ne pouvaient pas être considérées comme des tiers. Il se justifiait ainsi de reprendre les commissions de gestion et de performance réalisées par ces entités dans le bénéfice imposable de la contribuable.

C. a. A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant préalablement à l’audition de témoins (qu’elle ne désignait pas) et à la mise en œuvre d'une commission rogatoire à Singapour afin de recueillir la taxation 2009 de la gestionnaire du fond C______.

Son droit d'être entendue avait été violé. L'AFC-GE n'avait que partiellement exécuté le jugement du 23 janvier 2023 ; le résumé de la pièce 59 était lacunaire et insuffisant. Elle se référait à cet égard aux critiques déjà formulées dans son courrier du 7 juin 2023. Elle ne comprenait pas pour quelle raison ce document en résumait plusieurs autres sans qu'il n'y ait un descriptif de chacune des pièces le constituant. La violation de son droit d'être entendue était d'autant plus grave que la décision sur réclamation lui avait été envoyée le lendemain de celle refusant de manière définitive l'accès aux pièces du dossier.

Elle avait justifié que le fond C______ avait été créé par une entité tierce et non par elle‑même. Elle contestait avoir été la gestionnaire du fond C______. Elle avait agi dans l'exécution de son mandat de conseiller de la même manière qu'avec d'autres clients. Le fait qu'elle n'ait pas pu donner l'identité des personnes qui géraient le fond C______ à l'exception des directeurs ne signifiait pas pour autant qu'elle soit proche des entités concernées. Les gestionnaires n'apparaissaient que de manière très limitée dans les prospectus s'expliquait du fait que c'était l'activité de conseil déployée par elle qui était la plus importante pour les investisseurs. Elle était une experte reconnue à l'échelle internationale du type de placements effectués. En revanche, la taxation déjà produite d'une des entités démontrait qu’elle avait des charges importantes, notamment le salaire de son manager, qui s'élevait à plus de SGD 13'000.- par mois, ce qui démontrait qu'elle avait une substance économique et des employés.

Tous les documents cités par l'AFC-GE entraient dans le cadre de son mandat de conseil et le fait que les contrats conclus avec les gestionnaires du fond C______ soient soumis au droit suisse ne démontrait rien de particulier. Le tableau chronologique annexé au courrier du 22 septembre 2021 de l'AFC-GE ne permettait pas, contrairement à ce que semblait indiquer cette dernière, de démontrer l'existence d'une prétendue confusion entre les deux gestionnaires successifs du fond C______.

Le montant des chiffres d'affaires que l'AFC-GE avait réintégrés dans son bénéfice n’était justifié par aucune pièce, si bien qui lui était impossible de contrôler son exactitude. Elle avait démontré que le bénéfice net d'une des gestionnaires du fond C______ s'élevait à 35.8% de son chiffre d'affaires et qu'il convenait à tout le moins de retrancher les charges salariales du bénéfice qui lui était imputé.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L'expertise d’A______ et de son animateur principal était reconnue et ressortait de nombreuses publications. À l'opposé, les deux sociétés qui s’étaient succédées comme premières gestionnaires du fond C______ avaient été liquidées entre-temps, leurs organes étaient actifs dans la fourniture de services auprès de nombreuses sociétés, notamment l'administration de structures offshore.

Se référant à des documents issus du dossier d'un autre contribuable et produit sous couvert du secret fiscal, elle avait été informée du fonctionnement réel de la contribuable par le biais d'entités offshore, citant en particulier comme telles les deux gestionnaires successifs du fond C______. Elle avait remis des résumés suffisants des pièces couvertes par le secret fiscal et avait ainsi respecté le jugement du TAPI du 23 janvier 2023.

En ce qui concernait la motivation et le montant des reprises, elle s’était toujours efforcée d'expliquer de manière complète ses démarches ainsi que les reprises envisagées lors des différents entretiens qui avaient eu lieu avec la contribuable. Elle avait exposé de manière détaillée dans sa décision sur réclamation et dans les tableaux récapitulatifs versés à la procédure comment les reprises avaient été calculées.

La contribuable n'avait produit aucun document justifiant que le fond C______ avait été constitué par un organe d'un fonds émirati. La personne citée ne semblait disposer d'aucune compétence dans le domaine des fonds de placement, à l'inverse de l'animateur principal d’A______. Citant divers autres documents, elle considérait qu'un faisceau d'indices permettait de retenir que cette dernire était à l'origine du fond C______ et que, quand bien même tel ne serait pas le cas, cela ne modifierait pas le principe et l'étendue des reprises.

La contribuable était proche des gestionnaires successifs du fond C______ comme le démontraient de nombreux éléments. Aucune substance effective n'avait été établie pour ces structures. C'était ainsi à bon droit qu'elle avait repris les commissions de gestion et de performance dans le chiffre d'affaires d’A______.

Elle s'opposait par avance à l'audition de tout témoin et à l'envoi d'une commission rogatoire à Singapour.

L'existence d'une soustraction consommée était démontrée et la quotité des amendes tenait compte des circonstances aggravantes sans qu'il puisse lui être reproché d'exercer son pouvoir d'appréciation.

c. Les parties ont encore répliqué, puis dupliqué.

d. A______ a présenté une écriture spontanée le 31 juillet 2024, à laquelle l’AFC-GE a réagi par un courrier du 16 août 2024, qui a été suivi d'une nouvelle détermination d’A______ le 30 août 2024.

e. Par jugement du 16 décembre 2024, notifié le 20 décembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Après avoir examiné les documents produits par l'AFC-GE sous couvert du secret fiscal (pièce TAPI-N), qui correspondaient à la pièce 59 de la précédente procédure, le TAPI constatait que la description communiquée à la contribuable en annexe à son courrier du 10 mai 2023 était correcte et résumait de manière suffisamment détaillée ces pièces pour qu'il soit retenu que leur contenu essentiel avait été transmis. A______ était dès lors en mesure d'exercer son droit d'être entendue et les pièces litigieuses avaient été valablement versées à la procédure et pouvaient servir de moyen de preuve à l'appui des allégués de l'AFC-GE.

La contribuable avait exposé à de nombreuses reprises dans ses écritures qu'elle disposait de compétences reconnues sur le plan international et que ses conseils en matière d'investissement étaient appréciés par de nombreux clients, ce qui n'était pas contesté. Étaient en revanche litigieuses les relations entre les différentes parties concernées dans le contexte de la gestion du fond C______ et de ses sous-fonds et le sort des honoraires liés à celle-ci.

L'AFC-GE soutenait en premier lieu qu’A______ était à l'origine de la constitution du fond C______, en relevant notamment que les dirigeants de la société émiratie qui avaient procédé à cette constitution ne disposaient pas des compétences nécessaires. Cela n'excluait toutefois pas que d'autres collaborateurs de cette société ou des tiers mandatés à cet effet aient pu disposer de telles compétences. Il n'existait aucun document permettant d'établir de manière déterminante cet élément de fait, même si certains indices permettraient de le supposer. Cet élément de fait pouvait demeurer indécis.

Pour justifier son activité de conseiller, la contribuable avait produit les contrats conclus avec les gestionnaires successifs du fond C______ et de très nombreux justificatifs comptables. Les honoraires encaissés à ce titre n’étaient pas contestés et avaient été régulièrement déclarés et taxés. Était litigieuse la question de savoir si les honoraires de gestion et de performance devaient être également attribués à la contribuable, ce qui faisait l'objet des reprises contestées par cette dernière.

L'AFC-GE invoquait différents indices pour parvenir à la conclusion de l'absence de structure effective des gestionnaires successifs du fond C______ et des liens de proximité entre ceux-ci et A______, qui étaient analysés en détail par le TAPI. Ces indices ne permettaient pas, à eux seuls, de retenir de manière définitive l’absence de structure effective des gestionnaires successifs du fond C______, ni leurs liens de proximité avec la recourante. Toutefois, les éléments déterminants qui ressortaient du dossier d'un autre contribuable et qui avaient été produits sous le couvert du secret fiscal démontraient l'existence d'un système mis en place permettant la redistribution à des proches de la contribuable des montants encaissés par les structures qui apparaissaient comme gestionnaires du fond C______.

L'AFC-GE était donc légitimée à réintégrer dans le résultat imposable d’A______ les honoraires de gestion et de performance litigieux, ceux-ci résultant manifestement exclusivement de ses propres conseils, dont l’existence était expressément alléguée et admise par celle-ci. Cette conclusion s’imposait d’autant plus que, dans le cadre des relations contractuelles avec le troisième gestionnaire du fond C______, dont la qualité de tiers indépendant ne faisait pas de doute, soit la M______, des honoraires liés à la performance avaient été convenus.

Un résultat identique ressortait de l’analyse sous l’angle de l’évasion fiscale. Organiser la gestion apparente des fonds par des structures ne disposant d’aucune infrastructure opérationnelle et détourner ainsi des honoraires qui auraient dû être taxés en Suisse dans des juridictions offrant notoirement une fiscalité très avantageuse constituait une telle évasion, ce d’autant plus que les profits ainsi réalisés avaient été reversés à des proches de la contribuable par ces structures.

Restait à contrôler le montant de ces reprises. Des calculs détaillés avaient été produits par l'AFC-GE et la contribuable n'avait contesté que deux montants minimes qui, en réalité, aboutiraient à une augmentation du montant des reprises. Le TAPI renonçait toutefois à une reformatio in pejus. Pour le reste, la contribuable n’avait pas produit de pièces pouvant être prises en compte pour revoir ces calculs.

D. a. Par acte expédié le 20 janvier 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation des reprises et amendes. Préalablement, elle a requis l’audition de U______, son fiduciaire, à l’accès complet au dossier, à la mise sur pied d’une commission rogatoire et à pouvoir compléter son recours.

Il était incompréhensible que l’AFC-GE se soit essentiellement fondée sur les pièces issues du dossier d’un tiers, dont les explications étaient vraisemblablement fondées sur de mauvaises intentions à son égard.

L’AFC-GE n’avait pas pris en compte plusieurs éléments qui rendaient le calcul des commissions de performances erroné : la commission était calculée sur la NAV par action et non pas sur la totalité des actifs ; la commission de performance était calculée déduction faite de toutes les autres commissions, l’AFC-GE avait décidé de ne pas prendre en compte les autres conditions, comme par exemple pour le D______, la pièce TAPI 51.8. La commission de performance n’était due que si le fond surpassait l’indice de l’or. L’AFC-GE n’avait pas tenu compte de la cause de High Water Mark. Ces règles relatives à la commission de performance figuraient pourtant clairement dans la documentation fournie.

Elle avait démontré, en produisant des documents, dont des courriels, notamment qu’elle recevait les mêmes informations de la part des managers du fond C______ que tous les autres intervenants, ce qui démontrait l’absence de proximité entre elle et les gestionnaires. Ces faits n’avaient pas été pris en compte alors qu’il en découlait que la rémunération qu’elle percevait lorsqu’elle agissait pour le compte d’L______ et K______ correspondait en tout point à celle qu’elle obtenait d’autres acteurs du marché.

Les charges des sociétés offshore n’avaient pas été prises en compte, l’AFC-GE se contentant de rapatrier dans son bénéfice l’intégralité des commissions prétendument perçues.

Elle était dans l’incapacité fonctionnelle d’être manager du fond C______, ce qui avait été ignoré car elle ne disposait pas des forces de travail nécessaires, ce d’autant plus qu’elle avait d’autres clients qu’elle devait conseiller.

Elle avait dû mandater des experts comptables afin d’analyser la quotité des reprises. Le rapport du 20 janvier 2024 était éloquent : il était impossible de recalculer de manière correcte, a posteriori, les commissions de gestion et de performance de la période sous revue sans connaître l’évolution hebdomadaire. En recalculant, les experts comptables arrivaient à des commissions inférieures de CHF 933'000.- à celles calculées par l’AFC-GE.

Son droit d’être entendue avait été violé, le résumé de la pièce 59 était une interprétation faite par l’AFC-GE et non un résumé objectif de documents. Elle avait eu un conflit avec un ex-employé qui pouvait avoir agi à son détriment. Il s’agissait de la pièce principale fondant le raisonnement de l’AFC-GE.

Les faits avaient été établis de manière inexacte, incomplète, voire de façon arbitraire. Le TAPI n’avait pas pris en compte les documents fournis.

Elle expliquait à nouveau son fonctionnement. Le contrat avec le troisième gestionnaire, la M______, prévoyait une rémunération relative à la performance du fond C______, la commission de conseil relative à la NAV n’était versée qu’à partir d’un certain seuil. Cela n’était pas le cas dans les contrats avec K______ et L______. Il était donc normal que la rémunération soit différente. Les premiers contrats conclus le 26 janvier 2007 avec V______ et le 1er mars 2007 avec W______ ne prévoyaient pas de commission de performance. La substance des sociétés offshore était démontrée par la production d’un contrat de travail, une taxation, des centaines de courriels échangés entre les différents intervenants ainsi que des contrats signés entre ceux-ci.

La quotité des reprises était contestée à plusieurs titres. C’était le bénéfice des sociétés offshore qui aurait dû être rapatrié et non pas le chiffre d’affaires réalisé en rapport avec le fond C______.

Il n’était pas démontré qu’elle avait eu un rôle plus important que celui de conseiller, rôle qu’elle avait eu avec d’autres intervenants pour le même prix. Elle n’avait pas renoncé à quelque revenu que ce soit au profit de tiers.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les reprises litigieuses qui portaient sur l’année fiscale 2009 étaient prescrites dès le 31 décembre 2024. Elles portaient globalement sur une insuffisance de rémunération perçue par A______ sous forme d’honoraires de gestion et de performance provenant de K______ et L______ qui avaient été attribués à la contribuable. Elle avait démontré, sur la base des informations et documents recueillis, que la contribuable avait assuré l’intégralité de l’activité de gestion des investissements du fond C______ en raison de l’absence de substance des entités offshore et du fait qu’elle avait été insuffisamment rémunérée par rapport à son activité en lien avec le fond C______.

Elle contestait le rapport d’experts produit.

c. Le 14 avril 2025, la recourante a produit un second rapport des experts comptables X______, daté du 9 avril 2025, dans lequel il était mentionné que les documents source qui auraient permis de vérifier l’exactitude des montants déterminés n’avaient pas été remis. Il s’agissait du calcul quotidien de la NAV, à la comptabilité des Investment managers (factures, frais). Le tableau préparé par l’AFC-GE était mathématiquement correct. L’AFC-GE refusait de considérer toute charge administrative pour réduire les commissions de gestion et de performance reprises dans les bénéfices avec pour seul argument le fait qu’A______ n’avait pas fourni de preuves de telles dépenses, alors que des contrats de rétrocession avaient été fournis.

d. Le même jour, la recourante a répliqué.

L’AFC-GE alléguait avoir démontré qu’elle avait assuré l’intégralité de l’activité de gestion des investissements du fond C______, l’absence de substance des entités offshore K______ et L______ et le fait qu’elle avait été insuffisamment rémunérée par rapport à son activité en lien avec le fond C______. Or, il n’en était rien. Le raisonnement était basé sur des pièces qui lui étaient cachées et résumées de façon totalement lacunaire. Il n’était pas expliqué quels étaient les rapports entre les montants des virements qui auraient été effectués par une structure intermédiaire, dont on ne connaissait pas le nom ni les actionnaires et qui aurait versé des montants à A______ ainsi qu’à une structure offshore. Le fait qu’un contribuable anonyme, pour se disculper d’accusations de l’AFC-GE, expliquait recevoir des fonds ne prouvait en rien que l’argent venait d’A______ ou d’une société qui lui était imputable.

Le calcul du redressement était encore moins expliqué, notamment la non prise en compte des charges gérant les fonds. Même à penser que des montants auraient dû être rapatriés dans son chiffre d’affaires, ce qui était contesté, il ne pourrait en aucun cas s’agir de chiffre d’affaires brut mais bien uniquement de bénéfice.

Le résumé de la pièce 59 notamment ne permettait pas de déterminer de quel type de documents il s’agissait et encore moins de leur crédibilité. Il pourrait s’agir de déclarations d’un tiers qui aurait des intentions néfastes à son égard ou de simples articules de journaux sur lesquels l’AFC-GE s’était appuyée de façon complétement disproportionnée ou encore de documents créés de toutes pièces par des tiers.

La production d’un tableau explicatif devant le TAPI uniquement et non plus tôt dans la procédure violait son droit d’être entendue. C’était bien le dossier du contribuable tiers dont les résumés lacunaires avaient été fournis qui avait permis au TAPI de fonder sa conviction qui ne provenait donc pas du dossier de la procédure.

En refusant de prendre en compte les contrats de rétrocession des sociétés managers des fonds, signés pour la plupart avec des sociétés ayant pignon sur rue à Genève, l’AFC-GE pourrait simplement vérifier dans les comptes de ces sociétés que les rétrocessions avaient bel et bien été versées. Cela entraînait une double taxation.

Le rapport d’expertise complémentaire produit indiquait que l’expert confirmait avoir saisi le raisonnement de l’AFC-GE sur son principe mais que les pièces mises à sa disposition ne permettaient pas d’arriver à elles seules à la même conclusion que l’AFC-GE. Des charges devraient être retenues, le rapatriement d’un chiffre d’affaires apparaissant dénué de fondement.

Elle avait obtenu l’ajournement de la faillite, se trouvant en situation de surendettement à cause de la provision pour la procédure fiscale, tout en continuant à réaliser des bénéfices et en payant des impôts sur ceux-ci chaque nouvelle année.

e. Le 14 avril 2025 s’est déroulé une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

e.a Y______, administrateur de la recourante, a exposé que B______, administrateur président d’A______, avait un savoir-faire dans le domaine de la recherche sur le terrain et de documents comptables portant sur des mines d’extractions. La société proposait de conseiller des sociétés d’investissement dans le domaine en question. C’est ainsi qu’elle avait eu des contacts avec S______, à qui elle avait fait des propositions d’investissement en 2008. S______ avait décidé de remettre ses fonds sous placement en 2008 à K______, qui les avaient remis à L______. A______ avait également d’autres clients tels que V______ ou W______. Il était expert-comptable et les factures, correspondant aux prospectus, lui permettaient d’effectuer le travail comptable. Il n’avait aucun contact avec K______ ou L______. Il ne partageait pas les locaux d’A______ mais selon lui, il avait entre un et trois employés, B______ compris. L’activité de la recourante était de proposer des produits et non de les gérer à proprement parler. Elle conseillait des investissements à des institutionnels. Il arrivait parfois qu’elle suggère à des relations de s’adresser à des fonds ou des banques dépositaires ou gérants de tels fonds. Il ne se souvenait pas de contrats de rémunération, n’étant pas dans l’opérationnel et ne connaissait pas la société Z______.

e.b U______, expert-comptable retraité, auteur des deux rapports, des 20 janvier et 9 avril 2025, effectués à la demande de la recourante, a exposé avoir eu connaissance de l’ensemble des pièces à la procédure. Les documents-sources, à savoir les pièces comptables, le grand-livre, les bilans, notamment n’avaient pas été à sa disposition et il n’avait pas pu voir tous les contrats. Il avait pris note du fait que sa cliente n’avait pas pu lui fournir tous les contrats de rétrocession. Les contrats en question étaient conclus entre, par exemple K______ et une banque à Genève. Ils ne concernaient pas A______. K______ payait des rétrocessions aux apporteurs de clients. Il ignorait pourquoi certains de ces contrats se trouvaient en mains d’A______ mais celle-ci a expliqué qu’elle les avait demandés à K______ après l’ouverture de la procédure pour rappel d’impôts.

Selon son expérience, dans de telles situations, il y avait des contrats de rétrocession, en tous cas dans les années en question. L’advisor était celui qui regardait d’une manière stratégique l’évolution du fond et les occasions d’investissement ou de désinvestissement. Le gestionnaire effectuait les opérations courantes et enregistrait les mouvements quotidiens dans les fonds sous gestion. Selon lui, l’activité d’A______ consistait à transmettre des informations de terrain dans ses domaines de compétence qui étaient l’or, les commodities (terres rares, batteries, nouvelles technologies d’exploitation, hydrogène par exemple), notamment à ces trois sous-fonds, qui décidaient ensuite de ce qu’ils souhaitaient en faire. Il ignorait si les sous-fonds étaient indépendants d’A______. Selon ses observations, les informations transmises par A______ étaient suivies par les investissements. Il fondait cette observation sur la croissance des fonds et de la NAV. Vu les résultats, les conseils étaient bons. Il avait vu les contrats entre A______ et les gestionnaires de fonds. Les rémunérations lui paraissaient conformes à ce qui se pratiquait dans ce domaine. Les commissions de performance et de gestion devaient être saisies et déduites de la NAV. Il y avait nécessairement des charges, telles que des charges d’administration, de domiciliation, de comptabilité ou de rétrocession. Il ne disposait pas des éléments permettant de chiffrer les charges de ces gérants, dont les rétrocessions faisaient partie. La pièce 25 montrait les charges de K______ en 2010 mais le détail n’y figurait pas. Il considérait que la place financière de Singapour et les autorités chargées de la surveillance étaient sérieuses.

Selon lui, le calcul de la NAV devait se faire quotidiennement par le gérant. L'AFC‑GE n'aurait ainsi pas dû tenir compte de l'évolution de la NAV à la fin du trimestre. L'AFC-GE s’était fondée sur le contrat entre A______ et le gestionnaire, alors que le prospectus définissait la NAV différemment. Tel était par exemple le cas du prospectus du D______ (Annexe 4 de la pièce 10 recourante produite à l'AFC-GE le 12 décembre 2019). Il fallait en outre que l'augmentation de la NAV soit supérieure à l'augmentation du cours de l'or pour qu'il y ait un calcul de commission de performance pendant la période concernée. L'AFC-GE n'avait pas tenu compte de cet élément. Elle s'était uniquement fondée sur les factures d'A______. En d'autres termes, le calcul de la commission de performance du gérant effectué par l'AFC-GE ne respectait pas le cadre du prospectus.

La rétrocession entre les fonds et les banques ou gestionnaires externes était une pratique courante. Ce n'était pas son rôle de se prononcer sur le principe même d'imputer à A______ les bénéfices réalisés par les gérants. Il ne disposait pas d'éléments qui lui permettaient de calculer les commissions de performance. Il avait demandé les documents y relatifs à A______, mais ils n’étaient pas disponibles.

Lors de l'établissement de son premier rapport, il n’avait vu qu'un contrat de rétrocession entre K______ et une banque. Lors de son second rapport, il avait en possession les contrats de sauf erreur 2009 qu'A______ avait transmis à l'AFC-GE en décembre 2019. Il n’avait pas annexé à ses rapports l'ensemble des pièces qu’il avait consultées. Il n'avait annexé que celles qui lui paraissaient les plus importantes. Selon lui, l'AFC-GE n'avait pas tenu compte des charges du gérant. Les charges prises en compte par l'AFC-GE étaient celles du fonds et non du gérant. Il ne pouvait se prononcer sur les charges de la société à Singapour, en l'absence de pièces et de connaissances spécifiques à la situation à Singapour. Des charges d'environ 60 à 70% du chiffre d'affaires en charges de personnel lui paraissaient dans la norme pour une société suisse de services.

e.c L’AFC-GE a indiqué qu’elle n’avait aucun doute sur l’authenticité des pièces qui étaient frappées du secret fiscal. L’audition du témoin ne modifiait pas son appréciation relative à la réintégration de l’intégralité du chiffre d’affaires du gérant, dès lors que le témoin n’avait pas eu accès aux documents et ne pouvait donc proposer un autre calcul. La contribuable s’était vu offrir la possibilité de produire toute pièce utile à cet égard, et la taxation avait été faite par estimation sur la base des documents à disposition. La taxation singapourienne de K______ ne permettait pas de déterminer le type de charges pris en compte, de sorte qu'il n'avait pas été possible d'en tenir compte dans la taxation de la recourante, sans pièces comptables.

L'AFC-GE ne contestait pas l'authenticité des documents produits, dont elle faisait une autre interprétation que la recourante. Notamment la pièce 29 (nombreux courriels signés : Admin Back Office d’L______ ou K______) qui pour elle démontrait un travail d’appui mais ne pouvait prouver l’activité de gestion.

f. Le 5 mai 2025, l’AFC-GE a déposé des observations.

La contribuable devait s’accommoder de l’approximation qui résultait nécessairement d’une estimation fiscale dans la mesure où il était patent qu’elle n’avait pas pleinement collaboré pour déclarer l’ensemble de ses revenus. U______ avait également confirmé à plusieurs reprises lors de l’audience ne pas avoir disposé des éléments permettant de véritablement chiffrer tant les revenus que les charges à considérer. En outre, elle n’avait pas repris l’intégralité des chiffres d’affaires des sociétés offshore pour les intégrer dans A______ et dans les reprises relatives aux commissions de gestion, elle avait expressément tenu compte en déduction des commissions rétrocédées à A______.

Les documents produits au titre de charges pour les sociétés offshore n’avaient pas été jugées suffisantes. A______ alléguait sans aucun élément probant qu’elle ne disposait pas des ressources nécessaires lui permettant d’assurer la fonction de conseillère et investissement et de gestionnaire du fond C______, invoquant notamment le faible nombre d’employés. Or, selon les états financiers 2009 à 2013, l’intégralité des frais de déplacements et de voyage de l’ensemble du personnel représentait en moyenne moins d’un pour cent du chiffre d’affaires, comptabilisé avant reprise. S’agissant de sa méthode de travail, elle disait avoir agi de la même manière avec ses différents clients et transmis les mêmes conseils au même moment pour les marchés similaires. Ainsi, A______ ne démontrait pas que le nombre d’employés ne permettait pas d’assumer la fonction de gestionnaire du fond C______ en plus de sa qualité de conseillère en investissement.

g. Le 7 mai 2025, la recourante a déposé des observations.

L’AFC-GE avait refusé de répondre aux questions en rapport avec les pièces soumises au secret fiscal.

Bien que l’authenticité de la taxation singapourienne ne soit pas contestée, il était dolosif de prétendre qu’elle devrait être écartée parce qu’il manquait la déclaration fiscale y afférente. Le rapatriement des bénéfices des sociétés étrangères à sa charge était contesté dans son fondement mais la manière dont l’AFC-GE rapatriait des chiffres d’affaires bruts l’était aussi, soit la prise en compte des charges de managers des fonds prouvées, la taxation singapourienne, les rétrocessions versées ou encore le salaire de AA______, directeur d’une des sociétés gestionnaires.

U______ avait confirmé les termes des expertises mais l’AFC-GE avait décidé de façon arbitraire de ne pas prendre en compte les méthodes de calcul figurant dans les prospectus fournis et les contrats y relatifs.

Lors de l’audience, l’AFC-GE avait remis en question le fait que les sociétés genevoises aient même reçus des rétrocessions. De nouvelles pièces étaient produites, soit des ordres de transfert de K______ en faveur de sociétés basées en Suisse ainsi que des confirmations d’ordres passés au débit de K______, en faveur de sociétés suisses. Même la valeur probante des contrats produits (pièces 32 et 33) entre les managers de fonds et des sociétés genevoises de gestion de fortune pour les commissions de rétrocessions avait été niée. Taxer ces montants également chez elle revenait à opérer une double taxation prohibée.

h. Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD - RS 642.11] ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit des bordereaux de rappels d’impôts ICC et IFD 2009 à 2013 ainsi que des bordereaux amendes ICC et IFD 2011 à 2013.

Les questions à trancher dans le cadre du recours étant traitées de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts (ICC et IFD), comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

2.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôts relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5). En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale, le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017, s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; art. 205f LIFD et 78f LHID ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 consid. 5).

2.2 En l’espèce, en matière d’IFD, la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est ainsi applicable aux périodes fiscales litigieuses dans sa teneur lors de chacune de celle-ci. Quant à l'ICC, il est régi par les anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques des 31 août et 22 septembre 2000 (aLIPP-I à V ; année fiscale 2009), abrogées au 31 décembre 2009 par la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08 ; cf. art. 69 LIPP), pour la période fiscale 2009, par la LIPP (entrée en vigueur le 1er janvier 2010 ; art. 71 LIPP) pour les périodes fiscales 2010 à 2015, ainsi que par la LPFisc et la LHID, sous réserve des amendes, pour lesquelles le principe de la lex mitior s'applique le cas échéant.

3.             Se pose la question de la prescription ou de la péremption.

3.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que le juge doit examiner d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 Il 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 6.1).

3.2 L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôts s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôts s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 1 68 consid. 6.1).

3.3 Les art. 120 al. 1 LIFD, 47 al. 1 LHID et 22 al. 1 LPFisc prévoient que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Selon les art. 120 al. 3 let. a et d LIFD et 22 al. 3 let. a et d LPFisc, un nouveau délai de prescription commence à courir (a) lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt, ainsi que (d) lorsqu'une poursuite pénale est introduite ensuite de soustraction d'impôts consommée ou de délit fiscal. La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD et 22 al. 4 LPFisc). Ces dispositions s'appliquent également à la tentative de soustraction, l'information de l'ouverture d'une procédure pour tentative de soustraction d'impôts constituant une mesure par laquelle l'autorité fiscale signale au contribuable sa volonté de procéder par la suite à sa taxation (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 4.2).

3.4 Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction d'impôts consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée ou l'avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (art. 184 al. 1 let. b aLIFD en relation avec l’ATF 134 IV 328). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD).

En cas de tentative de soustraction d'impôts, la poursuite pénale se prescrit par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise (art. 184 al. 1 let. a LIFD). Selon l'art. 184 al. 2 LIFD, la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente (art. 182 al. 1 LIFD) avant l'échéance du délai de prescription.

L'art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n'ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017. Tel est le cas du canton de Genève (art. 77 LPFisc, dont l’al. 1 let. a et 2 diffèrent de l'art. 58 LHID).

3.5 En l'occurrence, le 14 février 2019, un avis d'ouverture des procédures de rappel d'impôts 2009 à 2016 et de tentative de soustraction d’impôts 2017 a été notifié à la recourante. En application du nouveau droit, la poursuite pénale de la soustraction d'impôts consommée reprochée à la recourante pour les périodes fiscales 2011 à 2013 n'est pas prescrite, dès lors que l'AFC-GE lui a notifié les bordereaux d'amende y relatifs les 3 décembre 2021, soit avant l’échéance du délai de dix ans après la fin de ces périodes fiscales. L'application de l'ancien droit, rappelé plus haut, n’est pas plus favorable à la recourante. S’agissant des rappels d’impôts, le délai de prescription de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc a été respecté. Le délai de quinze ans n'est pas écoulé, pour les années fiscales 2010 et suivantes, le droit de procéder aux rappels d’impôts 2010 à 2013 n'est ainsi pas périmé. En revanche, le droit de procéder au rappel d’impôts pour l’année 2009 est prescrit, comme l’a relevé l’AFC-GE dans sa réponse.

En conséquence, le recours sera partiellement admis, compte tenu de l’acquisition de la prescription du droit de procéder au rappel d’impôts pour l’année 2009.

4.             La recourante fait valoir une violation de son droit d’être entendue en lien avec des pièces couvertes par le secret fiscal, l’AFC-GE ayant fait une interprétation de ces pièces et non un résumé objectif.

4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).

4.2 Les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l'autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L'autorité peut interdire la consultation du dossier ou d'une partie de celui-ci si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent, le refus d'autoriser la consultation des pièces ne pouvant s'étendre toutefois qu'aux pièces qu'il y a lieu de garder secrètes (art. 45 al. 1 et 2 LPA). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA).

4.3 En matière d'ICC, c'est l’art. 17 LPFisc, qui fixe les règles fiscales en matière de consultation des dossiers fiscaux est applicable par renvoi de l'art. 86 LPFisc qui reprend les principes décrits ci-dessus. Il prévoit ainsi que le contribuable peut prendre connaissance des autres pièces du dossier une fois les faits établis et à condition que la sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose pas. En matière d'IFD, les principes sont identiques (art. 114 LIFD ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 3.1).

Ainsi, le droit de consulter les pièces peut être supprimé ou limité dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers, voire du requérant lui-même exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets (ATF 126 I 7 consid. 2b ; 122 I 153 consid. 6a).

4.4 Lorsque l’autorité refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, il ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que s'il lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce ou qu'il lui a au surplus permis de s'exprimer et d'apporter ses propres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 2P.186/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4).

4.5 Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle mais annulable (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/547/2021 du 25 mai 2021 consid. 6a et les références). En effet, selon un principe général, la nullité d'un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3a ; 119 II 147 consid. 4a et les références). En d'autres termes, il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5.1). Ainsi, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2).

4.6 La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les arrêts cités). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2022 du 8 décembre 2022 consid. 3.2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

4.7 En l’espèce, la question de la consultation des pièces soumises au secret fiscal a déjà donné lieu a une procédure incidente, conclue par un jugement du TAPI du 23 janvier 2023 admettant partiellement le recours. Certaines pièces, soumises au secret fiscal, devaient être plus détaillées et le contenu essentiel des pièces 22 à 24, 28 à 32, 58 et 59 devait être communiqué. Donnant suite à ce jugement, l’AFC-GE a remis une version plus détaillée du contenu des pièces concernées à la recourante, le 10 mai 2023, dans le cadre de la procédure sur réclamation.

Dans son recours au TAPI, la recourante a fait grief à l’AFC-GE de n’avoir pas respecté le jugement du 23 janvier 2023, critiquant les résumés remis. Le TAPI a procédé à l’examen des documents produits sous couvert du secret fiscal et constaté que la description des pièces communiquées à la recourante était correcte et résumée de manière suffisamment détaillée pour qu’il soit retenu que leur contenu essentiel avait bien été transmis et que la recourante était donc en mesure d’exercer son droit d’être entendue et les pièces, valablement versées à la procédure, pouvaient servir de moyen de preuve à l’appui des allégués de l’AFC-GE.

À cela, la recourante oppose dans le présent recours que le résumé fait de la pièce 59 était un « interprétation » faite par l’AFC-GE et non un résumé objectif de documents.

Or, à la lecture des documents et du résumé, il appert qu’aucune « interprétation » n’a été faite par l’AFC-GE, le résumé reflétant exactement le contenu des pièces soumises au secret fiscal. Tout élément supplémentaire du contenu des pièces concernées qui serait dévoilé violerait le secret fiscal et contrairement à ce qu’affirme la recourante, la crédibilité de ces pièces ne saurait ainsi être remise en question. C’est à juste titre que le TAPI a retenu que le droit d’être entendue de la recourante avait été pleinement respecté, au moins dans la procédure de recours.

Finalement sur ce point, la recourante estime que la production du tableau explicatif détaillant le calcul des montants retenus dans les reprises devant le TAPI avait violé son droit d’être entendue. Or, elle a pu se déterminer sur le document en question à plusieurs reprises au cours de la procédure devant le TAPI. Elle a d’ailleurs contesté plusieurs des montants y figurant.

En conséquence, le grief sera écarté.

5.             La question litigieuse concerne les relations entre les différentes parties concernées par la gestion de l’UR fond et de ses sous-fonds ainsi que le sort des honoraires liés à celle-ci. La recourante fait grief à l’AFC-GE d’avoir retenu qu’elle avait renoncé à un certain revenu au profit de tiers, contrairement aux déclarations et pièces qu’elle avait fournies et aux explications données quant à son fonctionnement, en se basant sur des pièces provenant du dossier d’un tiers dont les explications étaient vraisemblablement fondées sur des mauvaises intentions à son égard et dont l’authenticité était donc douteuse.

5.1 Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 5e tiret).

5.2 Selon l’art. 24 al. 1 let. a LHID, l’impôt sur le bénéfice a pour objet l’ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l’usage commercial, portées au débit du compte de résultats. Cette règle est concrétisée en droit genevois par l’art. 12 let. a et h LIPM dans sa teneur en vigueur en 2008 et qui correspond sur ce point à l’art. 58 al. 1 let. a et b LIFD.

5.3 Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies ; la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1006/2020 du 20 octobre 2021 consid. 5).

5.4 Il convient ainsi d’examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (dealing at arm’s length ; ATF 140 II 88 consid. 4.1). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n’est pas pertinent que la disproportion d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2).

5.5 Une prestation appréciable en argent peut prendre la forme d’une renonciation à un produit, qui conduit à une diminution correspondante du résultat chez la société. Tel est par exemple le cas lorsqu’une société renonce totalement ou en partie à un revenu qui lui revient en faveur d’un détenteur de part ou d’un proche, ou qu’elle n’obtient pas, pour la prestation qu’elle a effectuée, la contre-prestation qu’elle aurait exigée d’un tiers (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_377/2014 du 26 mai 2015 consid. 9.4.1 ; ATA/533/2021 du 18 mai 2021 consid. 5b).

5.6 En procédure de taxation, la maxime inquisitoire prévaut : l'autorité n'est pas liée par les éléments imposables reconnus ou déclarés par le contribuable. Si des indices paraissent mettre en doute l'exactitude de la déclaration, l'administration, après investigation, pourra s'en écarter et modifier les éléments du revenus en faveur ou en défaveur de ce dernier (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4e éd., 2012, p. 513 ss ; Peter AGNER/Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, p. 421 n. 2 ad art. 130 ; Isabelle ALTHAUS-HOURIET in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, p. 1637 ss n. 4 ss ad art. 123).

En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7éd., 2016, p. 502 s. ; Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2e éd., 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité. Il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 in RDAF 2009 II 408 consid. 5 et les références citées ; ATA/38/2023 du 17 janvier 2023 consid. 2h).

Il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 143 II 661 consid. 7.2 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1087/2018 du 29 juillet 2019 consid. 4.1 ; ATA/685/2021 du 29 juin 2021 consid. 8b ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, op. cit., p. 518 et les références citées). Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôts et de ses explications ultérieures. On ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_960/2016 du 15 juin 2017 consid. 5.1 et les références citées ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 ; Jean-Marc RIVIER, op. cit., p. 138). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations (ATF 121 II 257 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/119/2019 précité consid. 8). Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent (ATF 121 II 257 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATA/119/2019 précité consid. 8). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.373/2003 du 1er avril 2004 consid. 3.2.2 ; 2A.483/2003 du 5 mars 2004 consid. 5 ; ATA/119/2019 précité consid. 8 et les références citées).

Dans le domaine des prestations appréciables en argent, telles que des distributions dissimulées de bénéfice, le fardeau de la preuve se répartit comme suit : les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu’elle n’a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante ; si les preuves recueillies par l’autorité fiscale fournissent suffisamment d’indices révélant l’existence d’une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d’établir l’exactitude de ses allégations contraires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.2 et les références citées), étant précisé que, selon la jurisprudence, le devoir de collaboration du contribuable est particulièrement qualifié dans les relations internationales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 11.4 et les références citées). Ainsi, lorsqu’une disproportion est avérée, on peut fiscalement présumer de l’existence d’une prestation appréciable en argent en faveur du détenteur de parts ou de l’un de ses proches et il appartient alors au contribuable d’établir l’exactitude de ses allégations contraires. S’il n’y parvient pas, il doit supporter les conséquences de l’absence de preuve, qui consistent en l’imposition (ATF 144 II 427 consid. 8.3.1).

5.7 En l’espèce, l’activité de conseiller du fond C______ déclarée par la recourante n’est pas litigieuse et les honoraires encaissés à ce titre ne le sont pas non plus et ont été régulièrement déclarés et taxés. Le litige concerne les honoraires de gestion et de performance qui font l’objet des reprises.

Le TAPI a retenu que les indices invoqués par l’AFC-GE ne suffisaient pas à retenir de manière définitive l’absence de structure effective des gestionnaires successifs du fond et leur proximité avec la recourante. En revanche, les éléments qui ressortaient du dossier d’un autre contribuable, produits sous le couvert du secret fiscal, démontraient l’existence d’un système mis en place permettant la redistribution à des proches de la recourante des montants encaissés par les structures qui apparaissaient comme gestionnaires du fonds. Ces éléments permettaient ainsi à l’AFC-GE, en conformité avec la jurisprudence précitée, de réintégrer ces montants correspondant aux honoraires de gestion et de performance, dans le résultat imposable de la recourante. Cette conclusion était corroborée par le fait que dans le cadre de la relation contractuelle avec le troisième gestionnaire du fond (M______), dont la qualité de tiers indépendant ne faisait pas de doute, des honoraires liés à la performance avaient été convenus.

Face à ce raisonnement, la recourante indique que les contrats conclus en 2007 avec deux autres entités ne prévoyaient pas de commission de performance non plus. De plus, le contrat conclu avec M______ était différent car la commission de conseil relative à la NAV n’était versée qu’à partir d’un certain seuil, ce qui lui était moins favorable et qui était en quelque sorte compensé par l’ajout d’une commission de performance.

Cependant, les autres contrats conclus en 2007 avec d’autres entités ne sont pas remis en question dans ce litige et l’activité de conseil de la recourante non plus. Quant à la rémunération prévue par le troisième gestionnaire du fond, elle ne permet pas de contredire les éléments qui ressortent des pièces du dossier de tiers, soit la redistribution à des proches de la recourante des montants encaissés par les structures qui apparaissaient comme gestionnaires du fond.

La recourante se prévaut encore du fait qu’elle aurait fourni les éléments nécessaires à prouver que les sociétés offshore avaient assuré leur fonction de gérant du fond, ce que l’AFC-GE conteste. Or, les courriels produits, provenant de K______ et L______ (pièce 29 recourante), indiquent confirmer des transactions effectuées et mentionnent principalement « Admin Back Office » comme signature, ce qui permet de retenir que ces entités assuraient une activité de back office, soit une activité administrative de soutien ou d’exécution. Ils ne permettent pas encore, comme l’a retenu à juste titre le TAPI, d’arriver à la conclusion qu’elles effectuaient une activité de gestion du fond.

La recourante a également produit le contrat de travail de AA______, engagé par K______ en qualité de manager pour le 1er février 2010, ainsi que son CV. Il avait été engagé pour gérer le fond, avec un salaire cohérent avec sa fonction et ses responsabilités.

Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la recourante, la relation d’emploi n’a duré qu’une dizaine de mois au plus, la gestion du fond ayant été reprise par L______ dès le 1er décembre 2010, de sorte qu’elle ne peut en tirer de conclusions entrant en contradiction avec le fonctionnement retenu par l’AFC‑GE sur la base des éléments probants figurants dans le dossier. En outre, l’ampleur de l’activité fournie par ces entités de gestion du fond peut avoir varié au cours du temps sans que ce seul élément soit de nature à établir l’activité alléguée par la recourante.

La liste de ses employés produite par la recourante comporte trois à quatre postes à plein temps ainsi qu’un à deux à temps partiel (taux d’activité non précisé), actifs depuis 2010. Elle ne permet cependant pas de retenir que le nombre d’employés serait insuffisant pour déployer une activité de gestionnaire du fond, étant précisé que la recourante n’a nullement expliqué l’activité exercée par chacun de ses employés. De plus, comme elle le reconnaît, elle transmet les mêmes conseils au même moment pour les marchés similaires (pièce 65 p. 4) à ses clients. Elle échoue ainsi à démontrer qu’elle n’aurait pas pu assumer la fonction de gestionnaire du fond C______ en plus de sa qualité de conseillère en investissement.

S’agissant encore des indices, autre que les éléments qui ressortent du dossier de tiers, que le TAPI a jugé n’être pas suffisants à eux seuls pour prouver le fonctionnement de la recourante en lien avec le fond C______, ils ne seront pas examinés plus avant par la chambre de céans, ceux-ci n’étant pas susceptibles d’infirmer les conclusions retenues par l’AFC-GE, ce que la recourante n’affirme d’ailleurs pas non plus.

Il convient donc d’examiner si l’organisation mise en place par la recourante constitue un cas d’évasion fiscale.

6.             Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale: a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) lorsqu'il y a lieu d'admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée, c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôts dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale (ATF 147 II 338 consid. 3.1 ; 142 II 399 consid. 4.2). Si ces trois conditions sont remplies, l'imposition doit être fondée non pas sur la forme choisie par le contribuable, mais sur la situation qui aurait dû être l'expression appropriée au but économique poursuivi par les intéressés (ATF 147 II 338 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2022 du 16 décembre 2022 consid. 12).

6.1 L'autorité fiscale doit en principe s'arrêter à la forme juridique choisie par le contribuable. Ce dernier est libre d'organiser ses relations de manière à générer le moins d'impôts possible. Il n'y a rien à redire à une telle planification fiscale, tant que des moyens autorisés sont mis en œuvre. L'état de fait de l'évasion fiscale est réservé à des constellations extraordinaires, dans lesquelles il existe un aménagement juridique (élément objectif) qui - abstraction faite des aspects fiscaux - va au-delà de ce qui est raisonnable d'un point de vue économique. Une intention abusive (élément subjectif) ne peut de surcroît pas être admise si d'autres raisons que la seule volonté d'épargner des impôts jouent un rôle décisif dans la mise en place de la forme juridique. Une certaine structure peut en effet se justifier pour d'autres raisons commerciales ou personnelles (ATF 147 II 338 consid. 3.1 et les références).

6.2 En l’espèce, il ressort des faits que la recourante a organisé la gestion apparente de le fond C______ et de ses sous-fonds par des entités offshore qui ne disposaient pas d’infrastructure opérationnelle démontrée, si ce n’est éventuellement une infrastructure d’appui de type back-office et d’avoir ainsi détourné des honoraires afférents à cette gestion qui auraient dû être taxés en Suisse.

En conséquence, au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’AFC-GE a considéré que la recourante avait mis en place un système permettant la redistribution à des proches des montants encaissés par les structures qui apparaissaient comme gestionnaires du fond C______. La contribuable remplit ainsi la première condition de l’évasion fiscale et, s’agissant de la seconde, la seule raison pouvant expliquer la constellation mise en place est celle de ne pas être taxée en Suisse sur les bénéfices engendrés par l’activité de gestion mais uniquement sur celle de conseil.

7.             La recourante conteste également le montant des reprises.

7.1 Il faut tout d’abord constater que devant le TAPI, le recourante n’a contesté que deux montants minimes des calculs produits par l’AFC-GE qui, s’ils avaient été corrigés, auraient abouti à une augmentation du montant des reprises. Devant la chambre de céans, elle conteste les principes des modalités des reprises s’agissant par exemple du calcul de la commission de performance pour l’un des fonds, ou de clauses particulières de versement de cette commission, sans toutefois produire les chiffres y afférents. Elle se fonde notamment sur l’étude de X______ qu’elle a produite, laquelle critique l’utilisation de la NAV de fin de trimestre par l’AFC-GE dans ses calculs, alors que le prospectus du fond prévoyait une valorisation hebdomadaire de la NAV. Cette argumentation a été soutenue par le témoin U______, auteur du rapport de X______, lors de son audition. Selon lui, le calcul de la NAV devait se faire quotidiennement par le gérant, même si le contrat entre la recourante et le gestionnaire le prévoyait différemment.

La recourante demande la déduction des frais généraux des deux entités apparaissant comme gestionnaires du fond des montants repris par l’AFC-GE. À l’appui de cette conclusion, elle produit une taxation fiscale singapourienne, sans détail, d’une des deux entités pour une période fiscale, ce que le TAPI n’a pas jugé suffisant. Lors de l’audition de U______, celui-ci a repris cette argumentation.

La recourante demande également la déduction des rétrocessions usuelles – pendant les années concernées – payées par les entités gestionnaires, diminuant d’autant les montants rapatriés dans son bénéfice. Sur ce point également, les conclusions de la recourante ne sont pas chiffrées ni documentées. Elle s’appuie sur l’étude réalisée par X______, laquelle indique que pour les reprises constituant du chiffre d’affaires, il convenait d’appliquer les ratios habituels de coûts pour une société de services, soit 15% à 20% des revenus.

Toutefois, aucun chiffre précis soutenant les allégations précitées de la recourante n’a été produit. Seules des généralités ont été énoncées par la recourante et les témoins. Or, la recourante s’est vu offrir la possibilité en cours de procédure devant l’AFC-GE de produire toute pièce utile à l’appui de ses dires. À défaut, la taxation a dû être faite par estimation sur la base des documents à disposition. Notamment, les documents produits concernant la taxation singapourienne d’un des gestionnaires apparents du fond ne permet pas de connaitre le type de charges prises en compte, de sorte que cette déduction doit être écartée, la recourante supportant le fardeau de la preuve, s’agissant d’éléments à prouver tendant à la diminution de son imposition.

En conséquence, les griefs de la recourante seront écartés.

8.             Dans ses conclusions, la recourante conteste le bien-fondé des amendes pour soustraction d’impôts, sans toutefois développer une argumentation spécifique à ce sujet.

8.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôts, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1 ; ATA/1183/2023 précité consid. 7.1 et l'arrêt cité).

La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).

8.2 La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1 et les références citées).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1 et les arrêts cités).

8.3 En l’espèce, les taxations initiales ont donné lieu à des rappels d’impôts, les éléments objectifs d’une soustraction fiscale existent donc. Quant à la faute de la recourante, la structure mise en place ne pouvait viser qu’une soustraction des impôts suisses.

8.4 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

8.5 La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s.).

8.6 Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/376/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3 et l'arrêt cité).

8.7 En l’espèce, la quotité des amendes a été fixée à 1.25 fois le montant des impôts soustraits. Elle respecte ainsi les principes de la jurisprudence et la recourante n’a d’ailleurs pas développé d’argumentation spécifique cet égard. Pour le surplus, il peut être renvoyé aux considérants détaillés développés par le TAPI dans son jugement aux consid. 41 et suivants, que la chambre de céans fait siens, pour confirmer les amendes fixées par l’AFC-GE.

Le recours sera donc partiellement admis, compte tenu de l’acquisition de la prescription du droit de procéder au rappel d’impôts pour l’année 2009.

9.             Vu l’issue du litige un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2024 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2024 en ce qui concerne les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 ;

confirme le jugement pour le surplus ;

annule les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek ADJADJ, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale et à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

la greffière :