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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1909/2025

ATA/749/2025 du 08.07.2025 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1909/2025-PROC ATA/749/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juillet 2025

 

dans la cause

 

A______ demandeur

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS défendeur

_________


Demande en révision de l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 4 février 2025 (ATA/133/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1974, est de nationalité française. Il indique avoir procédé au changement de ses prénoms, en ______, à une date non précisée.

b. Le 17 août 2004, A______ a obtenu des autorités suisses une autorisation pour travailleur frontalier (permis G).

c. A______ a été engagé par l’Organisation mondiale de la Santé (ci-après : OMS) à Genève pour plusieurs périodes de courte durée en 2002 et 2004, puis à long terme par un contrat courant du 25 octobre 2004 au 31 janvier 2036.

d. En tant que fonctionnaire international, il est au bénéfice d’une carte de légitimation, délivrée pour la première fois le 9 février 2007 puis régulièrement prolongée jusqu’à ce jour.

B. a. Le 22 décembre 2017, A______ a demandé la naturalisation ordinaire. La commune pour laquelle le droit de cité était demandé était la Ville de Genève. Dans sa demande, il a notamment indiqué comme lieu de résidence en 2004 « Annemasse / Saint Julien ».

b. Au vu du dossier et de l’audition du candidat le 1er octobre 2020, l’enquêteur du service des naturalisations (ci-après : SN) de l’OCPM a émis un préavis négatif, faute de preuve d’une présence effective sur le territoire suisse de 2004 à 2007 et donc des douze années de résidence requises. Le 2 juin 2021, le SN a informé l’intéressé de son intention de classer la demande de naturalisation pour ce motif.

c. Le 4 août 2021, le SN a confirmé son intention de rendre une décision de classement, faute de preuve du domicile entre 2004 et 2007. Alors que l’intéressé affirmait résider à Genève depuis 2004, selon la lettre de résiliation il avait quitté son studio en France fin juillet 2005. Il ressortait en outre de registres de l’OCPM qu’B______, qui l’aurait hébergé de fin décembre 2005 à mai 2007, n’était lui-même devenu locataire à la rue de C______ que le 15 août 2006.

d. Le 21 décembre 2023, le SN a confirmé qu’il n’entendait pas engager la procédure de naturalisation parce que les douze années de résidence au moment du dépôt de la demande n’étaient pas démontrées. La carte de légitimation ne datait que du 9 février 2007 et un permis G n’était pas pris en compte pour calculer les années requises pour la naturalisation.

e. Invité de nouveau à produire des justificatifs propres à démontrer sa résidence effective en Suisse entre décembre 2005 et le 1er juillet 2007, A______ a renvoyé à une attestation qu'il avait déjà produite, sans produire de pièces complémentaires. Il était au bénéfice d’un contrat de durée déterminée avec l’OMS depuis le 25 octobre 2004, le fait qu’il n’avait reçu sa carte de légitimation qu’en février 2007 ne lui était pas imputable mais relevait de la responsabilité de son employeur, et il s’était conformé aux dispositions en matière de séjour applicables aux fonctionnaires internationaux.

f. Par décision du 26 mars 2024, le SN a refusé d’engager la procédure de naturalisation pour les motifs déjà exposés.

C. a. Par acte posté le 4 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à l’obtention d’« une décision favorable à [s]a naturalisation ».

b. Par arrêt du 4 février 2025 (ATA/133/2025), la chambre administrative a rejeté le recours.

Seule était litigieuse la condition formelle relative à la résidence en Suisse d’au moins douze ans au moment du dépôt de la demande de naturalisation le 22 décembre 2017. La légalité du séjour de l'intéressé dès le 25 octobre 2004 était établie, vu qu’il était depuis cette date au bénéfice d’un droit de séjour découlant de son contrat de longue durée avec l’OMS, selon l’attestation fournie par cette dernière.

Le SN retenait comme non établie la résidence antérieure au 1er juin 2007, plus précisément de fin décembre 2005 à fin mai 2007. A______ avait ainsi le devoir de fournir tous les renseignements utiles sur les faits motivant la demande qu’il avait introduite et de collaborer à l'établissement des faits, surtout de ceux qu’il connaissait mieux que quiconque, ce qui était le cas de son lieu de vie. Les différents baux et justificatifs à son nom concernaient tous des périodes postérieures au 1er juillet 2007, et il n’alléguait pas avoir d'adresse officielle à Genève avant cette date. Il se prévalait cependant de deux périodes entre 2005 et 2007 durant lesquelles il aurait été hébergé par des proches à Genève mais de tels séjours ne pouvaient être considérés comme établis au regard des pièces figurant au dossier. Au contraire, ses déclarations en 2004, 2007 et 2017, avant et au début de l’instruction de sa demande de naturalisation, tendaient à confirmer qu’il résidait en France voisine.

Au vu de l’ensemble de ces circonstances, c’était à raison que le SN avait considéré que la résidence en Suisse au sens des art. 15 al. 1 et 36 aLN n’était établie que pour la période du 1er juin 2007 au 22 décembre 2017, soit durant dix ans et demi au lieu des douze ans requis, et qu’il a refusé d’engager la procédure de naturalisation.

Cet arrêt a été communiqué à A______ par pli recommandé, lequel a été distribué au précité en date du 21 février 2025, soit le lendemain du septième jour du délai de garde.

D. a. Par acte du 27 mai 2025 intitulé « recours / révision contre la suspension de ma procédure de naturalisation », A______ s'est adressé à la chambre administrative, sans prendre de conclusions formelles.

Il avait connu une période difficile entre le 13 février et le 2 mai 2025, qui l'avait malheureusement empêché d'entreprendre une révision de son dossier ou de déposer un recours auprès du Tribunal fédéral dans les délais prescrits. Il sollicitait la compréhension de la chambre administrative et la priait de bien vouloir accepter sa demande de révision.

Lorsqu'il avait déposé sa demande de naturalisation, son dossier avait été approuvé après un examen minutieux. Il lui avait été demandé de fournir des documents justificatifs, ce qu'il avait fait. Il avait été convoqué à un entretien avec l'inspecteur du SN, lequel l'avait, à l'issue dudit entretien, chaleureusement félicité pour sa réussite, l'assurant que l'avis serait favorable, que la procédure suivrait son cours et qu'il recevrait son certificat de nationalité par courrier. Cette procédure était documentée par différents courriels, qu'il produisait.

Le SN était ensuite revenu vers lui pour lui demander des documents normalement exigés en début de procédure, comme si tout ce qui avait été précédemment validé n'avait jamais existé. Cette volte-face avait eu de lourdes conséquences sur lui, car il souffrait d'insomnies, de dépression et se sentait profondément blessé tant moralement que physiquement. Il se prévalait des principes fondamentaux de sécurité juridique et de protection des droits des citoyens, l'administration étant revenue sur une décision favorable.

b. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 11 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/562/2025 du 20 mai 2025 consid. 1 ; ATA/460/2025 du 29 avril 2025 consid. 1).

2.             Se pose la question de savoir si l'acte du 27 mai 2025 est un recours ou une demande de révision, et si l'un ou l'autre est recevable.

2.1 La compétence de la chambre administrative est définie à l'art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05). Elle est, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales, l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

La chambre administrative est ainsi une autorité judiciaire de dernière instance cantonale au sens de l'art. 86 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023).

2.2 Le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d'office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L'acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité (art. 64 al. 2 LPA).

Cette disposition s’applique tant à la chambre administrative qu’au TAPI (ATA/370/2025 du 1er avril 2025 consid. 1.3).

2.3 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est irrecevable contre les décisions relatives à la naturalisation ordinaire (art. 83 let. b LTF).

Le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 cum 117 LTF).

2.4 Les frais de procédure, émoluments et indemnités arrêtés par la juridiction administrative peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de 30 jours dès la notification de la décision, les dispositions des art. 50 à 52 LPA étant pour le surplus applicables (art. 87 al. 4 LPA).

2.5 La chambre administrative est compétente pour se prononcer sur la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. 1 in fine LPA).

La voie de la révision par la juridiction administrative doit être distinguée de celle de la reconsidération par l'autorité administrative, qui constitue la voie à suivre en cas de « modification notable des circonstances » (art. 48 al. 1 let. b LPA) (ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 consid. 1b ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1e ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3e).

2.6 Selon l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît : qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a) ; que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), les autres hypothèses n’étant in casu pas concernées.

2.6.1 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande en révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

2.6.2 L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/839/2023 du 9 août 2023 consid. 2.2 ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

2.6.3 La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

2.6.4 Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/839/2023 précité consid. 2.5 ; ATA/232/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2).

2.7 En l'espèce, l'acte envoyé à la chambre de céans ne peut être un recours contre son propre arrêt, ni une réclamation au sens de l'art. 87 al. 4 LPA dès lors que celle‑ci ne peut concerner que les frais et indemnités, qui ne sont ici nullement remis en cause. Il n'a pas non plus à être transmis au Tribunal fédéral. Outre que l'art. 64 al. 2 LPA ne trouve pas application en l'espèce, le délai légal de 30 jours pour déposer un recours constitutionnel subsidiaire – seul ouvert – serait largement dépassé, comme le reconnaît du reste le demandeur, et la transmission s'avérerait ainsi une vaine formalité. Une transmission à l'autorité intimée en tant que demande de reconsidération n'entre pas non plus en ligne de compte : d'une part en effet, la demande ne contient aucune allégation de modification notable des circonstances ou « fait nouveau nouveau », et d'autre part une telle modification des circonstances n'aurait aucun effet sur le sort du litige, qui porte sur le domicile du recourant entre 2005 et 2007.

L'acte en cause doit dès lors être traité comme une demande en révision. Il n'est toutefois pas allégué qu'un crime ou un délit aurait été commis qui aurait influencé l'arrêt, et il n'y est fait référence qu'à des faits déjà connus et discutés lors de la première procédure, quand bien même le demandeur semble désormais vouloir invoquer un grief nouveau qui est celui de la bonne foi. Les effets de l'arrêt attaqué sur le moral et l'humeur du destinataire ne peuvent être pris en compte, dès lors qu'ils ne sont pas pertinents dans le cadre du litige et ne constituent en toute hypothèse pas des faits nouveaux « anciens ».

Partant, les conditions d'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA ne sont pas réalisées. La demande de révision est ainsi manifestement irrecevable, ce qu'il convient de constater sans acte d'instruction, conformément à l'art. 72 LPA.

3.             Compte tenu de l'issue de la procédure, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du demandeur (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 28 mai 2025 par A______ contre l'arrêt ATA/133/2025 du 4 février 2025 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :