Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/752/2025 du 08.07.2025 sur JTAPI/1284/2024 ( DOMPU ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1767/2024-DOMPU ATA/752/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 8 juillet 2025 1ère section |
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dans la cause
VILLE DE A______ recourante
contre
ÉTUDE B______,
C______ et D______ intimés
représentés par Me Julien WAEBER, avocat
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2024 (JTAPI/1284/2024)
A. a. L’Étude d’avocats B______ (ci-après : l’étude) est une société simple dont le siège se trouve au E______ 2, à Genève. C______ et D______ en sont les associés.
b. Le 3 avril 2024, la Ville de A______ (ci-après : la ville), soit pour elle son service de la sécurité et des sports, a adressé à l’étude une facture n° 1______ de CHF 346.80 (ci-après : la facture) relative à la levée au forfait pour l’année 2024 de ses déchets. Cette facture retenait que, selon le nombre d’emplois (ci-après : EMP) inscrit au répertoire des entreprises du canton de Genève (ci‑après : REG), le nombre d’employés de l’étude s’élevait à sept, soit trois employeurs et quatre travailleurs.
Une notice était jointe à la facture, indiquant que la collecte et la facturation des déchets urbains des entreprises comptant moins de 250 postes à temps plein effectuées par la ville étaient prévues à compter du 1er janvier 2023. Le nouveau règlement était entré en vigueur le 1er février 2024 et la facture avait été établie pro rata sur onze mois de 2024.
c. Par lettre du 17 avril 2024, l’étude a demandé l’annulation de la facture au motif qu’elle comptait uniquement deux EMP et non sept comme retenu ; la facture était ainsi fondée sur un état de fait incorrect.
d. Par courrier du 23 avril 2024, la ville a relevé que selon les art. 4 et 5 de l’annexe 4 du Règlement sur la gestion des déchets de la Ville de A______ du 1er février 2024 (ci-après : règlement LC 21 911), la facturation au forfait était établie annuellement au mois d’avril de chaque année pour l’année en cours, sur la base des informations du nombre d’emplois extraites du REG en date du 31 mars de l’année en cours. Or, à cette date, l’étude était enregistrée comme occupant sept emplois. Si ces informations étaient incorrectes, il lui aurait appartenu d’effectuer les modifications de ce répertoire.
B. a. Par acte du 22 mai 2024, l’étude a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ce qu’elle considérait comme une décision sur réclamation de la ville du 23 avril 2024, concluant à son annulation et à l’annulation de la facture, ainsi qu’au renvoi de l’affaire à la ville pour nouvelle facture au sens des considérants.
La ville considérait à tort qu’elle comptait sept EMP au 31 mars 2024. Cette dernière ne pouvait admettre que l’indication EMP correspondait au nombre de travailleurs sans égard à leur taux d’occupation, sans violer le principe de l’égalité de traitement. Ce système revenait à facturer davantage une entreprise qui avait décidé de répartir un poste à temps plein entre plusieurs travailleurs à la différence d’une entité préférant attribuer le poste à temps plein à une seule personne. Il n’existait aucun motif objectif justifiant de traiter les entreprises de manière inégale. Avec cette méthode, l’étude se trouvait désavantagée du seul fait qu’elle avait décidé de répartir le poste de secrétaire entre trois employés, lesquels couvraient ensemble un 100%. Au surplus, cela n’avait aucune incidence sur la quantité de déchets effectivement générée.
Enfin, la décision était arbitraire puisqu’elle reposait incontestablement sur une indication erronée du REG. Malgré la réclamation, la ville avait maintenu sa facture : à supposer qu’elle eut eu des doutes au sujet du nombre de EMP, elle aurait à tout le moins pu et dû solliciter des compléments en vue de clarifier la situation. Il était tout à fait insoutenable de s’écarter de la réalité factuelle et de se fonder uniquement sur des données inscrites sur un simple répertoire qui n’avait vraisemblablement pas subi de modifications depuis de nombreuses années. Le but du législateur étant de facturer les entreprises en fonction du nombre d’emplois équivalent temps plein (ci‑après : ETP), la ville n’avait aucun motif légitime de refuser la révision du montant de la facture qui concernait, pour le reste, une période à venir.
b. La ville a conclu au rejet du recours.
Eu égard au règlement LC 21 911, elle s’était fondée à juste titre sur les informations d’EMP de l’étude extraites du REG en date du 31 mars 2024, soit sept emplois. En outre, dans des courriers de 2022, elle avait déjà expressément attiré l’attention des entreprises présentes sur son territoire sur le fait qu’il convenait de mettre à jour leurs données dans le REG avant le 31 mars 2023. Il revenait donc à l’étude de le faire, à défaut de quoi les informations résultant du REG au 31 mars 2024 faisaient foi.
Il n’existait au demeurant aucune base de données consultables par les communes contenant l’information du nombre d’ETP dans les entreprises genevoises. Compte tenu de cette situation, le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) avait édicté le 16 janvier 2024 un document intitulé « Aide à l’exécution - Déchets urbains des entreprises » (ci-après : GESDEC, Aide à l’exécution) recommandant d’utiliser la donnée « nombre d’emplois » fournie par le REG pour le calcul de la facturation au forfait.
c. L’intéressée a répliqué, persistant dans ses conclusions.
La notion d’EMP telle qu’elle la comprenait se référait au nombre d’emplois à temps plein, notion sur laquelle la ville ne se déterminait pas. Retenir le nombre d’employés sans tenir compte de leur taux d’occupation violait le principe de l’égalité de traitement.
d. Dans sa duplique, la ville a relevé qu’il ressortait d’un courriel du 11 septembre 2024, que l’étude avait mis à jour ses données sur le REG et comptabilisait désormais deux employeurs et quatre travailleurs, soit six EMP, alors qu’au 31 mars 2024 elle comptait trois employeurs et quatre travailleurs, soit sept EMP : sa facture était donc correcte.
e. Le 8 novembre 2024, le TAPI a invité l’étude à lui communiquer, pièces à l’appui, la liste des collaborateurs déployant une activité auprès d’elle à la date du 31 mars 2024, en indiquant la profession exercée, le taux d’activité, ainsi que le statut.
f. Le 18 novembre 2024, l’intéressée a répondu qu’au 31 mars 2024, elle salariait, au sens du droit du travail, quatre personnes, à savoir : une avocate-stagiaire, à un taux de 100%, ainsi que trois étudiants en droit, à un taux respectif de 40%, 30% et 30%.
Les deux associés déployaient une activité indépendante à 100%.
Me F______, collaborateur, exerçait dans sa propre structure de manière indépendante.
Me G______, collaborateur, travaillait exclusivement sur mandat et à distance. Il n’avait guère travaillé ces dernières années.
En conséquence, elle occupait uniquement deux ETP (100% + 40% + 30% + 30%). Si les deux indépendants devaient être inclus dans le calcul des emplois, sa structure plafonnerait à quatre ETP.
Afin d’assurer le respect du principe du pollueur-payeur, la ville ne pouvait pas facturer une entreprise employant des collaborateurs à temps partiel de la même manière que celles employant des collaborateurs à temps plein.
g. Par pli du 4 décembre 2024, la ville a persisté dans ses conclusions.
Renseignements pris auprès du canton de Genève, il s’avérait que les communes n’avaient accès à aucune base de données hormis le REG : elle n’avait dès lors pas d’autre choix que d’utiliser les données sur les EMP à sa disposition.
h. Par jugement du 20 décembre 2024, le TAPI a partiellement admis le recours de l’étude en retenant que cette dernière occupait six ETP et non sept EMP et renvoyé le dossier à la ville pour établissement d’une nouvelle facture sur la base du jugement.
L’élimination des déchets urbains devait être financée en application du principe de causalité selon lequel celui qui était à l’origine d’une mesure prescrite par la loi en supportait les frais. Les cantons devaient veiller à ce qu’un financement de l’élimination des déchets urbains selon le principe de causalité soit introduit sur leur territoire.
En pratique, il y avait lieu de convertir tous les postes en équivalents ETP et d'utiliser cette donnée pour différencier les types de déchets. Les cantons et les communes pouvaient se référer au REG pour obtenir des indications sur les EMP et les équivalents ETP. Si les pouvoirs publics n’étaient pas en mesure de se prononcer sur l'exemption d'une entreprise du monopole d'élimination sur la seule base de données disponibles, l'entreprise en question était tenue de leur fournir les renseignements nécessaires à l'application de la législation et, s'il le fallait, de procéder à des enquêtes ou à les tolérer.
Dans un arrêt du 10 septembre 2019 (ATA/1367/2019 du 10 septembre 2019), confirmé par le Tribunal fédéral (1C_4485/2020 du 20 septembre 2020), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait jugé qu’une directive du GESDEC introduisant le critère d’EMP pour définir la responsabilité et le financement de l’élimination des déchets urbains n’était pas conforme au droit supérieur qui se basait sur la notion d’ETP. En effet, la notion d’EMP sans autre indication d’ETP retenue par la ville dans son règlement LC 21 911 ne garantissait ni l’égalité de traitement, ni l’application du principe de causalité, ni l’effet incitatif prévu par la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01).
Cette méthode de facturation se révélait dès lors contraire au droit fédéral.
Il y avait lieu d’additionner les taux d’occupation des employés de l’étude, ainsi que de tenir compte des associés et des collaborateurs indépendants figurant sur le papier à en-tête.
Par conséquent, au total, l’étude occupait six ETP et non sept EMP.
C. a. Le 31 janvier 2025, la ville a interjeté recours devant la chambre administrative à l’encontre de ce jugement, concluant à son annulation, subsidiairement à enjoindre le canton de Genève à fournir les données relatives aux ETP dans le REG et à l’autoriser, dans l’intervalle, à continuer de fonder ses factures sur les données actuellement disponibles dans le REG, soit le nombre d’EMP.
Elle reprenait en substance les arguments avancés dans ses précédentes écritures.
La ville indiquait au surplus que dans un récent jugement du 9 janvier 2025 (rendu dans la cause A/2098/2024 du 9 janvier 2025), le TAPI avait précisé que le Tribunal fédéral confirmait que les cantons pouvaient se référer au REG pour obtenir des informations permettant de définir la responsabilité et le financement de l’élimination des déchets urbains et qu’il pouvait être imposé aux entreprises de mettre à jour leurs données dans ledit registre.
Le jugement contesté violait le principe de la proportionnalité du fait de l’impossibilité pour la ville de se fonder sur le critère des ETP pour établir les factures relatives à la collecte des déchets urbains des entreprises, vu que de telles données ne figuraient pas dans le REG. Leur prise en compte impliquerait dès lors une charge administrative considérable et disproportionnée.
Par ailleurs, il était possible de considérer que deux employés à 50% prenant chacun leur pause déjeuner sur leur lieu de travail produisaient plus de déchets qu’un employé à 100%.
Enfin, dans le cas où la chambre administrative venait à confirmer que la ville devait facturer la collecte de déchets sur la base des ETP et non des EMP, il conviendrait alors de demander au canton de compléter le REG avec le nombre d’ETP et de le mettre à disposition des communes, afin de rendre possible cette méthode de facturation.
Était annexé un courriel du 29 janvier 2025 du directeur général de l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCEV) confirmant que des discussions avaient été engagées par le canton avec l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), concernant la possibilité d’intégrer dans le REG le nombre d’ETP de chaque entreprise référencée et que la ville y serait associée.
b. L’étude a conclu au rejet du recours.
La ville lui reprochait de ne pas avoir mis à jour ses données dans le REG, alors même que ce dernier ne fournissait pas d’informations relatives aux ETP et qu’il ne contenait dès lors pas les critères pertinents pour l’établissement de la facture litigieuse.
Le fait qu’il n’existe aucune plate-forme permettant de recenser les ETP des entreprises dans le canton de Genève ne pouvait être utilisé à son encontre, les entreprises ne devant pas être tenues responsables des lacunes du système mis en place par les autorités. Rien ne faisait d’ailleurs obstacle à ce que les données ETP soient, à terme, incluses dans le REG.
Il était insoutenable de prétendre qu’un employé à 10% générait autant de déchets qu’un employé à temps plein.
c. Le 30 mai 2025, la ville a transmis à la chambre administrative un courrier de la Cour des comptes du canton de Genève du 26 mai 2025 selon lequel les informations actuelles du REG ne permettaient effectivement pas de prendre en compte de manière satisfaisante les ETP pour affiner le calcul de la taxe forfaitaire ni de différencier des situations différentes entre la quantité de déchets produits par un employé à 20% et un employé à 80%. Toutefois, une intégration du taux d’activité des emplois dans le calcul de la taxe nécessiterait un travail long et important dont la proportionnalité devrait être analysée en raison des coûts engendrés pour l’administration.
La Cour des comptes concluait que la loi genevoise sur les déchets de 2022 avait vu certaines de ses dispositions rejetées par le Conseil fédéral du fait d’une potentielle non-conformité des dispositions avec le principe du pollueur-payeur et que le Conseil d’État avait saisi le Tribunal fédéral de cette affaire. Ainsi, selon la décision rendue, il se pouvait que le système de gestion des déchets à Genève soit réformé pour mieux intégrer ce principe.
d. Après que l’étude a persisté dans ses conclusions, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante se plaint du fait qu’il n’existe, à ce jour, aucune base de données consultable par les communes genevoises contenant l’information précise du nombre d’ETP dans les établissements se trouvant sur leur territoire. N’ayant aucun moyen de se renseigner sur les ETP, elle se trouve dans l’impossibilité d’utiliser ce critère pour la facturation de l’élimination des déchets urbains des entreprises. La prise en compte des ETP impliquerait pour elle un travail administratif considérable et disproportionné.
2.1 La législation suisse en matière de déchets se fonde sur la LPE et sur l'ordonnance fédérale sur la limitation et l'élimination des déchets du 4 décembre 2015 (OLED - RS 814.600).
La mise en œuvre de cette législation est du ressort des cantons. Ceux-ci intègrent les prescriptions fédérales dans leur législation cantonale et, généralement, confient aux communes le soin de les exécuter. Quant à ces dernières, elles sont chargées de préciser notamment l'organisation, les compétences, les devoirs, les taxes dans des règlements et des ordonnances au niveau communal (office fédéral de l'environnement, financement de l'élimination des déchets urbains. Aide à l'exécution relative au financement de l'élimination des déchets urbains selon le principe de causalité in L'environnement pratique, 2018, n° 1827, p. 59 – ci‑après : OFEV, Financement).
2.2 Selon le principe de causalité, celui qui est à l'origine d'une mesure prescrite par la LPE en supporte les frais (art. 2 LPE). Le détenteur des déchets assume le coût de leur élimination ; font exception les déchets pour lesquels le Conseil fédéral prévoit des dispositions particulières (art. 32 al. 1 LPE). Les cantons veillent à ce que les coûts de l'élimination des déchets urbains, pour autant que celle-ci leur soit confiée, soient mis, par l'intermédiaire d'émoluments ou d'autres taxes, à la charge de ceux qui sont à l'origine de ces déchets. Le montant des taxes est fixé en particulier en fonction du type et de la quantité de déchets remis (art. 32a al. 1 let. a LPE). Sous réserve de l'art. 41 LPE, l'exécution de la LPE incombe aux cantons (art. 36 LPE).
Les taxes sur les déchets doivent être aménagées de manière à inciter ceux qui produisent des déchets à les limiter, à les recycler ou à les éliminer d'une manière respectueuse de l'environnement (art. 30 LPE ; ATF 137 I 257 consid. 6.1.1 et 6.3 ; OFEV, Financement, p. 39). Elles doivent aussi respecter les principes d'égalité de traitement (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) et de protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.). Elles doivent être fixées selon des critères objectifs. Les autorités d'exécution ne peuvent pas opérer des différences sans motif valable (OFEV, Financement, p. 39).
2.3 La LPE ne définit pas la notion de déchets urbains, mais prévoit leur élimination et son financement (art. 31b et art. 32a LPE). Dans l'OLED, la définition de déchets urbains couvre les déchets produits par les ménages ainsi que ceux provenant d'entreprises comptant moins de 250 ETP et dont la composition est comparable à celle des déchets ménagers en termes de matières contenues et de proportions (art. 3 let. a OLED). En principe, il s'agit de déchets générés par la consommation quotidienne des employés de l'entreprise, comme les déchets de papier (les journaux) ou les ordures, notamment le contenu des poubelles (OFEV, Financement, p. 18).
2.4 Les cantons doivent veiller à ce qu'un financement de l'élimination des déchets urbains selon le principe de causalité conformément à l'art. 32a LPE soit introduit sur leur territoire (OFEV, Financement, p. 53). En pratique, il y a lieu de convertir tous les postes à temps complet en équivalents ETP et d'utiliser cette donnée pour différencier les types de déchets. Les cantons et les communes peuvent se référer au Registre des entreprises et des établissements (ci-après : REE) pour obtenir des indications sur le numéro d’identification (ci-après : IDE) au sens de l’art. 1 de la loi fédérale du 18 juin 2010 sur le numéro d’identification des entreprises (LIDE ‑ RS 431.03) et les équivalents ETP. Si les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de se prononcer sur l'exemption d'une entreprise du monopole d'élimination sur la seule base des données disponibles, l'entreprise en question est tenue de leur fournir les renseignements nécessaires à l'application de la législation et, s'il le faut, de procéder à des enquêtes ou à les tolérer (art. 46 al. 1 LPE ; OFEV, Financement, p. 17).
2.5 Dans le canton de Genève, la collecte, le transport et l'élimination des déchets définis à l'art. 3 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20), à l'exception des déchets ménagers, sont à la charge des particuliers (art. 16 al. 1 LGD). Tous les déchets dont l'élimination n'incombe pas aux collectivités publiques doivent être éliminés par leurs détenteurs dans des installations appropriées (art. 11 al. 1 LGD). La collecte, le transport et l'élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages. Demeurent réservées les prestations particulières des communes (art. 12 al. 1 LGD). Intégrant le principe de causalité, la LGD prévoit que le détenteur des déchets assume le coût de leur élimination sous réserve des dispositions prévues par le droit fédéral ou par celle-ci (art. 33 LGD).
Le règlement d'application de la LGD du 28 juillet 1999 (RGD - L1 20.01) prévoit, quant à lui, la notion de déchets urbains communaux qui correspondent aux déchets ménagers incinérables et aux déchets industriels ordinaires levés avec les collectes communales (art. 15 al. 2 RGD).
2.6 Le département du territoire (ci-après : DT) informe et conseille les particuliers et les communes notamment sur les possibilités de réduire les déchets, sur la collecte, le tri, le recyclage, la valorisation et l'élimination des déchets (art. 8 al. 1 LGD). Il est l'autorité chargée de l'application de la loi et du règlement (art. 2 al. 1 RGD). Il peut, si nécessaire, par l'intermédiaire du service de géologie, sol et déchets (ci-après : GESDEC), émettre des directives, notamment sur la définition de certains types de déchets ou sur la gestion de déchets particuliers (art. 2 al. 2) ainsi que des guides pour la gestion moderne des déchets dans les entreprises. Les communes ont la compétence d'édicter leur propre règlement communal en matière de gestion des déchets (art. 12 al. 4 LGD).
2.7 Le 16 janvier 2024, le GESDEC a publié son aide à l’exécution à l’attention des communes (cf. supra B.b).
Selon ce document, la facturation des entreprises comptant moins de 250 postes à plein temps peut s’effectuer à la quantité (pesée embarquée) ou en prélevant une taxe forfaitaire dépendant du nombre d’emplois. Le nombre de postes à plein temps n’étant pas disponible dans le fichier du REG, il est recommandé, pour ne pas générer un travail administratif disproportionné, d'utiliser la donnée « nombre d'emplois » fournie par le REG, pour le calcul de la facturation au forfait (GESDEC, Aide à l’exécution, p. 6).
2.8 Les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (art. 17 al. 1 RGD).
Le règlement LC 21 911 prévoit des prestations selon les catégories d'entreprises qu'il définit. Ainsi, son art. 11 al. 1 prévoit que la ville assure la collecte, le transport et l’élimination des déchets urbains des entreprises (principe du monopole communal). Deux modes de facturation sont proposés aux entreprises : au poids (déchets quantifiables) ou au forfait (déchets non quantifiables). Dans le second cas, l’entreprise est facturée sur la base du nombre d’emplois qu’elle compte (art. 12 al. 1 et 3). L’art. 12 al. 4 dispose que les tarifs en vigueur ainsi que les conditions générales de facturation sont indiqués dans les annexes 3 et 4.
À teneur de l’art. 4 al. 1 de l’annexe 4 au règlement LC 21 911, les informations nécessaires pour la facturation des prestations sont extraites du REG. Selon l’art. 4 al. 2 de l’annexe 4, toute entreprise est tenue de communiquer gratuitement à l’OCIRT les renseignements nécessaires à l'établissement et à la mise à jour des informations du REG. À ce titre, elle doit renseigner le nombre d’emplois. Au besoin, le service en charge de la collecte des déchets peut demander directement à l’entreprise des informations la concernant (art. 4 al. 3 annexe 4).
La facturation au forfait est établie annuellement au mois d’avril de chaque année pour l’année en cours, sur la base des informations du nombre d’emplois extraites du REG en date du 31 mars de l’année en cours (art. 5 annexe 4).
2.9 Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. Elles ne lient pas le juge, mais celui-ci les prendra en considération, surtout si elles concernent des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elles donnent n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/41/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/668/2015 du 23 juin 2015 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 420 ss n. 2.8.3). Par ailleurs, une directive ne peut pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elle est censée concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elle ne peut prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/1244/2017 du 29 août 2017).
2.10 De plus, de jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (ATA/1200/2017 du 22 août 2017 ; ATA/614/2017 du 30 mai 2017 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd., 2012, p. 345 ss n. 2.7.3). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 al. 1 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1 ; ATA/43/2016 du 19 janvier 2016). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., ainsi qu'aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2 ; ATA/43/2016 précité). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/614/2017 du 30 mai 2017 ; ATA/43/2016 précité ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 352 ss n. 2.7.4.2).
2.11 Traditionnellement, le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 151 I 3 consid. 7.7 ; 149 I 191 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2024 du 29 avril 2025 consid. 7.1 ; ATA/278/2025 du 18 mars 2025 consid. 5.6.3). En outre, ce principe interdit toute limitation allant au‑delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1).
2.12 Dans un arrêt du 10 septembre 2019 (ATA/1367/2019 du 10 septembre 2019 consid. 7), la chambre administrative a notamment jugé que le critère d’EMP pour définir la responsabilité et le financement de l’élimination des déchets urbains n’était pas conforme au droit supérieur qui se basait sur le critère de l’ETP, confirmant pour le surplus que les cantons et la commune pouvaient se référer au REG pour obtenir les informations y relatives et qu’il pouvait être imposé dans le règlement communal sur la gestion des déchets aux entreprises de mettre à jour leurs données dans le REG.
La chambre administrative a relevé que la notion d'EMP sans indication d’ETP retenant celle figurant dans la directive cantonale ne garantissait ni l'égalité de traitement entre les micro-entreprises, ni l'application du principe de causalité, ni l'effet incitatif prévu par l'art. 32a LPE.
Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (1C_4485/2020 du 20 septembre 2020).
2.13 En l’espèce, pour la recourante, le critère d’emploi sans indication d’équivalent ETP s’impose dans la mesure où le REG ne contient pas cette information. Cette opinion ne saurait toutefois être suivie.
En effet, selon l’OFEV, cantons et communes peuvent se référer au REE, en l’occurrence au REG, à Genève, pour obtenir des indications sur l’IDE et les équivalents ETP des entreprises. L’entreprise concernée, est, le cas échéant, tenue de leur fournir les renseignements nécessaires à l’application de la législation et, s’il le faut, de procéder à des enquêtes ou de les tolérer. Les cantons doivent veiller à ce qu'un financement de l'élimination des déchets urbains selon le principe de causalité (principe du pollueur-payeur) conformément à l'art. 32a LPE soit introduit sur leur territoire. La mise en place d’une facturation conforme au droit fédéral remplit un but d’intérêt public évident et la prise en compte des ETP comme critère de facturation représente le seul moyen d’y parvenir.
Il ressort par ailleurs du dossier, que les taux d’occupation des employés de l’intimée ont été transmis au TAPI et que ceux-ci ont permis de déterminer les ETP de celle‑ci. Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, même si cette dernière compte un nombre important de petites et moyennes entreprises, l’obtention de la donnée considérée est possible et ne nécessite pas d’efforts disproportionnés, étant précisé qu’elle peut contacter les entreprises en cas de doute sur le nombre d’ETP et que selon les propres dires du canton de Genève, des discussions sont actuellement en cours entre l’OCEV et l’OCIRT afin d’inclure les ETP dans le système REG.
Aussi, l’allégation de la recourante selon laquelle le REG ne contient pas le nombre d’ETP des entreprises genevoises n’est pas un motif pertinent pour instaurer un critère de responsabilité et de financement de l’élimination des déchets urbains des entreprises contraire à celui retenu par le droit fédéral. En effet, la notion d’emploi sans indication d’équivalent ETP retenue par la ville dans son règlement, qui est une reprise de celle figurant dans la directive cantonale, ne garantit ni l’égalité de traitement entre les micro-entreprises, ni l’application du principe de causalité, ni l’effet incitatif prévu par l’art. 32a LPE. Comme le soutient l’intimée, une entreprise employant un collaborateur à 10% ne peut être taxée de la même manière que celle employant un collaborateur à 100% sans violer les principes d’égalité de traitement et de causalité susmentionnés.
Le fait que le TAPI, dans un jugement du 9 janvier 2025 (A/2098/2024 du 9 janvier 2025) indiquait que les cantons pouvaient se référer au REG pour obtenir des informations permettant de définir le financement de l’élimination des déchets urbains n’y change rien. Le jugement en question traitait en effet d’un autre objet que celui du présent litige, soit de l’assujettissement de la recourante à la taxe, celle‑ci admettant que l’inscription au REG était correcte, à savoir qu’elle employait une personne, mais que cette employée ne travaillait pas à Genève.
Par conséquent, c’est à raison que le TAPI a retenu que l’intimée occupait six ETP et non sept EMP.
Mal fondé, le grief est rejeté.
3. Dans un second grief, la recourante requiert, en cas de rejet de son recours, qu’il soit ordonné au canton de Genève de fournir les données relatives au ETP dans le REG.
3.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre, ou qualitativement se modifier, au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b).
3.2 En l’espèce, la décision sur réclamation de la ville du 23 avril 2024 et le jugement du TAPI du 20 décembre 2024 portent sur la facturation des déchets urbains de l’étude intimée, en particulier sur le nombre d’emplois occupés par cette dernière.
Ainsi, en tant que la recourante sollicite de la chambre administrative qu’elle enjoigne le canton de Genève, qui n’est pas partie à la procédure, de fournir les données relatives aux ETP dans le REG, cette conclusion est exorbitante à l’objet du litige. Elle est donc irrecevable.
Il en va de même du chef de conclusion visant à autoriser la recourante à continuer d’utiliser les données actuellement disponibles dans l’attente que le canton lui fournisse lesdites données. La conclusion s’y rapportant est donc également exorbitante au litige et, de ce fait, irrecevable.
Seules entrent ainsi dans l’objet du litige les conclusions tendant à l’annulation du jugement querellé et au paiement des frais.
Au surplus, la chambre administrative constate que la Cour des comptes du canton de Genève, dans son rapport du 26 mai 2025, a confirmé que les informations actuelles du REG ne permettaient pas de prendre en compte de manière satisfaisante les emplois partiels pour affiner le calcul de la taxe forfaitaire ni de différencier des situations différentes. Elle indiquait à ce sujet que la loi genevoise sur les déchets de 2022 avait vu certaines de ses dispositions rejetées par le Conseil fédéral du fait d’une potentielle non-conformité avec le principe du pollueur-payeur et que cette affaire était actuellement portée devant le Tribunal fédéral.
Ces informations sont par ailleurs validées par le directeur général de l’OCEV dans son courriel du 29 janvier 2025, lequel confirmait que des discussions étaient actuellement en cours entre l’OCEV et l’OCIRT concernant la possibilité d’intégrer dans le REG le nombre d’ETP et que la ville y serait associée.
Il semblerait ainsi que la problématique soulevée par la recourante dans le présent litige soit déjà bien connue du canton de Genève et que des solutions conformes au droit supérieur soient en cours d’élaboration.
4. Vu la qualité de la recourante, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA).
L’intimée, représentée par elle-même, conclut à l’octroi d’une indemnité de procédure.
4.1 La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/954/2023 du 5 septembre 2023 consid. 2.1). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une partie non assistée par un avocat, indépendamment du fait qu'elle soit juriste ou avocate elle-même, peut obtenir des dépens à certaines conditions, notamment dans des causes particulièrement compliquées, avec une valeur litigieuse élevée et un travail important qui dépasse ce que chaque individu peut devoir consacrer à ses affaires personnelles (ATF 129 II 297 consid. 5 ; 125 II 518 consid. 5b = RDAF 2000 I 711 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2022 du 12 décembre 2023 consid. 5). Toutefois, la chambre administrative n'alloue notamment pas d'indemnité de procédure lorsque la personne qui la demande n'est pas formellement représentée par un mandataire et n'indique pas avoir exposé de frais particuliers au titre de la défense de ses intérêts (ATA/1015/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4c).
4.2 En l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure à l’intimée (art. 87 al. 2 LPA). En effet, celle-ci a agi en tant qu'avocat dans sa propre cause et ne saurait ainsi avoir eu des frais particuliers. En outre, il n'apparaît pas que l'affaire soit particulièrement complexe, ce que l’intimée ne prétend du reste pas, ni que la charge de travail aurait dépassé le cadre de ce qui peut être exigé d'un avocat pour s'occuper de ses affaires personnelles.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2025 par la Ville de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à la Ville de A______, à Me Julien WAEBER, avocat des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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