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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4539/2015

ATA/1244/2017 du 29.08.2017 sur JTAPI/1244/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4539/2015-ICCIFD ATA/1244/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______et Monsieur B______
représentés par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 (JTAPI/1244/2016)


EN FAIT

1. En 2012, année fiscale litigieuse, les époux A______et B______ étaient domiciliés ______, ch. C______au Petit-Lancy.

2. Dans leur déclaration fiscale 2012, ils ont indiqué être propriétaires de leur logement, où ils avaient emménagé le 20 décembre 2012. L’appartement avait une valeur fiscale, après abattement de 4 %, de CHF 1'017'725.-. Ils ont déclaré une valeur locative brute de CHF 623.- pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et de CHF 598.- pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) correspondant, prorata temporis, à une valeur locative brute annuelle de CHF 20'396.-.

Avec leur déclaration fiscale 2012, ils ont transmis, dûment complété, le questionnaire relatif à la valeur locative brute 2009-2012, sur la base duquel ils avaient établi la valeur locative brute annuelle précitée. La valeur locative de base, d’après le barème 2007, selon la surface habitable, était de CHF 24'827.-, à laquelle il y avait à appliquer différents coefficients de réduction ou d’augmentation de ladite valeur. Dans la rubrique « nuisances » du questionnaire, ils ont en particulier fait état de trois éléments :

-          une station d’épuration ou d’incinération, usine avec émanations (ci-après : STEP) à moins de 1,5 km (coefficient à 0.90) ;

-          un carrefour bruyant, une route à trafic intense à moins de 50 m sans protection (coefficient à 0.95) ;

-          un stand de tir à moins de 1.5 km sans obstacle naturel (coefficient à 0.90).

Le coefficient nuisance, par multiplication des coefficients entre eux était de 0.7695, abaissant la valeur locative retenue jusque-là de CHF 25'535.- à CHF 19'649.-. En fonction d’une indexation 2009 à 103.8 %, la valeur locative devait s’élever à CHF 20'396.-.

3. Le 23 février 2015, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a remis aux contribuables leurs bordereaux de taxation ICC et IFD. Pour la taxation, elle avait retenu une valeur locative brute de CHF 692.- pour l’IFD et de CHF 664.- pour l’ICC.

4. Le 20 mars 2015, le mandataire des contribuables a formé une réclamation à l’encontre des mêmes bordereaux de taxation. Il reprenait le grief de l’anneau des nuisances provoquées par l’unité de crémation du cimetière Saint-Georges pris en considération par l’AFC-GE. La réclamation portait également sur deux autres aspects de la taxation.

5. Le 28 mars 2015, les contribuables ont également formé une réclamation à l’encontre des deux bordereaux. Ils constataient que l’AFC-GE n’avait pas retenu, dans les nuisances à prendre en considération, le fait que le bien immobilier était soumis à celles d’une station d’épuration ou d’incinération. Or, leur bien immobilier était à environ 500 m. de l’unité de crémation du cimetière Saint-Georges. Comme l’AFC-GE pouvait le constater à la vue des articles de journaux annexés à leur courrier, le crématoire était équipé de trois fours et provoquait des nuisances. L’installation remplissait donc les critères de nuisances correspondant à une station d’incinération ou d’usine avec émanation. Ils sollicitaient la correction du questionnaire de valeur locative et du bordereau fiscal. À ce courrier était notamment annexé un article de la Tribune de Genève du 28 mars 2014 faisant état du refus d’assainir sa chaudière tant que le crématoire de Saint-Georges cracherait de la fumée noire. L’intéressé indiquait devoir subir depuis lors des « émanations acres et pestilentielles » issues des incinérations du centre funéraire. Un article de la Tribune de Genève du 24 octobre 2012 mettait en évidence que les trois fours étaient à l’arrêt depuis une dizaine de jours suite à une fuite d’eau survenue dans les canaux d’évacuation des fumées. Les incinérations avaient repris, mais sans que les fumées puissent être assainies avant d’être rejetées dans l’air. Du mercure et des dioxydes étaient évacués directement dans l’atmosphère, situation non conforme à l’ordonnance sur la protection de l’air du 16 décembre 1985  (OPair -RS 814.318.142). La quantité de polluant qui sortait des cheminées était faible et la durée de l’absence des filtres était temporaire.

Un article de la Tribune de Genève du 9 août 2013 faisait état d’un incident technique sur l’un des fours du centre funéraire et crématoire de Saint-Georges alors qu’une crémation était en cours, et qui avait conduit à l’intervention du service d’incendie et de secours en urgence.

6. Le 1er décembre 2015, l’AFC-GE a statué sur la réclamation en l’admettant partiellement sur l’un des points non ici pertinent. Par contre, elle refusait de rectifier la valeur locative du bien immobilier en fonction des nuisances du crématoire Saint-Georges. Le questionnaire destiné aux propriétaires d’appartements et de villas que les contribuables avaient rempli le 22 octobre 2013 dressait une liste exhaustive des installations de nature pérenne, dont la proximité avec le bien immobilier considéré pouvaient engendrer une nuisance susceptible d’être prise en considération. Celle occasionnée par l’unité de crémation du cimetière de Saint-Georges ne saurait constituer un motif de réduction de la valeur locative du bien immobilier considéré.

7. Les contribuables ont interjeté un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les deux décisions sur réclamation précitées du 1er décembre 2015. Le recours ne portait que sur le refus de prendre en considération les nuisances émanant des installations de crémation de Saint-Georges pour diminuer la valeur locative de l’immeuble qu’ils occupaient. Il était admis que le guide relatif à ce questionnaire publié par l’AFC-GE donnait la liste des STEP qui engendraient les nuisances pouvant être prises en considération. Toutefois, le guide ne contenait pas beaucoup d’autres précisions sur cette notion de nuisances. L’argumentation de l’AFC-GE, selon laquelle les nuisances causées par les fours crématoires de Saint-Georges ne pouvait être prise en considération, parce que ces nuisances n’étaient pas mentionnées dans ladite liste ne résistait pas à l’examen. La rubrique du questionnaire ne faisait pas état que des STEP, mais également des stations d’incinération et des usines avec émanations dont aucune ne figurait dans le guide. À l’évidence, un four crématoire s’apparentait à une usine d’incinération, même si ce n’étaient pas des déchets ménagers qui y étaient brulés. Au demeurant, les installations de Saint-Georges étant extrêmement vétustes et dysfonctionnaient, la situation était aggravée sur le plan de la nuisance, ce qui devait être pris en considération, comme d’autres éléments peut-être plus suggestifs qui diminuaient l’attractivité de logements à proximité d’un centre de crémation, avec une incidence sur les loyers et la valeur locative.

8. L’AFC-GE a répondu le 6 août 2016 en concluant au rejet du recours. Le rendement de la fortune immobilière était imposable. La valeur locative, tant pour l’ICC que pour l’IFD, devait être fixée selon des critères objectifs, afin d’aboutir à une valeur proche des loyers du marché pour des objets comparables selon les conditions usuelles du lieu. Il était admis que pour parvenir à des estimations uniformes de la valeur locative, les cantons procèdent par voie de circulaires et directives, notices ou instructions pour garantir l’égalité de traitement entre tous les contribuables. C’est ce qu’avait fait l’AFC-GE à Genève.

En l’occurrence, il n’y avait pas lieu de revoir la valeur locative de l’appartement des recourants en fonction de la nuisance générée par le crématoire de Saint-Georges, dans la mesure où la valeur locative en question ne subissait pas de désagréments spécifiques tels que déterminés et listés par le questionnaire de valeur locative applicable à tous les citoyens genevois. Le four crématoire du cimetière Saint-Georges ne correspondait pas à un site pour lequel on s’attendait à une atteinte nuisible ou incommodante. Les nuisances évoquées dans les articles de presse produits revêtaient un caractère exceptionnel et étaient liées à des incidents susceptibles d’être réglés par les autorités compétentes. N’ayant pas démontré de caractère nuisible du site sous cet angle, il n’y avait pas lieu de le prendre en considération.

9. Le 28 novembre 2016, le TAPI a rejeté le recours des contribuables. Après avoir rappelé que la fixation de la valeur locative devait se faire, tant au niveau fédéral que cantonal, en fonction de critères objectifs, il a constaté que tant la législation fédérale que cantonale prenaient en considération les nuisances éventuelles comme facteurs de réduction de la valeur locative, mais sans la définir plus précisément. Les travaux préparatoires à la loi cantonale n’avaient pas donné d’autres précisions. Il y avait donc lieu de se référer à la façon dont la valeur locative était, à teneur de jurisprudence, déterminée. Celle-ci devait correspondre au loyer objectif du marché. L’estimation devait tenir compte des conditions locales. Ceci était valable tant pour l’IFD que pour l’ICC. Dans le guide relatif au questionnaire, l’AFC-GE avait précisé qu’une station d’épuration ou d’incinération, usine avec émanations, devait se trouver à moins de 1,5 km du logement. Elle rappelait qu’il devait s’agir véritablement d’une nuisance importante et non d’un désagrément occasionnel.

Le guide dressait une liste des stations pour lesquelles un coefficient de réduction de la valeur locative était accordé. Le questionnaire, fondé sur les directives, avait pour objectif de permettre une application uniforme du droit fiscal. Dans le canton de Genève, le principe du calcul de la valeur locative sur la base du questionnaire devait être admis, de sorte que chaque propriétaire ne pouvait faire état de sa situation individuelle, à moins qu’elle soit exceptionnelle. Certes, l’appartement était proche du centre crématoire de Saint-Georges. Néanmoins, cela ne suffisait pas à qualifier l’environnement d’exceptionnellement défavorable. C’était à juste titre que l’AFC-GE avait écarté cette nuisance comme facteur de réduction de la valeur locative.

10. Par acte posté le 30 décembre 2016, les contribuables ont formé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité, en concluant à son annulation et à la prise en compte du facteur de réduction de la valeur locative liée à la nuisance engendrée par les fours crématoires de Saint-Georges.

Le refus de l’AFC-GE d’assimiler lesdits fours à une usine d’incinération était injustifié. Il n’y avait aucune raison objective de refuser une telle prise en considération. Ils offraient de prouver que les émanations étaient comparables entre les fours crématoires de Saint-Georges, et l’usine des Cheneviers qui était reconnue par l’AFC-GE comme station d’incinération. Ils n’avaient pas pu obtenir les rapports officiels complets sur ces émanations, et se réservaient le droit de compléter leur argumentation dès qu’ils les auraient reçus. Ils sollicitaient subsidiairement de la chambre administrative d’ordonner la production des rapports détaillés sur les émanations des fours crématoires de Saint-Georges et de l’usine des Cheneviers.

Dans sa pratique, l’AFC-GE admettait automatiquement l’application du coefficient nuisance de 0.9 à tout propriétaire dont le logement se trouvait à moins de 1,5 km de l’installation qu’elle reconnaissait comme source de nuisance. En l’occurrence, les fours crématoires de Saint-Georges devaient être qualifiés de stations d’incinération, et les recourants devaient bénéficier du coefficient de réduction qu’ils réclamaient, puisque leur logement se situait à moins de 500 m de l’installation.

11. Le 1er février 2017, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Le TAPI avait retenu à juste titre que pour exercer une influence déterminante dans la fixation de la valeur locative d’un immeuble, les nuisances devaient être exceptionnellement défavorables à ce dernier. Tel n’était pas le cas du crématoire du cimetière de Saint-Georges, qui ne pouvait être considéré comme l’équivalent d’une station d’incinération provoquant des nuisances. Les incidents passagers qui s’étaient produits en 2012 n’étaient pas suffisants pour lui donner ce caractère, car ils étaient issus d’une situation accidentelle qui ne s’était pas reproduite. Pour le surplus, elle se référait aux arguments qu’elle avait développés devant le TAPI.

12. Le 9 janvier (février ?) 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

13. Le 23 février 2017, les recourants ont répliqué. L’OPair mettait en évidence que si l’installation des Cheneviers était soumise à des valeurs limites d’émissions strictes, les fours crématoires n’avaient pas de limites d’émissions. Toutefois, cette absence de limite ne signifiait en aucun cas que des fours crématoires n’étaient pas susceptibles d’émettre des substances dangereuses dans l’air, et cela dans leur fonctionnement ordinaire, et non pas seulement en cas d’accident, comme semblait le suggérer l’AFC-GE. La chambre administrative devait ordonner la production par le service compétant de l’État ou de la Ville de Genève des rapports sur les émanations des fours crématoires de Saint-Georges et de l’usine des Cheneviers, qui permettraient d’établir si les mesures effectuées devaient permettre de considérer qu’en raison de ses émissions le four crématoire de Saint-Georges devait être assimilé à une installation d’incinération. Les recourants persistaient dans cette demande d’acte d’instruction.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours a pour seul objet la valeur locative du bien immobilier dont les contribuables sont propriétaires, retenu par l’AFC-GE.

Les recourants sollicitent des mesures d’instruction complémentaires, à savoir que la chambre administrative ordonne la production par l’État ou la ville de Genève de rapports sur les émanations des fours crématoires de Saint-Georges et des Cheneviers.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101). Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5b).

c. En l'espèce, les rapports auxquels les recourants font allusion ne sont pas désignés précisément, malgré les recherches qu’ils ont effectuées avant de déposer leur recours, et l’on ne sait pas s’ils existent. En tout état, la chambre administrative considère disposer d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige eu égard aux questions juridiques à résoudre et aux règles relatives au fardeau de la preuve en matière fiscale, en se prononçant en toute connaissance de cause sur les griefs soulevés.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux requêtes des recourants.

3. a. En matière d’IFD, selon l’art. 16 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Sont aussi considérés comme revenus les prestations en nature de tout genre dont le contribuable bénéficie, notamment la pension et le logement. La notion de revenu est similaire en matière d’ICC, l’art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoyant que l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèce ou en nature et quelle qu’en soit l’origine.

4. a. En matière d’imposition fédérale, la valeur locative d’un bien immobilier dont le contribuable se réserve l’usage en raison de son droit de propriété ou d’un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable comme revenu au titre de rendement de la fortune immobilière (art. 21 al. 1 let. b LIFD). Il s’agit d’un revenu en nature dont la valeur économique correspond au loyer que le contribuable aurait pu obtenir d’un tiers en louant son logement (ATF 131 I consid. 2.2 ; ATF 112 I a 242 ; RDAF 1997 II p. 706 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd. 2012, p. 155, n. 210 ; Yves NOËL in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 16 LIFD, p. 210, n. 55).

La valeur locative est déterminée comptetenu des conditions locales et de l’utilisation effective du logement ou du domicile du contribuable (art. 21
al. 2 LIFD).

b. En vue d’aboutir à une imposition uniforme du rendement locatif sur tout le territoire suisse, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a adopté une circulaire les 25 mars 1969. À teneur de celle-ci, pour les immeubles habités par leurs propriétaires, la valeur locative doit se déterminer selon des critères objectifs. Elle peut l’être par procédure d’estimation individuelle selon l’une ou l’autre de trois méthodes (à l’aide de normes par unité locale, sur la base de normes par chambre, ou sur la base d’objets-types). L’autre possibilité consiste à recourir à des estimations cantonales, lesquelles ne sont possibles que s’il existe dans le canton des estimations d’immeubles ou de la valeur locative faites selon des principes uniformes. Même dans ce cadre, le recours à une estimation individuelle doit être réservé.

5. a. En matière d’imposition cantonale, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), qui a pour objet de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID) prévoit que l’impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l’habitation du contribuable dans son propre immeuble (art. 7 al.  1 LHID), sans donner d’autres détails.

b. Sur cette base, le législateur cantonal a édicté l’art. 24 al. 1 let. b LIPP, lequel est d’une teneur similaire à celle de l’art. 21 al. 1 let. b LIFD.

L’art. 24 al. 1 let. b LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010 a repris la teneur de l’art. 7 de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14).

c. La notion de valeur locative est définie à l’art. 24 al. 2 LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010, dont la teneur reprend le dispositif retenu à l’art. 7 al. 2 aLIPP-IV. Celle-ci est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étages occupés par leurs propriétaires est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l’aménagement, de la vétusté, de l’ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique est pondéré par la durée d’occupation continue de l’immeuble, conformément au barème applicable en matière d’évaluation des immeubles situés dans le canton ; il ne saurait excéder un taux d’effort de 20 % des revenus bruts totaux. Ce taux d’effort est calculé sur les revenus bruts totaux, mais au minimum sur le montant de la première tranche exonérée d’impôt, selon le barème inscrit à l’art. 41 al. 1 LIPP, pour les personnes seules, et sur le double de ce montant pour les contribuables visés à l’art. 41 al. 2 et 3 LIPP. La valeur locative limitée à ce taux d’effort n’est toutefois prise en considération qu’à la condition que les intérêts sur le financement de l’immeuble ne soient pas supérieurs à ce montant.

d. Selon l’art. 8 RIPP, la valeur locative du logement du contribuable dans sa propre maison doit être déterminée en fonction des loyers usuels pratiqués dans la localité pour des logements semblables.

e. Sous l’égide de l’art. 7 aLIPP-IV, l’AFC-GE a édicté le 28 juin 2007 l’Information No 5/2007 relative à la nouvelle détermination de la valeur locative genevoise. Cette lettre-circulaire expose la façon dont a été redéfinie la méthode de détermination de la valeur locative de base, la façon de la déterminer jusque-là se révélant obsolète, puis la façon dont elle devait être adaptée au fil des années par indexation. Cette circulaire, nonobstant l’entrée en vigueur de la LIPP en 2010, demeure applicable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_757/2015 du 8 décembre 2016).

Cette lettre-circulaire concrétise le système de la fixation de la valeur locative brute retenue sur le plan fiscal dans le canton de Genève. En fonction d’une valeur locative de base arrêtée en fonction de la surface habitable exprimée en m2 à laquelle est appliquée une valeur déterminée en fonction des données statistiques relatives aux loyers libres mensuels moyens des logements par m2, à laquelle sont appliqués plusieurs coefficients correctifs.

6. a. D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_477/2011 du 13 juillet 2012 consid. 4.1.3 ; ATA/265/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/54/2016 du 19 janvier 2016). En matière de détermination de la valeur locative, l’objectif poursuivi par l’adoption de circulaires étant d’atteindre l’égalité de traitement entre tous les contribuables, soit entre contribuables occupant leur propre logement, ou entre de tels contribuables et les contribuables propriétaires d’immeubles locatifs. Il est en principe impossible de s’écarter des règles énoncées dans ces directives, sauf pour les cas qui ne sont pas visés par celles-ci, sauf à violer le principe de l’égalité de traitement (Nicolas MERLINO in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd. 2017 ad. art. 21 LIFD, p. 528 n.109).

b. Dans le modèle de questionnaire destiné aux propriétaires d’appartements et de villas, annexé à l’Information n° 5/2007, le contribuable doit remplir une rubrique « nuisances » permettant de tenir compte de certaines d’entre elles. Selon le questionnaire, l’admission de nuisances se fait en fonction de la distance au logement et non à la parcelle. Il doit cependant s’agir véritablement de nuisances importantes, et non de désagréments occasionnels.

Constituent des nuisances impliquant un coefficient de réduction de la valeur locative, la présence :

- d’une autoroute ou d’une voie CFF à moins de 100 m sans protection phonique ;

- d’une station d’épuration ou d’incinération, ou d’une usine avec émanations, situé à moins de 1,5 km ;

- d’un stand de tir à moins de 1,5 km, sans obstacle naturel ;

- d’un carrefour bruyant ou d’une route à trafic intense à moins de 50 m sans protection ;

La question de la nature des nuisances est reprise dans le guide explicatif relatif au questionnaire précité, distribué à chaque contribuable et téléchargeable sur le site de l’AFC-GE. Le guide reprend les éléments figurant dans le questionnaire. Le guide donne la liste des stations d’épuration (STEP) du canton de Genève et celle des stands de tir dont la proximité autorise la prise en considération d’un coefficient de réduction. Aucune station d’incinération n’y figure, notamment celle des Cheneviers, même si l’intimée n’a pas contesté que sa proximité puisse constituer, par définition, un cas de réduction pour nuisances. La caractéristique cependant des sources de nuisances retenues dans le questionnaire ou dans le guide est le caractère constant de ces nuisances par émission ou immiscions, bruit de la circulation sur les artères principales, des trains à proximité des voies, ou des avions à proximité des aéroports, pollutions olfactives ou autres, résultant d’activités permanentes d’usines ou d’installation d’incinération des ordures. En revanche, ne sont pas pris en considération des nuisances occasionnelles, provenant de défectuosités passagères, ou des nuisances provenant de telles installations lorsque des mesures de protection ont été prises.

7. Dans le cas d’espèce, les recourants se plaignent de l’émission, en provenance du centre funéraire de Saint-Georges d’odeurs désagréables et polluantes provenant de la crémation des cadavres, qui constitueraient des nuisances justifiant une réduction de la valeur locative. Devant le TAPI, ils se sont fondés sur trois articles de journaux genevois de 2012 et 2013 qui faisaient effectivement état de nuisances causées par des émissions de fumées polluantes. Ils y ont ajouté devant la chambre de céans un rapport de la société suisse des responsables de l’hygiène de l’air de 2003 qui traitait, in abstracto, de la problématique des émissions produites par les crématoires et des assainissements nécessaires pour rendre leurs valeurs compatibles avec celle de l’ordonnance sur la protection de l’air du 16 décembre 1985 (OPair RS 814.318.142.1). Toutefois, il en résulte que les installations d’incinération de Saint-Georges étaient équipées en 2012 d’un système de filtre, et que si des nuisances ont pu se produire en 2012 voire 2013, celles-ci avaient un caractère fortuit et en tout cas non permanent. Les articles de presse – plus récents que le rapport de 2003 – faisaient état de dysfonctionnements causés par des pannes ou des avaries qui avaient endommagé le système de filtrage des fumées. L’un des articles de la Tribune de Genève du 9 août 2013 indiquait au demeurant que le Conseil administratif de la ville avait autorisé un dépassement budgétaire de l’ordre de CHF 460'000.- pour rénover les installations suites aux incidents, ce qui confirmait cette appréciation.

Au vu de ce qui précède, la chambre administrative ne peut que suivre le TAPI dans le constat d’une absence de nuisances au sens de l’art. 24 al. 2 LIPP, liées aux installations d’incinération du crématoire de Saint-Georges. L’AFC-GE était donc fondée à ne pas retenir de facteur de correction y relatif lorsqu’elle a établi la valeur locative brute applicable pour l’exercice fiscal 2012.

Le recours sera rejeté.

8. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2016 par Madame A______ et Monsieur B______ et contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur B______ et de Madame A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat des recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :