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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2172/2018

ATA/41/2019 du 15.01.2019 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ULTRA PETITA ; CONCLUSIONS ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; DÉCISION SUR OPPOSITION ; DÉLAI RAISONNABLE ; PERCEPTION ABUSIVE DE PRESTATIONS DE L'AIDE SOCIALE ; OBTENTION ILLICITE DE PRESTATIONS D'UNE ASSURANCE SOCIALE ; DEVOIR DE COLLABORER ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; ADMISSION PROVISOIRE ; REMISE(DÉLIVRANCE) ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.69.al1; Cst.29.al2; LIASI.51.al2; LEtr.86.al1; LIASI.11.al1; LIASI.11.al2; Cst.12; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; LIASI.36; Cst.5.al2; CO.146; CP.148a
Résumé : L'interdiction du formalisme excessif invite à considérer une conclusion subsidiaire formatrice comme recevable, malgré des conclusions principales uniquement constatatoires. Bien qu'un délai d'un an et neuf mois pour rendre une décision sur opposition ne saurait être considéré comme raisonnable, le recourant, représenté par un avocat, n'allègue pas avoir mis en demeure l'intimé de se prononcer ni en avoir subi un quelconque inconvénient. Les éléments du dossier démontrent que le recourant a dissimulé à l'intimé des informations essentielles à la détermination de son droit à percevoir des prestations d'aide sociale et financière. Ayant agi volontairement de la sorte, le recourant ne saurait prétendre à une remise du montant réclamé. Ce dernier doit cependant être déterminé à partir de la date à laquelle les éléments financiers ont été dissimulés à l'intimé. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2172/2018-AIDSO ATA/41/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 janvier 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. À partir du mois d'août 2007, Monsieur A______, né le ______1972 et originaire de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC), a bénéficié de prestations d'aide financière versées par l'aide aux requérants d'asile, devenue l'aide aux migrants (ci-après : AMIG), de l'Hospice général
(ci-après : l'hospice). Il était alors requérant d'asile et titulaire d'un permis N.

2. Le 17 septembre 2007, M. A______ a signé, conjointement avec Madame B______, un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide sociale à l'aide aux requérants d'asile de l'hospice » (ci-après : « Mon engagement ») par lequel il s'engageait notamment à donner spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, ainsi que tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations allouées ou leur suppression. Il prenait également acte que le calcul du montant de l'aide tenait compte des ressources et de certaines charges fixes de l'intéressé et des personnes faisant ménage commun avec lui, ainsi que du fait que toute prestation financière indûment perçue, à la suite notamment d'une déclaration fausse, tardive ou incomplète, ferait l'objet d'une demande de remboursement immédiate et que l'hospice se réservait par ailleurs le droit d'agir à son égard par toute voie de droit utile.

3. Le couple s'est vu attribuer une chambre au centre d'hébergement collectif (ci-après : CHC) où ils ont été reçus par l'assistante sociale à cinq reprises, dont trois en octobre 2007 et deux en août 2008.

4. Le 20 avril 2009, l'AMIG a attribué à M. A______ et Mme B______ un appartement de trois pièces sis rue C______ à Genève.

À cette occasion, le couple a signé une convention d'hébergement aux termes de laquelle il s'engageait à respecter toute décision prise par l'AMIG, ainsi qu'à changer d'hébergement à la demande de ce service. Il était également informé que l'accueil de tiers dans le logement en dehors des heures de visite ainsi que la mise à disposition de celui-ci à des tiers étaient interdits et qu'en cas de
non-respect de cette règle, il pourrait être amené à devoir restituer le logement mis à sa disposition.

5. Le ______ 2009, Mme B______ a donné naissance à un fils, O______.

6. Par décision du 1er février 2010, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a radié du rôle la demande d'asile de M. A______, déposée le 16 juillet 2007, vu son retrait du 23 janvier 2010 et son souhait de quitter la Suisse.

Il était précisé que ce courrier concernait : « Monsieur A______, n° de pers. 1______, né le ______ 1972, alias D______, né le ______1972, alias E______, né le ______1972, alias F______, né le ______1972, Congo (Kinshasa) ».

7. À la même période, M. A______ et Mme B______ se sont séparés. Dès février 2010, ils ont bénéficié de prestations de l'hospice de manière séparée, M. A______ percevant des prestations pour son seul entretien et Mme B______ pour le sien et celui de son fils.

8. Lors d'un entretien du 19 février 2010, Mme B______ a indiqué à son assistante sociale que « son mari vi[vait] probablement avec sa copine en France, il pass[ait] de temps en temps voir son fils et récupérer [son] courrier ».

9. Le 22 février 2010, l'avocat du couple a informé l'assistante sociale que M. A______ ne souhaitait plus quitter la Suisse et entendait réintroduire sa demande d'asile.

10. En avril 2010, M. A______ a avisé l'assistante sociale que sa séparation d'avec Mme B______ était définitive. Il resterait seul dans l'appartement familial en attendant de trouver un autre logement.

11. Par décision du 14 juillet 2010, l'ODM a rejeté la demande d'asile de M. A______. L'exécution de son renvoi étant toutefois suspendue, il était admis provisoirement en Suisse (permis F).

Ses déclarations n'étaient pas crédibles. Ses allégations étaient invraisemblables car, sur des points essentiels, elles ne correspondaient pas à la réalité, se révélaient contraire à toute logique ou à l'expérience générale et contredisaient des faits notoires. Les preuves fournies n'étaient pas pertinentes.

12. Le ______ 2011, Mme B______ a donné naissance à une fille, H______. Dès cette période, elle a également perçu des prestations pour l'entretien de cette dernière.

13. Les 27 avril 2012 et 13 février 2013, M. A______ a signé seul le document « Mon engagement ».

14. Le 24 octobre 2013, Mme B______ a quitté le logement familial avec les deux enfants.

15. Le 26 février 2014, M. A______ a signé pour lui seul une nouvelle convention d'hébergement portant sur le logement sis rue C______ à Genève, après avoir derechef signé le document « Mon engagement » le 5 février 2014, signature qu'il a renouvelée le 18 mars 2015.

16. a. Par décision du 27 août 2015, l'AMIG a mis fin avec effet immédiat à son hébergement au logement sis rue C______ à Genève. À la suite de deux contrôles effectués sur place les 5 juillet et 27 août 2015, il avait été constaté que l'appartement était occupé par des tiers. Ces derniers avaient confirmé que M. A______ le leur avait mis à disposition contre paiement d'un loyer mensuel de CHF 900.-.

b. Par arrêt du 7 mars 2017 (ATA/268/2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé cette décision.

c. Par ordonnance pénale du 30 juin 2017, le Ministère public a reconnu M. A______ coupable d'infraction à l'art. 55 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J - 04; obtention frauduleuse de prestations d'aide financière).

17. Au mois de février 2016, l'assistante sociale a été interpellée par une personne de la fondation « Colis du cœur » qui s'étonnait de voir régulièrement M. A______ venir retirer son colis et le charger dans une voiture aux plaques minéralogiques françaises.

18. Elle a ainsi convoqué M. A______ à un entretien le 23 février 2016, puis demandé l'ouverture d'une enquête sur la situation de celui-ci en mars 2016.

19. Par décision du 7 mars 2016, l'AMIG a décidé de suspendre les prestations d'aide sociale et financière, à l'exception des mesures d'intégration en cours, accordées à M. A______ dès le 1er avril 2016, jusqu'au rapport final d'enquête.

D'après les premiers éléments réunis, M. A______ percevait des prestations en France et possédait un véhicule immatriculé dans ce pays.

20. Le 22 mars 2016, M. A______ a formé opposition contre cette décision.

Il vivait à Genève, n'avait pas d'adresse ailleurs et ne possédait pas de véhicule. Un cousin, portant le même nom que lui, habitait en France. Ce dernier l'avait accompagné avec sa voiture pour retirer son colis au « Colis du cœur ». Une copie du récépissé d'une demande de carte de séjour française comportant la photographie de la personne qu'il déclarait être son cousin était jointe. Ce document, établi le 17 mars 2016, était au nom de Monsieur C______, né le ______1972, et précisait « ce récépissé n'est valable qu'accompagné du document n° 2______ valable du 02/06/2014 au 01/06/2016 justifiant l'identité de son titulaire ». Un certificat provisoire d'immatriculation français d'un véhicule de marque « Mercedes Benz » « attribué à E______ » « valable du 17 novembre au 16 décembre 2015 » était également annexé.

21. Par décision du 8 avril 2016, l'AMIG a accepté de reprendre le versement des prestations d'aide financière en faveur de M. A______ dans l'attente des conclusions du rapport d'enquête. Les prestations du mois d'avril 2016 lui avaient été octroyées.

22. Par courrier du 9 juin 2016, M. A______ a informé l'hospice qu'il renonçait aux prestations d'aide sociale. Il avait signé un contrat de travail avec I______ qui lui permettait d'être financièrement indépendant. L'entrée en fonction comme stagiaire était prévue le 1er juin 2016, pour une durée déterminée jusqu'au 30 novembre 2016 et un salaire mensuel brut de CHF 2'500.-.

23. Le 30 juin 2016, le rapport d'enquête complète sur la situation de M. A______ a été rendu.

Il en ressort les éléments suivants :

-          M. A______ n'avait jamais été présent aux cinq contrôles effectués au domicile officiel qu'il avait déclaré à l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), soit au______, avenue J______ à Onex, chez Madame K______. Seul le nom de cette dernière figurait sur la boîte aux lettres et la porte palière. Elle avait déclaré que son
sous-locataire ne vivait pas là en permanence et se servait de son adresse essentiellement pour recevoir son courrier ;

-          M. A______ avait déclaré ne pas avoir d'autres documents d'identité que son permis F, alors qu'il était titulaire d'un passeport congolais selon l'ODM. Il avait également indiqué vivre la plupart du temps chez une amie dans le quartier de Châtelaine mais ne pas vouloir préciser son nom car elle était également bénéficiaire de prestations de l'hospice et n'avait pas le droit de l'héberger. Son domicile officiel était à Onex chez son autre amie qui lui avait signé une convention de sous-location ;

-          aucun domicile à Genève n'était clairement démontré ;

-          M. A______ avait perçu des prestations chômage en Suisse de janvier à mars 2011 et avait travaillé de juillet à août et d'octobre à novembre 2013 ;

-          par courrier du 11 avril 2008, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (ci-après : OFPRA) avait confirmé que les empreintes digitales communiquées sous l'identité de M. A______, né le ______ 1972, étaient identiques à celles de M. E______, né le __ 1972 et originaire de RDC, lequel avait déposé une demande d'asile en France le
4 mai 2007, rejetée le 8 mars 2008. Il s'agissait donc d'une seule et même personne ;

-          une contrôleuse assermentée de la Caisse d'allocations familiales françaises
(ci-après : CAF) avait effectué des contrôles au domicile de M. E______, soit au______, rue L______, puis au ______, route M______ à Valleiry, les 9 juin 2011 et 20 février 2013. Elle certifiait que les photographies de M. A______, transmises par l'hospice, correspondaient à la personne qu'elle avait contrôlée aux adresses précitées ;

-          la photographie d'un récépissé de demande de carte de séjour française (n° 3______) établi le 15 septembre 2009 au nom de M. E______ correspondait à la même personne figurant sur le livret pour étrangers admis provisoirement en Suisse au nom de M. A______. La photographie d'une autre personne apparaissait sur un récépissé de demande de carte de séjour – de la même personne et du même numéro de dossier que celui établi le 15 septembre 2009 – établi postérieurement, soit le 17 mars 2016 ;

-          depuis mars 2009, la CAF avait versé des prestations sociales à M. E______, qui avait réalisé un revenu total d'EUR 9'159.- en 2014 ;

-          l'analyse du relevé de compte PostFinance de M. A______ pour la période du 1er janvier 2011 au 30 mai 2016 laissait apparaître deux versements effectués les 19 mars et 23 octobre 2015 par les offices cantonaux des véhicules zurichois et genevois, alors qu'il n'avait pas de véhicule, ainsi que des achats de carburant.

24. Par décision du 30 juin 2016, l'AMIG a mis un terme à l'aide financière accordée à M. A______ avec effet au 1er juillet 2016, en se réservant notamment le droit de rendre une décision de demande de remboursement des prestations d'aide sociale perçues indûment.

Les informations transmises démontraient qu'il bénéficiait de prestations d'aide financière en France et y possédait une voiture. Il ne répondait ainsi plus aux critères d'octroi de prestations d'aide sociale et financière en Suisse et avait de plus intentionnellement caché des informations importantes.

25. Dans ce contexte, l'AMIG a demandé à M. A______, par décision du 25 juillet 2016, le remboursement de la somme de CHF 116'895.65, correspondant à la totalité des prestations d'aide financière pour la période du 28 août 2007 au 30 juin 2016.

Lors de sa demande de prestation auprès de l'hospice en août 2007, M. A______ avait dissimulé des faits essentiels sur sa situation, qui ne lui permettaient pas de prétendre à l'aide financière. Un décompte des avances reçues était joint, lequel prenait en considération les salaires perçus par M. A______ en Suisse depuis 2007.

26. Dans l'intervalle, par courrier du 7 juillet 2016, l'AMIG a confirmé à M. A______ qu'il était considéré comme indépendant financièrement depuis le 1er juillet 2016, puisqu'il était désormais en mesure d'assumer son entretien personnel et toutes ses charges.

27. Par courrier recommandé du 11 août 2016, M. A______ a formé opposition contre les décisions des 30 juin, 7 et 25 juillet 2016, en concluant, principalement, à l'annulation de celles-ci, ainsi qu'à la constatation qu'il n'avait plus le droit de percevoir des prestations d'aide financière de l'hospice dès le 1er juillet 2016 en raison de son revenu suffisant dès cette date, qu'il avait perçu des prestations d'aide financière entre le 28 août 2007 et le 30 juin 2016 à hauteur de CHF 116'895.65 à bon droit et qu'il ne devait pas rembourser ladite somme. Subsidiairement, il sollicitait la remise totale de la somme réclamée en remboursement.

M. E______, son cousin, vivait en France où il percevait des prestations sociales et avait une voiture immatriculée à son nom. Ils étaient deux personnes distinctes, portant seulement des noms presque identiques. Lorsque son cousin était venu s'installer en France en 2008, il avait repris la demande d'asile qu'il avait lui-même déposée dans ce pays le 4 mai 2007 sous le nom de M. E______, avant de la retirer après avoir décidé de s'installer en Suisse et y déposer une nouvelle demande sous son vrai nom. Ses empreintes digitales avaient été relevées à cette occasion, ce qui expliquait la correspondance avec celles de son cousin. Comme le nom de son cousin était effectivement celui qu'il avait utilisé au moment du dépôt de sa demande d'asile en France, l'« usurpation » du dossier avait été aisée. Les documents remis démontraient que sa photographie, son écriture et sa signature étaient différentes de celles de son cousin. Lorsqu'il avait remis son opposition à son assistante sociale le 22 mars 2016 en mains propres, il était accompagné de son cousin afin de prouver son existence, chacun disposant de ses documents d'identité respectifs. Le certificat provisoire d'immatriculation français prouvait que le véhicule de marque « Mercedes Benz » appartenait à son cousin et non à lui.

Il lui était impossible de se trouver en même temps dans différentes régions de France, tout en travaillant et vivant en Suisse. Ceci était d'autant plus vrai qu'il percevait moins, voire pas du tout, de prestations de l'hospice lorsqu'il travaillait en Suisse. Il avait vécu pendant plusieurs années à Genève avec son épouse, qui pourrait en attester. Il s'occupait de leurs enfants.

Depuis le dépôt de sa demande d'asile en Suisse, il y avait toujours vécu et n'avait perçu aucune prestation sociale et financière d'un autre pays que la Suisse. Depuis le 1er juillet 2016, il effectuait un stage chez I______ pour un salaire mensuel de CHF 2'500.-. Il ne contestait pas l'arrêt de l'aide financière de l'hospice en sa faveur, mais les motifs ayant conduit à celui-ci. Il avait toujours collaboré avec l'hospice, notamment en se présentant à ses entretiens, en remettant les documents demandés et en déclarant ses revenus en vue de l'adaptation de ses prestations financières. Il avait été de bonne foi lorsqu'il avait perçu les prestations de l'hospice, « somme toutes minimales ». Il était évident que le remboursement demandé le placerait dans une situation difficile.

Il produisait notamment :

-          des fiches de salaire au nom de Monsieur Paul E______, pour un emploi en France du 1er au 31 mars et du 1er mai au 30 juin 2012 à
Saint-Denis, le dernier chantier confié s'étant terminé le 24 juin 2012 (avec un domicile ______, rue J______ « chez M. K______ » à Cergy), entre le 28 juin et le 31 août 2012 à Gaillard (avec un domicile sis ______, rue L______), et du 11 juillet au 30 septembre 2012 à Lyon pour respectivement 78, 100 et 56 heures de travail par mois (avec un domicile « chez M. K______ » au______, boulevard N______ à Lyon) ;

-          des fiches de salaire à son nom pour les mois de juin et juillet 2016.

28. Le 8 septembre 2016, l'assistante sociale de M. A______ a confirmé l'avoir rencontré plusieurs fois seul, à la suite de l'enquête. Il lui avait montré un document officiel français comportant la photographie de son cousin qu'elle avait ensuite envoyé à l'enquêteur.

29. Par décision du 23 mai 2018, l'hospice a rejeté les oppositions précitées de M. A______, refusé sa demande de remise et confirmé la décision de l'AMIG du 25 juillet 2016 en tant qu'elle lui réclamait le remboursement de la somme de CHF 116'895.65 en capital.

Au vu des éléments du rapport d'enquête et du dossier de M. A______, du fait que la photographie du récépissé de demande de carte de séjour française établi le 15 septembre 2009, soit postérieurement à la prétendue période de reprise de son dossier d'asile par son cousin en 2008, au nom de M. E______ et celle du livret pour étrangers admis provisoirement suisse au nom de M. A______ correspondaient à la même personne et que l'intéressé apparaissait dans le système d'information central sur la migration (ci-après : SYMIC) sous différents alias, dont celui de M. E______, né le ______1972, il fallait retenir que M. A______ et M. E______ étaient une seule et même personne.

Les arguments de M. A______ n'étaient pas de nature à remettre en cause ce faisceau d'indices. En particulier, il était invraisemblable qu'un dossier de demande d'asile, impliquant un relevé d'empreintes digitales et la prise de photographies, puisse être repris par une tierce personne, sans contrôle et sans que personne ne s'en aperçoive. L'hospice ne comprenait d'ailleurs pas la motivation ni l'intérêt de M. A______ de déposer une demande d'asile en France sous un autre nom que le sien. L'authenticité du récépissé de demande de carte de séjour française du 17 mars 2016, soit juste après que l'AMIG eut rendu sa décision de suspension de prestations était douteuse, dans la mesure où il comportait la photographie d'une personne différente de celle figurant sur celui établi le 15 septembre 2009, alors qu'il concernait la même personne et le même numéro de dossier. Contrairement aux affirmations de M. A______, son assistante sociale avait déclaré n'avoir jamais rencontré son cousin. Par le passé, M. A______ avait déjà fait des déclarations et allégué des éléments que l'ODM avait qualifiés de « non crédibles » et « invraisemblables ».

Il découlait des informations communiquées par la CAF que M. A______ avait des adresses en France, qu'il percevait des prestations d'assistance dans ce pays depuis mars 2009, y avait réalisé des salaires et y possédait un véhicule immatriculé à son nom. En revanche, il n'avait pas été possible d'établir qu'il était domicilié à Genève.

M. A______ ne pouvait donc prétendre à des prestations d'aide financière de l'hospice, de sorte qu'il les avait perçues indûment. La demande de remboursement était justifiée comme il avait, de par son comportement, induit l'hospice à lui verser des prestations auxquelles il n'avait pas droit. Au surplus, le montant réclamé n'était pas contesté. La motivation des décisions des 30 juin et 7 juillet 2016 était juste, la demande d'indépendance financière de M. A______ n'ayant été qu'un motif supplémentaire pour arrêter l'aide de l'hospice. La demande de remise ne pouvait être admise vu qu'en cachant tous les éléments précités à l'hospice, M. A______ n'avait pas respecté son obligation de renseigner, qui figurait dans le document « Mon engagement ». La condition de la bonne foi n'étant pas réalisée, celle de la situation difficile dans laquelle le remboursement le placerait n'avait pas à être examinée.

30. Par acte du 25 juin 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision précitée, en concluant, principalement, à la constatation de la violation de l'art. 51 al. 2 LIASI, de la nullité de la décision précité, de celle des 30 juin, 7 et 25 juillet 2016, du fait qu'il ne devait pas rembourser le montant de CHF 116'895.65 et qu'il n'avait plus le droit de percevoir des prestations d'aide financière de l'hospice depuis le 1er juillet 2016, en raison de son revenu suffisant dès cette date. Subsidiairement, il sollicitait l'annulation des décisions précitées. Préalablement, il demandait à être exonéré de toute avance de frais, la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et l'audition de témoins.

La décision sur son opposition du 11 août 2016 avait été rendue le 23 mai 2018, soit plus d'un an et neuf mois après, ce qui contredisait l'art. 51 al. 2 LIASI. Il ne ressortait pas de la décision en question qu'une enquête plus approfondie avait été faite que celle figurant dans le rapport d'enquête du 30 juin 2016. Cette décision était donc nulle et l'hospice était forclos à demander le remboursement des prestations qu'il avait perçues.

Au surplus, il persistait dans ses précédents développements, en ajoutant qu'il avait toujours annoncé les revenus reçus et été de bonne foi. Il avait bien vécu en Suisse durant la période du 28 août 2007 au 30 juin 2016, alors que son cousin vivait en France. Il avait alors travaillé, ce qui ressortait des relevés de prestations de l'hospice, et suivi différentes formations en Suisse. Durant plusieurs années, il avait vécu dans le même logement que sa famille, jusqu'au départ de son épouse le 24 octobre 2013. Il s'occupait de ses enfants et les amenait quasi quotidiennement à la crèche ou chez le médecin. Il était ainsi impossible pour une personne de s'occuper de sa famille à Genève et de travailler dans trois lieux différents en France, d'autant plus qu'avant d'emménager à la rue du C______, il logeait au CHC. Ainsi, vu les pièces jointes, son domicile à Genève durant la période du 28 août 2007 au 30 juin 2007 [recte : 2016] était prouvé. Les attestations produites démontraient qu'il avait toujours vécu en Suisse, y avait travaillé, suivi plusieurs formations et élevé ses enfants. Lorsqu'il vivait avec sa famille, soit jusqu'en 2013, les prestations avaient été perçues pour l'ensemble de celle-ci et non pas uniquement pour lui, ce qui ne semblait pas avoir été pris en considération par l'hospice dans son tableau récapitulatif. Le seul point qui aurait pu lui être reproché était d'avoir fait une demande d'asile dans deux pays distincts, ce qui avait toutefois été réglé en 2010 par l'ODM. L'hospice avait ainsi violé les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 80 al. 1 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998
(LAsi - RS 142.31) et 36 LIASI en lui demandant un tel remboursement.

À titre subsidiaire, il remplissait les conditions de l'art. 42 al. 1 LIASI pour bénéficier d'une remise, étant rappelé qu'il considérait ne rien devoir à l'hospice, dans la mesure où il n'avait perçu aucune prestation indûment et avait été de bonne foi.

À l'appui de son recours, il produisait notamment :

-          une attestation d'une entreprise genevoise indiquant que M. A______ avait travaillé pour elle du 5 octobre 2007 au 15 février 2008 ;

-          un « certificat de libre-engagement » d'Adecco à Meyrin, attestant que M. A______ avait travaillé de manière temporaire pour cette société du 18 août 2008 au 22 juin 2009 en qualité de manutentionnaire ;

-          une attestation de l'entreprise de travail temporaire N______ indiquant que M. A______ avait travaillé pour celle-ci du 18 juillet au 15 août 2013 ;

-          plusieurs attestations d'organismes concernant des formations suivies par M. A______ du 24 février au 12 juin 2009, du 25 au 28 mars 2013, du 8 au 12 avril 2013, le 22 mai 2013 ;

-          une attestation signée par Mme B______ le 27 octobre 2016 à Paris, indiquant que M. A______ avait vécu avec elle et leurs enfants dans leur logement sis rue C______ à Genève, du 20 avril 2009 au 24 octobre 2013, date de son départ de Suisse ;

-          des certificats de vaccination de ses enfants ;

-          deux certificats médicaux datés des 1er décembre 2010 et 11 janvier 2011 et une ordonnance médicale datée du 23 novembre 2010.

31. Par décision du 28 juin 2018 (AC/1856/2018), la présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique de M. A______ au motif que les chances de succès de son recours étaient extrêmement faibles, voire nulles, vu les éléments figurant au dossier.

32. L'hospice a conclu au rejet de la requête d'instruction et du recours.

Toutes les pièces utiles à l'établissement des faits avaient été produites. Il n'apparaissait pas que les auditions demandées apporteraient des éléments supplémentaires, d'autant plus que M. A______ ne sollicitait pas l'audition de son prétendu cousin.

Compte tenu du statut de M. A______, il fallait appliquer les Directives cantonales en matière de prestations d’aide sociale et financière aux requérants d’asile et statuts assimilés (ci-après : les Directives cantonales), dont la dernière version, annulant et remplaçant les précédentes, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, la LIASI s'appliquant à titre supplétif. L'art. 16 de ces directives prévoyait que les décisions sur opposition devaient être rendues dans un délai raisonnable, sans fixer un nombre de jours. En toutes hypothèses, le délai prévu à l'art. 51 al. 2 LIASI n'était qu'un délai d'ordre. La décision sur opposition ne pouvait donc être considérée comme nulle. Cela étant, M. A______ contestait uniquement les motifs ayant conduit à supprimer l'aide financière et non le principe même de l'arrêt de l'aide et la décision de demande de remboursement n'était pas exécutoire, de sorte que ses intérêts n'étaient pas péjorés et que la situation ne présentait pas un caractère particulièrement urgent.

Quant à la violation des art. 12 Cst., 80 al. 1 et 83 al. 1 LAsi et 36 LIASI, les griefs de M. A______ étant dans une large mesure identiques à ceux de son opposition, l'hospice se référait à ses précédents développements. Au surplus, M. A______ était séparé de Mme B______ depuis février 2010, cette dernière ayant alors indiqué qu'il vivait en France, ce qui laissait douter de la crédibilité de l'attestation fournie par M. A______ à ce sujet. Le fait qu'il avait suivi des formations et travaillé à Genève ne l'empêchait pas d'avoir une adresse en France, de percevoir des prestations dans ce pays et d'y avoir un véhicule. Les documents qu'il produisait indiquaient qu'il avait suivi l'équivalent de quinze jours de cours théoriques et quinze jours de stage sur une période de près de quatre mois en 2009, ainsi qu'un total de neuf jours de cours de mars à mai 2013. Son stage auprès d'I______ concernait une période durant laquelle il n'était plus aidé financièrement par l'hospice. Lorsque M. A______ avait été hébergé au CHC du mois d'août 2007 à mi-avril 2009, il n'avait eu que cinq entretiens avec son assistante sociale. M. A______ prétendait avoir toujours collaboré avec l'hospice alors qu'il était établi qu'il avait sous-loué à des tiers non autorisés le logement qui avait été mis à sa disposition. L'analyse des relevés de compte de M. A______ pour la période du 1er janvier 2011 au 30 mai 2016 laissait apparaître peu de mouvements. L'accès à son dossier social ne lui avait jamais été refusé, il n'en avait simplement pas fait la demande.

Depuis le mois de février 2010, le calcul des prestations d'aide financière de M. A______ ne comprenait que son entretien. Concernant la période antérieure, lorsqu'une personne vivait en couple, c'était ce dernier qui bénéficiait de l'aide financière, sans possibilité de dissocier l'aide pour chaque conjoint/concubin. Dans la mesure où M. A______ et Mme B______ avaient sollicité ensemble des prestations d'aide financière de l'hospice en août 2007, qu'ils faisaient ménage commun et avaient signé conjointement le document « Mon engagement », l'hospice leur avait versé des prestations pour l'ensemble de leur groupe familial. Pour la période antérieure à février 2010, M. A______ assumait ainsi conjointement et solidairement le remboursement des prestations indûment touchées pour sa famille durant la période où il faisait vie commune avec Mme B______.

Concernant les griefs portant sur la motivation des décisions des 30 juin et 7 juillet 2016 et la demande de remise de M. A______, l'hospice renvoyait à sa décision sur opposition du 23 mai 2018, en maintenant sa position. M. A______ n'ayant produit aucune pièce relative à sa situation financière, il ne prouvait pas en quoi le remboursement de la somme de CHF 116'895.65 le placerait dans une situation financière précaire.

33. M. A______ a répliqué en persistant dans ses conclusions et ses précédents développements.

Les versements sur son compte des offices cantonaux des véhicules zurichois et genevois concernaient l'achat d'un véhicule pour un tiers.

34. M. A______ ne s'étant pas présenté aux deux audiences de comparution personnelle des parties convoquées les 19 novembre et 10 décembre 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LIASI).

2. Selon l’art. 69 al. 1 LPA, la juridiction administrative chargée de statuer sur un recours est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent.

La chambre de céans ne peut donc statuer ultra petita (ATA/321/2016 du 19 avril 2016).

3. En règle générale, des conclusions constatatoires sont irrecevables lorsque leur auteur n’a pas d’intérêt pratique à leur admission. Il en va notamment ainsi lorsque la partie recourante aurait pu prendre des conclusions à caractère condamnatoire. En vertu du principe de subsidiarité, une décision en constatation ne sera prise qu’en cas d’impossibilité pour la partie concernée d’obtenir une décision formatrice (ATF 142 III 364 consid. 1.2 ; ATA/293/2016 du 5 avril 2016 consid. 6 ; ATA/88/2013 du 18 février 2013).

L’interdiction du formalisme excessif commande certes de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions et de les interpréter, cas échéant, à la lumière de la motivation (ATF 142 III précité). Toutefois, on doit s’attendre à ce qu’un recourant qui n’agit pas en personne mais est assisté d’un mandataire professionnel qualifié, soit en mesure de formuler devant la juridiction cantonale des conclusions conformes aux exigences légales et jurisprudentielles, ne serait-ce qu’à l’encontre du jugement attaqué.

En l'espèce, le recourant a formulé principalement des conclusions constatatoires. Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il a conclu à l'annulation de la décision sur opposition de l'intimé du 23 mai 2018. Bien qu'il fût alors représenté par un mandataire professionnellement qualifié, son recours sera déclaré comme recevable dans la mesure où il a malgré tout pris une conclusion formatrice, fût-ce subsidiairement.

4. À titre préalable, le recourant sollicite la comparution personnelle des parties et l'audition de témoins.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/1111/2017 du 18 juillet 2017 consid. 2a). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'occurrence, le recourant a requis une comparution personnelle des parties, de même que l'audition de témoins. Convoqué par deux fois, il ne s'est ni présenté devant la chambre de céans ni excusé. Bien que ce seul comportement suffise à écarter sa requête d'instruction, malgré la tentative d'y donner suite, la chambre administrative est en possession d’un dossier complet qui lui permet de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Partant, il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction complémentaires.

5. En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

6. Dans un premier grief, le recourant fait valoir que la décision sur opposition du 23 mai 2018 serait nulle pour avoir été rendue dans un délai dépassant celui prévu par l'art. 51 al. 2 LIASI.

a. Selon l’art. 51 al. 2 LIASI, les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai de soixante jours. Il s’agit d’un délai d’ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l’admission de l’opposition au fond, en cas de non-respect de ce délai (ATA/299/2012 du 15 mai 2012 consid. 6 ; ATA/300/2012 du 15 mai 2012 consid. 6 ; ATA/669/2010 du 28 septembre 2010 consid. 3).

b. In casu, il est vrai qu'en statuant le 23 mai 2018 sur une opposition adressée le 11 août 2016, l'intimé a particulièrement tardé à rendre sa décision. Un délai de près d'un an et neuf mois pour rendre une décision ne saurait être considéré comme un délai raisonnable au sens de l'art. 16 des Directives cantonales. Cependant, le recourant, alors représenté par un avocat, n'allègue pas avoir mis en demeure l'intimé, afin que le litige soit tranché. Il ne relève pas davantage un quelconque inconvénient pouvant résulter de cette situation.

Par conséquent, le retard accusé dans le traitement de son opposition n’emporte ni la nullité ni l’annulation de la décision querellée.

7. Subsidiairement, le recourant demande l'annulation de la décision sur opposition du 23 mai 2018 au motif que celle-ci serait fondée sur des faits inexacts dans la mesure où, contrairement à ce que l'intimé a retenu, son cousin et lui seraient deux personnes distinctes. Il n'aurait ainsi perçu aucune prestation d'aide sociale et financière en France, mais uniquement en Suisse, conformément aux conditions posées à cette fin.

a. Le recourant est titulaire d’un permis F, au bénéfice d’une admission provisoire au sens des art. 83 ss de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) depuis le 14 juillet 2010.

b. À teneur de l’art. 86 al. 1 LEtr, les cantons règlent la fixation et le versement de l’aide sociale et de l’aide d’urgence destinées aux personnes admises provisoirement. Les art. 80a à 84 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998
(LAsi - RS 142.31) imposant aux cantons une obligation de fournir des prestations d’aide sociale et d’aide d’urgence aux requérants d’asile ou statuts assimilés sont applicables. S’agissant de l’aide sociale, les réfugiés admis provisoirement sont soumis aux mêmes dispositions que les réfugiés auxquels la Suisse a accordé l’asile.

c. Dans le canton de Genève, les personnes admises à titre provisoire ont droit aux prestations d’aide financière prévues par la LIASI, conformément à l’art. 11 al. 1 et 2 de cette loi, qui concrétise l'art. 12 Cst. (ATA/1307/2018 du 5 décembre 2018 consid. 3b).

d. D’une manière générale, le bénéficiaire des prestations sociales est soumis à une obligation de collaborer avec l’hospice (art. 3, 32 et 33 LIASI).

Il est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 4c).

e. Dans ce contexte, le département de la solidarité et de l’emploi, devenu depuis lors le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, a édicté les Directives cantonales précitées.

Celles-ci sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l’exécution d’une tâche publique et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. La directive en cause est toutefois une directive interprétative qui exerce un effet sur la situation des tiers. L’ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d’ordre technique ; il s’en écartera cependant s’il considère que l’interprétation qu’elle donne n’est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/668/2015 du 23 juin 2015 consid. 4b ; ATA/306/2010 du 4 mai 2010 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2011, p. 420 ss § 2.8.3).

Selon ces directives, l’hospice est chargé des tâches d’assistance incombant au canton en vertu de la législation fédérale sur l’asile (art. 1 Directives cantonales). Les bénéficiaires des prestations sont notamment les personnes au bénéfice d’une admission provisoire disposant d’un droit de séjour sur le territoire genevois en vertu de la LAsi et de la LEtr, dans les limites de validité de leur permis F (art. 3 Directives cantonales). Les prestations sont délivrées soit en nature, soit en espèces, proportionnellement aux ressources du bénéficiaire et de son groupe familial, les prestations remises en nature pouvant leur être facturées (art. 6 Directives cantonales). Une suppression de toutes les prestations est décidée dans des situations de refus de se soumettre à l’enquête ou en cas extrêmement grave. La suppression de toutes les prestations d’aide financière englobe en principe la suppression du droit au logement et aux frais de santé. Le principe de proportionnalité s’applique pour déterminer la durée de la suppression des prestations d’aide financière (art. 12.2 Directives cantonales). Dans les cas extrêmement graves, la décision de suppression de toutes les prestations du bénéficiaire majeur à sanctionner est signifiée par écrit avec la mention des voies de droit. Le bénéficiaire à sanctionner doit être préalablement entendu sur les faits. Vu le caractère exceptionnel de cette décision, elle doit être validée au préalable par la Direction de l’AMIG de l’hospice (art. 12.2.2 Directives cantonales).

f. En l'occurrence, contrairement aux allégations du recourant, divers éléments du dossier démontrent que M. E______ et lui ne forment qu'une seule et même personne.

Tout d'abord, le recourant est connu de l'ODM pour avoir plusieurs alias, dont celui de M. E______, né le ______ 1972, fait partie. Cette information est confirmée par le fait que ses empreintes digitales sont identiques à celles d'un individu portant ce même nom. À cet égard, les explications du recourant quant au fait que son prétendu cousin, dont la preuve de l'existence n'a aucunement été apportée, aurait repris son propre dossier de demande d'asile, rejetée le 8 mars 2008, apparaissent invraisemblables. Il est en effet peu probable qu'une tierce personne ait pu s'attribuer son dossier sans fournir aucun renseignement aux autorités françaises. À cela s'ajoute que la photographie du récépissé de demande de carte de séjour française établie le 15 septembre 2009, soit postérieurement à la prétendue période de reprise du dossier d'asile du recourant par son cousin en 2008 au nom de M. E______, et celle de son permis F correspondent à la même personne. Le recourant n'explique pas pour quelles raisons il aurait déposé, à intervalle proche, une demande en France sous un faux nom et une autre en Suisse sous son vrai nom. L'assistante sociale a confirmé qu'il s'était toujours présenté seul aux convocations après l'ouverture de l'enquête au mois de mars 2016.

En outre, l'absence du recourant aux divers contrôles effectués au domicile qu'il avait déclaré avoir à Genève, malgré le fait que ceux-ci aient été effectués à des heures différentes de la journée, associée aux déclarations de la locataire de l'appartement concerné, indiquent manifestement que celui-ci n'y logeait que très occasionnellement, voire s'en servait uniquement comme boîte aux lettres. Il ne le conteste d'ailleurs pas. De plus, l'attestation de Mme B______ du 27 octobre 2016 doit être relativisée compte tenu des circonstances dans lesquelles celle-ci a été établie, soit postérieurement aux décisions des 30 juin et 25 juillet 2016 de l'AMIG, tandis qu'en février 2010, soit peu de temps après que le recourant eut retiré sa demande d'asile auprès de l'ODM, elle avait indiqué qu'il ne logeait plus au même endroit que sa famille, vivant « probablement en France avec sa copine ». La production des copies des carnets de vaccination des enfants du couple ne sont d'aucun secours au recourant puisque ces documents ne démontrent aucunement qu'il se serait personnellement occupé de sa progéniture. Alors qu'aucun domicile fixe en Suisse et à Genève n'a pu être déterminé pour le recourant, celui-ci a été reconnu à deux reprises aux adresses déclarées en France.

S'agissant des diverses fiches de salaire et attestations de formations versées à la procédure par le recourant, force est de constater que celles-ci s'inscrivent dans une chronologie logique, compatible avec l'exercice parallèle de différentes activités. En particulier, il ressort des fiches de salaires concernant des emplois en France qu'en général, ceux-ci se succèdent. Pour ceux qui se chevaucheraient sur quelques jours, leur occupation simultanée semble parfaitement plausible dans la mesure où il s'agit de postes à temps partiel situés à proximité géographique de Genève, soit à Gaillard et à Lyon. Tandis que les adresses figurant sur les fiches de salaire pour des emplois à Cergy et à Lyon visent un domicile chez une tierce personne, celles de l'entreprise à Gaillard visent une adresse à Valleiry, à laquelle le recourant a été aperçu. À cela s'ajoute que le recourant n'indique pas avoir exercé une quelconque activité lucrative en Suisse entre le 1er mars et le 30 septembre 2012. Au contraire, les fiches de salaires produites pour des emplois auprès d'entreprises sises à Genève concernent les périodes du 5 octobre 2007 au 15 février 2008, du 18 août 2008 au 22 juin 2009 et du 18 juillet au 15 août 2013. Ces activités ne l'ont d'ailleurs pas empêché de suivre également quelques brèves formations comme le démontrent ses attestations.

Finalement, on ne voit pas en quoi le fait d'habiter à Valleiry, village proche de la frontière avec Genève, l'aurait empêché de venir se faire soigner en Suisse, ce d'autant que, de par les prestations d'aide sociale et financière reçues de l'intimé, il bénéficiait d'une couverture d'assurance maladie et accident en Suisse. Compte tenu de ses antécédents, il ne peut davantage être raisonnablement retenu qu'il aurait toujours pleinement satisfait à son obligation de collaborer à l'égard de l'intimé.

Au vu de ces considérations, il convient de retenir, avec l'intimé, que le recourant lui a dissimulé des informations essentielles à la détermination de son droit à percevoir des prestations d'aide sociale et financière.

Ce grief doit donc également être écarté.

8. Finalement, le recourant conclut à une remise totale du montant de CHF 116'895.65 réclamé en remboursement de la totalité des prestations d'aide sociale et financière versées entre le 28 août 2007 et le 30 juin 2016.

a. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

b. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 consid. 5b).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014). Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014).

Seul le bénéficiaire qui était de bonne foi peut se prévaloir de ce que le remboursement, total ou partiel, pourrait le mettre dans une situation difficile et ainsi ne pas être tenu audit remboursement (art. 42 LIASI).

c. Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) se compose traditionnellement des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés –, et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et sur le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 130 II 425 consid. 5.2 ; 128 II 292 consid. 5.1 ; 125 I 474 consid. 3).

d. Selon l’art. 146 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Selon la jurisprudence, un bénéficiaire de prestations d’assurances sociales, qui fournit sciemment de fausses indications et tait des éléments pertinents pour l’octroi de prestations, commet une tromperie, qui doit être qualifiée d’astucieuse lorsque l’assureur ne dispose d’aucun élément propre à éveiller ses soupçons (ATF 121 IV 353 consid. 2b ; 120 IV 98 consid. 2c ; 117 IV 130 consid. 2a ; ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2g).

Depuis l’introduction de l’art. 148a CP, le 1er janvier 2017, est punissable l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale même en l’absence d’astuce (FF 2013 5373 ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON et alii Code pénal, petit commentaire, 2ème éd., n. 3 ad art. 148a).

e. En l’espèce, le recourant, en signant les formulaires de demande de prestations, a attesté de ce que les informations qu’il avait fournies étaient exactes et complètes. Par sa signature réitérée du document intitulé « Mon engagement », le recourant s’est, en outre, engagé à signaler immédiatement et spontanément à l’hospice toute modification dans sa situation financière.

Or, il résulte de ce qui précède qu'il a volontairement dissimulé à l'intimé, dans son propre intérêt, qu’il avait également déposé une demande d’asile en France et bénéficiait des prestations d'aide sociale et financière simultanément en France et en Suisse.

Les circonstances du cas d’espèce ne permettent pas de retenir la bonne foi du recourant, ce d’autant moins qu’à chaque nouvelle demande de prestations, il a déclaré que les informations données étaient complètes et correctes et qu’il s’est expressément engagé à informer l’intimé sans retard de tout changement, notamment, de sa situation financière. Le fait qu'il avait déclaré uniquement certaines de ses activités en Suisse n'était pas suffisant pour satisfaire à l'obligation à laquelle il était tenu. À juste titre, l’hospice a ainsi considéré la faute de recourant comme grave.

Ce dernier conteste la quotité du montant réclamé, qui porte sur l’ensemble des prestations versées durant les neuf ans précédant l'enquête sur sa situation.

À cet égard, la CAF a indiqué avoir versé à M. E______, alias le recourant, des prestations d'aide sociale et financière à compter du mois de mars 2009. Autrement dit, du mois d'août 2007 au mois de mars 2009, le recourant n'aurait reçu de telles prestations que de la part de l'intimé. Durant cette période précise, il n'est donc pas établi qu'il aurait dissimulé des éléments financiers à l'intimé.

Partant, il y a lieu d’admettre partiellement le recours et de renvoyer la cause à l’intimé afin qu’il détermine le montant à rembourser par le recourant en ne tenant compte que des prestations d'aide sociale et financière qu’il a versées à compter de mars 2009. Cette issue rend superflu l’examen de l’éventuelle prescription de la créance en remboursement.

9. Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, qui y a conclu et a été assisté d’un avocat pour la rédaction de son recours (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 juin 2018 par Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 23 mai 2018 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

confirme la décision sur opposition du 23 mai 2018 de l'Hospice général en tant qu'elle confirme les décisions des 30 juin 2016 et 7 juillet 2016 de l'AMIG ;

annule la décision sur opposition du 23 mai 2018 de l'Hospice général en tant qu'elle confirme la décision du 25 juillet 2016 de l'AMIG ;

renvoie la cause à l’Hospice général pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de
CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :