Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/681/2025 du 23.06.2025 ( FORMA ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1740/2025-FORMA ATA/681/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 23 juin 2025 sur mesures provisionnelles
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dans la cause
A______, enfant mineur, agissant par ses parents B______ et C______ recourant
représenté par Me Cécile Bocco, avocate
contre
SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNETÉ intimé
Attendu, en fait, que :
1. A______ (ci-après : l'élève), né le ______2008, est scolarisé au sein du collège D______, où il termine sa deuxième année de collège.
2. Il a été admis au sein du dispositif sport-art-études (ci-après : le dispositif), dans la discipline du triathlon, pour l'année scolaire 2020/2021 ; il y a été maintenu pour les années scolaires 2021/2022, 2022/2023, 2023/2024 et 2024/2025, ayant satisfait, pour chacune de ces années scolaires, aux critères prévus pour son degré de scolarité et sa catégorie d'âge pour l'activité sportive pratiquée, soit le triathlon.
3. Le 17 février 2025, l'élève a déposé une demande d'admission ou de maintien dans le dispositif dans la discipline de la natation. Se référant à un récent entretien téléphonique avec le service écoles et sport, art, citoyenneté (ci-après : le SESAC), il y indiquait avoir échoué, pour 21 centièmes de seconde, à obtenir les onze points « RUDOLPH » normalement nécessaires pour une admission au sein du dispositif pour la natation, ce en raison d'une blessure à l'épaule droite. Il a par la suite produit divers certificats médicaux confirmant tant l'existence d'une pathologie à l'épaule droite que ses conséquences négatives sur l'exercice de son activité sportive. Sur demande du SESAC, il a par ailleurs délié ses médecins traitant de leur secret médical.
4. Par lettre du 17 mars 2025, le SESAC a indiqué aux parents de l'élève que le niveau requis pour une admission au sein du dispositif n'était pas atteint : celui-ci n'avait en effet pas obtenu les onze points « RUDOLPH » (bassin de 50 m) requis. Une admission sous dérogation n'était pas possible dès lors qu'il avait changé de discipline sportive, passant du triathlon à la natation. Ils étaient invités à se déterminer, après quoi une décision leur serait notifiée.
5. Par courriel du 28 mars 2025, les parents de l'élève ont demandé que les certificats médicaux produits, et donc la blessure subie, soient pris en compte. Ce dernier avait facilement obtenu les performances requises, tant en triathlon qu'en natation, les deux dernières années.
6. Par décision du 2 avril 2025, le SESAC a formellement constaté que les critères d'admission au sein du dispositif pour l'année scolaire 2025/2026 n'étaient pas remplis.
L'élève ayant changé de discipline sportive, sa demande devait être examinée sous l'angle des critères d'admission applicables à la natation soit, pour son degré de scolarité et sa catégorie d'âge, l'obtention, entre le 25 février 2024 et le 19 février 2025, de onze points « RUDOLPH » en bassin de 50 m. Ces critères n'avaient cependant pu être atteints en l'espèce.
7. Le 19 mai 2025, l'élève, agissant par ses parents, a formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours contre cette décision, concluant, sur le fond, à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'il devait être admis à titre provisoire au sein du dispositif et, sur mesures provisionnelles, à la restitution de l'effet suspensif.
Les faits avaient été appréciés de manière inexacte ou à tout le moins incomplète, le SESAC n'ayant pas tenu compte des certificats médicaux produits, lesquels confirmaient qu’il avait subi une blessure affectant ses résultats sportifs. L'autorité intimée avait abusé de son pouvoir d'appréciation et mal appliqué l'art. 8 al. 1 du règlement sur le dispositif sport-art-études (RSDAE - C 1 10.32), dès lors que cette disposition, dans sa teneur applicable à sa demande, permettait en cas de blessure une dérogation aux critères d'admission en faveur des élèves déjà intégrés au dispositif, ce qui était son cas. Le principe de la bonne foi avait été violé, le SESAC ayant confirmé par téléphone à son père, avant le dépôt de la demande, qu’il pourrait bénéficier d'une admission provisoire au sein du dispositif, et ayant demandé, après réception de la demande, la levée du secret médical.
Dès lors qu’il était déjà intégré au dispositif, la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/721/2024 consid. 11) lui permettait, même en cas de décision négative, de solliciter la restitution de l'effet suspensif. À cet égard, et compte tenu de la durée prévisible de la procédure de recours, son intérêt privé à éviter une interruption de son maintien, à titre provisoire, au sein du dispositif l'emportait sur l'intérêt public. Dans la mesure où les chances de succès du recours paraissaient bonnes, il convenait de restituer l'effet suspensif.
8. Le 6 juin 2025, la direction des affaires juridiques du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département) a conclu au rejet de la requête, que celle-ci doive être qualifiée de demande de restitution de l'effet suspensif ou de mesures provisionnelles.
Ayant changé de discipline sportive, et donc n'ayant jamais rempli les critères relatifs à sa nouvelle discipline, le recourant ne disposait d'aucun droit à être maintenu dans le dispositif, même à titre provisoire. La restitution de l'effet suspensif reviendrait à lui accorder ce qu'il demandait sur le fond.
9. Par courrier du 17 juin 2025, le recourant a persisté dans son argumentation et ses conclusions, après quoi la cause a été gardée à juger sur restitution de l'effet suspensif et mesures provisionnelles.
Considérant, en droit, que :
1. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice‑présidente de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
2. La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt final de la chambre de céans.
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
4. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).
5. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253‑420, 265).
6. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).
7. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
8. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).
9. L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est en effet de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Dès lors, si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; ATA/1205/2018 du 12 novembre 2018 consid. 7a ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4).
Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit ; que, dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 3 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. Elle ne peut en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée, si bien que, dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/375/2023 du 14 avril 2023).
10. Selon le RSDAE (art. 2), le dispositif a pour but de permettre aux élèves à haut potentiel sportif ou artistique de bénéficier d'un allègement ou d'un aménagement de l'horaire ou du parcours scolaire ou de formation professionnelle. Son accès est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline sportive individuelle, la musique ou la danse (art. 3 al. 1 et 2 RSPAE).
La liste des critères sportifs et artistiques permettant l'admission dans le dispositif et la date limite de dépôt des inscriptions sont publiées chaque année sur le site internet du département (art. 3 al. 3 RSDAE). Les critères sportifs ou artistiques d'admission dans le dispositif doivent être atteints au plus tard à cette date, les résultats obtenus postérieurement n'étant, sauf exceptions prévues dans la liste des critères, pas pris en compte (art. 7 al. 2 RSDAE).
L'admission dans le dispositif ne peut être demandée que pour une seule discipline (art. 7 al. 4 RSDAE). Une décision d'admission n'est valable que pour une année scolaire, une nouvelle demande devant le cas échéant être déposée pour l'année suivante (art. 7 al. 3 RSDAE). Dans sa version modifiée le 27 novembre 2024, entrée en vigueur le 4 décembre 2024, le RSDAE ne connaît donc plus la notion de « maintien » au sein du dispositif.
À réception d'une demande d'admission, le SESAC évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission et notifie aux parents ou à l'élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RSDAE).
Sous l'intitulé « Dérogation en cas de blessure ou de maladie », l'art. 8 RSDAE, dans sa teneur modifiée entrée en vigueur le 4 décembre 2024, prévoit que l'élève déjà intégré au dispositif et n'ayant pas rempli les critères d'admission pour la nouvelle année à la date limite de dépôt des inscriptions, en raison d'une blessure ou d'une maladie affectant ses capacités sportives ou artistiques, peut, sur demande motivée accompagnée d'un certificat médical, être admis dans le dispositif pour la nouvelle année scolaire (al. 1); l'admission dérogatoire est confirmée sous condition de la remise, au 5 août précédant la rentrée scolaire, d'un certificat médical et d'une attestation des responsables de l'organisme sportif ou artistique concerné, certifiant que l'élève a pleinement repris son activité sportive ou artistique (al. 2).
11. La décision contestée consiste en un refus d'admission au sein du dispositif pour l'année scolaire 2025/2026. Il s'agit donc d'une décision négative, pour laquelle un éventuelle restitution de l'effet suspensif ne pourrait entrer en considération que si le recourant pouvait se réclamer du maintien d'un statut légal. Tel ne semble à première vue pas être le cas en l'espèce dès lors qu'il clairement de l'art. 7 al. 4 RSDAE, dans sa teneur en vigueur à compter du 4 décembre 2024, que l'admission au sein du dispositif n'est valable que pour une année scolaire et qu'une nouvelle demande d'admission doit être présentée chaque année. La version actuelle du RSDAE ne comporte plus le terme de « maintien » au sein du dispositif, contrairement à ce qui était le cas lors du prononcé de l'arrêt ATA/721/2024 dans lequel, dans une situation similaire, la chambre administrative avait admis la possibilité pour un élève admis depuis plusieurs années au sein du dispositif de demander la restitution de l'effet suspensif.
La question revêt quoi qu'il en soit un caractère académique, la chambre administrative ayant en tout état la possibilité de prononcer d'autres mesures provisionnelles aux conditions rappelées ci-dessus.
12. Le recourant invoque en l'espèce son intérêt privé à éviter, en cas d'admission du recours, l’éventuelle interruption de son maintien dans le dispositif pendant la durée de la procédure. Or, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/721/2024 précité et références citées), cet intérêt privé doit céder le pas à l'intérêt public de l'intimé à ce que ne soient admis dans le dispositif que les élèves en remplissant les conditions. Cet intérêt public est également important au regard du principe de l'égalité de traitement entre étudiants.
Pour le surplus, les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas à tel point évidentes qu'il conviendrait d’octroyer la mesure sollicitée. La requête de mesures provisionnelles sera, partant, rejetée.
13. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette la demande de mesures provisionnelles ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :
- par la voie du recours en matière de droit public ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique la présente décision à Me Cécile BOCCO, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
| Le président :
C. MASCOTTO |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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