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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3557/2023

ATA/641/2025 du 10.06.2025 sur JTAPI/729/2024 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : AVANCE DE FRAIS;DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ;PROLONGATION DU DÉLAI;FORMALISME EXCESSIF
Normes : Cst.29; LPA.86
Résumé : Le TAPI a fait preuve de formalisme excessif en déclarant irrecevable un recours pour non-paiement de l'avance de frais alors que la recourante avait demandé une prolongation du délai de paiement, laquelle lui avait été refusée sans motifs.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3557/2023-PE ATA/641/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2024 (JTAPI/729/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1992, ressortissante espagnole, a bénéficié à partir du 1er mars 2019 d'une autorisation de séjour avec activité lucrative. Auparavant, elle séjournait à Genève depuis le 17 mars 2016, au bénéfice de plusieurs autorisations de courte durée.

b. Par décision du 27 septembre 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler son autorisation de séjour et a prononcé son renvoi.

Elle n'exerçait plus d'activité lucrative salariée depuis le mois de janvier 2021 et ne pouvait pas se voir attribuer une autorisation de recherche d'emploi, les délais étant dépassés. De plus, elle émargeait au budget de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis le 1er janvier 2021, pour un montant de plus de CHF 79'000.-.

B. a. Par acte du 30 octobre 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

b. Par lettre datée du 1er novembre 2023, envoyée sous pli recommandé, le TAPI a imparti à A______ un délai échéant le 1er décembre 2023 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité, lui indiquant qu'il lui était possible de solliciter l'assistance juridique, ce qu'elle a fait.

c. Par décision du 15 décembre 2023, la présidence du Tribunal civil a rejeté la demande d'assistance juridique.

d. Par lettre datée du 12 avril 2024, envoyée sous pli recommandé, le TAPI a imparti à A______ un délai échéant le 29 avril 2024 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité, à la suite du refus d’octroi de l’assistance juridique par l'autorité compétente.

e. A______ ayant recouru contre la décision de refus d’octroi de l’assistance juridique, le TAPI a annulé sa demande d’avance de frais.

f. Par arrêt du 20 mars 2024, la présidence de la cour civile de la Cour de justice (ci-après : la cour civile) a confirmé le refus d’assistance juridique.

g. Par arrêt du 22 avril 2024 (2C_231/24), le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par A______ contre l’arrêt de la cour civile.

h. Par lettre datée du 28 juin 2024, envoyée sous pli recommandé, le TAPI a imparti à A______ un délai venant à échéance le 15 juillet 2024 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours.

Selon le système du suivi des envois de la Poste, cette lettre recommandée a été distribuée à A______ le 8 juillet 2024.

i. Par courrier daté du 9 juillet 2024, posté le 10 juillet 2024 et reçu par le TAPI le 11 juillet 2024, A______ a sollicité la prolongation du délai de paiement d'un mois au minimum.

j. Par lettre du 11 juillet 2024 envoyée sous pli simple et recommandé, le TAPI a rejeté sa demande, sans indiquer de motifs.

Selon le suivi des envois de la Poste, cette lettre recommandée a été distribuée à A______ le 15 juillet 2024, soit le jour de l'échéance du délai.

k. Le 16 juillet 2024, A______ a remis spontanément au guichet du TAPI la preuve de la transaction bancaire relative au paiement de l'avance de frais mentionnant la date du mardi 16 juillet 2024 comme date d'exécution.

l. Le 22 juillet 2024, A______ a demandé au TAPI de bien vouloir considérer son paiement de l'avance de frais comme reçu à la date correcte et recevable, en raison des difficultés qu'elle avait rencontrées pour rassembler la somme nécessaire.

m. Le 24 juillet 2024, la recourante a transmis des observations complémentaires.

n. Par jugement du 24 juillet 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La demande de paiement de l’avance de frais avait été correctement acheminée, par courrier recommandé du 28 juin 2024, à l’adresse de A______ et avait été reçue par cette dernière le 8 juillet 2024. Ce courrier précisait qu'en cas de non‑paiement de l'avance de frais dans le délai imparti, soit au 15 juillet 2024, le recours serait déclaré irrecevable.

A______ avait transmis un reçu de la transaction bancaire de son compte bancaire mentionnant la date du 16 juillet 2024 comme date d'exécution concernant le paiement de l'avance de frais. L'avance de frais n'avait donc pas été effectuée dans le délai imparti, ce que A______ admettait au surplus dans son courrier du 22 juillet 2024.

Le fait d'avoir sollicité une prolongation du délai le 9 juillet 2024, dont la réponse négative n'avait été reçue que le 15 juillet 2024, soit le dernier jour du délai, n'y changeait rien ; A______ aurait dû prendre toutes les précautions nécessaires pour que le paiement intervienne à temps dans l'hypothèse où elle n'obtiendrait pas de réponse positive avant l'échéance du délai. Rien ne permettait de retenir que A______ eût été victime d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé, étant souligné qu'il lui appartenait de donner l'ordre de paiement à sa banque dans un délai suffisamment large pour être certaine que son compte soit débité du montant avant l'échéance du délai de paiement.

C. a. Par acte posté le 16 septembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Tout au long de la procédure, elle avait été confrontée à des difficultés financières importantes, si bien qu'il lui avait été impossible de réunir la somme nécessaire pour le paiement de l'avance de frais dans le délai imparti. Elle avait versé cette dernière dès qu'elle avait pu, soit le 16 juillet 2024, un jour après l'échéance du délai. Elle avait également souffert de problèmes de santé mentale et physique en raison de l'impact émotionnel du processus, ce qui ne lui avait pas permis de gérer correctement ses affaires personnelles ou de confier ces responsabilités à une personne de confiance.

Le 9 juillet 2024, elle avait demandé une prolongation du délai pour le paiement de l'avance de frais, mais elle n'avait reçu la réponse négative à cette demande que le 15 juillet 2024, soit le jour de l'échéance. Face à l'urgence, elle s'était rendue immédiatement à la banque pour effectuer le paiement, mais celui-ci n'avait pu être traité que le 16 juillet 2024.

b. Le 7 novembre 2024, l'OCPM s'en est rapporté à justice concernant l'issue du recours.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 17 janvier 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 26 novembre 2024, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le 13 janvier 2025, A______ a persisté dans les termes de son recours.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai échéant le 15 juillet 2024.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1080/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.1).

2.2 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b ; ATA/1080/2024 précité consid. 2.2).

2.3 Le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

2.4 Le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA), ce qui vaut également pour le délai fixé pour s'acquitter de l'avance de frais (voir ATA/568/2025 du 20 mai 2025 consid. 2.5).

2.5 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

2.6 La chambre de céans a déjà jugé que le TAPI avait commis un formalisme excessif dans le cas d'un recourant ayant demandé le report du délai de paiement de l'avance de frais avant l'expiration de ce dernier, en donnant différents motifs et s'étant vu déclarer son recours irrecevable sans que ni la décision de refus ni le jugement d'irrecevabilité permette de comprendre pourquoi le délai n'avait pas été prolongé, fût-ce brièvement (ATA/1333/2024 du 12 novembre 2024).

2.7 En l'espèce, la demande d'avance de frais litigieuse a été émise peu après l'épuisement par la recourante des voies de droit contre le refus de lui octroyer l'assistance judiciaire.

Or, la recourante a, plusieurs jours avant l'échéance du délai imparti, demandé au TAPI la prolongation de celui-ci. Le TAPI a refusé cette prolongation par une décision non motivée, décision reçue par la recourante le jour de l'expiration du délai, soit le lundi 15 juillet 2024, étant rappelé que le délai de paiement était inférieur à 20 jours. La recourante a payé l'avance de frais le lendemain. Le jugement attaqué ne contient non plus aucun motif pour lequel une prolongation de quelques jours du délai de paiement n'était pas envisageable.

Dès lors, comme dans le dernier arrêt cité ci-dessus, le refus non motivé d’accorder ne serait-ce qu’un bref délai complémentaire consacre une application arbitraire de l’art. 16 al. 2 LPA ainsi qu’un formalisme excessif. Le recours sera donc admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée au TAPI pour instruction et nouvelle décision.

3.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). La recourante n'y concluant pas et n'ayant pas exposé de frais pour la défense de ses intérêts, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2024 ;

au fond :

l’admet et annule le jugement précité ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.