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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/314/2024

ATA/669/2024 du 04.06.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/314/2024-AIDSO ATA/669/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______ a été au bénéfice de prestations allouées par l’Hospice général (ci‑après : l’hospice) en vertu de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2020 et du 1er juillet 2021 au 30 novembre 2021.

À ce titre, la somme totale de CHF 302'995.75 lui a été versée.

Du 1er janvier au 30 juin 2021, il n’a pas touché de prestations d’aide financière du fait que les revenus tirés d’une activité temporaire étaient supérieurs au barème applicable.

Il a signé, les 26 juin 2019, 1er septembre 2020 et 6 septembre 2021 le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice
général », par lequel il a notamment pris acte que les prestations d’aide financière étaient subsidiaires à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d’une prestation sociale et s’est notamment engagé à respecter la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), en particulier à communiquer immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique et tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations, ainsi qu’à faire valoir immédiatement les droits auxquels il pouvait prétendre en matière d’assurances sociales, de prestations sociales et découlant du droit privé, et enfin à rembourser à l’hospice toute prestation indûment perçue.

b. Il ressort d’un rapport d’enquête établi le 29 janvier 2020 par le service des enquêtes et conformités (ci-après : SEC), que, entendu le 29 septembre 2019, A______ a déclaré que ses parents étaient propriétaires de deux biens immobiliers en France, soit un à B______ et l’autre à C______, dont il hériterait en tant que fils unique. Il savait qu’à la suite du décès de ses parents il devrait rembourser l’hospice et avait demandé à l’inspecteur de lui en expliquer les modalités. Ce dernier lui avait alors conseillé de s’adresser à son assistante sociale.

c. Lors d’un entretien périodique du 7 février 2020 avec son assistante sociale, A______, qui avait déjà informé l’hospice que sa mère était gravement atteinte dans sa santé, s’est inquiété auprès de celle-là des prétentions de l’hospice à son égard en cas de décès. Elle lui a alors expliqué que toutes les prestations qui lui seraient accordées à compter du décès de sa mère seraient remboursables en tant qu’avances successorales et que si l’héritage était considéré comme important, la totalité des prestations allouées pourrait lui être réclamée, sous déduction d’une franchise. Elle lui a remis, à cette occasion, les articles pertinents de la LIASI.

d. Lors d’un entretien périodique du 6 septembre 2021 avec son assistante sociale, A______ l’a informée du décès de son père en début du mois. Cette dernière lui a alors demandé d’apporter l’acte de décès et les documents concernant la succession et de son éventuelle répudiation.

e. Le 28 octobre 2021, A______ a remis un document signé par ses soins le 26 octobre 2021, aux termes duquel il déclarait accepter la succession de son père.

f. Lors d’un appel de son assistante sociale du 2 novembre 2021, A______ l’a informée qu’il allait toucher un capital de CHF 85'000.- d’une assurance contractée par son père qui l’avait désigné comme bénéficiaire en cas de décès. Il a indiqué que la succession n’était pas encore liquidée et l’assistante sociale l’a prié d’apporter les documents relatifs à l’assurance ainsi que ceux, déjà demandés, concernant la succession. Son attention a été attirée sur le fait que toutes les prestations qui pourraient lui être allouées depuis le décès de son père étaient remboursables.

g. Par courrier du 8 novembre 2021, l’hospice a rappelé à A______ le contenu de l’entretien du 2 novembre 2021 et l’a informé du fait que s’il entrait en possession d’une fortune importante, le remboursement total ou partiel des prestations versées depuis le début de l’aide pourrait lui être réclamé.

h. Par courrier du 8 novembre 2021, A______ a fait parvenir copie d’une lettre du 22 septembre 2021 qui lui avait été adressée par l’assurance selon laquelle le capital lui revenant à la suite du décès de son père était de EUR 85'705.84.

i. Les prestations ont été interrompues le 30 novembre 2021, A______ ayant trouvé un emploi temporaire.

j. A______ ne s’est pas présenté à son entretien périodique du
18 janvier 2022 avec son assistante sociale. Celle-ci lui a donc rappelé par téléphone les termes du courrier du 8 novembre 2021 et qu’il devait impérativement transmettre tous les documents relatifs à la succession de son père.

k. Lors d’un entretien téléphonique du 28 février 2022, A______ a indiqué à son assistante sociale qu’il ne se sentait pas bien, sa mère étant décédée le
22 janvier 2022. Elle lui a rappelé l’obligation de transmettre tous les documents concernant la succession de son père, obligation également valable pour sa mère. A______ a alors déclaré qu’il ne souhaitait pas rembourser l’hospice. Elle lui a alors rappelé qu’il s’agissait d’une obligation.

B. a. Par décision du 11 juillet 2022, l’hospice a réclamé le remboursement de
CHF 302'995.75 correspondant à la totalité des prestations qui avaient été versées à A______, du fait qu’il n’avait pas produit les documents permettant de connaître la composition et l’étendue de la succession de ses parents.

b. A______ a formé une opposition non motivée le 11 août 2022 à l’encontre de cette décision.

c. Par courrier du 18 août 2022, l’hospice a accordé à A______ un délai de 30 jours pour faire parvenir divers documents relatifs aux successions de ses parents, au nombre desquels les déclarations fiscales, les éventuels avis de taxation ainsi que les éventuels testaments et motiver son opposition.

d. Par courrier daté du 18 septembre 2022, A______ a expliqué que la succession n’était pas close et qu’un simple appel aurait suffi pour s’en assurer. Il citait ensuite plusieurs passages d’ouvrages relatifs à la réflexion sur la vie en société. L’hospice était selon lui invalidant et toxique et il avait dû emprunter de l’argent à des proches pour couvrir ses charges. Il avait dû se priver de tout financièrement, alors que son CV laissait clairement voir qu’il avait des ressources. Ses expectatives de retraite étaient misérables et il serait arbitraire de lui demander de céder tout ce que ses parents lui avaient légué. Cela revenait à « jouer à la roulette russe ».

Il a annexé à son courrier l’acte de décès de sa mère.

e. Par courrier du 3 octobre 2022, l’hospice a accusé réception du courrier précédent et relevé que seul un document avait été communiqué parmi tous ceux énumérés dans son précédent courrier du 18 août 2022.

f. Sans retour de la part de A______ dans le délai imparti, l’hospice a rendu, le 20 décembre 2022, une décision sur opposition confirmant la décision de restitution du 11 juillet 2022.

Il découlait du texte clair de l’art. 38 al. 1 LIASI que les prestations allouées à A______ depuis le décès de son père, soit depuis le 1er septembre 2021, étaient remboursables. La seule question à trancher était de savoir si les prestations obtenues avant le décès devaient également être considérées comme remboursables. Or, pour répondre à cette question, il était nécessaire de connaître l’étendue de la succession, ce que A______ avait rendu impossible en refusant, malgré plusieurs requêtes et avertissements, de fournir le moindre document pertinent. Dans ses dernières écritures, il avait d’ailleurs clairement exprimé qu’il n’entendait pas se soumettre à la loi. Au vu de son comportement, qui pouvait être considéré comme de l’obstruction, l’hospice n’avait d’autre choix que de lui réclamer la restitution de la totalité des prestations allouées, en application de l’art. 40 al. 2 LIASI. Cette décision se justifiait d’autant plus que, selon les propres déclarations de l’intéressé, la succession de son père comprenait un bien immobilier.

Le capital versé par l’assurance de EUR 85'705.84 représentait une somme importante au sens des normes édictées par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS), justifiant également l’application de l’art. 40 al. 2 LIASI.

C. a. Par acte du 29 janvier 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision sur opposition précitée, concluant principalement à son annulation et à ce que le montant de la restitution soit réduit à CHF 50'000.-, subsidiairement à ce que l’hospice calcule une quotité équitable du montant en tenant compte d’une franchise de CHF 30'000.-.

Il avait fourni spontanément et de son plein gré les informations relatives au fait qu’il hériterait d’un montant de EUR 85'705.84 et de deux biens immobiliers.

L’hospice lui avait indiqué que seules les prestations accordées dès le décès de sa mère en tant qu’avances successorales lui seraient réclamées et que si l’héritage était considéré important, la totalité des prestations pourrait être réclamée, sous déduction d’une franchise. Or, la décision litigieuse ne tenait pas compte de cette franchise.

Il regrettait sa mauvaise collaboration et remettait en annexe des documents médicaux attestant d’un trouble anxieux et d’une fibromyalgie.

La demande de remboursement était inéquitable et arbitraire et il proposait que la dette soit réduite à CHF 50'000.-. La demande de restitution le condamnerait à demander à nouveau un soutien de la part de l’hospice, ce qu’il voulait à tout prix éviter.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours en rappelant le contenu de sa décision sur opposition.

Il a également relevé que le recourant persistait, à la suite de son recours, à rendre impossible la détermination de la composition de la succession, alors qu’il connaissait parfaitement son obligation de fournir les renseignements lui permettant de fixer le montant à rembourser et qu’à défaut il s’exposait à devoir restituer la totalité des prestations reçues.

Le comportement du recourant relevait de l’obstruction et d’une volonté de cacher la réelle composition de la succession, de sorte qu’il n’avait d’autre choix que de réclamer la restitution de la totalité des prestations reçues.

Les deux certificats joints au recours n’étaient pas de nature à remettre en cause sa position. Ils ne justifiaient pas le refus de remettre les documents nécessaires à l’évaluation de la succession, ni le fait de se contenter de proposer une somme forfaitaire de CHF 50'000.-.

c. Le recourant n’a pas usé de son droit à la réplique.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la demande de l’hospice au recourant de restituer la totalité des prestations financières d’aide sociale reçues de ce dernier, soit le montant de
CHF 302'995.75.

3.             Le recourant allègue que la décision attaquée serait contraire au droit et qu’une franchise de CHF 30'000.- devrait être déduite du montant qu’on lui demande de restituer.

3.1 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/790/2019 du 16 avril 2019 et les références citées). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst- GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

3.2 En droit genevois, la LIASI et le RIASI mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées).

3.3 Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LIASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LIASI.

En contrepartie des prestations auxquelles il a droit, le bénéficiaire s'engage, sous forme de contrat, à participer activement à l'amélioration de sa situation (art. 14 LIASI). Il est tenu de participer activement aux mesures le concernant (art. 20 LIASI), de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI) et de se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 2 LIASI).

3.4 Aux termes de l'art. 38 LIASI, si les prestations d'aide financière prévues par la présente loi ont été accordées dans l'attente de la liquidation d'une succession, du versement d'un capital pour cause de décès par la prévoyance professionnelle ou par une assurance-vie, elles sont remboursables (al. 1). L'hospice demande au bénéficiaire le remboursement des prestations d'aide financière accordées depuis l'ouverture de la succession, dès qu'il peut disposer de sa part dans la succession ou du capital provenant de la prévoyance professionnelle ou d'une assurance-vie (al. 2). Les dispositions qui précèdent s'appliquent également aux prestations accordées dans l'attente de la liquidation du régime matrimonial ou du régime des biens des partenaires enregistrés ; dans ce cas, l'hospice demande le remboursement des prestations d'aide financière accordées depuis l'ouverture de l'action en liquidation du régime, dès que le bénéficiaire peut disposer de sa part de liquidation (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement ; le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 4).

3.5 Selon l'art. 40 LIASI, intitulé « dessaisissement et gains extraordinaires », si des prestations d'aide financière prévues par la LIASI ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortune, les prestations d'aide financière sont remboursables (al. 1). Il en est de même lorsque le bénéficiaire est entré en possession d'une fortune importante, a reçu un don, réalisé un gain de loterie ou d'autres revenus extraordinaires ne provenant pas de son travail, ou encore lorsque l'équité l'exige pour d'autres raisons (al. 2). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 3).

La chambre administrative a eu l'occasion de procéder à une interprétation historique de l'art. 40 al. 2 LIASI à la lumière des travaux préparatoires de la LIASI. Elle a retenu que cette disposition ne pouvait viser le seul remboursement des prestations servies dès l'entrée en possession de la fortune, mais bien aussi des prestations servies auparavant. En l'absence de limite temporelle passée fixée par la loi, on devait retenir que le législateur avait visé l'ensemble des prestations déjà servies, sans limite de temps, mais dans les seules limites de l'équité et de la proportionnalité (ATA/815/2021 du 10 août 2021 consid. 5d ; ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4d ; ATA/508/2016 du 14 juin 2016 consid. 8 et la référence citée). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral.

Une « fortune importante » a été admise dans les cas suivants : un héritage de EUR 163'726.77, dont à déduire la créance de l’hospice de CHF 126'397.45 (ATA/939/2022 du 20 septembre 2022 consid. 91) ; un héritage de CHF 106'976.30 dont à déduire la créance de l’hospice de CHF CHF 48'102.90 (ATA/552/2022 du 24 mai 2022 consid. 7a) ; un héritage de CHF 275'750.-, dont à déduire une créance de l’hospice de CHF 114'813.70 (ATA/26/2021 précité consid. 6) ; un héritage de CHF 495'730.-, dont à déduire la créance de l’hospice en CHF 252'091.90 (ATA/508/2016 précité consid. 10) ; un héritage de CHF 606'000.-, dont à déduire la créance de l’hospice de CHF 26'373.- (ATA/80/2012 du 8 février 2012).

La chambre de céans a confirmé l’obligation de rembourser des prestations d’assistance pour une administrée qui possédait en indivision avec son ex-mari une maison dans laquelle celui-ci habitait avec leurs enfants. Elle avait déclaré refuser de vendre la maison, alors qu’elle disposait de l’action en partage, puis vendu sa part à son ex-mari pour un prix inférieur à la valeur réelle, faisant valoir des dettes jamais évoquées jusque-là (ATA/16/2023 du 10 janvier 2023 consid. 4).

3.6 Il ressort par ailleurs des normes édictées par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : normes CSIAS) et en particulier de la norme E.2.1, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, qu’une situation économique peut être favorable lorsque la personne entre en possession de biens. Dans ces cas, les franchises suivantes sont accordées : CHF 30’000.- pour une personne seule, CHF 50’000.- pour un couple et CHF 15’000.- par enfant mineur. Ces montants laissés à la libre disposition devraient également être appliqués lorsque, après la fin de l’aide, il existe une obligation de rembourser des prestations obtenues antérieurement en raison de l’entrée en possession ultérieure d’une fortune avant l’expiration du délai de prescription défini par le droit cantonal (ATA/508/2016 précité consid. 9 et les références citées).

3.7 Les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière se montent à CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (art. 1 al. 1 RIASI).

3.8 Enfin, la chambre de céans a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'État et donc indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/815/2021 précité consid. 5e ; ATA/26/2021 précité consid. 4f ; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références citées).

3.9  La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a).

Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « Mon engagement » concrétise notamment l'obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l’hospice toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, informe l’hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile.

3.10 La maxime inquisitoire, applicable à la procédure en matière d’aide sociale, ne dispense pas le requérant de l’obligation d’exposer les circonstances déterminantes pour fonder son droit. Son devoir de collaborer ne libère pas l’autorité compétente de son devoir d’établir les faits mais limite son obligation d’instruire, ce qui conduit à un déplacement partiel du fardeau de la preuve du côté des requérants d’aide sociale. Ceux-ci supportent le fardeau objectif de la preuve qu’ils sont en partie ou entièrement tributaires d’une telle aide en raison d’un manque de moyens propres. Le devoir de collaborer ne peut toutefois être soumis à des exigences trop grandes. C’est pourquoi on ne peut exiger des intéressés qu’ils fournissent des documents qu’ils n’ont pas ou qu’ils ne peuvent se procurer sans complication notable. La preuve exigible doit porter sur l’état de besoin. Dès lors, comme c’est le manque de moyens suffisants qui doit être démontré, l’intéressé doit pour ainsi dire prouver un fait négatif. La preuve appropriée consiste donc à démontrer un fait positif dont on peut déduire un fait négatif. Il appartient à l’autorité compétente en matière d’aide sociale d’établir, sur la base de faits positifs (comme la résiliation des rapports de travail, l’évolution de la fortune sur un compte d’épargne, l’état de santé, les obligations familiales), s’il existe un état de nécessité. De son côté, le requérant est tenu de collaborer en ce sens qu’il donne les informations nécessaires et verse les documents requis au dossier. Comme il est naturellement plus aisé de prouver l’avoir que l’absence d’avoir, il y a lieu de poser une limite raisonnable à l’obligation légale d’apporter la preuve, ainsi qu’à l’exigence relative à la présentation d’un dossier complet (arrêts du Tribunal fédéral 8C_702/2015 du 15 juin 2016 consid. 6.2.1 ; 8C_50/2015 du 17 juin 2015 consid. 3.2.1).

3.11 En l’espèce, le recourant ne remet à juste titre pas en cause avoir signé les engagements résumant ses obligations, et notamment son engagement à rembourser toute prestation exigible à teneur des dispositions légales en vigueur. Il soutient toutefois que la demande de restitution serait arbitraire et que c’est à tort que l’autorité n’a pas appliqué la franchise de CHF 30'000.-.

Il ne saurait être suivi.

Conformément à ses obligations, le recourant a annoncé à l’hospice que ses parents étaient propriétaires de deux biens immobiliers sis en France. Lors du décès de son père, il a également indiqué qu’il bénéficierait d’une somme de EUR 85'705.84 venant d’une assurance contractée par ce dernier. Il a également annoncé spontanément le décès de sa mère.

Le recourant est par la suite resté muet concernant l’état de la succession de son père ainsi que de celle de sa mère, malgré les nombreuses demandes à ce sujet de la part de l’intimé. Or, comme relevé par ce dernier, les successions comprenaient notamment des biens immobiliers sis dans des régions proches de Genève. La valeur vénale de ces propriétés devait dès lors être connue afin de déterminer le montant de l’héritage du recourant. Ce dernier n’a également pas informé l’hospice de l’état des comptes de ses parents ou s’il existait des dettes, malgré les demandes répétées de ce dernier. Encore au stade du recours, le recourant ne produit aucune pièce en relation avec la succession de ses parents.

Dans ces conditions, l’intimé ne pouvait calculer le montant exact de la restitution et était fondé à demander la restitution de la totalité des prestations reçues par le recourant, sur la base de l’art. 40 al. 2 LIASI. La franchise de CHF 30'000.- prévue par les normes de la CSIAS correspond à un montant devant être laissé à disposition de la personne tenue à remboursement après remboursement. Sa prise en considération suppose donc que le montant revenant à cette personne soit connu.

Or, dans le cas d’espèce, et en l’absence de tout document ou information précis de la part du recourant sur la substance des successions de ses parents et sur les sommes et actifs devant lui revenir au terme de la liquidation de ses successions, ce en violation de son obligation de collaboration et malgré les nombreuses demandes en ce sens de l’intimé, celui-ci pouvait considérer que ces sommes et actifs, ajoutés à l’assurance-vie de EUR 85'705.84 d’ores et déjà perçue par le recourant, excédaient le montant de quelque CHF 333'000.- correspondant aux prestations remboursables (environ CHF 303'000.-) et à la franchise de CHF 30'000.-. On s’expliquerait mal, dans le cas contraire, pour quelle raison le recourant, bien que ne pouvant ignorer que le montant du patrimoine lui échéant à titre successoral revête une importance primordiale pour juger du bien-fondé de son recours, se serait abstenu devant la chambre administrative encore, de donner la moindre explication ou de fournir la moindre pièce sur ce point.

C’est donc à juste titre que l’autorité intimée a retenu qu’ensuite du décès de ses parents, le recourant était entré en possession d’une fortune importante au sens de l’art. 40 al. 2 LIASI. Partant, c’est à juste titre également qu’elle a demandé le remboursement non seulement des prestations versées depuis le décès du père du recourant (art. 38 al. 1 LIASI) mais également de celles versées auparavant.

Le montant de CHF 50'000.- articulé par le recourant ne se fonde sur aucune pièce ni explication, de sorte que le grief tendant à la réduction de la dette à cette somme sera rejeté.

Il résulte de ce qui précède qu’aucun motif n’imposait à l’intimé de renoncer au remboursement ou de réduire son montant, de sorte que, sur la base des faits retenus, la décision attaquée respecte parfaitement les principes de l’équité et de la proportionnalité.

La décision de l’hospice apparaît ainsi en tous points conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 janvier 2024 par A______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 20 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :