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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2919/2017

ATA/479/2018 du 15.05.2018 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2919/2017-AIDSO ATA/479/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mai 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1966, a bénéficié du revenu minimum cantonal d'aide sociale (ci-après : RMCAS) du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2015, et bénéficie depuis le 1er mars 2015 de prestations d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

2) Le 2 décembre 2009, l’intéressé a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », s'engageant notamment à :

-          donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune ;

-          informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu'à l'étranger ;

-          rembourser à l'hospice toute prestation exigible à teneur des art. 12 al. 2, ainsi que 36 à 41 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

M. A______ a renouvelé la signature de ce document à quatre reprises, soit les 19 novembre 2010, 6 décembre 2011, 12 mars 2012 et 25 octobre 2012.

3) Le _____ 2013 est décédée Madame B______, mère de M. A______.

4) Par courrier du 12 août 2013, l'hospice a confirmé à M. A______ la teneur d'un entretien qui s'était tenu le jour même. Les prestations d'aide financière accordées dans l'attente d'une succession étaient remboursables. Aussi, dès qu'il pourrait disposer de sa part dans la succession, l'hospice lui demanderait le remboursement total ou partiel des prestations versées depuis le début de l'aide financière, en application de l'art. 40 al. 2 LIASI.

5) Par deux virements effectués sur son compte bancaire respectivement les 24 septembre et 1er octobre 2013, M. A______ a reçu CHF 34'378.- au titre de la succession de feu sa mère.

6) Entre ces deux dates, M. A______ a retiré de son compte bancaire la somme de CHF 34'800.-.

7) Interrogé par son assistante sociale sur le sort de l'argent reçu au titre de la succession, M. A______ a indiqué l'avoir utilisé pour payer ses dettes.

Par la suite, il a fourni un certain nombre de pièces montrant l'utilisation qui avait été faite de ces montants (remboursement de prêts octroyés notamment par des membres de sa famille, contributions de EUR 250.- mensuels versées à la mère de ses deux enfants, mais aussi factures de restaurant et d'hôtel, réservation de vols, achats dans un magasin d'électronique de loisirs, achat de chaussures en ligne, etc.).

8) Par décision du 3 novembre 2015, le centre d'action sociale (ci-après : CAS) des Trois-Chêne a réclamé à M. A______ le remboursement de la somme de CHF 25'186.35, correspondant aux prestations d'aide financière qui lui avaient été versées à titre d'avances successorales du 1er juillet 2013 au 31 octobre 2013.

9) Le 11 novembre 2015, M. A______ a formé opposition contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Il ne restait rien de l'héritage de sa mère. Comme indiqué à son assistante sociale, il avait dû faire plusieurs remboursements, et avait également aidé financièrement la mère de ses enfants. Il regrettait profondément cette situation.

10) Par décision du 20 juin 2017, le directeur de l'hospice a rejeté l'opposition.

La loi prévoyait le remboursement des montants versés à titre d'avances successorales, si bien que la demande de remboursement était fondée dans son principe.

La plupart des documents fournis pour justifier de l'utilisation de la somme ne constituaient pas des preuves admissibles de dépenses, voire ne prouvaient rien. Quoi qu'il en fût, en vertu du principe de subsidiarité, qu'il connaissait parfaitement, il lui appartenait de rembourser l'hospice en priorité. En dépensant l'intégralité de la somme reçue, il avait violé ce principe, ce qui ne pouvait conduire à l'exonération de son obligation de rembourser.

La restitution était donc confirmée et s'effectuerait par prélèvements sur les futures prestations d'aide financière.

11) Par acte posté le 5 juillet 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Une grande partie de la somme considérée avait été utilisée pour les remboursements de divers prêts. Il avait également versé de l'argent à la mère de ses enfants et effectué divers achats tels que lunettes de vue ou loisirs pour ses enfants, dépenses qu'il n'avait pu faire auparavant faute de moyens.

De plus, le montant demandé impliquait qu'il doive rembourser à l'hospice la facture de l'hôtel dans lequel il résidait depuis bientôt cinq ans, à raison de CHF 140.- par jour, ce alors que l'hospice ne lui avait jusqu'alors proposé aucun appartement.

Il regrettait la situation dans laquelle il s'était mis, et était disposé à être pénalisé, mais « de façon raisonnable et équitable ».

12) Le 18 août 2017, l'hospice a conclu au rejet du recours.

En sus de l'argumentation déjà contenue dans la décision sur opposition, il a précisé que le montant des prestations accordées à M. A______ du 1er juillet 2013 au 31 octobre 2013 s'élevait bien à CHF 25'186.35, montant entièrement couvert par la part successorale reçue par l'intéressé.

Bien que la question fût exorbitante au litige, c'était à titre exceptionnel que l'hospice avait accepté de garantir les frais d'hôtel de M. A______, afin qu'il ne se retrouve pas sans logement et puisse accueillir ses enfants. La loi ne prévoyait que le paiement d'un loyer d'au maximum CHF 1'000.- pour une personne seule, et l'hospice n'avait pas pour mission de trouver un logement à ses bénéficiaires, mais de leur apporter aide et soutien dans leurs démarches.

13) Le 4 septembre 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 29 septembre 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14) Le 27 septembre 2017, l'hospice a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations à formuler.

15) M. A______ ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours porte sur la demande de l’hospice au recourant de restituer les prestations financières d’aide sociale perçues entre le 1er juillet 2013 et le 31 octobre 2013, d’un montant de CHF 25'186.35.

3) Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/810/2015 du 11 août 2015 ; ATA/596/2014 du 29 juillet 2014).

4) a. La LIASI est entrée en vigueur le 19 juin 2007 sous l’intitulé « Loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) ». Le titre a été modifié le 1er février 2012.

b. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/288/2010 du 27 avril 2010 ; ATA/440/2009 du 8 septembre 2009). La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/761/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 précité).

c. Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LIASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LIASI.

d. En contrepartie des prestations auxquelles il a droit, le bénéficiaire s’engage, sous forme de contrat, à participer activement à l’amélioration de sa situation (art. 14 LIASI). Il est tenu de participer activement aux mesures le concernant (art. 20 LIASI), de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI) et de se soumettre à une enquête de l’hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 2 LIASI).

5) Si les prestations d'aide financière prévues par la LIASI ont été accordées dans l'attente de la liquidation d'une succession, du versement d'un capital pour cause de décès par la prévoyance professionnelle ou par une assurance-vie, les prestations d'aide financière sont remboursables (art. 38 al. 1 LIASI). L'hospice demande au bénéficiaire le remboursement des prestations d'aide financière accordées depuis l'ouverture de la succession, dès qu'il peut disposer de sa part dans la succession ou du capital provenant de la prévoyance professionnelle ou d'une assurance-vie (art. 38 al. 2 LIASI). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 4).

6) Il n’appartient pas à l’État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d’éventuels créanciers. En effet, tel n’est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n’est ainsi pas acceptable d’être au bénéfice d’une aide sociale ordinaire et d’utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/857/2016 du 11 octobre 2016 consid. 7).

7) En l'espèce, le recourant a été prévenu dès le 12 août 2013, tant oralement que par écrit, que les prestations d'aide financière accordées dans l'attente d'une succession étaient remboursables, et que dès qu'il pourrait disposer de sa part dans la succession, l'hospice lui demanderait le remboursement total ou partiel desdites prestations.

Malgré cela, il a retiré quasiment dès réception des sommes concernées la totalité de la part d'héritage qui lui avait été versée. Conformément à la jurisprudence précitée, il ne pouvait utiliser cette fortune récemment acquise pour désintéresser ses créanciers, ni à plus forte raison pour faire des achats ou des dépenses de restauration ou d'hôtellerie. Le principe du remboursement est ainsi fondé.

Quant au montant de celui-ci, il correspond aux prestations accordées par l'hospice pendant le laps de temps considéré. La nature de l'hébergement du recourant, outre qu'elle ne constitue pas l'objet de la décision attaquée et s'avère ainsi exorbitante au présent litige, n'entre à cet égard pas en considération. Le montant réclamé de CHF 25'186.35, qui n'est pas autrement contesté et se trouvait entièrement couvert par la part successorale reçue, est ainsi correct.

8) Entièrement mal fondé, le recours ne peut qu'être rejeté.

Au vu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2017 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 20 juin 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :