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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1031/2023

ATA/240/2024 du 27.02.2024 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1031/2023-FPUBL ATA/240/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Mes Stéphanie FULD et Guglielmo PALUMBO, avocats

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1970, a été engagée le 1er novembre 2018 en qualité de directrice générale de B______ (ci-après : B______) au sein du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP).

b. Selon son cahier des charges, l’intéressée avait notamment pour missions de diriger et animer l’office en garantissant la mise en œuvre des prestations publiques, piloter et assurer la mise en œuvre de la politique des prestations de pédagogie spécialisée et de l’école inclusive, élaborer la stratégie, définir les priorités et les axes de développement de l’office, assurer le bon fonctionnement des entités, développer et assurer des liens de collaboration et de partenariat multiples externes et internes et assurer le partenariat avec les associations et fédérations des parents d’élèves, ainsi que les associations représentatives du personnel.

c. Elle a fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement du manager
(ci-après : EEDM) les 16 janvier 2019, 25 septembre 2019 et 27 mai 2020.

d. Elle a été nommée fonctionnaire le 1er novembre 2020.

e. Du 7 octobre 2022 au 31 mars 2023, elle a été en incapacité de travail.

B. a. Le C______ est un foyer de pédagogie spécialisée ouvert en juin 2018 qui accueille des enfants présentant une déficience intellectuelle avérée, associée ou non à un trouble de l’autisme.

b. D______ était le directeur du foyer jusqu’au 30 juin 2020. E______ a assumé une direction ad interim du foyer du 1er juillet 2020 au 1er novembre 2020, date à laquelle F______ a repris la fonction de directrice du foyer jusqu’au 30 octobre 2021.

C. a. Par courriel du 16 octobre 2019, G______, secrétaire générale du DIP, a informé A______ qu’il manquait l’affirmation d’une mission de B______, de la vision et des objectifs stratégiques de B______ à cinq ans. Il fallait définir « le plan d’action ». Ces éléments étaient ébauchés mais n’avaient pas été formalisés ni validés par la politique. Ils devaient « partager une mission et une vision, savoir pourquoi et pour qui B______ exist[ait] et le faire fonctionner dans une normalité dont [ils étaient] encore loin ».

b. Le 17 septembre 2020, A______ a adressé à la conseillère d’État en charge du DIP (ci-après : la conseillère d’État) une note de service intitulée « Mission – vision – gouvernance de B______ », visant à mettre en évidence les quatre missions principales de l’office, accompagnée d’un organigramme.

c. Par courriel du 9 octobre 2020, la secrétaire générale a relevé que l’organigramme présentant « globalement cette vision [était] un bon pas en avant en termes d’acceptabilité pour l’État […] et pour la communication aux partenaires ». Il restait toutefois des éléments qui devaient être clarifiés. Des éclaircissements étaient nécessaires concernant les missions de B______, notamment en lien avec la stabilisation de la vision holistique pour B______. Un certain nombre de points devaient encore être abordés, même si A______ était remerciée pour le « chemin accompli ».

d. Par courriel du 6 novembre 2020, la secrétaire générale a informé A______ que les missions de B______ avaient été « validées par la conseillère d’État […] ces items décriv[aient] correctement et fidèlement la mission attendue et accomplie par B______ au sein [du] canton ». En ce qui concernait l’organigramme, la conseillère d’État « confirm[ait] qu’il ne [pouvait] que s’agir d’un organigramme de transition en l’attente des départs des actuels titulaires, notamment à la retraite ».

e. Au courant du mois d’octobre 2021, A______ a transmis à sa hiérarchie un PowerPoint intitulé « B______ – Enjeux, hypothèses et plan d’actions ».

f. Par courriel du 15 octobre 2021, G______ a informé A______ avoir pris connaissance du PowerPoint. Il ne lui apparaissait toutefois « pas pertinent d’en faire une présentation détaillée en séance mais plutôt de concentrer [les] échanges prioritairement sur la manière de recentrer et clarifier les missions de B______, et non pas de les élargir comme semblaient le suggérer nombre de propositions au sein du PowerPoint ». Ils devaient ainsi s’interroger « sur les contours des prestations de B______, ainsi que sur une éventuelle délégation externe de certaines d’entre elles, pour que l’office puisse continuer de proposer une scolarité et une prise en charge adéquate et pertinente aux enfants et aux jeunes concernés ». Elle relevait dans ce document « des propositions allant dans ce sens comme la possibilité de délégation des foyers au secteur privé subventionné, y compris le foyer thérapeutique (slide 7) ». Elle fournissait également « quelques éléments de précision sur le traitement des propositions d’action de la slide 15 ».

D. a. Dans une note de service datée du 14 mai 2021, A______ a défini les « premières pistes » concernant la rentrée 2021 de B______. Parmi les différents points étudiés figuraient le renforcement des équipes pluridisciplinaires, le transfert des ressources des thérapeutes, les besoins en enseignement spécialisé pour la rentrée 2021 et les pistes d’économies à B______.

b. Par courriel du 20 mai 2021, la conseillère d’État a informé A______ qu’il lui fallait « une vision claire du manque de places précis pour la rentrée, une fois toutes les situations connues placées dans les structures existantes ». C’était « seulement sur la base de cette vision d’ensemble que des propositions d’efficience tant pour la rentrée 21 que pour la suite 22 qu’il sera[it] possible de valider telle ou telle proposition concrète ainsi que la demande de crédits ».

c. Dans une note de service du 25 mai 2021 adressée à la conseillère d’État, A______ a rappelé les enjeux de la rentrée 2021 pour B______. B______ avait besoin d’une validation de principe de pouvoir engager en priorité les ressources nécessaires à l’accueil de 95 élèves supplémentaires en enseignement spécialisé. Elle proposait ainsi que B______ puisse engager l’équivalent de 25 ETP équivalent temps plein).

d. Une cellule de crise a ensuite été mise en place par la secrétaire générale pour organiser la rentrée 2021-2022.

E. a. Par courriel du 25 juin 2021, B______ a informé les responsables d’un dispositif de l’enseignement spécialisé (ci-après : RPDES) des modalités retenues en ce qui concernait l’organisation de leur temps de décharge.

b. Par courrier du même jour, le syndicat H______ a déploré la « diminution drastique des temps de décharge [des RPDES] ». Il a sollicité une reconsidération de cette annonce, invitant B______ à surseoir à toute décision concernant les horaires des éducateurs.

c. Par courrier du 29 juin 2021, la commission du personnel de B______ a également invité l’office à surseoir à toute décision importante prise juste avant l’été. Les responsables d’un dispositif de l’enseignement spécialisé souhaitaient entreprendre dès la rentrée une discussion ouverte et constructive sur la thématique du temps nécessaire à leur fonction.

d. Par courriel du 2 juillet 2021 adressé à A______, I______, directrice de la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) du DIP, a rappelé que dans le cadre d’un changement significatif des conditions de travail, un délai usuel de prévenance de minimum trois mois était à respecter. Si toute modification des conditions de travail, de manière moins favorable aux collaborateurs générait inévitablement des réactions vives, un changement à la veille des vacances scolaires les cristallisait. Il ne lui semblait pas possible d’envisager la mise en œuvre de ce changement pour la rentrée.

e. Par courrier du même jour, adressé aux RPDES, A______ s’est excusée du « réel mécontentement » suscité par le courrier de B______ du 25 juin 2021. Il n’était pas dans son intention de générer une quelconque tension. Un groupe de travail serait mis en place dès la rentrée pour aborder la question de leur temps de décharge. Les modalités concernant les remplacements d’heures de décharges ne seraient adoptées de manière définitive qu’au terme de ses travaux.

f. Au courant du mois de septembre 2021, le personnel de B______, par l’intermédiaire des syndicats H______, J______ et K______ Genève, a transmis une pétition à l’attention du Conseil d’État et du Grand Conseil « pour davantage de concertation à B______, pour le maintien des prestations et pour de meilleures conditions de travail pour le personnel et les remplaçants ». Il dénonçait en particulier la multiplication des réformes menées à B______, le plus souvent sans concertation, les méthodes RH douteuses, le nombre extraordinaire de remplaçants et la « maltraitance institutionnelle » du personnel.

g. Les 18 et 19 octobre 2021, des séances bilatérales ont eu lieu en présence, notamment, de la conseillère d’État et de la secrétaire générale.

h. Par courriel du 22 octobre 2021, transmis à tout le personnel de B______, A______ a évoqué « la situation et les perspectives de l’office », traversé par des « enjeux complexes ».

F. a. En parallèle, en avril 2019, L______, directeur du suivi de l’élève de B______, et A______ ont été informés de plaintes de deux collaboratrices sur des agissements inadéquats d’un infirmier, accusé d’avoir donné un coup de pied à une jeune et de lui avoir fait un « croche-patte » qui avait fait chuter l’enfant violemment.

b. En juillet 2019, la direction générale de B______ a reçu une alerte d’une mère à la suite d’un message adressé directement à la conseillère d’État. Elle y avait dénoncé l’état de délabrement et la vétusté des locaux du foyer, la non-adéquation du mobilier manquant totalement de chaleur humaine ainsi que le manque de prestations thérapeutiques sur place pour répondre aux importants besoins de soins des enfants du foyer.

c. Par courriel du 19 mai 2020, A______ a informé la conseillère d’État que le C______ ne « fonctionnait pas bien ». Le directeur n’était pas en mesure de répondre aux attentes, le projet éducatif était quasi inexistant, les locaux peu accueillants et l’équipe en difficulté. Ce foyer avait été « créé dans la précipitation, dans des locaux peu adéquats, sans projet, avec un directeur insuffisamment expérimenté et globalement un accompagnement insuffisant ».

d. Par courriel du 31 juillet 2020, M______, directrice d’établissements spécialisés et de l’intégration de B______, a informé A______ et L______ d’une alerte concernant le C______. Elle était convaincue que de « graves dysfonctionnements au niveau de la formation, de l’attitude générale de certains collaborateurs envers les jeunes et leur famille, ainsi que l’organisation quotidienne pouvaient conduire à très court terme à des mises en danger des jeunes ». Certaines avaient déjà eu lieu. Elle a cité de nombreux exemples de situations problématiques concernant les enfants. Elle proposait une intervention très rapide pour licencier une collaboratrice. Ils avaient assez d’éléments et elle était en période probatoire. Des entretiens individuels devaient être réalisés avec l’ensemble des collaborateurs. Elle était convaincue que l’un des enfants avait acquis une partie de ses troubles suite à des agressions au minimum verbales de certaines personnes.

e. Par courriel du même jour, A______ a répondu que cette situation était « insupportable » et ne pouvait « plus durer ». Des mesures devaient être prises rapidement, notamment concernant cette collaboratrice.

f. Par courriel du 3 août 2020, A______ a informé G______ avoir mis en place un interim avec des personnes connaissant bien la situation du C______, lequel avait mis en lumière peu à peu de « graves dysfonctionnements de certains collaborateurs ». Elle suivait à distance une situation particulièrement délicate d’une collaboratrice qu’elle tentait de retirer du terrain, précisant que cette situation était susceptible de « produire un peu d’agitation ».

g. Par courriel du 5 août 2020, L______ a transmis à N______, directeur adjoint de la DRH du DIP, et à O______, directeur des ressources humaines de B______, un extrait du courriel de M______ du 31 juillet 2020 portant spécifiquement sur la collaboratrice qu’elle souhaitait voir licenciée « dans les meilleurs délais ».

h. Au courant du mois de janvier 2021, le DIP a reçu une lettre anonyme dénonçant la « gravité de certains événements » qui avaient eu lieu au C______. Face à la détresse et l’impuissance des collaborateurs de cet établissement, ils sollicitaient l’aide du département. Quotidiennement, le foyer se retrouvait à devoir gérer des accès de violence, sans outils adaptés. De nombreux arrêts ainsi que des blessures du personnel avaient eu lieu ces dernières années. Cette situation mettait l’équipe dans un climat de tension permanente, affectant leur travail, les projets ainsi que les enfants. Ceux-ci ne pouvaient être suivis de manière adéquate en raison du manque de moyens et d’un environnement inadapté. Dès son arrivée au foyer le 1er novembre 2020, F______ avait amplifié les difficultés déjà importantes. Elle usait régulièrement de menace verbale, intimidait les collaborateurs, faisait usage d’un langage grossier et insultant envers l’équipe, tenait des propos à caractère sexuel lors de temps d’échange, dévalorisait et exerçait une pression permanente sur les professionnels. Les plannings horaires avaient été modifiés sans avertir les personnes concernées dans des délais très courts, ce qui compliquait la prise en charge et faisait porter la responsabilité sur les collaborateurs. Ils craignaient un accident grave. La fatigue, la violence et les intimidations quotidiennes de la direction poussaient les collaborateurs dans leurs limites. L’environnement et la gestion de F______ était une « bombe à retardement ».

i. Par courriel du 20 janvier 2021, I______ a informé A______ et O______ avoir été alertée au département par une situation de ressources humaines (ci-après : RH) qui nécessitait un échange avec eux concernant le C______. À ce stade, ce point était à traiter de manière confidentielle, à leur niveau. La dénonciation était anonyme.

j. Par courriel du même jour, I______ a confirmé que G______ avait fait ôter ce point à l’ordre du jour de la bilatérale de A______. Elle demandait à ce que la « note de contexte » qu’ils avaient préparée lui soit adressée. S’agissant d’un courrier anonyme, ils avaient convenu que cette situation serait traitée de manière confidentielle au sein des RH.

k. Dans une « note interne » datée du 23 janvier 2021 adressée à A______, L______ a fait un point de situation sur le C______ suite au courrier anonyme de dénonciation.

l. Le 28 janvier 2021, A______ a organisé une visioconférence avec l’équipe du C______, au cours de laquelle elle a rappelé ses inquiétudes face à la situation au foyer et les mesures qu’elle entendait mettre en place.

m. Par courriel du 4 février 2021, elle a informé P______, responsable sécurité de l’information du DIP, qu’il était « très urgent » de « récupérer les données effacées ». À moins que les services du DIP puissent s’en charger, elle préconisait de faire appel à une société.

n. Par courriel du même jour adressé à A______, I______ a sollicité un échange sur la suite à donner au courrier anonyme concernant le C______.

o. Par courriel du 9 février 2021, A______ a informé G______ qu’elle avançait dans la structuration de tous les éléments en lien avec la situation du C______, mais cela prenait un peu plus de temps que prévu. Elle attendait encore un rapport de M______, ainsi que les éléments du disque dur d’un ordinateur et devait encore effectuer en tout cas un entretien. La gestion du foyer était « aujourd’hui satisfaisante et bien menée, avec une direction adéquate, un accompagnement pédagogique et une formation de l’équipe ». Trois collaboratrices allaient être déplacées, pour lesquelles ils envisageaient un entretien de service. Il y avait eu, au vu des éléments en sa possession, des « maltraitances et des négligences sur des enfants ». L’ancien directeur avait clairement écarté des éléments importants qu’il avait en sa possession, soit les témoignages de cinq remplaçants qui avaient dénoncé des actes graves de collaborateurs, et une situation avait été traitée probablement trop légèrement en 2019, soit une dénonciation par deux collaboratrices d’actes de violence sur des enfants de la part d’un infirmier qui avait démissionné juste après. Il s’agirait d’évaluer la suite à donner aux agissements de cette personne. La note serait finalisée dans les meilleurs délais.

p. Entre le 4 février et le 18 mars 2021, A______ a mené six entretiens avec des collaborateurs du C______. Ces séances ont fait l’objet de procès-verbaux, non signés.

q. Par courriel du 24 mars 2021, A______ a informé G______ qu’il lui semblait important de « faire un point de situation assez rapidement sur ce qui s’était passé au C______ et l’état de la situation actuelle ».

r. Par courriel du même jour, G______ a répondu que la rencontre devait être précédée ou accompagnée d’une note écrite décrivant la situation.

s. Le 25 mars 2021, le syndicat J______ a informé A______ avoir été mandaté par le personnel du C______ pour faire connaître des éléments de dysfonctionnement très importants, tels que locaux inadaptés mettant en danger l’intégrité des jeunes et du personnel, problèmes de sécurité pour le personnel, dysfonctionnement du management, modifications unilatérales de planning, propos irrespectueux tenus régulièrement à l’encontre du personnel, enlèvement des outils de travail.

t. Le 29 mars 2021, A______ a rendu une note de service à l’attention de G______, dénonçant un climat délétère au sein du foyer. Elle avait rédigé six comptes rendus d’audition de collaborateurs. Sur la base de ces témoignages et de la note des remplaçants remise le 15 mai 2019 à l’ancien directeur du foyer, elle avait identifié 41 points problématiques. Plusieurs collaborateurs avaient eu des attitudes inadéquates envers les enfants, des manques de bienveillance, avaient privé des enfants de repas sous prétexte de sanction éducative, parfois plusieurs jours de suite, avaient négligé des soins d’hygiène, avaient laissé des enfants seuls pendant de nombreuses heures, parfois toute une journée, avaient laissé un enfant se taper la tête contre les murs de sa chambre pendant parfois plusieurs heures, n’avaient pas géré et surveillé les plaies qui étaient infectées. Des enfants avaient été enfermés dans leur chambre pendant parfois plusieurs heures. Aucune activité n’avait été mise en place pour les enfants, aucun protocole, aucun outil de communication, pourtant indispensables pour la plupart de ces enfants, aucun outil de communication avec les parents.

Suite à l’analyse des faits, de leur fréquence, de leur récurrence et de leur gravité, des mesures administratives et disciplinaires étaient proposées à l’endroit de treize employés. Les mesures préconisées allaient d’un entretien de recadrage au licenciement. Les prescriptions de l’action disciplinaire étaient précisées pour chaque collaborateur.

u. Le 1er avril 2021, A______ a formé une dénonciation pénale contre inconnu pour intoxication médicamenteuse d’une mineure au sein du foyer.

v. En avril 2021, le DIP a mandaté la société Q______ pour un « mandat d’audit et d’accompagnement ».

La société a rendu son rapport « de la photo organisationnelle, fonctionnelle et humaine » du C______ en août 2021. Dans sa conclusion, ce rapport relève que la crise du foyer a été générée par des besoins urgents auxquels il fallait répondre avec des solutions, parfois loin de l’idéal. Le foyer était également traversé par une « fatigue institutionnelle », tant du côté de la direction que du côté des équipes dont une bonne partie avait « abdiqué ». Cela s’expliquait principalement par l’absence de liens et de confiance. Les actions à entreprendre sans plus attendre étaient les suivantes : instaurer une direction de proximité, reconnaître la souffrance des collaborateurs, mettre en place une communication entre la direction de B______ et les collaborateurs et mettre en place des espaces d’échanges et de discussions. Plus globalement, il était recommandé d’élaborer un projet institutionnel pour le foyer en fonction des choix stratégiques mis en œuvre, revoir l’organisation générale du travail au sein du foyer, clarifier le rôle et les responsabilités de chaque collaborateur, instaurer une véritable gestion active des RH et améliorer considérablement les infrastructures et le matériel au sein du foyer.

w. Par courriel du 6 juillet 2021 adressé à I______, A______ a manifesté son désaccord quant au report de la résiliation du contrat de l’une des collaboratrices du foyer.

x. Dès le 30 septembre 2021, plusieurs articles de presse ont fait état de graves dysfonctionnements dans le C______, notamment des faits de maltraitance commis sur des enfants accueillis dans ce foyer.

y. Le 23 décembre 2021, le DIP a mandaté des experts afin de réaliser une analyse externe relative aux problèmes diagnostiqués au C______.

Les experts ont rendu leur rapport le 25 février 2022. La gestion de ce foyer avait cumulé les déboires, les incidents institutionnels, les erreurs de jugement, les réponses éducatives inadéquates et une gouvernance déficiente. Beaucoup trop de manquements graves avaient été constatés dans la prise en charge de jeunes dans un foyer de si petite taille. Toutefois, il convenait de souligner que s’il était incontestable que les événements survenus dans le foyer demeuraient inadmissibles tant du point de vue moral que des pratiques professionnelles, le quotidien du foyer ne se résumait pas à des faits de maltraitance répétés comme pourrait le laisser penser la succession de révélations dans les médias. Bon nombre de collaborateurs avaient effectué avec engagement et diligence leurs tâches auprès des jeunes résidents dont les comportements étaient difficiles à décrypter et parfois violents de la part de certains d’entre eux. L’accueil résidentiel de jeunes présentant des troubles était une mission d’une extrême complexité. C’était bien une succession, un cumul même, de manquements à diverses strates de l’administration qui avaient permis la survenue de dysfonctionnements et de maltraitances.

z. Le 13 mars 2023, la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil a rendu un rapport sur le C______ dont l’objectif était d’apporter une analyse politique destinée à mieux comprendre les événements qui avaient conduit à ce qu’il était communément admis d’appeler le « scandale du C______ ». Il contient dix recommandations pour un meilleur fonctionnement de l’État.

Si une structure comme celle de B______ devait exister, il fallait à la tête de celle-ci une personne qui soit habitée par la conviction que les deux types d’expertise devaient « marcher main dans la main ». Les cadres devaient avoir pour mission de réunir les deux visions pour en tirer un travail de concertation. Dans la mesure où la vision de la conseillère d’État et celle du directeur de B______ n’allaient pas toujours dans le même sens, la situation n’était pas simple pour les collaborateurs. La situation aurait dû s’améliorer avec l’engagement de la nouvelle directrice de B______. Cependant, ce changement avait été mal préparé et mal expliqué. La nouvelle directrice avait très vite été submergée par les difficultés organisationnelles de B______ dont elle avait hérité, d’une part, et par la situation du C______, d’autre part. Dans le cadre de sa gestion, la direction générale de B______ avait alterné entre l’indifférence et l’intrusion opérationnelle alors qu’elle aurait dû fixer plus clairement, en confiance, des objectifs, des tâches et des responsabilités aux collaborateurs avant d’exercer son rôle de contrôle et de supervision.

Les procès-verbaux d’auditions n’avaient pas été signés. Ce mode de faire était inhabituel et inadéquat, surtout dans une situation si exceptionnelle. En principe, il aurait fallu que ces entretiens soient menés par un collaborateur des ressources humaines, en collaboration avec la hiérarchie. Cette démarche solitaire et inadéquate de la directrice de B______ avait clairement compliqué la tâche de la direction du DIP.

D’une façon générale, il aurait fallu imaginer une « vraie vision » pour B______ en se demandant comment la développer, quels étaient les perspectives, la stratégie et les objectifs.

G. a. Le 18 novembre 2021, A______ a été convoquée à un « entretien de négociation de départ ». Lors d’un nouvel entretien ayant eu lieu le 29 novembre 2021, la directrice de la DRH lui a proposé un poste de directrice d’établissement primaire. Par courriel du 30 novembre 2021, un délai de cinq jours lui a été imparti pour se déterminer sur cette proposition.

A______ n’y a pas donné suite.

b. Par courrier du 3 décembre 2021, le DIP a convoqué A______ à un entretien de service dans le but de l’entendre au sujet d’une éventuelle insuffisance des prestations fournies et d’une inaptitude à remplir les exigences du poste.

Il lui était notamment reproché de n’avoir pas été en mesure d’analyser les causes des problèmes rencontrés par B______, de définir et de planifier les actions réalistes pour y remédier, de n’avoir pas établi des liens de collaboration avec les partenaires internes, de n’avoir pas réalisé les objectifs fixés par le DIP dans le cadre de sa lettre de mission, de n’avoir pas su gérer adéquatement la crise au C______, d’avoir continué à solliciter des travaux auprès de la direction générale pour agrandir et rénover ce foyer, de n’avoir pas tenu son budget pour préparer la rentrée 2021-2022, de n’être pas parvenue à apaiser les tensions et à nouer un dialogue constructif avec les collaborateurs et de n’avoir pas pris en compte les difficultés exprimées. Le DIP avait également relevé un manque de distance émotionnelle et d’analyse stratégique et politique.

S’ils étaient avérés, ces faits étaient susceptibles de constituer une violation de l’art. 20 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

A______ était libérée provisoirement de l’obligation de travailler jusqu’à la prise d’une décision sujette à recours.

c. Par courrier du 10 janvier 2022, A______ a contesté l’intégralité des faits reprochés par le DIP.

d. L’entretien de service a eu lieu le 26 janvier 2022.

A______ a notamment relevé que les missions de l’office avaient été validées. La crise sanitaire et l’organisation de la rentrée 2021-2022 ne lui avaient pas permis d’avancer dans les travaux relatifs à la vision de B______ avant l’automne 2021. Elle entretenait de très bonnes relations tant avec ses collègues qu’avec les entités subventionnées et les associations de parents. Elle avait même contribué à améliorer la qualité de la relation entre B______ et l’ensemble des partenaires. La collaboration avec le mandataire externe avait été très problématique en raison de son comportement inadéquat.

e. Le 1er avril 2022, A______ a formé une action en constatation d’une atteinte à sa personnalité avec requête de mesures provisionnelles par-devant le Conseil d’État à l’encontre de la conseillère d’État.

Elle avait été victime de plusieurs attaques médiatiques portant atteinte à sa personnalité, en particulier sous l’angle de sa probité et de ses compétences professionnelles et cela, alors même que la conseillère d’État avait le devoir de veiller à sa personnalité en sa qualité de supérieure hiérarchique. Les déclarations répétées de celle-ci lui attribuaient publiquement la responsabilité des manquements liés à la gestion du C______ en raison de la minimisation des maltraitances ou encore pour avoir fait preuve de négligence dans la transmission d’informations à ses supérieurs hiérarchiques. Ces déclarations étaient d’autant plus graves que les fautes qui lui étaient attribuées étaient liées à la maltraitance d’enfants autistes qu’elle n’aurait prétendument pas prise au sérieux. Ces déclarations étaient d’autant plus incompréhensibles et inacceptables qu’elle n’avait pas la même liberté de parole, la conseillère d’État ayant refusé de la délier de son secret de fonction.

Par arrêté du 29 juin 2022, le Conseil d’État a déclaré cette action irrecevable. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 3 mai 2023. Un recours est pendant devant le Tribunal fédéral.

f. Par décision du 13 juin 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, la conseillère d’État a ouvert une procédure de reclassement à l’endroit de A______.

Le recours formé le 24 juin 2022 contre cette décision a été déclaré sans objet par arrêt de la chambre administrative du 27 mars 2023.

g. Par arrêté du 15 juin 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a libéré A______ de son obligation de travailler à compter de la réception de celui-ci.

Le recours formé le 27 juin 2022 contre cet arrêté a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre administrative du 22 novembre 2022.

h. Par courrier du 4 octobre 2022, G______ a informé A______ que des « faits nouveaux » étaient parvenus à sa connaissance concernant un engagement non-conforme d’un collaborateur et la situation d’une collaboratrice souffrant d’un problème d’alcool. L’intéressée était convoquée à un entretien de service le 9 novembre 2022 pour se déterminer sur ces éléments.

A______ ne s’est pas présentée à l’entretien.

i. A______ a contesté, le 12 décembre 2022, l’ensemble des faits invoqués dans le courrier 4 octobre 2022. Elle a sollicité un tirage intégral du dossier relatif à ces faits nouveaux, les éléments au dossier étant manifestement incomplets.

j. Par courrier du 22 décembre 2022, G______ a informé A______ que toutes les pièces pertinentes lui avaient été transmises s’agissant de sa demande de transmission du dossier en relation avec les « faits nouveaux ».

k. Parallèlement, par courrier du 8 décembre 2022, R______, responsable de secteur RH du DIP, a informé A______ que la procédure de reclassement était terminée et qu’elle n’avait pas abouti. L’intéressée était dès lors convoquée à un entretien de service qui devait se dérouler le 20 décembre 2022.

A______ ne s’est pas présentée à cet entretien.

l. Par courriel du 20 janvier 2023, A______ a invité le DIP à lui transmettre l’intégralité des pièces en lien avec la procédure de reclassement.

m. Par courriel du 23 janvier 2023, R______ a transmis l’intégralité des pièces requises et prolongé le délai pour observations au 31 janvier 2023.

n. A______ a indiqué, par courriel du 31 janvier 2023, que son absence à l’entretien était fondée, le délai de convocation n’ayant pas respecté l’art. 44 al. 3 RPAC. La procédure de reclassement avait été « bâclée » et violait le principe de la proportionnalité.

o. Par arrêté du 15 février 2023, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État, prenant acte de la récusation de la conseillère d’État en charge du DIP, a résilié les rapports de service de A______ avec effet au 31 mai 2023.

Les éléments mis en exergue lors de l’entretien de service du 3 décembre 2021 et dans la convocation à un entretien de service par voie de procédure écrite du 9 novembre 2022, avérés, n’étaient pas en adéquation avec les prestations attendues de la part d’un haut cadre de la fonction publique.

A______ avait adopté une posture trop opérationnelle par rapport aux missions inhérentes à sa fonction de directrice générale. Cette attitude avait eu pour conséquence un défaut de vision stratégique pour B______. Or, cet objectif, en sus de faire partie de son cahier des charges, lui avait été rappelé dès son entrée en fonction. Le département avait même accepté de financer à deux reprises l’engagement de consultants. Sa première note de service du 17 septembre 2020 était lacunaire dès lors qu’elle ne présentait pas de diagnostic structuré de la situation de B______ en terme de métier, de gouvernance, de possibilité de gestion de croissance des prestations, ni en terme RH, d’infrastructure et de sécurité. La présentation PowerPoint du mois d’octobre 2021, rendue un an après, était également insatisfaisante dans la mesure où il manquait une analyse complète et détaillée de la situation existante ainsi qu’un diagnostic des problèmes rencontrés. On ne comprenait pas non plus la direction future envisagée pour B______, ni les transformations nécessaires en vue d’une gestion budgétaire saine de l’office. Compte tenu de la demande croissante des prestations de B______ et de la complexité de ces enjeux, la réalisation de cet objectif était essentielle afin d’envisager un fonctionnement optimal de cet office à moyen et à long terme. La conseillère d’État lui avait présenté lors de deux bilatérales les 18 et 22 octobre 2021 les lignes directrices souhaitées par le DIP pour B______. Or, le message adressé à tous les membres du personnel de B______ le 22 octobre 2021 ne s’inscrivait pas dans la ligne stratégique alors transmise. Compte tenu du contexte sensible propre à B______, il aurait été attendu qu’elle sollicite sa hiérarchie avant l’envoi d’un tel message. Ce faisant, elle n’avait pas respecté son devoir de transmettre une décision qui lui avait été communiquée par sa hiérarchie au sens de l’art. 23 let. d RPAC.

L’absence d’utilisation des documents institutionnels de gestion de projet suite à la lettre de mission du 20 décembre 2019 était à déplorer. En sa qualité de haut cadre, il lui appartenait de faire preuve d’exemplarité en respectant le processus établi en matière de gestion de projet. En ne s’y conformant pas, A______ avait violé l’art. 3 al. 1 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03).

Sa gestion de l’organisation de la rentrée scolaire 2021-2022, qui faisait partie des missions figurant dans son cahier des charges, était insuffisante. L’augmentation des demandes de prestations auprès de B______, de même que le refus de sa hiérarchie de lui octroyer plus de moyens financiers, ne pouvaient servir de prétexte. Sa mise sous tutelle auprès de G______ lui était donc directement imputable.

Sa difficulté à être une force de proposition dans un contexte budgétaire donné s’était également manifestée dans le cadre de la problématique liée à la gestion horaire des éducatrices et éducateurs. A______ n’avait jamais été en mesure de proposer des solutions satisfaisantes et réalistes pour régler cette question complexe en dépit des nombreux échanges avec sa hiérarchie. C’était tardivement, soit après la mise en place de la cellule de crise départementale pour la rentrée scolaire 2021-2022, que A______ avait pris l’initiative de questionner l’utilisation du temps des éducatrices et éducateurs afin de répondre aux exigences budgétaires qu’elle connaissait de longue date. Elle disposait en outre de ressources humaines internes nécessaires pour l’aider dans cette tâche. Il était également totalement inapproprié d’informer les responsables pédagogiques d’une diminution de leur décharge administrative la veille des vacances scolaires, provoquant ainsi une forte réaction légitime des personnes concernées et des syndicats.

Ses prestations étaient également insuffisantes en termes de collaboration constructive avec les partenaires internes et externes de B______. De manière informelle, plusieurs services et directions du département avaient déploré auprès de G______ une absence de communication fluide et partant une collaboration difficile qui en découlait. De plus, la teneur des courriers des partenaires sociaux du DIP faisait état d’un mécontentement fort de la part des collaborateurs et collaboratrices de B______ ainsi que l’absence de dialogue constructif tant avec ces derniers qu’avec leurs représentants syndicaux.

S’agissant des prestations en lien avec le C______, il était attendu de sa part qu’elle « remonte » à la hiérarchie des informations circonstanciées, lui permettant de se faire une idée claire de la situation bien avant sa note de service du 29 mars 2021. Force était de constater le trop long laps de temps écoulé, environ huit mois, entre le moment où elle avait pris connaissance du document écrit des remplaçants ou encore de l’analyse globale du foyer effectués par M______, alors directrice d’établissements spécialisés et de l’intégration, et la remise de cette note. À cela s’ajoutaient les sollicitations par le secrétariat général du DIP à ce sujet à de multiples reprises suite à la dénonciation anonyme du mois de janvier 2021. De plus, elle n’avait pas transmis immédiatement la note de L______, directeur du suivi de l’élève de B______, qui lui avait été adressée quelques jours après cette dénonciation. L’absence de procès-verbaux signés prétéritait les éventuelles procédures administratives ultérieures. Par ailleurs, et alors même qu’un premier audit interne était souhaité par le secrétariat général du DIP et qu’il revenait à A______ de prendre des dispositions dans ce sens, c’était finalement sur impulsion du DIP qu’un tel audit avait été commandité. Une fois celui-ci achevé, A______ avait refusé de présenter aux collaborateurs du C______ la totalité des recommandations émises, soit plus particulièrement le point relatif à l’avenir du foyer. Cette tâche, qui lui revenait, avait été prise en charge ultérieurement par le DIP.

Enfin, l’engagement de la personne faisant partie de son entourage, alors même que son casier judiciaire était clairement incompatible avec les missions de B______ et, plus largement, du DIP, allait à l’encontre de ce qui était attendu de la part d’un haut cadre du département. Quant à la situation d’une collaboratrice souffrant d’un problème d’alcool, A______, ayant été le témoin direct de cette situation, aurait dû faire preuve de plus de diligence dans le suivi de ce dossier.

Au vu de l’importance des différents manquements, force était de constater que ses prestations étaient insuffisantes. La procédure de reclassement avait été dûment exécutée, toutes les démarches nécessaires auprès de l’administration cantonale ayant été entreprises.

H. a. Par acte du 20 mars 2023, A______ a recouru par-devant la chambre administrative contre cet arrêté, concluant à son annulation et à sa réintégration immédiate. Subsidiairement, elle a conclu à ce que sa réintégration soit proposée à l’intimé et qu’en cas de refus, une indemnité d’un montant correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut lui soit allouée.

Le délai légal de quatorze jours avant l’entretien pour convoquer un membre du personnel n’avait pas été respecté.

En s’abstenant d’ouvrir une enquête administrative, l’autorité n’avait pas établi les faits, violant son droit d’être entendue. Le fait de résilier les rapports de service dans le seul but d’éviter de devoir établir les faits constituait une fraude à la loi.

L’autorité intimée ne développait pas les raisons pour lesquelles ses arguments avaient été écartés. La décision entreprise consacrait ainsi une violation de son droit d’être entendue, sous l’angle du défaut de motivation. Par ailleurs, en ne donnant pas suite à ses requêtes en production de pièces, l’autorité avait violé son droit d’accès au dossier.

Les reproches retenus à son encontre étaient entièrement infondés. Aucun élément factuel n’était avancé s’agissant de sa posture jugée trop opérationnelle. S’agissant du prétendu défaut de vision stratégique, force était de constater que sa note de service du 17 septembre 2020 avait été bien reçue par la secrétaire générale. Sa présentation PowerPoint d’octobre 2021 décrivait spécifiquement les enjeux, hypothèses et actions envisagées pour le futur. Le message du 22 octobre 2021 ne contrevenait nullement à l’orientation donnée par la conseillère d’État. Il s’agissait de transférer certaines prestations au secteur subventionné, sans qu’il ne soit à un quelconque moment question de remettre en question l’existence de B______ et la nécessité de renforcer la concertation avec le personnel.

S’agissant du grief lié à l’absence d’utilisation de documents institutionnels de gestion, seul un document était concerné, étant précisé que la secrétaire générale avait expressément validé le fait qu’un autre document soit utilisé. En ce qui concernait les prétendues insuffisances en lien avec l’organisation de la rentrée scolaire 2021-2022, il était faux de prétendre que la cellule de crise avait été mise en place pour superviser son travail. Elle l’avait été sur le constat évident, fin mai 2021, que les alertes de B______ depuis de nombreux mois étaient fondées mais avaient été ignorées par la secrétaire générale et la conseillère d’État. La direction générale de B______ avait alerté le DIP depuis l’automne 2021 (recte : 2020) sur l’augmentation prévue des effectifs, la nécessité de demander des crédits complémentaires et sur le besoin de locaux supplémentaires. Or, aucune suite n’avait été donnée à ces requêtes et alertes.

Le reproche relatif à la problématique budgétaire liée aux éducateurs était pareillement infondé. Le traitement en urgence de ce dossier délicat n’était pas envisageable. Or, la conseillère d’État lui avait demandé de mener la réforme en urgence pour dégager les postes nécessaires à la rentrée 2021. Les besoins en postes allaient toutefois bien au-delà de l’économie qui pouvait être réalisée avec cette modification des horaires. Le projet n’avait d’ailleurs toujours pas abouti.

S’agissant des prétendues prestations insuffisantes en terme de collaboration constructive avec les partenaires internes et externes de B______, elle ignorait tout des circonstances, des personnes concernées et motifs précis des reproches formulés, qui restaient vagues. Le mécontentement des collaborateurs de B______ était lié à des décisions imposées par le département. En août 2020 déjà, elle avait informé G______ de graves dysfonctionnements de collaborateurs au foyer. En janvier 2021, elle avait souhaité mettre ce point à l’ordre du jour de la bilatérale avec la conseillère d’État, mais celui-ci avait été retiré par G______, laquelle lui avait demandé de ne pas communiquer avec la conseillère d’État au sujet du C______. Il était parfaitement erroné d’affirmer que c’était le secrétariat général du DIP qui avait dû la solliciter à de multiples reprises suite à la dénonciation du mois de janvier 2021. C’était au contraire elle qui avait relancé le secrétariat général à ce sujet à plusieurs reprises, soit par courriels des 9 février et 24 mars 2021. Un suivi avait du reste été effectué avec I______, comme cela avait été demandé par la secrétaire générale. Par ailleurs, si les entretiens n’avaient pas été signés dans un premier temps, c’était parce que les remplaçants étaient trop inquiets et avaient refusé de le faire. Des courriels avaient toutefois été transmis pour faire valider les propos qui allaient être consignés dans les entretiens de service.

Enfin, s’agissant du collaborateur dont le casier judiciaire était incompatible avec les missions de B______, son engagement avait été effectué sur demande expresse de O______, alors directeur RH de B______, et suite à son préavis favorable. Elle avait convenu de la mise en place d’un suivi le 3 novembre 2021 pour la collaboratrice souffrant d’un problème d’alcool. Elle n’avait toutefois pas pu assurer le suivi de ce dossier, ayant été mise à l’écart dès le 18 novembre 2021.

L’autorité intimée avait également violé la procédure de reclassement en faisant abstraction de son état de santé et des suggestions de S______, accompagnatrice RH de la société T______, tendant à une prolongation du processus de reclassement.

b. Par décision du 2 mai 2023, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

c. Le DIP a conclu au rejet du recours.

S’agissant du délai de quatorze jours pour convoquer un membre du personnel à un entretien, la recourante n’avait pas demandé un report de l’entretien. Partant, une nouvelle convocation à un entretien de service lui avait été envoyée le jour de l’entretien initialement prévu, soit le 20 décembre 2022. La recourante avait ensuite dûment exercé son droit d’être entendue.

Il n’avait jamais fait preuve de mauvaise foi : dès le départ, la recourante avait été informée de la voie procédurale choisie, soit celle d’une résiliation des rapports de service. Les faits à l’origine de sa résiliation n’avaient pas besoin d’être établis par le biais d’une enquête administrative.

Les demandes de production de pièces avaient été traitées par courriels des 22 décembre 2022 et 23 janvier 2023.

À de réitérées reprises, la recourante n’avait pas été en mesure d’exécuter de manière satisfaisante les devoirs liés à sa fonction et figurant dans son cahier des charges. Les manquements, multiples et survenus dans différentes situations, avaient sérieusement mis à mal le fonctionnement de B______. Si l’autorité reconnaissait l’énergie déployée par la recourante dans le cadre de ses fonctions ainsi que son implication, il n’en demeurait pas moins que les prestations attendues demeuraient insuffisantes pour un haut cadre du département et que l’intérêt public au bon fonctionnement de B______ ne permettait plus la continuation des rapports de service.

Le défaut de vision stratégique avait été établi et relevait de la seule responsabilité de la recourante, laquelle avait été sans cesse interpellée sur le besoin d’une perception globale et tactique nécessaire au changement structurel de B______. Or, cette absence de vision avait eu de forts impacts négatifs sur le fonctionnement de B______ en ne permettant pas au DIP de demander un crédit complémentaire substantiel avant le mois de juin 2022, ni d’entamer les réformes nécessaires à l’amélioration de sa gouvernance et, partant, de son fonctionnement. Un intérêt public évident commandait pourtant une réforme substantielle de cet office. Cet élément justifiait à lui seul la résiliation des rapports de service. Ainsi la recourante n’avait pas respecté son cahier des charges et contrevenu aux art. 20, 21 let. c, 22 et 23 RPAC et 3 RCSAC.

En transmettant son courriel du 22 octobre 2021 à l’ensemble des employés de B______, la recourante était allée à l’encontre des orientations transmises par sa hiérarchie, remettant fortement en cause le lien de confiance devant prévaloir avec son employeur et nécessaire au bon fonctionnement de l’administration. Une violation de l’art. 23 let. d RPAC devait être constatée.

La note du 3 mars 2020 de la recourante n’était pas conforme à la forme exigée, de sorte que qu’elle n’avait pas œuvré au bon fonctionnement de l’administration publique. Ce constat s’appliquait également aux procès-verbaux tenus dans le cadre des auditions des remplaçants du C______, dès lors qu’ils n’avaient pas été signés. L’art. 3 al. 1 RCSAC avait ainsi été violé.

S’agissant de la rentrée 2021-2022, il était faux de prétendre que la hiérarchie avait simplement ignoré les alertes faites par la recourante quant aux ressources financières insuffisantes de B______. Très rapidement après que la secrétaire générale avait repris les commandes de ce dossier, toutes les informations nécessaires avaient été réunies et une demande en autorisation de crédit supplémentaire avait été effectuée auprès de la commission des finances en date du 8 juin 2021, à laquelle il avait été répondu positivement. Il était totalement inusuel de formuler une telle demande seulement deux mois avant une rentrée scolaire. Il convenait donc de retenir une violation des art. 20, 21, 22 et 23 RPAC et 3 RCSAC ainsi que du cahier des charges de la recourante dès lors qu’une cellule de crise dirigée par la secrétaire générale avait dû être mise en place.

Dans le cadre de la crise avec les responsables pédagogiques, la recourante connaissait depuis à tout le moins l’automne 2021 les difficultés budgétaires auxquelles son office allait faire face pour la rentrée à venir. Elle aurait donc pu entamer les différentes démarches à ce sujet bien plus tôt. En agissant sans consulter toutes les parties prenantes, la recourante avait impacté négativement la relation du département avec les partenaires internes et externes du personnel de B______. De manière plus générale, il lui était reproché de ne pas avoir su créer une communication fluide et constructive avec les différents partenaires du DIP. À l’interne, les membres des directions générales du département avaient déploré auprès de la secrétaire générale une collaboration difficile avec celle-ci. À l’externe, les multiples courriers des partenaires sociaux du DIP faisaient état d’incapacité à maintenir un dialogue constructif avec la direction générale de B______. La pétition du mois de septembre 2021 en était un exemple. Le fonctionnement de B______ avait été mis en difficulté par les relations tendues qu’entretenait la recourante tant avec les partenaires internes qu’externes du DIP. Elle avait ainsi contrevenu à son cahier des charges et aux art. 23 RPAC et 3 RCSAC.

Il n’avait jamais été question de faire endosser à la recourante la responsabilité pleine et entière de la crise du C______, dossier complexe et sensible. L’autorité estimait toutefois que la recourante avait trop tardé à faire remonter à sa hiérarchie les problématiques de ce foyer. Les éléments remontés au secrétariat général par courrier du 5 août 2020 concernaient une seule collaboratrice. Ni le document écrit par des remplaçants au mois d’avril 2019, ni l’analyse globale du foyer effectuée par M______ dans son courriel du 31 juillet 2020 n’y figuraient, alors même qu’il s’agissait d’éléments essentiels à la compréhension de la situation. Après la dénonciation anonyme du mois de janvier 2021, la recourante n’avait pas estimé nécessaire de transmettre la note circonstanciée qu’elle avait reçue de L______ le 23 janvier 2021. Il avait fallu attendre la fin du mois de mars 2021, à savoir huit mois après que la recourante avait pris connaissance du document écrit des remplaçants de 2019 pour que le secrétariat général et le DIP disposent de toutes les informations pertinentes et nécessaires à sa bonne compréhension de ce qui s’était passé dans ce foyer. La recourante avait certes souhaité entendre les personnes concernées avant de rédiger sa note et la pertinence de cette démarche n’était pas contestée. Les entretiens avaient toutefois débuté à la fin du mois de février 2021, soit six mois après avoir pris connaissance du document écrit des remplaçants de 2019 ainsi que de l’analyse faite par M______ en date du 31 juillet 2020. Rien n’empêchait la recourante de transmettre le document de 2019 à sa hiérarchie tout en sollicitant en parallèle les personnes auteures de cette note afin de les entendre à ce sujet. À compter de la dénonciation anonyme du mois de janvier 2021, le secrétariat général du DIP, en les personnes de G______ et I______, avait suivi de près la recourante, la relançant régulièrement, afin d’obtenir la note de service attendue et réclamée depuis le mois de janvier 2021. Enfin, en sa qualité de directrice générale de B______, il était attendu de la recourante qu’elle prenne l’initiative de mettre en place un audit externe. En raison de son inaction, la direction des ressources humaines du DIP n’avait pas eu d’autre choix que de se substituer à la recourante pour mener à bien le projet. Ces éléments avaient eu un impact négatif sur le fonctionnement du DIP, dans la mesure où ils étaient directement corrélés à la gestion de ce dossier qui avait fait l’objet d’une traitement médiatique intense et ayant d’importantes répercussions sur l’image de l’État. Les griefs retenus constituaient une violation des art. 20 à 23 RPAC et 3 RCSAC ainsi que de son cahier des charges. Il s’agissait d’un motif fondé de résiliation.

Enfin, la recourante avait violé son devoir de veiller à la protection de la personnalité et de contrôler les activités des membres du personnel en validant l’engagement d’une personne ayant un casier judiciaire. Sa décision d’engager cette personne avait très certainement été influencée par le lien personnel prévalant entre les deux protagonistes. S’agissant de la collaboratrice souffrant d’un problème d’addiction à l’alcool, la recourante disposait de plus d’un mois, entre l’incident du 21 octobre 2021 et le 3 décembre 2021, date de sa libération de l’obligation de travailler, pour s’assurer du traitement de cette situation. Ce genre de comportement contrevenait aux prestations attendues d’un haut cadre de la fonction publique, en particulier aux art. 20 à 23 let. b et f RPAC.

La procédure de reclassement avait été menée conformément au droit applicable. L’autorité ne pouvait entrer en matière sur une éventuelle réintégration, pas plus que sur une éventuelle indemnité, qui n’avaient pas lieu d’être.

d. La chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 16 juin 2023.

d.a. A______ a confirmé avoir été soutenue par deux mandataires externes pour élaborer la vision holistique de B______. S’agissant du premier mandataire, ils avaient mis un terme à leur collaboration et, concernant le second mandataire, la collaboration avait abouti à la présentation d’octobre 2021, de sorte qu’elle en tirait un résultat positif. Elle avait très vite informé G______ que la situation de B______ était « catastrophique ». Il manquait des ressources importantes de personnel et de lignes budgétaires. Tout était à construire, il n’y avait aucun outil de pilotage et le service RH était désorganisé et en grandes difficultés. Plusieurs directeurs avaient rencontré des soucis de santé importants en lien avec le travail. Il n’y avait ni projet institutionnel, ni définition des missions de B______. Elle avait demandé une évaluation de l’ensemble des prestations et le rapport avait été établi en juin 2020. Elle avait eu des urgences importantes quelques mois après son arrivée dont notamment une crise liée à la facturation médicale qui était susceptible d’entrainer des pertes financières très importantes pour l’État ainsi qu’un risque d’image important. À cette situation s’ajoutait un climat de grande tension et de méfiance envers la secrétaire générale et la conseillère d’État en lien avec une affaire qui s’était déroulée peu avant son arrivée et dont certains collaborateurs de la direction générale et des directions du niveau intermédiaire avaient eu de la peine à se remettre. Dans ces conditions, il n’était pas possible de construire une vision dans l’immédiat. Il fallait d’abord prendre la mesure, définir les indicateurs et construire des outils de planification. S’ajoutait à cela la difficulté liée à la crise sanitaire en 2020 avec un taux d’absentéisme très élevé des collaborateurs alors que B______ était tenu de maintenir certaines de ses prestations. Sa note du 17 septembre 2020 avait été rédigée sur son initiative, la secrétaire générale ne l’ayant pas demandée. Les missions mentionnées dans cette note avaient été intégralement validées, de même que l’organigramme. Dans son courriel du 9 octobre 2020, la secrétaire générale avait évoqué le fait que l’organigramme ne devait durer que jusqu’à la retraite de certains collaborateurs, ce qu’elle avait compris, et qu’il manquait encore la vision globale de B______, ce qu’elle savait également pertinemment. Compte tenu d’un ensemble de facteurs, elle n’avait pu travailler sur la question de la vision holistique de B______ qu’à partir de l’été 2021. Elle avait organisé un séminaire qui avait eu lieu en octobre 2021 et présenté une feuille de route qui devait initier les travaux en la matière. Il s’agissait d’une première phase qui devait encore être affinée. Or, à ce moment-là, la conseillère d’État avait décidé de changer de cap et de transférer certaines prestations de B______ à des entités privées. Il s’agissait d’un élément nouveau et important, qu’elle n’avait pas pris en compte dans son PowerPoint. À son sens, ce changement de cap allait prendre du temps et nécessitait une communication importante ainsi qu’un accompagnement du personnel qui allait nécessairement réagir négativement face à ce changement.

Les reproches du Conseil d’État selon lesquels sa présentation au sujet de la vision holistique de B______ ne contenait pas de problèmes structurels de fonctionnement et des solutions de réorganisation de B______ étaient nouveaux et ne lui avaient pas été formulés à l’époque. On ne lui avait jamais demandé d’effectuer un état des lieux complet. Elle avait entendu ces reproches pour la première fois dans le courrier de la convocation à l’entretien de service du 3 décembre 2021. Avant ce courrier, des discussions avaient eu lieu avec la secrétaire générale et la conseillère d’État afin d’organiser son départ mais aucun grief ne lui avait été fait. Son représentant de l’époque lui avait alors dit qu’elle servait de fusible et que les arguments pour un licenciement n’existaient pas à ce moment-là mais qu’ils viendraient par la suite. La volonté de la voir quitter sa fonction avait été exprimée pour la première fois par la hiérarchie trois jours après sa convocation à la commission du Grand Conseil pour l’affaire du C______. Il était difficile de ne pas faire de lien entre les deux événements. À ce moment-là, elle avait une pression très importante pour répondre à une offre de poste avant le 3 décembre 2021. Elle avait ensuite compris que cette échéance était due au fait que la conseillère d’État allait être auditionnée par la commission du Grand Conseil et qu’elle souhaitait lui faire porter la responsabilité du C______ et informer le Grand Conseil qu’elle avait quitté le poste. C’était par ailleurs le 3 décembre 2021 que la plainte pénale pour maltraitance avait été déposée.

Son courriel du 22 octobre 2021 avait pour seul objectif d’apaiser le terrain et à aucun moment il ne validait un agrandissement de B______. Les critiques formulées à son encontre constituaient une tentative « par après » de reprocher des points qui ne posaient pas problème. La nouvelle vision de la conseillère d’État, consistant à « massivement » transférer des prestations à des entités subventionnées, ne lui avait pas été communiquée avant octobre 2021.

S’agissant de sa note du 3 mars 2020, le formulaire avait été transmis alors qu’elle avait déjà rédigé son propre document de suivi. Elle avait informé la secrétaire générale à ce sujet, qui lui avait répondu qu’elle pouvait maintenir le document tel qu’il était, le cas échéant le compléter avec des éléments du formulaire. Il existait des échanges de courriels à ce sujet.

Il était exact que les employés avaient refusé de signer les procès-verbaux de la crise du C______. Elle avait toutefois obtenu l’accord exprès des personnes d’utiliser les propos tenus lors des entretiens afin d’élaborer les entretiens de service, de sorte qu’elle avait pu utiliser l’ensemble des propos utiles.

Une cellule de crise avait été mise sur pied afin de trouver une solution autre que budgétaire à la rentrée 2021, étant précisé qu’il y avait 100 élèves supplémentaires inscrits. Elle avait demandé des effectifs supplémentaires et toutes les démarches avaient été faites en ce sens. La conseillère d’État avait toutefois refusé de faire suivre cette demande à la commission des finances. Après huit séances organisées dont quatre annulées, la cellule de crise mise en place par la secrétaire générale n’avait pas trouvé d’autres solutions que de demander des effectifs supplémentaires, ce qui avait été fait.

S’agissant du reproche lié à des prestations insuffisantes en lien avec les partenaires externes, elle n’avait toujours pas de noms de personnes avec qui la collaboration aurait été difficile. À son arrivée, elle avait dû reconstruire des relations qui avaient été difficiles avec son prédécesseur. Les relations étaient très constructives avec l’ensemble des partenaires. Les seuls noms qui avaient été évoqués étaient ceux de U______, directrice de l’office de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ), et V______, directeur général de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO). Elle était intéressée d’entendre U______ sur ce point car elle ignorait les raisons pour lesquelles leur relation aurait été difficile. Quant à sa relation avec V______, des problèmes avaient été identifiés avec lui à plus large échelle, ce que la secrétaire générale avait reconnu, comme en attestaient des courriels à ce sujet.

S’agissant de sa gestion du C______, après avoir reçu le courriel de L______ du 5 août 2020, il s’agissait pour B______ de dénoncer les agissements d’une collaboratrice qui posait problème. À ce courriel, elle avait reçu une fin de non-recevoir, les éléments n’étant pas suffisants pour la licencier. Cette personne avait été finalement licenciée un an après sur son insistance car le DIP voulait renoncer sur pression du syndicat. Il s’agissait de la situation la plus urgente. L’enfant dont l’employée était référente avait été retiré du foyer en août 2020, de sorte qu’aucune mesure n’avait été prise dans l’immédiat. Suite à la réception du document des remplaçants qui ne contenait pas tous les noms et dont les faits étaient imprécis, elle avait appelé ceux qui figuraient dans le document mais ils avaient tous refusé de témoigner. Les agissements mentionnés dans ce rapport étaient beaucoup moins précis que ceux qui concernaient la collaboratrice problématique. Or, comme le DIP n’avait rien fait suite à cette alerte, il lui semblait nécessaire de recueillir d’autres informations. En janvier 2021, elle avait souhaité mettre ce point à l’ordre du jour d’une séance bilatérale mais la secrétaire générale avait refusé, demandant à ce qu’il soit traité par la directrice RH. Il avait été ensuite convenu avec la directrice RH qu’elle ait des entretiens avec les différents intervenants. Si la directrice RH n’avait pas reçu la note de O______ (recte : L______), c’était certainement d’entente avec B______ car cette note devait être complétée avec les entretiens des employés du foyer. À la suite de son rapport de mars 2021, qui était très complet, le DIP n’avait pas réagi. Il avait mandaté un audit RH du C______ mais avait refusé de procéder à des entretiens de service. À son sens, il avait écouté le syndicat. Les employés problématiques avaient continué à travailler dans d’autres structures et un autre cas de maltraitance se serait produit. Entre décembre 2020 et janvier 2021, un élément important s’était produit sans que le DIP n’ait démontré d’intérêt particulier, à savoir la destruction par les employés des disques durs du foyer. Elle avait donc envoyé les disques durs aux Pays-Bas à une entreprise spécialisée en la matière pour récupérer une partie du contenu. Elle avait informé la secrétaire générale ainsi que le service informatique de l’État avant de le faire. De manière surprenante, le DIP ne s’était pas intéressé à cette question et n’avait même pas déposé une plainte pénale. À son sens, la destruction des disques montrait bien que les collaborateurs savaient que leurs actions étaient inadéquates. Il lui semblait nécessaire de procéder aux entretiens de service, ce qui n’avait pas été fait.

Enfin, s’agissant du grief lié à la violation du devoir lié à la protection de la personnalité, elle connaissait la personne engagée malgré un casier judiciaire. Ils étaient en pleine période COVID et cherchaient d’urgence des personnes disponibles pour une permanence téléphonique. Une collaboratrice de B______ connaissait également l’autre personne engagée pour ce poste. Il s’agissait d’un fils d’une connaissance. Le directeur RH de l’époque lui avait alors donné son accord pour un engagement de six mois, et avait lui-même signé les contrats suivants. Un membre du secrétariat général était au courant de la situation, laquelle était ainsi signalée et la hiérarchie y avait consenti.

Quant à la personne « souffrant d’un problème d’alcool », elle l’avait vue une fois en état d’ébriété au bureau. Elle s’était donc limitée à lui en parler. O______ lui avait alors suggéré de mettre en place un suivi, ce qu’elle avait confirmé. Ils n’avaient pas eu de séances bilatérales depuis car elle avait été libérée de ses fonctions.

d.b. La représentante du Conseil d’État a indiqué que la vision holistique de B______ était arrivée tardivement et aurait pu arriver plus tôt malgré les défis auxquels avait dû faire face B______. Cela ne correspondait pas à ce qui était attendu. Le fait qu’il y ait eu des séances bilatérales avec la conseillère d’État et la secrétaire générale suite à sa présentation montrait bien que la recourante avait pris une mauvaise direction. Il ne s’agissait que d’une ébauche alors que cela faisait plusieurs années que cette vision lui avait été réclamée, étant précisé qu’il s’agissait de l’une de ses missions principales. La hiérarchie souhaitait une direction générale d’ordre structurel et pas nécessairement des solutions pour des problèmes plus spécifiques.

Le courriel de la recourante du 22 octobre 2021 laissait penser que B______ allait perdurer dans sa structure d’alors et serait forcément amené à grandir, ce qui n’était pas en phase avec la direction communiquée par la conseillère d’État. Celle-ci avait déjà été communiquée à la recourante lors de séances bilatérales avec la conseillère d’État ou la secrétaire générale. Toutes ces discussions n’étaient pas forcément inscrites dans des procès-verbaux de séance.

Dans sa note du 3 mars 2020, la recourante n’avait pas utilisé le modèle adéquat. Le document n’avait pas été validé. Or, il s’agissait d’éléments qu’elle aurait dû savoir, de par sa fonction. S’agissant des procès-verbaux établis lors de la crise du C______, il ne s’agissait pas de la manière usuelle d’établir des
procès-verbaux. Ils n’avaient pas remis en cause la nécessité de les établir, mais plutôt la méthode. Cela avait d’ailleurs été remis en cause par la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil.

C’était la première fois que le secrétariat général avait dû diriger une cellule de crise pour organiser une rentrée scolaire.

S’agissant du C______, le courriel du 5 août 2020 avait été transmis au DIP et non au Conseil d’État. L’employée en question avait fait l’objet d’un avertissement avec des objectifs stricts à tenir. La recourante avait également reçu le document des remplaçants de 2019 en juillet 2020 mais ne l’avait pas transmis à la hiérarchie. S’agissant de la note de L______ de janvier 2021, celle-ci n’avait jamais été transmise à la directrice RH du DIP. Or, il appartenait à la recourante de s’assurer de la transmission de cette note. Quant à la note de 2019 des remplaçants, elle n’était pas aussi vague que l’avait décrite la recourante. Les agissements étaient précisément détaillés et reliés à des personnes déterminées. La collaboratrice problématique n’y figurait pas. Toute implication du syndicat dans la gestion de cette crise était contestée. Il était en effet nécessaire de procéder à des audits, ce qu’avait fait le Conseil d’État.

e. Le 30 juin 2023, la recourante a sollicité l’audition de W______, son ancienne assistante, F______, ancienne directrice du C______, X______, consultant auprès de Y______, Z______, juriste à B______, et S______, coach. Elle a produit un bordereau de pièces complémentaire.

Le même jour, le DIP a sollicité l’audition de G______, AA______, I______, AB______, directrice de la gestion des risques et de la qualité du DIP, et AC______, secrétaire générale adjointe du DIP, et invité la chambre de céans à prononcer le huis clos. Il a également produit un bordereau de pièces complémentaire.

f. Par pli du 3 juillet 2023, la chambre administrative a relevé que les motifs invoqués dans sa demande ne suffisaient pas pour déroger au principe de la publicité de l’audience. En revanche, si des questions touchant à la sphère privée des personnes, en particulier d’enfants, venaient à être abordées, la chambre de céans pourrait être amenée à prononcer le huis clos en cours d’instruction.

g. Le 23 août 2023, A______ a contesté la qualité de témoins de G______ et I______ et produit un bordereau de pièces complémentaire.

h. Le 25 août 2023, la chambre administrative a entendu à titre de renseignements G______, secrétaire générale du DIP depuis le 1er octobre 2018.

Celle-ci a confirmé n’avoir jamais reçu de visions stratégiques de B______ correspondant aux attentes du DIP. À réception de la note de service de la recourante du 17 septembre 2020, elle avait été « déçue » et « très surprise de la temporalité ». Cette note avait été rendue très tard, ne faisait qu’une page et reprenait en substance les missions déjà connues, ce qui ne correspondait pas à la demande. Il manquait en particulier les éléments qui définissaient une mission. Elle avait également été surprise par l’annexe qui comportait un organigramme proposant huit postes de directeurs rattachés à la direction générale. Or, cela n’était pas courant. La note avait été requise dès le début de l’engagement de la recourante. La nécessité de cette note avait été rappelée lors de l’évaluation des trois et neuf mois. Un coaching d’accompagnement avait même été mis en place pour travailler sur cette mission. Il lui paraissait évident que tous les éléments mentionnés par le DIP, soit l’absence de diagnostics structurés de B______ en termes métier, de gouvernance, de possibilités de croissance des prestations, en termes RH, d’infrastructures et de sécurité, auraient dû figurer sur cette note. Suite à celle-ci, elle avait reçu plusieurs PowerPoint avec des propositions de réorganisations des structures, des éléments RH et des morceaux de plans d’action. Ces documents ne répondaient toutefois pas aux attentes, notamment de maîtrise de croissance et d’amélioration des prestations. Il était difficile pour la recourante de comprendre que l’État ne disposait pas de moyens financiers infinis et qu’il n’accordait pas de budget lorsque la demande était infondée ou mal explicitée.

Le PowerPoint d’octobre 2021 ne répondait toujours pas aux attentes, à tout le moins partiellement. Ils s’attendaient à des propositions de recentrage des prestations alors que le PowerPoint visait un élargissement des prestations. Il n’y avait par ailleurs aucune clarification des missions. Elle avait communiqué ces éléments à la recourante la veille de la séance prévue pour la présentation de ce PowerPoint et indiqué qu’il ne serait pas possible de traiter complètement ce point lors de cette séance.

Elle avait demandé un rendez-vous urgent avec I______ et AB______, du contrôle interne. Cette demande était en lien avec l’organigramme proposé par la recourante qui était « inadéquat, insatisfaisant et dangereux pour le département ». La demande de vision holistique de B______ était récurrente mais jamais entendue, voire comprise. C’était là « le fil conducteur de l’histoire ». Il ressortait certes de son courriel du 6 novembre 2020 que la conseillère d’État avait validé la note de service du 17 septembre 2020. Il était toutefois décidé que la mission de B______ ne serait plus adaptée par la direction générale de B______ mais par un groupe de travail piloté par le secrétariat général. Or, une telle décision illustrait un mauvais fonctionnement. L’organigramme était considéré par ailleurs comme « de transition » dans la mesure où la recourante n’avait pas réussi à faire autrement. Dans son courriel du 9 octobre 2020, elle avait certes confirmé qu’il s’agissait d’un « pas en avant », mais il était décevant et insuffisant. À ce moment-là, elle accompagnait la recourante, lui fixait des objectifs et pensait encore qu’elle y arriverait. Les objectifs étaient fixés dans les EEDM. Elle avait proposé à la conseillère d’État que la note du 17 septembre 2020 ne soit pas validée. Elle en avait parlé avec la recourante. Il n’existait toutefois aucune trace écrite de son préavis négatif sur la question. À ce moment-là, elle ne s’était pas inquiétée du fait que la note du 26 octobre 2020 ne reflétait pas sa position personnelle car le but était de stabiliser les missions et ils n’avaient plus le temps. Il était mieux d’avoir des missions insuffisantes que pas de missions du tout. Celles-ci pouvaient encore évoluer.

Elle avait fait part de ses doutes au sujet de la nomination de la recourante à la conseillère d’État dans le cadre d’échanges informels. Il s’agissait d’échanges RH qui étaient confidentiels et n’étaient jamais inscrits dans des procès-verbaux.
Celle-ci lui avait répondu qu’elle n’était pas d’accord car la situation était trop complexe pour prolonger une période probatoire. Ils étaient en pleine période COVID et il s’agissait d’un office difficile.

Elle n’avait jamais affirmé ni même pensé que la recourante n’avait rien fait entre sa note de septembre 2020 et le PowerPoint d’octobre 2021. Les prestations étaient toutefois insuffisantes.

S’agissant du message envoyé par la recourante le 22 octobre 2021, la hiérarchie ne lui avait pas demandé d’informer les collaborateurs au sujet de la nouvelle vision de B______. À réception de ce courrier, elle avait été déçue et choquée car elle avait le sentiment que la recourante décidait seule alors que cela concernait l’ensemble du DIP. Il s’agissait d’une initiative personnelle non concertée avec la hiérarchie qui ne correspondait pas à la séance bilatérale du 18 octobre 2021.

Elle ignorait quand la recourante avait été informée de la nouvelle vision consistant à transférer des prestations à des entités subventionnées. Les choses avaient évolué mais il semblait qu’ils en avaient parlé lors de séances bilatérales en lien avec le budget au début de l’année 2021.

Elle estimait avoir été claire avec la recourante sur son jugement quant à son travail mais elle n’avait pas été entendue.

S’agissant de l’absence de l’utilisation des documents institutionnels, le DIP avait entamé un processus complet de gestion des projets stratégiques et transversaux. La recourante n’avait toutefois pas réussi à utiliser la méthode et les outils à disposition et lui en avait fait part à plusieurs reprises. Elle lui avait répondu que l’important était que le travail soit fait. À son sens, elle aurait mieux réussi ses objectifs si elle avait utilisé les outils à disposition. Elle avait autorisé ce format en disant que c’était une solution palliative.

La note de service du 14 mai 2021 était une note qualitative qui énumérait les éléments posant problèmes et qui concluait que B______ n’avait pas les moyens d’assurer la rentrée. Cette note avait été suivie par une autre note à la fin mai 2021 dans laquelle la recourante avait évalué les besoins de B______ à 25 postes pour la rentrée. Cela correspondait à un budget d’environ CHF 3'000'000.-. Elle avait soumis cette note à la direction des finances qui lui avait répondu qu’elle n’était pas solide, qu’elle contenait des erreurs et des éléments imprécis. Elle avait donc décidé d’organiser quatre séances pour piloter la demande de crédit supplémentaire avec la direction RH et Finances. Cette demande avait abouti à un crédit de CHF 1'800'000.- avec un autofinancement de CHF 1'400'000.-. La recourante lui avait fait part de manière virulente de son insatisfaction lorsqu’elle avait organisé ces séances. Encore une fois, la recourante avait travaillé seule au lieu de préparer ensemble la rentrée qui était souvent difficile pour B______. Toutes ces séances avaient été résumées dans un document Excel. Il était reproché à la recourante de ne pas avoir fourni de données financières fiables et rapides pour obtenir un budget avant la rentrée. Le reproche principal consistait en l’absence de vision et non spécifiquement le manque d’argent pour la rentrée 2021.

La note financière du 25 mai 2021 avait été rédigée par la recourante seule alors qu’elle aurait dû être établie par le directeur financier qui, selon la recourante, était en vacances. Le seul poste d’économie proposé dans la note du 14 mai 2021 était celui du temps de travail des éducateurs, ce qui avait déjà été demandé par le DIP.

Elle avait eu un échange téléphonique avec la recourante début juin 2021 lors duquel celle-ci lui avait indiqué qu’il était inacceptable qu’elle prenne sa place, ce à quoi elle avait répondu qu’ils n’avaient plus de temps. Elle se souvenait de cet échange car le ton était agressif et désagréable. Elle lui avait demandé de ne plus adopter ce ton avec elle. Cet échange n’avait fait l’objet d’aucune trace écrite.

Elle avait été alertée pour la première fois au sujet du C______ lorsque la maman d’un enfant avait adressé un courriel à la conseillère d’État relatif au
bien-être de son fils dans ce foyer. Ensuite, à la fin de l’été 2020, la recourante l’avait informée qu’il y avait une problématique RH avec une collaboratrice. Elle avait par la suite été informée du suivi de cette situation. Ensuite, c’était une dénonciation anonyme datée de janvier 2021 qui l’avait alertée sur l’ampleur de la crise. Avant cela, elle avait été informée à plusieurs reprises par la recourante de problèmes d’ameublement. Elle avait également été informée du départ du directeur du foyer et de l’engagement de la directrice ad interim. Il était exact que la recourante souhaitait mettre ce point à l’ordre du jour de la séance bilatérale. Avec la conseillère d’État, elles avaient décidé de ne pas mettre ce point à l’ordre du jour. Ce point avait été traité oralement mais elles ne souhaitaient pas que la dénonciation anonyme apparaisse à l’ordre du jour. L’orientation de ce point avait été traitée et il avait été décidé d’un suivi RH. À ce moment-là, elle attendait une note d’analyse de la situation promise par la recourante, qui n’était arrivée qu’en mars. Le courriel du 9 février 2021 était très court et bien qu’il mentionnât des maltraitances, il n’en précisait pas l’ampleur.

Il était faux de dire qu’elle avait demandé à la recourante de ne pas communiquer avec la conseillère d’État au sujet du C______. Elle lui avait simplement demandé de lui envoyer la note. La direction des ressources humaines avait préconisé un audit RH mais la recourante ne le souhaitait pas. La recourante avait été insatisfaite des résultats de l’audit auxquels elle n’adhérait pas et avait refusé d’en suivre les recommandations.

Il lui semblait avoir parlé avec la recourante de la destruction par les employés du foyer des disques durs du foyer. Elle ignorait toutefois à quelle date et les détails de cette conversation. Ce point n’avait en tout cas pas été thématisé.

Il n’y avait aucun lien entre la convocation à un entretien de service et la convocation de la conseillère d’État devant la commission de contrôle de gestion du parlement. En revanche, la convocation à un entretien de service avait un lien avec la séance du 18 octobre 2021. Il n’y avait aucun lien de cause à effet entre la convocation à un entretien de service du 3 décembre 2021 et la dénonciation pénale en lien avec les événements du C______ du même jour. Il n’y avait pas non plus de lien entre la dénonciation pénale et l’audition de la conseillère d’État devant la commission de contrôle de gestion. La lettre de l’OCIRT et la dénonciation anonyme étaient à la base des éléments RH. En parallèle, elle avait reçu la note de la recourante en mars 2021. Les résultats de l’audit RH étaient arrivés fin août 2021. Ils avaient constaté qu’ils ne leur avaient pas donné toutes les réponses de sorte qu’ils avaient décidé de déposer des dénonciations pénales. En parallèle, la procédure pénale avait suivi son cours. Elle admettait qu’ils auraient dû (recte de la témoin : auraient « pu ») aller plus vite s’agissant des dénonciations pénales. Ils auraient pu le faire en septembre et octobre 2021.

La note de mars 2021 concluait entre autre au dysfonctionnement de l’ensemble de l’équipe du C______. À ce stade, il n’y avait plus de risques de maltraitance comme cela ressortait du courrier de la recourante du 9 février 2021. L’idée était de comprendre ce qui se passait dans le foyer et ce qu’ils auraient dû faire pour changer la dynamique. Il était reproché à la recourante d’avoir tardé à établir la note et de n’avoir pas fait remonter les alertes, ce qui était pourtant prévu par les procédures. Ils n’avaient pas pu évaluer la gravité de la situation. Il y avait eu des fins de rapport de service mais elle ne se souvenait pas du nombre. Elle ignorait s’il y avait eu des maltraitances au C______, elle « n’y étai[t] pas ».

Elles avaient rencontré la recourante à deux reprises en novembre 2021. Elle était présente au premier entretien lors duquel les manquements reprochés lui avaient été brièvement communiqués. À ce stade, l’idée était de trouver une issue négociée favorable à tout le monde. Il n’y avait pas d’urgence et il lui avait été accordé un délai de cinq jours pour qu’elle se détermine sur la proposition qui lui avait été faite. La deuxième séance avait eu lieu en présence de I______ et elle n’avait pas connaissance d’un délai qui aurait été fixé à ce moment-là. La brièveté du délai était due au fait qu’il était important de ne pas faire durer une situation peu claire d’un haut cadre.

La résiliation était due à un ensemble de griefs et difficultés ainsi que la perspective de gérer un office qui allait de moins en moins bien et qui avait besoin de solidité. L’insuffisance de prestations dans la collaboration avec les partenaires résultait d’une « question de posture, d’attitude et de capacité de remise en question ». La recourante partait toujours de l’idée que les autres étaient fautifs. Elle avait eu plusieurs retours en ce sens des directions générales de l’OEJ et de la DGEO. S’agissant des collaborateurs de B______, elle n’avait pas eu de plaintes spécifiques par rapport à la direction générale durant la fonction de la recourante. Après son départ, des commentaires lui avaient été rapportés sur certaines ambiances et tensions mais elle ne souhaitait pas porter de jugement à cet égard. Il y avait eu un mécontentement en lien avec la réaction des syndicats et la pétition qui avait suivi. Il était exact que l’employé au casier judiciaire était le fils d’un haut cadre du département.

i. La chambre administrative a tenu une nouvelle audience d’enquêtes le 1er septembre 2023.

i.a. F______, directrice du C______ du 1er novembre 2020 au 30 octobre 2021, a indiqué que ses relations de travail avec la recourante étaient très bonnes et que celle-ci était toujours disponible. À fin novembre 2020, ils avaient découvert des dysfonctionnements et irrégularités au sein du foyer. Elle avait tout de suite informé le service RH de B______ au sujet des plannings de l’équipe qui posaient problèmes. S’en était suivie une collaboration avec le service RH de B______ qui avait donné lieu à une séance officielle avec la recourante fin janvier 2021. Avant cette séance, elle avait eu des entretiens informels dans son bureau pour parler des problèmes qu’elle rencontrait au foyer. Lors de cette séance, la recourante lui avait demandé de lui transmettre directement toutes les informations concernant le foyer. À la suite de la dénonciation anonyme du mois de janvier, ses contacts avec la recourante s’étaient intensifiés et elles communiquaient une à quatre fois par semaine. Elle n’avait jamais aucun contact direct avec le DIP. De ses discussions avec la recourante, elle avait compris que le DIP était également au courant. À son sens, elle devait lui rendre des comptes. À ce moment-là, les problèmes étaient les suivants : aucun projet éducatif pour les enfants, une médication trop rapide par rapport à la situation de l’enfant ainsi qu’une hospitalisation à la moindre crise (sans chercher à comprendre le problème). La recourante avait proposé qu’un coaching soit mis en place avec des séances ayant lieu une fois par semaine. Le bilan était très positif, cela lui avait fait beaucoup de bien.

Elle était d’accord avec les recommandations qui avaient été faites dans la note de service de la recourante du 29 mars 2021, en particulier celles visant les collaborateurs du C______. Aucune suite n’avait été donnée à cette note, ce qui avait provoqué chez elle un sentiment d’injustice envers les enfants. Elle avait été surprise et choquée par le fait qu’il n’y avait eu aucune suite pour la totalité des personnes, seules deux personnes sur l’ensemble des noms cités ayant été sanctionnées entre mars 2021 et août 2023.

Durant la période de novembre 2020 à mars 2021, la recourante avait été très réactive et « soutenante » à son égard. Elle était aussi proche du terrain, ce qui était peu habituel pour un directeur général, et était « bien au fait » de cette situation de crise.

Elle avait elle-même découvert que les disques durs du foyer avaient été détruits. Un collaborateur du foyer lui avait dit qu’ils avaient été effacés sciemment par un professionnel du foyer. Elle en avait informé directement la recourante ainsi que L______, en leur communiquant l’identité de la personne qui avait effacé les disques durs.

À son arrivé au C______, l’équipe était fatiguée, « vieille malgré son jeune âge », essoufflée par les enfants et avec un descriptif des enfants « similaire à des monstres » (toujours plus de médicaments et enfermement dans une chambre d’apaisement). Au vu de la gravité des faits, la recourante avait préféré être mise en avant même si L______ était toujours informé. Il était toutefois moins réactif que la recourante. Elle n’avait pas été présente aux entretiens menés par le recourante. Certains collaborateurs l’avaient directement informée qu’ils n’avaient pas signé les procès-verbaux de peur de représailles. Certains avaient même reçu des menaces de la part d’autres professionnels du foyer. L’objectif était de sanctionner le comportement de certains professionnels et non pas de licencier toute l’équipe. Quelque chose de « bizarre, assez glauque », s’entretenait au sein de l’équipe de sorte que l’idée était de la changer, de redémarrer à zéro, de sanctionner certains collaborateurs et de déplacer les autres. Selon elle, il y avait eu des accords entre les syndicats et le DIP. Elle savait qu’ils se voyaient régulièrement. Il y avait eu assez de témoignages pour démontrer la maltraitance, dont l’existence même d’une chambre d’enfermement ainsi que les notes des collaborateurs dans les transmissions d’où ressortaient les maltraitances infligées aux enfants.

L’audit RH lui avait été présenté comme un balayage de la structure de l’entité du foyer de manière à donner des axes d’amélioration pour le foyer. Les responsabilités pour les maltraitances n’avaient pas été abordées. Certains professionnels n’avaient à tort pas été interrogés. En revanche, les collaborateurs qui dysfonctionnaient avaient été interrogés. Les conclusions du rapport ne l’avaient pas surprise ; il allait dans la même lignée que l’absence de réaction au rapport de mars 2021. Une seule collaboratrice avait été sanctionnée en septembre 2021 et avait quitté le DIP, une autre était suspendue (selon les rumeurs) et les autres étaient toujours en poste au sein du DIP.

À son sens, la recourante avait « servi de fusible » et était un élément « gênant ». Elle avait pris position sur le C______ et avait essayé de se battre pour que justice soit faite alors que d’autres personnes n’avaient rien fait.

Au sein de B______, la recourante était à l’écoute, humaine et essayait de faire avancer chaque personne. Elle faisait ce qu’elle pouvait malgré les difficultés de B______.

i.b. W______, ancienne assistante de la recourante durant toute sa fonction au sein de B______, a indiqué qu’elle avait été personnellement impactée par la situation et prenait le risque des éventuelles conséquences que pourrait engendrer son témoignage.

Les relations de travail avec la recourante étaient très bonnes. Il s’agissait d’une personne intègre et elle appréciait beaucoup sa façon de travailler. À son arrivée, la recourante avait insufflé une nouvelle dynamique dans un office compliqué où il n’y avait pas beaucoup de convivialité. Elle avait notamment organisé une soirée du personnel en 2019 qui avait été bien accueillie par les collaborateurs. Ce genre de soirées n’avaient jamais eu lieu par le passé, hormis des pique-niques canadiens peu appréciés. À aucun moment, elle n’avait ressenti de mécontentement de la part des collaborateurs de B______ à son égard.

La recourante avait toujours le souci de travailler avec tout le monde et de comprendre ce que chaque personne pouvait apporter, de manière à trouver un consensus. Elle n’avait jamais entendu parler d’un mécontentement d’un partenaire externe ou interne.

La recourante avait réussi à apporter une vision stratégique pour B______. Il manquait toutefois la vision de la conseillère d’État qui n’était ni claire ni pérenne. Les relations entre la recourante et la conseillère d’État et/ou le secrétariat général étaient soutenues. Des séances étaient organisées à intervalles réguliers. En plus de cela, elle prenait régulièrement contact avec la conseillère d’État et/ou le secrétariat général en cas de questions ou de difficultés. La recourante comprenait très bien les missions qui lui étaient confiées mais la difficulté consistait en la mise en place sur le terrain au vu de la complexité des structures et des types de métier auxquels elle faisait face. Il y avait une dichotomie entre les décisions politiques et la mise en place sur le terrain.

Elle avait accès à l’agenda de la recourante et à l’entièreté de sa messagerie. Elle préparait les séances et partageait un espace avec elle sur le serveur. Elle recevait par jour de nombreux courriels qu’elle n’arrivait pas à lire dans leur intégralité. Elle lisait attentivement les échanges avec le secrétariat général et la conseillère d’État et n’avait jamais vu un quelconque reproche à cet égard. La recourante aimait à développer une entière confiance au travail. Elles travaillaient en bonne intelligence. En cas de mécontentement de la conseillère d’État, de la DRH ou du SG, la recourante le lui aurait fait savoir.

Avant la crise du C______, soit en novembre 2021, la recourante ne lui avait jamais fait part de la moindre critique ou de problèmes dans le cadre de ses rapports de travail avec les trois intervenants susmentionnés.

Elle avait appris par la presse que la recourante avait été libérée de son obligation de travailler. Elle avait été particulièrement choquée de l’apprendre ainsi. Les articles de presse qui étaient sortis en lien avec l’audition de la secrétaire générale étaient un tissu de mensonges. Elle ne comprenait pas comment une personne pouvait être d’aussi mauvaise foi, aussi « abjecte ». Il s’agissait peut-être de se dédouaner soi-même pour ne pas prendre ses responsabilités. Le fait de lire de tels mensonges était très éprouvant pour elle et pour certains collègues.

Elle avait lu dans la presse que le licenciement de la recourante n’avait aucun lien avec le C______. Elle ne pouvait pas imaginer comment quelqu’un avait pu dire « une absurdité pareille ». Bien sûr qu’il y avait un lien direct avec cette crise que l’ancienne conseillère d’État n’avait pas su ou voulu assumer.

Lorsque la recourante était retournée au bureau après sa première visite au C______ en septembre ou octobre 2019 suite à la dénonciation d’une maman auprès de la conseillère d’État, elle était « décomposée », en état de choc après avoir vu les conditions d’accueil des enfants. Elle avait besoin d’en parler et s’était confiée à elle. Elle s’était battue pour améliorer la situation, en allant même
elle-même chez AD______ pour acheter des aménagements et de la décoration afin d’améliorer la situation.

Le dossier du C______ avait commencé en juillet 2019. À ce moment-là, ils avaient senti que la conseillère d’État se déchargeait complètement sur la recourante pour qu’elle améliore la situation avec la maman qui l’avait contactée. Il ne fallait pas faire de vagues, il fallait recevoir la maman en question et répondre à ses interrogations. Quand la recourante avait commencé à creuser pour voir comment les choses se passaient au foyer, ils avaient constaté que la conseillère d’État n’y accordait pas l’importance nécessaire. La recourante l’avait pourtant alertée à plusieurs reprises mais n’avait jamais eu le sentiment d’avoir été écoutée. Elle avait elle-même tenu les procès-verbaux d’entretiens de plusieurs témoins. Les séances étaient très compliquées et elle était encore très émue en y pensant. Les témoins relataient des choses « tellement horribles » que cela la rendait malade. Elle ne comprenait pas comment ces personnes qui maltraitaient les enfants avaient pu rester au C______ et travailler encore au sein de B______. Elle pensait en particulier à une éducatrice qui avait donné un médicament inadapté à un enfant et qui avait récidivé en début d’année. Elle confirmait que les collaborateurs avaient peur de témoigner et ne voulaient pas signer les procès-verbaux. La recourante avait besoin de témoignages écrits et avait sollicité les personnes qui connaissaient certains faits. Au départ, ces personnes ne voulaient pas de traces écrites de leur témoignage. La recourante avait néanmoins réussi à en faire venir plusieurs en même temps lorsqu’elles ne voulaient pas témoigner seules. Par la suite, d’autres personnes avaient également accepté de venir témoigner et pour certaines de manière individuelle.

Les maltraitances dénoncées avaient été suivies par de nombreux autres faits qui s’étaient produits au foyer. La recourante portait une attention particulière au C______ mais avait beaucoup d’autres dossiers à traiter et s’était toujours appuyée sur les directions autour d’elle, plus particulièrement sur celle du suivi de l’élève. Elle avait également apporté du soutien à l’équipe (du personnel supplémentaire, interne ou externe), mais ne pouvait pas être elle-même présente tous les jours au foyer. Il s’agissait d’une période compliquée pour les structures de B______ en raison du COVID. Ils étaient souvent très seuls par rapport à l’ensemble de l’équipe et avaient peu de soutien. La recourante n’était pas toujours entourée des bonnes personnes.

Le DIP était au courant de l’ensemble des démarches entreprises par la recourante, en particulier des entretiens effectués. Elle lui demandait comment des personnes ayant commis des fautes graves n’étaient pas licenciées de manière immédiate, ce qu’elle trouvait choquant, ce à quoi elle lui répondait avoir posé la question au DIP.

Elle n’avait jamais vu la recourante travailler « toute seule dans son coin ». Elle collaborait toujours avec les différents directeurs en fonction des sujets. Elle avait toujours fonctionné avec tout le monde. Toutes les décisions étaient prises avec le Comité de direction (CODIR) de B______, le cas échéant elles étaient précédées de bilatérales ou trilatérales. Cela était courant pour elle de fonctionner ainsi, de sorte qu’elle ne voyait pas pourquoi elle aurait agi différemment s’agissant de la rentrée 2021.

S’agissant des modèles, l’État de Genève avait une charte graphique à laquelle elle attachait une grande importance. Le reproche portait sur une lettre de mission qu’ils avaient pris beaucoup de temps à établir et à finaliser. Or, quelques jours avant la séance avec la secrétaire générale, la conseillère d’État et les directions du département, des nouveaux outils de gestion de projet avaient été présentés. La recourante avait donc demandé l’autorisation à la secrétaire générale de présenter le document tel quel afin de ne pas perdre plus de temps, ce à quoi elle avait répondu favorablement.

Le fonctionnement de B______ depuis le départ de la recourante était très compliqué. Les deux directrices ad interim n’avaient rien apporté d’intéressant, ou « miraculeux ». Elles avaient suivi le travail déjà entrepris par la recourante et rencontré les mêmes difficultés, à savoir un manque de locaux, une augmentation d’enfants à la rentrée.

i.c. Z______, juriste à B______ depuis le 1er septembre 2019, a indiqué que ses relations de travail avec la recourante étaient excellentes. Elle était toujours à l’écoute et la consultait régulièrement. Elles travaillaient souvent en binôme, étant précisé qu’elle avait été en congé maternité de juillet 2021 à avril 2022.

Elle n’avait jamais observé de mécontentement de la part de collaborateurs de B______.

Elle ignorait si la recourante avait pour mission de présenter une vision stratégique pour B______. Il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’elle ne remplissait pas ses missions. Au contraire, la recourante l’avait associée à de nombreux dossiers visant à remettre en ordre des dysfonctionnements qu’elle avait constatés au sein de B______ en lien avec ce qui avait été mis en place par l’ancien directeur. Il y avait une volonté de faire les choses correctement. Elle avait toujours cette volonté de ne pas laisser la situation telle qu’elle était mais de « rectifier le tir » même si le travail était de grande envergure et pouvait impliquer des mécontentements internes.

Elle a confirmé avoir rédigé une dénonciation pénale en avril 2021 dans le cadre de la crise du C______. Elle avait suivi l’entier du dossier depuis fin janvier 2021. À son sens, la recourante était très impliquée ; elle l’avait associée à la
quasi-totalité des aspects du dossier. Elles avaient pris toutes les mesures pouvant être prises à leur niveau, étant précisé que les compétences étaient réparties entre le DIP et la direction générale de l’office pour ce qui était de la gestion du personnel. Depuis fin janvier 2021, il y avait eu une lancée d’actions et des mesures
quasi-continues jusqu’à son départ en congé maternité. Elles avaient rapidement suggéré d’ouvrir des enquêtes administratives car, vu l’ampleur du dossier, il était nécessaire de clarifier les faits. Or, le DIP leur avait demandé de procéder à des entretiens de service avant d’ouvrir des enquêtes administratives. Pour pouvoir alimenter les convocations aux entretiens de service, il était nécessaire de procéder à des auditions pour clarifier les faits. À son sens, la recourante échangeait avec le DIP car elles avaient eu des retours sur ce qui pouvait être fait. Elle se souvenait en particulier d’une séance début février 2021 en présence de O______ lors de laquelle la recourante les avait informés avoir fait part des situations de maltraitances à la secrétaire générale. Il existait un courriel de la directrice des affaires juridiques daté de janvier ou février 2021 qui expliquait qu’elles devaient faire des entretiens de service avant de procéder aux enquêtes administratives. Cela avait été un premier frein à leurs démarches.

S’agissant des actions contre les collaborateurs, elles avaient lancé toutes les procédures contre les collaborateurs en période probatoire. Elle avait également rédigé les convocations aux entretiens de service des collaborateurs fonctionnaires (soit trois collaborateurs). Ces projets de convocation avaient été transmis au DIP. À ce moment-là, il appartenait au DIP d’y donner suite. Ces courriers n’avaient jamais été envoyés en tout cas pas jusqu’à son départ en congé maternité. On lui avait d’ailleurs confirmé que cela avait été stoppé. Ils étaient sous pression en raison des prescriptions et on leur avait demandé de faire cela rapidement. Elle n’avait plus été informée de la suite qui avait été donnée à ces courriers. Lorsqu’elle avait envoyé les projets de convocation, elles étaient encore dans les temps pour prononcer toute sanction envisageable étant précisé que le délai de prescription arrivait à échéance le 31 juillet 2021 pour ce qui était de la compétence de la direction générale. Il s’agissait d’une période où elles travaillaient quotidiennement sur ce dossier et durant laquelle de nombreux échanges informels avaient eu lieu avec l’ensemble des intervenants.

Elle avait été surprise du formalisme associé à l’obligation de réaliser des entretiens de service. Il s’agissait d’un cadre strict et formel prévu par le RPAC en cas de licenciement envisagé ou de faute professionnelle. En revanche, la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et le RPAC ne prévoit pas d’entretien de service en tant que préalable nécessaire à l’ouverture d’une enquête administrative. Un entretien était toutefois nécessaire pour respecter le droit d’être entendu.

Elle avait constaté que les procès-verbaux ne contenaient pas de signatures. Pour corriger cela, ils avaient, d’entente avec le DIP, recopié les déclarations de chaque collaborateur dans des courriels qui leur avaient été adressés. Cela avait permis d’avoir des confirmations de leur part. La recourante avait suivi ses recommandations juridiques au sujet du C______. Elle avait pris à bras le corps la situation au foyer. Elle avait tout de suite posé le cadre et travaillé dessus quotidiennement pendant des mois. Elle avait eu un suivi très diligent depuis le début. Il avait fallu du temps pour consolider tous les éléments qu’elles avaient, de sorte que la note avait pris du temps. Elle n’avait toutefois pas le sentiment que le traitement de ce dossier avait trainé vu l’ampleur du travail à faire. Elles ne pouvaient pas non plus mettre en suspens les mesures qui devaient être prises. Il fallait jongler entre ces mesures et la note qu’il fallait rédiger.

En février 2021, les éléments essentiels avaient été transmis au DIP, raison pour laquelle une note avait été demandée. Elle avait été surprise d’apprendre qu’on avait reproché à la recourante de ne pas avoir fait remonter cette information. Le dossier avait été géré en continu avec le DIP.

Elle avait été surprise d’apprendre que la recourante avait été licenciée car elle n’avait rien observé qui pouvait justifier un licenciement.

Le DIP ne leur avait jamais demandé de dénoncer pénalement les faits. Elle avait elle-même demandé à la recourante s’il fallait rajouter les dénonciations pour maltraitances à la dénonciation pénale qu’elle avait rédigée pour intoxication médicamenteuse. On lui avait répondu par la négative, étant précisé qu’il ne s’agissait pas d’un « non » de la recourante. Elle savait qu’elle en avait discuté par téléphone avec la secrétaire générale. La directrice du service juridique du DIP qui avait relu sa dénonciation ne lui avait pas demandé à ce qu’elle soit complétée pour les faits de maltraitance qu’elles traitaient depuis janvier.

Quand elle avait appris par la presse que la dénonciation pénale avait été formée en décembre 2021, elle avait été surprise par sa corrélation avec la crise du C______ qui avait été relatée dans la presse un mois plus tôt.

i.d. I______, directrice de la direction des ressources humaines du DIP depuis le 1er septembre 2020, entendue à titre de renseignements, a indiqué que la première situation de collaboration avec la recourante remontait au coaching et à l’accompagnement qu’ils avaient mis en place dans le cadre de la mission de vision stratégique de B______. À ce moment-là, elle avait pris acte d’une situation dans laquelle le travail avec le consultant ne se poursuivait pas. Par la suite et jusqu’en janvier 2021, elles n’avaient pas particulièrement collaboré sur des éléments précis.

Elle avait été associée au processus de nomination de la recourante. La secrétaire générale l’avait consultée sur ce point en lui faisant part de ses doutes quant à sa nomination. La recommandation qui était faite dans ces cas-là était de ne pas nommer la personne et de prolonger la période probatoire. Il n’y avait aucune trace écrite de cette discussion. Le choix avait été fait de la nommer nonobstant ces doutes. Il appartenait avant tout à la hiérarchie de la personne de la nommer ou de ne pas la nommer, étant précisé qu’une prolongation de la période probatoire devait être justifiée. Dans cette situation, la difficulté était liée à la fonction de très haut cadre de la recourante qui impliquait un juste équilibre entre les encouragements et les critiques. Au moment de sa nomination, la balance était allée dans le sens des encouragements. Durant toute sa carrière dans les RH, elle n’avait jamais eu connaissance de prolongations de période probatoire pour les « si hauts cadres ».

Il était arrivé à plusieurs reprises que la secrétaire générale évoque des relations de travail difficiles avec la recourante. Elle n’avait jamais pris de notes au dossier à ce sujet. Cela n’aurait pas été adéquat ni nécessaire. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir reçu de courriels de la part de la secrétaire générale lui demandant de parler de la situation de la recourante. Il était possible que ce point ait été abordé lors de bilatérales avec la secrétaire générale. Dans ce genre de situation, il convenait de tout mettre en œuvre pour que la situation ne s’envenime pas.

Elle avait eu connaissance pour la première fois de la situation du C______ à réception du courrier anonyme transmis au DIP le 13 janvier 2021. Elle avait pris connaissance de la note de L______ du 23 janvier 2021 en tout cas un an après la rédaction de cette note. Elle lui avait été transmise par AC______ lorsqu’elle avait été directrice générale ad interim de B______. Dans la mesure où dans la période de janvier à mars 2021, elle avait sollicité la recourante à plusieurs reprises afin qu’elle lui transmette une note sur la situation du C______, elle aurait trouvé indispensable qu’elle lui transmette directement la note de L______. Elle ignorait l’existence de cette note à ce moment-là. S’agissant de la chronologie des événements, elle avait eu une réunion avec le groupe de confiance et la secrétaire générale en date du 19 janvier 2021. Le lendemain, elle avait demandé une « note de contexte » à la recourante et l’avait informée qu’ils souhaitaient mettre en place un audit externe afin de comprendre la situation. La recourante lui avait indiqué à ce moment-là qu’une note était en préparation et qu’elle n’était pas favorable à la mise en place d’un audit externe car elle avait déjà effectué des démarches à l’interne. Elle n’avait toutefois pas vu cette note avant le 29 mars 2021 étant précisé qu’elle l’avait appelée le 16 mars 2021 à ce sujet et qu’elle lui avait rappelé le lendemain par email qu’elle souhaitait obtenir la note pour la fin de la semaine. La note de L______ de janvier 2021 lui aurait permis de mieux comprendre la situation, étant précisé qu’elle n’avait pas eu d’informations précises entre les mois de janvier et mars 2021.

À réception de la note de mars 2021, ils avaient pris acte des propositions d’actions à l’endroit de certains collaborateurs accusés d’avoir tenu des comportements inacceptables envers les enfants. Ils avaient également reçu plusieurs alertes du service de santé au sujet du taux très élevé d’accidents au C______ (plus de 5%). Ils avaient analysé les différentes convocations aux entretiens de service. Elle était pour sa part mal à l’aise avec le fait que les trois-quarts des collaborateurs étaient accusés d’avoir eu une attitude professionnelle inadéquate. Elle était également gênée par le fait que la recourante ne voulait pas mettre en place un audit externe. Au vu du nombre élevé de dysfonctionnements individuels, elle s’était questionnée au sujet de l’environnement de travail et de la responsabilité institutionnelle qui pourrait générer des attitudes inadéquates. Ils avaient donc imposé la mise en place d’un audit externe pour avoir un regard complet de la situation. Un entretien de service avait été fait, plusieurs personnes avaient démissionné. Il y avait eu quatre licenciements et des cas de contrats qui n’avaient pas été reconduits. Des collaborateurs avaient également été transférés sans entretien de service. L’audit Q______ avait commencé début juin 2021. Des premiers contacts avaient été établis en janvier 2021 mais la recourante n’était pas d’accord à ce moment-là.

Lors de son premier échange avec la recourante au sujet du C______,
celle-ci avait souhaité mettre ce point à l’ordre du jour de la séance bilatérale suivante. La situation était toutefois sensible et les bilatérales étaient accessibles à un nombre important de personnes. Ainsi, pour préserver la confidentialité, la secrétaire générale avait préféré retirer ce point de l’ordre du jour et le traiter oralement durant la séance. À ce moment-là, l’idée était de prendre ce point sous l’angle RH étant donné que l’OCIRT était impliqué et que les faits décrits dans la lettre anonyme étaient des faits de violence allégués envers des membres du personnel.

Entre janvier et fin mars 2021, il ressortait de ses échanges avec la recourante qu’elle effectuait des entretiens pour compléter son analyse par rapport à la situation de maltraitance mais elle n’avait pas d’éléments concrets à cet égard. Elle en avait parlé avec la secrétaire générale et elles attendaient des éléments concrets. Elle avait également été mise en copie du courriel de la recourante du 9 février 2021 dans lequel il était indiqué que l’analyse prenait du temps. Il y avait eu des échanges avec la recourante durant toute la période de janvier à mars 2021 ainsi que des rappels pour obtenir la note. La recourante était très proactive à son niveau mais il y avait un blocage au niveau du département car elle n’avait pas transmis les éléments intermédiaires avant la note du 29 mars 2021.

S’agissant des actions prises par le DIP suite à la note du 29 mars 2021, la séance de lancement de l’audit Q______ avait eu lieu début juin. Avant cela, ils avaient approché un autre consultant mais la proposition de ce dernier n’était pas satisfaisante. Il s’agissait du troisième consultant abordé depuis janvier 2021.

Après réception de la note de mars 2021, ils avaient pris note du fait que trois collaboratrices avaient déjà été déplacées par la recourante et que la situation au niveau des maltraitances était gérée. Des mesures avaient été mises en place pour garantir la sécurité des enfants. Sa collaboratrice avait alors demandé à B______ de préparer les entretiens de service pour les collaborateurs qui auraient pu avoir des comportements inappropriés. Les projets de convocation avaient été envoyés en mai 2021. Sur les quatre projets de convocation qu’ils avaient reçus de B______, un entretien de service avait eu lieu. S’agissant des trois autres, ils avaient attendu des éléments de l’audit pour les étayer. À ce jour, ces personnes étaient toujours employées de B______, étant précisé qu’elles faisaient l’objet d’un suivi RH particulier de la part de leur hiérarchie qui avait estimé qu’elles répondaient parfaitement aux attentes du poste. Les trois collaboratrices travaillaient encore aujourd’hui avec des enfants. Cela confirmait son opinion selon laquelle c’était l’environnement de travail qui avait généré des actes inappropriés.

Le C______ connaissait des problèmes depuis longtemps, bien avant l’arrivée de F______. Toutefois, le courrier anonyme ainsi que le rapport Q______ décrivaient une collaboration managériale problématique. La mise en place de l’audit avait été compliquée dès le départ pour différentes raisons. À son sens, ils n’avaient pas occulté les situations de maltraitance. Le travail de l’audit consistait notamment à évaluer le bien-être des jeunes et à comprendre la situation du C______. La recourante leur avait dit que la situation était sous contrôle.

Elle n’avait pas connaissance d’un accord entre le DIP et les syndicats afin de ne pas révéler les dysfonctionnements au sein du C______, étant précisé qu’elle avait eu des contacts avec les syndicats, notamment avec le J______ dont les courriers figuraient au dossier.

La recourante l’avait informée que des disques durs avaient été détruits au C______, tout en précisant qu’elle se chargeait de cette situation.

Elle avait eu connaissance qu’une personne de l’entourage de la recourante avec un casier judiciaire avait été engagée par celle-ci sans que le DIP ait été sollicité alors qu’il s’agissait de la procédure. Son supérieur RH qui avait signé le contrat d’engagement l’avait ensuite informée qu’il ne fallait pas le reconduire. S’agissant de la personne souffrant d’un problème d’alcool, il n’y avait eu aucune « convention alcool » mise en place. Sur le terrain, la situation était pourtant connue par plusieurs personnes au sein de B______. Le responsable RH de B______ l’avait informée que la recourante souhaitait gérer la situation à son niveau.

Elle avait eu un entretien de négociation de départ avec la recourante le 18 novembre 2021. À cette occasion, la secrétaire générale avait informé la recourante que la relation de confiance n’était plus satisfaisante et que les prestations étaient insuffisantes. Dans le cas d’une rupture du lien de confiance avec un très haut cadre, la hiérarchie cherchait toujours à négocier un départ. Cela permettait à la personne de rebondir professionnellement. Elles avaient revu la recourante le 29 novembre 2021 et fixé un entretien de retour le 3 décembre 2021. Lors de l’entretien du 29 novembre 2021, elles lui avaient proposé un poste de directrice d’établissement primaire en classe 24. Ce poste correspondait au parcours professionnel de la recourante dans la petite enfance et des postes étaient disponibles à ce moment-là. Par courriel du 30 novembre 2021, elles lui avaient fixé un délai de cinq jours pour une entrée en matière sur une éventuelle négociation. Au lieu de répondre, la recourante leur avait transmis un certificat médical. Le courriel du 30 novembre 2021 formalisait des éléments déjà discutés depuis le 18 novembre 2021. À tout moment, le DIP était ouvert à une proposition de la recourante. La communication qui était faite à ce moment-là aux collaborateurs se limitait à dire que la recourante était absente. Elle avait eu connaissance en parallèle de discussions qui avaient eu lieu à plus large échelle au sein de l’État pour lui proposer un autre poste au sein d’un état-major. Ces négociations n’avaient toutefois pas abouti. Elles avaient effectivement souhaité une réponse rapide car toutes discussions avec la recourante étaient compliquées. Elle contestait l’intégralité des reproches et ne leur indiquait pas qu’elle souhaitait entrer en matière sur des négociations. Ils avaient donc souhaité formaliser leurs reproches dans un document écrit. Compte tenu de la haute fonction de la recourante et de ses responsabilités en termes de gestion de B______, qui était en pleine crise depuis le mois de janvier, ils ne pouvaient pas rester dans une situation d’incertitude.

Selon elle, la situation s’était dégradée à plusieurs reprises et la crise du C______ n’en constituait qu’un seul élément. Elle avait constaté que les rapports s’étaient complexifiés entre mars et novembre 2021. Elle citait avant tout la préparation de la rentrée 2021 qui avait dû être pilotée au niveau du secrétariat général – ce qui ne se faisait jamais – et la dernière tentative en octobre 2021 qui ne correspondait pas aux attentes de la hiérarchie. Il s’agissait d’un faisceau d’indices.

La liste des griefs à l’encontre de la recourante lui était connue avant la séance du 18 novembre 2021. Les grandes trames de ces griefs étaient déjà formalisées dans une ébauche de convocation à l’entretien de service. Les griefs avaient été formulés mais la recourante ne les entendait pas.

À l’issue de l’audience, un délai a été imparti aux parties pour se déterminer sur la suite des enquêtes.

j. Par écriture du 11 septembre 2023, le DIP a renoncé à l’audition des autres témoins sollicitée dans son écriture du 30 juin 2023. Il a produit un bordereau de pièces complémentaire.

k. Par écritures du même jour, la recourante a sollicité son audition ainsi que celle d’X______, S______, coach, AE______, directeur du service administration et finances de B______, AF______, cheffe du service formation développement de B______, et AG______, ancienne assistante de la recourante.

l. Par écriture du 20 octobre 2023, la recourante s’est déterminée sur les enquêtes ainsi que sur les nouvelles pièces produites par l’intimé. Elle a réitréré sa demande de convocation à une « ultime audience ».

Elle avait continuellement cherché à répondre aux missions de B______ et de l’État, tout en alertant de façon réactive et diligente sa hiérarchie sur les problématiques rencontrées. Or, la hiérarchie avait choisi d’ignorer les alertes communiquées. Il avait fallu attendre que les maltraitances au foyer fassent l’objet d’un scandale médiatique et que soit déclenchée l’intervention de la commission de contrôle de gestion pour que le département s’y intéresse. Il suffisait de penser que les faits avaient été dénoncés pénalement seulement à l’approche de l’audition de l’ancienne conseillère d’État devant la commission de contrôle de gestion début décembre 2021 alors que le DIP disposait de tous les éléments depuis de très longs mois. Cette dénonciation pénale coïncidait par ailleurs avec la demande de démission formée par le DIP.

m. Par écriture du même jour, le DIP s’est déterminé sur les enquêtes.

L’élaboration d’une vision stratégique avait été réclamée par la hiérarchie très rapidement après son entrée en fonction. Elle avait reçu des instructions claires par rapport à ce qui était attendu d’elle et avait bénéficié d’aide externe et interne pour l’aider dans cette tâche. À l’évidence toutefois, elle n’avait pas su en tirer les bénéfices. S’agissant de la réaction de la hiérarchie à la suite de son PowerPoint d’octobre 2021, la recourante ne pouvait déduire du courriel de la secrétaire générale du 15 octobre 2021 une quelconque satisfaction émanent de la hiérarchie puisqu’il était précisément signifié à la recourante que son document ne pouvait pas être présenté en l’état.

S’agissant de la rentrée 2021-2022, il était reproché à la recourante de ne pas avoir su gérer en amont les problèmes rencontrés, à tel point qu’il avait fallu constituer une cellule de crise, ce qui n’avait jamais été fait avec d’autres directions générales. La cellule de crise avait finalement permis de présenter une demande en autorisation de crédit supplémentaire auprès de la commission des finances le 8 juin 2021. La recourante n’avait pas été capable de justifier et expliquer ses besoins budgétaires.

Les appréciations générales des témoins quant au laps de temps écoulé entre la note de service du 29 mars 2021 et la dénonciation pénale du 3 décembre 2021 étaient des opinions personnelles ne reposant sur aucun élément probant et sans pertinence pour l’issue du litige.

Les trois anciennes collaboratrices de la recourante n’étaient pas habilitées à juger de la qualité des prestations de leur supérieure hiérarchique, ne disposant pas des compétences professionnelles nécessaires pour ce faire.

Il existait plusieurs échanges de courriels démontrant les mises en garde adressées à la recourante, plus particulièrement en lien avec l’absence d’une vision stratégique de B______, de la préparation de la rentrée scolaire 2021-2022 ou de l’absence d’utilisation de la documentation officielle de gestion de projet. Même si les remontrances avaient souvent été formulées de manière plutôt encourageante, la recourante ne pouvait en inférer que la hiérarchie était satisfaite de son travail. À ce niveau de compétences et de responsabilités, elle aurait dû comprendre les messages.

Il n’y avait aucun lien de cause à effet entre la convocation à l’entretien de service du 3 décembre 2021 et la dénonciation pénale du même jour. Il s’agissait là d’une coïncidence. Il n’y avait pas non plus de corrélation entre la procédure administrative engagée à l’endroit de la recourante et la crise liée au C______. Ce n’était pas la crise médiatique en lien avec le foyer qui avait motivé le début de la procédure administrative mais bien le document PowerPoint du mois d’octobre 2021, censé répondre à la demande de vision stratégique de B______ attendue depuis longtemps.

Enfin, il n’avait jamais été question de relativiser les enjeux liés à cet office et les nombreuses difficultés auxquelles la recourante avait dû faire face. Celle-ci occupait toutefois une fonction de très haut cadre et, à ce titre, il était attendu d’elle la capacité de fournir à satisfaction les prestations figurant dans son cahier des charges et à comprendre les critiques formulées par sa hiérarchie et procéder à une remise en question. Or, tel n’avait pas été le cas. La perte de confiance était ainsi devenue inévitable, rendant impossible la continuation de la relation de travail.

n. Le 6 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

o. Par détermination spontanée du 20 novembre 2023, la recourante a relevé qu’il convenait de relativiser les déclarations de G______ et I______ puisqu’elles avaient été entendues à titre de renseignements compte tenu des liens inextricables avec l’intimé. Leurs déclarations étaient au demeurant contredites par les pièces au dossier. Les prétendus doutes de la secrétaire générale quant à la nomination de la recourante et son préavis négatif en lien avec sa note du 17 septembre 2020 n’étaient corroborés par aucune pièce au dossier. Le manque de vision stratégique n’était qu’un reproche artificiellement soulevé à la suite de la décision de la mettre à l’écart pour des motifs étrangers à la question de ses compétences mais de toute évidence liés à l’éclatement de l’affaire du C______. Elle n’avait jamais reçu ni reproche formel, ni avertissement, et avait été nommée après une période probatoire de deux ans. Les reproches avaient de toute évidence été construits a posteriori et pour des raisons de pure opportunité liées à l’éclatement d’une crise politique extrêmement sensible. En dépit d’un contexte extrêmement délicat, elle avait eu la rigueur et le courage de dénoncer l’existence de maltraitances. Or, au lieu d’assumer ses responsabilités institutionnelles, le DIP avait décidé de la mettre à l’écart.

p. Par écriture spontanée du 2 février 2024, la recourante a produit une retranscription d’une émission diffusée par une chaîne télévisée locale le 31 janvier 2024, ainsi que l’article y relatif paru sur le site internet de celle-ci. Cette émission corroborait pleinement l’absence de fondement de tout reproche à son encontre. Elle était à juste titre décrite comme une lanceuse d’alerte décisive dans la révélation des faits survenus au C______.

q. La chambre de céans a transmis ces écritures à l’intimé et informé les parties que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             En sus des témoins entendus par la chambre administrative, la recourante a sollicité l’audition d’X______, S______, AE______, AF______ et AG______, ainsi que la tenue d’une « ultime audience », lui permettant de se prononcer personnellement sur les reproches formulés à son encontre.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’occurrence, il a été donné suite à la demande d’audition de F______, W______, Z______ et la recourante. Dans ses écritures, celle-ci n’explique pas en quoi l’audition de témoins supplémentaires apparaît nécessaire. D’après la liste de témoins produite par l’intéressée, AE______, AF______ et AG______ travaillent au sein de B______. Or, les témoins W______ et Z______ ont été questionnés sur l’ensemble des griefs reprochés à la recourante, soit notamment ses relations de travail avec les partenaires et collaborateurs, la gestion des missions qui lui avait été confiées et la crise du C______. Il n’apparaît ainsi pas que des témoignages sur ces points seraient en mesure d’apporter des éléments pertinents nouveaux. S’agissant du témoin X______, consultant ayant accompagné la recourante dans les travaux sur la vision stratégique de B______, l’intéressée s’est largement exprimée sur le grief de défaut de vision stratégique de B______. Elle a eu l’occasion, lors des échanges d’écritures et des observations après enquêtes, de se déterminer de manière circonstanciée sur les prises de position de la partie adverse en lien avec ce grief et s’est exprimée oralement sur ce point devant la chambre de céans. Enfin, les griefs de la recourante en lien avec la violation de la procédure de reclassement ne seront pas examinés pour les motifs qui suivent, si bien que le témoignage de S______, accompagnatrice RH durant cette procédure, n’apparaît pas nécessaire. Dans ces conditions, la chambre administrative ne procédera pas à l’audition de témoins supplémentaires.

S’agissant de la demande d’une « ultime audience », la chambre de céans a déjà procédé à une audience de comparution personnelle. Elle considère être ainsi suffisamment informée pour pouvoir trancher la cause sans devoir procéder à une nouvelle audition, la recourante n’indiquant au demeurant pas ce qu’elle pourrait ajouter oralement qui ne figurerait pas déjà dans ses diverses écritures ou ses déclarations devant la chambre de céans.

Aussi, par appréciation anticipée des preuves, il ne sera pas donné de suite favorable aux demandes d’actes d’enquête formulées par la recourante.

3.             Le litige porte sur la résiliation des rapports de service de la recourante avec effet au 31 mai 2023, prononcée pour motif fondé.

3.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

3.2 La LPAC s'applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l'administration cantonale (art. 1 al. 1 let. a LPAC). Existent au sein de l'administration cantonale, des établissements publics médicaux et de l'Hospice général des fonctions permanentes et des fonctions non permanentes. Sont non permanentes les fonctions exercées par les auxiliaires et les agents spécialisés pour permettre l'accomplissement de tâches dévolues occasionnellement à l'administration ou aux établissement, ou le remplacement temporaire du titulaire d'une fonction permanente (art. 3 al. 1 et 3). Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC).

À teneur de l’art. 2 RCSAC, sont nommés en qualité de cadres supérieurs les fonctionnaires appelés, par leurs responsabilités hiérarchiques ou fonctionnelles, à préparer, proposer ou prendre toute mesure ou décision propre à l’élaboration et à l’exécution des tâches fondamentales de pouvoir exécutif (al. 1). Leur fonction se situe à compter de la classe 23 de l’échelle fixée par la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) (al. 2).

3.3 Les rapports de service de la recourante, en sa qualité de cadre supérieure de B______, sont soumis à la LPAC et ses règlements d’application, notamment le RPAC et le RCSAC.

4.             Dans un premier grief, la recourante invoque une violation de l’art. 44 al. 3 RPAC. Elle estime que le fait que la convocation à l’entretien de service du 8 décembre pour le 20 décembre 2022 ne respecte pas le délai de quatorze jours tel que formulé dans cette disposition constitue un motif suffisant à justifier l’annulation de l’arrêté querellé.

4.1 La procédure de licenciement pour motif fondé est formalisée à l’art. 44 RPAC, selon lequel un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (al. 1). Le membre du personnel peut se faire accompagner d’une personne de son choix. Il peut demander qu’un responsable des ressources humaines soit présent (al. 2). La convocation doit parvenir au membre du personnel 14 jours avant l’entretien. Ce délai peut être réduit lorsque l’entretien a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (al. 3). La convocation précise la nature, le motif de l’entretien et les personnes présentes pour l’employeur. Elle rappelle le droit de se faire accompagner (al. 4). À la demande d’un des participants, un compte rendu d’entretien est établi dans les 7 jours. Les divergences éventuelles peuvent y figurer ou faire l’objet d’une note rédigée par le membre du personnel dans un délai de 14 jours, dès réception du compte rendu de l’entretien de service (al. 5). Le droit d’être entendu est exercé de manière écrite dans les situations où un entretien de service ne peut pas se dérouler dans les locaux de l’administration en raison, notamment, de la détention du membre du personnel, de sa disparition, de son absence pour cause de maladie ou d’accident, ou de sa non-comparution alors qu’il a été dûment convoqué (al. 6). Le supérieur hiérarchique transmet par écrit au membre du personnel les faits qui lui sont reprochés et lui impartit un délai de 30 jours pour faire ses observations (al. 7).

4.2 En l’occurrence, par courrier du 8 décembre 2022, l’intimé a convoqué la recourante à un entretien de service fixé le 20 décembre 2022. La recourante, qui n’a pas demandé le report de l’entretien, ne s’est pas présentée à celui-ci, et cela sans en informer au préalable l’intimé. La procédure s’est ensuite poursuivie sous la forme écrite et un délai de 30 jours a été imparti à l’intéressée pour faire valoir ses observations.

Dans ses écritures, la recourante justifie son absence à l’entretien du 20 décembre 2022 par l’irrégularité de la convocation mais aussi par son état de santé. Il ressort en effet du certificat médical établi le 1er décembre 2022 par son médecin traitant, que l’intéressée était toujours en incapacité de travail jusqu’au 31 décembre 2022. Il s’ensuit qu’en poursuivant la procédure de licenciement sous la forme écrite, l’intimé a dûment respecté l’art. 44 RPAC, en particulier son al. 6, selon lequel le droit d’être entendu est exercé de manière écrite dans les situations où un entretien de service ne peut pas se dérouler dans les locaux de l’administration en raison de l’absence du membre du personnel pour cause de maladie. Il n’est pour le reste pas contesté que l’intimé a dûment informé la recourante du déroulement de la procédure de reclassement par courriers des 8 et 20 décembre 2022 et que celle-ci a pu se déterminer à ce sujet par observations du 31 janvier 2023, soit avant que l’arrêté entrepris n’ait été rendu.

Le grief de la recourante, tiré d’une violation des règles de procédure fixées à l’art. 44 RPAC, doit partant être rejeté.

5.             La recourante invoque ensuite une violation du principe de la bonne foi.

5.1 Ancré à l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 précité consid. 8.1).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2022 du 21 mars 2023 consid. 5.1).

5.2 Selon l’art. 28 al. 1 LPAC, dans l’attente du résultat d’une enquête administrative ou d’une information pénale, le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut, de son propre chef ou à la demande de l’intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction. Au sein de l’établissement, le président du conseil d’administration peut procéder, à titre provisionnel et sans délai, à la suspension de l’intéressé.

5.3 Selon la jurisprudence, une suspension provisoire d’un fonctionnaire peut être justifiée soit par les besoins de l’enquête administrative, soit en tant qu’exécution anticipée, à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d’une faute alléguée de nature à rompre la confiance qu’implique l’exercice de la fonction de l’intéressé (ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 6b et les arrêts cités). Dans ce dernier cas, la mesure n’est justifiée que si trois conditions sont remplies : 1) la faute reprochée à l’intéressé doit être de nature, a priori, à justifier une cessation immédiate de l’exercice de sa fonction ; 2) la prévention de faute à l’encontre de l’intéressé doit être suffisante, même si, s’agissant d’une mesure provisionnelle prise précisément pendant la durée d’une enquête administrative ou pénale, une preuve absolue ne peut évidemment pas être exigée ; 3) la suspension devra apparaître comme globalement proportionnée, compte tenu de la situation de l’intéressé et des conséquences de sa suspension, de la gravité de la faute qui lui est reprochée, de la plus ou moins grande certitude quant à sa culpabilité, ainsi que de l’intérêt de l’État à faire cesser immédiatement tant les rapports de service que, s’il y a lieu, ses propres prestations (ATA/510/2017 du 9 mai 2017 consid. 6).

Le fait d’avertir un fonctionnaire qu’une enquête administrative sera proposée, voire ordonnée, s’il ne démissionne pas n’est pas, en soi, inadmissible, en tous cas aussi longtemps que ladite démission n’est pas obtenue d’une manière qui ne représenterait pas la réelle volonté, librement exprimée, de l’employé (ATA/657/2015 du 23 juin 2015 consid. 3 et l’arrêt cité).

5.4 Devant la chambre de céans, la recourante fait grief à l’autorité intimée d’avoir laissé entendre qu’une investigation serait menée sur les faits qui lui étaient reprochés. Or, contrairement à ce que soutient la recourante, il ne ressort pas du dossier que des assurances lui auraient été données à ce sujet. On ne peut en particulier rien inférer du fait que l’arrêté du 15 juin 2022, par lequel le Conseil d’État a ratifié la mesure de la libération de l’obligation de travailler prise en urgence par sa supérieure hiérarchique, cite l’art. 28 al. 1 LPAC relatif à la suspension provisoire pour enquête dans le cadre d’une procédure pour sanctions disciplinaires. Il ressort en effet expressément de cet arrêté que la décision se fondait sur les fortes tensions qui existaient entre la recourante et sa hiérarchie, lesquelles n’étaient pas compatibles avec le bon fonctionnement de l’institution. Même à admettre que des assurances auraient été données à la recourante, il n’appert pas que l’intéressée aurait réglé sa conduite d’une certaine manière sur la base de cette déclaration. Elle ne le prétend d’ailleurs pas. De plus, l’absence d’enquête administrative n’a pas eu de conséquences sur sa situation, dans la mesure où les faits qui lui étaient reprochés ressortaient des courriers de convocation à un entretien de service des 3 décembre 2021, 4 octobre 2022 et 9 novembre 2022. L’intimé n’a par voie de conséquence pas agi de manière contraire à la bonne foi.

6.             Invoquant une fraude à la loi, la recourante reproche à l’autorité d’avoir utilisé la résiliation des rapports de service au sens de l’art. 22 LPAC alors que les faits reprochés auraient dû faire l’objet d’une procédure disciplinaire.

6.1 L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l’exercice des droits (Giorgio MALINVERNI et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 4e éd., 2021, n. 1307). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 583 p. 208). L’interdiction de l’abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l’administration (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 584 p. 208).

6.2 Les dispositions topiques s’appliquant aux fonctionnaires peuvent être de deux ordres lorsqu’un comportement lui est reproché, comme en l’espèce : soit l’intéressé fait l’objet d’une sanction disciplinaire en raison d’une violation fautive de ses devoirs de fonction et l’art. 16 LPAC (ou l’art. 36 LPol pour les policiers) est applicable, soit il est licencié pour motif fondé (art. 22 LPAC). Le licenciement pour motif fondé est indépendant de la faute du membre du personnel. En effet, la résiliation des rapports de service fondée sur cette disposition est une mesure administrative qui ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé, aux exigences relatives au bon fonctionnement de ce dernier (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 ; ATA/294/2022 du 22 mars 2022).

Ces deux procédures doivent être distinguées. Lorsque l’autorité choisit la voie du licenciement ordinaire et non de la révocation disciplinaire, l’employé ne peut se plaindre d’une violation de son droit d’être entendu sur ce choix dans la mesure où le congé ordinaire a un impact moindre que la révocation disciplinaire, laquelle revêt l’aspect d’une peine et a un caractère infamant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015). Contrairement à la révocation, le licenciement ne vise pas à sanctionner un employé pour un comportement déterminé, mais à assurer le bon fonctionnement de l’administration (ATA/842/2021 du 24 août 2021).

D’une manière générale, le fonctionnaire doit pouvoir se déterminer autant sur les faits qui lui sont reprochés que sur la sanction ou les conséquences qu’il encourt. Il ne peut se défendre adéquatement s’il ne sait quelle procédure est engagée contre lui (invoquer son droit aux mesures de réinsertion professionnelle en cas de licenciement pour motif fondé, par exemple ; art. 21 al. 3 LPAC), ni participer de manière appropriée à l’administration des preuves (production de pièces, audition de témoins, etc). De même, si un licenciement est prononcé au terme de l’instruction, le motif final et la base légale doivent être clairement déterminés, pour que la personne puisse se défendre dans la procédure de recours.

6.3 En l’occurrence, conformément aux considérants précités, la recourante ne saurait se plaindre de ce que l’autorité intimée, qui dispose d’une grande liberté d’appréciation en la matière, a choisi la voie du licenciement ordinaire et non celle de la révocation disciplinaire, dont les conséquences sont plus graves. L’autorité intimée a d’ailleurs dûment informé la recourante, notamment par courriers des 3 décembre 2021 et 4 octobre 2022 et la décision du 13 juin 2022, que les éléments qui lui étaient reprochés étaient constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service, à savoir une insuffisance de prestations. La recourante a ainsi eu la possibilité d’exposer son opposition à son licenciement et les motifs y relatifs.

En conséquence, le choix de procéder à une résiliation ne prête pas le flanc à la critique, de sorte que le grief tiré d’une fraude à la loi doit être écarté.

7.             La recourante reproche ensuite à l’autorité intimée d’avoir violé son droit d’être entendue, sous l’angle du défaut de motivation, en tenant pour avérés les griefs retenus à son encontre, sans opérer aucune critique des arguments qu’elle avait soulevés à leur sujet. Elle se plaint également de ce que l’autorité intimée n’aurait pas donné suite à ses requêtes en production de pièces formulées les 12 décembre 2022 (en lien avec les « faits nouveaux » reprochés) et 20 janvier 2023 (en lien avec la procédure de reclassement).

7.1 La jurisprudence a déduit du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision, afin que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (ATF 142 I 135 consid. 2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 V 351 consid. 4.2). Pour satisfaire à ces exigences, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement. Elle ne doit pas se prononcer sur tous les moyens des parties, mais peut au contraire se limiter aux questions décisives (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). 

7.2 En l’espèce, la décision litigieuse contient un exposé des faits et une argumentation détaillés qui permettent de comprendre les motifs sur lesquels l’autorité intimée s’est fondée pour prononcer la résiliation faisant l’objet du présent recours. L’intimé n’a certes pas expressément pris position sur les arguments soulevés par la recourante. On ne saurait pour autant dire qu’il aurait violé son obligation de motiver, étant rappelé que pour respecter cette exigence, il suffit que l’autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, sans qu’elle soit tenue d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. L’intéressée était par ailleurs en mesure de contester les manquements qui lui étaient reprochés, comme elle l’a d’ailleurs fait dans son acte de recours et les différentes écritures produites devant la chambre de céans. La motivation de l’arrêté entrepris apparaît ainsi suffisante au regard des exigences requises en la matière, étant précisé que la question de savoir si les motifs retenus étaient suffisants pour justifier la décision entreprise relève du fond du litige et sera examinée dans ce cadre.

Enfin, c’est à tort que la recourante se plaint de ce que l’autorité intimée n’aurait pas donné suite à ses demandes de production de pièces. S’agissant d’abord de sa demande en lien avec les « faits nouveaux », la secrétaire générale a, par courriel du 22 décembre 2022, expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas y donner suite. Elle a notamment précisé, sans que ce point n’ait été contesté par la recourante, que certaines pièces étaient de nature strictement confidentielle et que toutes les pièces pertinentes lui avaient déjà été transmises. La demande de production de pièces formulée le 20 janvier 2023 en lien avec la procédure de reclassement est devenue sans objet, l’intégralité de ces pièces ayant été transmise à la recourante par courriel d’R______ du 23 janvier 2023.

8.             Sur le fond, la recourante conteste l’ensemble des manquements qui lui sont reprochés.

8.1 Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c ; art. 21 RPAC). Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 RPAC). Selon l’art. 23 RPAC, les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont notamment tenus, en outre de diriger leurs subordonnés, d’en coordonner et contrôler l’activité (let. b), d’assurer l’exécution ou la transmission des décisions qui leur sont notifiées (let. d) et de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f). Les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée (art. 3 al. 1 RCSAC).

Le fonctionnaire doit s’acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l’intérêt public. Il est important que le travail s’accomplisse dans une atmosphère de courtoisie réciproque, aussi bien à l’égard des collègues que des tiers. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d’informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.1).

L’obligation de gestion, appelée aussi devoir de fonction, impose aux collaborateurs d’exécuter leur travail personnellement et avec soin. Cette obligation est définie concrètement par le cahier des charges attribué à chaque poste, les instructions et les ordres de service donnés par le pouvoir hiérarchique. L’obligation de suivre les instructions de l’employeur est un élément fondamental du devoir de fonction. Si l’employé ne respecte pas les instructions de son employeur, il viole ses obligations de service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.2.1).

 

8.2 Sont nommés en qualité de cadres supérieurs les fonctionnaires appelés, par leurs responsabilités hiérarchiques ou fonctionnelles, à préparer, proposer ou prendre toute mesure ou décision propre à l’élaboration et à l’exécution des tâches fondamentales de pouvoir exécutif (art. 2 al. 1 RCSAC).

Selon l’art. 3 al. 1 RCSAC, les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée.

8.3 Conformément à l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.

Il y a motif fondé au sens de l’art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’insuffisance des prestations (let. a), de l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c).

L’élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC, en vigueur depuis le 31 mai 2007, n’implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 3b ; ATA/783/2016 du 20 septembre 2016 consid. 5b). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/240/2019 précité consid. 5b et les références citées ; ATA/1190/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5b ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420).

Des manquements dans le comportement de l’employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu’ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l’employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu’il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162).

Selon une jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s’intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l’intéressé (ATA/544/2021 du 25 mai 2021 consid. 9f ; ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3d : ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019 consid. 8a).

Les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou employés de l’État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l’absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d’événements ou de circonstances que l’intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d’activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités ; 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l’intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l’importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2).

8.4 Enfin, les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (ATA/915/2019 du 21 mai 2019 consid. 6c ; ATA/1177/2018 du 6 novembre 2018 consid. 6d).

Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 Cst., exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l’aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 138 I 331 consid. 7.4.3.1).

8.5 L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

9.             En l’espèce, l’intimé a invoqué huit manquements à l’appui de la résiliation des rapports de service pour motif fondé. Il convient donc d’examiner successivement chacun des griefs reprochés, afin de statuer sur leur bien-fondé.

9.1 Le premier reproche a trait à la posture « trop opérationnelle » adoptée par la recourante, ayant eu pour conséquence un défaut de vision stratégique de B______.

Il n’est pas contesté que parmi les tâches incombant à la recourante en sa qualité de directrice de B______, celle-ci avait pour mission d’élaborer la stratégie et de définir les priorités et les axes de développement de l’office. L’importance de cette mission avait été rappelée par la secrétaire générale dans son courriel du 16 octobre 2019 et l’élaboration d’une vision holistique pour B______, avec un plan de communication et de mise en œuvre, figurait comme le premier objectif convenu selon l’EEDM du 27 mai 2020. Dans cette optique, la recourante a produit une première note, accompagnée d’un organigramme, en date du 17 septembre 2020, suivi d’un PowerPoint qu’elle a transmis à la hiérarchie en octobre 2021.

Dans la décision entreprise, l’intimé fait valoir que ces documents ne répondaient pas aux attentes de la hiérarchie. La note du 17 septembre 2020 était lacunaire, dès lors qu’elle ne présentait pas de diagnostic structuré de la situation de B______ en terme de métier, gouvernance, de possibilité de gestion de croissance des prestations, de ressources humaines, d’infrastructures et de sécurité. La recourante n’expliquait pas les choix retenus à teneur de l’analyse de la situation, les raisons de ces derniers, les alternatives et les coûts y relatifs. Elle n’indiquait pas comment le projet pourrait être conduit et dans quelle temporalité. La présentation PowerPoint du mois d’octobre 2021 était arrivée tardivement, soit une année après la reddition de la première note. Or, la qualité de ce livrable était également insatisfaisante dans la mesure où il manquait une analyse complète et détaillée de la situation existante ainsi qu’un diagnostic des problèmes rencontrés. La direction future envisagée par B______ n’était pas non plus clairement exposée, pas plus que les transformations nécessaires en vue d’une gestion saine de l’office.

Il ressort certes du dossier que tant la note du 17 septembre 2020 que le PowerPoint présenté en octobre 2021 ont fait l’objet de commentaires et observations de la part de la hiérarchie. S’agissant de la note du 17 septembre 2020, la secrétaire générale a décrit, dans son courriel du 9 octobre 2020, tous les éléments devant être ajoutés ou clarifiés. Une aide extérieure, par l’intermédiaire de deux consultants externes, a par ailleurs été mise en place pour aider la recourante dans cette mission. Il n’en demeure pas moins que tant les missions définies par cette note que l’organigramme ont été validés par la hiérarchie, la secrétaire générale ayant d’ailleurs relevé que les « items décrivaient correctement et fidèlement la mission attendue et accomplie par B______ ». L’organigramme devait être considéré comme un « organigramme de transition en l’attente des départs des actuels titulaires ». Ainsi, l’affirmation tenue en audience par la secrétaire générale selon laquelle l’organigramme présenté était « inadéquat, insatisfaisant et dangereux pour le département » ne trouve aucune assise au dossier.

Quant à la présentation PowerPoint, il résulte certes du courriel de la secrétaire générale du 15 octobre 2021 qu’un certain nombre de propositions figurant dans ce document ne correspondaient pas à l’orientation souhaitée par le DIP. Or, outre le fait qu’il ne ressort pas du dossier que la nouvelle orientation souhaitée par le DIP ait été communiquée à la recourante avant la transmission de son document, la secrétaire générale a relevé que certaines propositions figurant dans celui-ci, en particulier les slide 7 et 15, allaient dans le sens souhaité. On ne saurait ainsi considérer, comme l’a fait l’intimé dans la décision entreprise, que la prestation délivrée par la recourante ne correspondait « pas du tout » aux attentes de sa hiérarchie. Il ressort par ailleurs des écritures, et de l’instruction menée par la chambre de céans, que cette mission constituait un projet d’envergure. La recourante a dûment expliqué le contexte de son arrivée à B______, qui était dans un état d’extrême souffrance, et de l’impossibilité de construire une vision holistique dans l’immédiat. Il fallait d’abord prendre la mesure, définir les indicateurs et construire les outils de planification. S’ajoutait à cela la difficulté liée à la crise sanitaire avec un taux d’absentéisme très élevé des collaborateurs. Ainsi, tenant compte de ce contexte et des retours de la hiérarchie quant au travail effectué par la recourante dans le cadre de cette mission, le grief de défaut de vision stratégique pour B______ ne peut être que partiellement confirmé.

9.2 L’intimé reproche ensuite à la recourante de n’avoir pas respecté son devoir de transmettre une décision qui lui avait été communiquée par sa hiérarchie au sens de l’art. 23 let. d RPAC. La conseillère d’État avait présenté les lignes directrices souhaitées par le DIP lors de deux bilatérales des 18 et 22 octobre 2021. Or, le message adressé à tous les membres du personnel de B______ le 22 octobre 2021 ne s’inscrivait pas dans la lignée stratégique alors transmise par la conseillère d’État.

Il n’est pas contesté que lors des bilatérales des 18 et 22 octobre 2021, les intervenants ont abordé la question de la délégation d’un nombre de prestations à des structures subventionnées privées. Les parties s’opposent en revanche sur le point de savoir s’il s’agissait là d’une nouvelle direction du DIP ou si cette orientation avait été communiquée à la recourante auparavant. Ce point peut toutefois demeurer indécis. Seul importe dans ce contexte le fait que le dossier ne contient aucune décision, dûment notifiée à la recourante, concernant le transfert de prestations de B______ à des entités subventionnées. Même à admettre qu’une telle décision lui eût été communiquée, il n’est pas possible de retenir, sur la base du seul courriel de la recourante du 22 octobre 2021, que celle-ci aurait manqué à son devoir de transmission et d’exécution, étant précisé que, comme l’a indiqué la secrétaire générale en audience, la hiérarchie n’avait pas demandé à la recourante d’informer les collaborateurs à ce sujet. Dans le courrier litigieux, la recourante se limite à saluer la « raison d’être de B______, sa composition et la qualité de ses services, de par son interdisciplinarité, la conjugaison du pédagogique et du thérapeutique et la manière dont [ils déployaient leurs] compétences ». Elle souligne sa profonde croyance en l’institution, ainsi que la nécessité d’améliorer les processus d’échange, ceci au profit des valeurs et des missions de B______. On ne voit pas, et l’intimé ne l’explique pas, en quoi ce positionnement ne s’inscrirait pas dans la continuité de la direction souhaitée par sa hiérarchie. On ne discerne en particulier aucune critique, ni prise de position, quant à la possibilité de déléguer certaines compétences à des entités subventionnées. Il appert au contraire, au vu du ton positif adopté dans ce courriel, que celui-ci servait avant tout à rassurer les employés, et cela dans un contexte tendu, marqué par la récente pétition lancée par le personnel de B______. Contrairement à ce que laisse entendre l’intimé, la seule mention des missions de B______ ne suffit pas à retenir une contradiction entre le message transmis par la recourante à l’ensemble des collaborateurs de B______ et la nouvelle orientation souhaitée par le DIP.

Ce manquement apparaît ainsi infondé.

9.3 Le troisième manquement porte sur l’absence d’utilisation des documents institutionnels de gestion de projet à la suite de la lettre de mission qui avait été adressée à la recourante le 20 décembre 2019. Il appert toutefois, au vu du dossier et des explications de l’intimé, que ce reproche ne concerne qu’un seul document, soit la note de la recourante du 3 mars 2020. Or, il ressort du dossier, en particulier du courriel de la secrétaire générale du 31 janvier 2020, que le modèle utilisé pour cette note avait été validé « pour le moment », même si « pour la suite », la recourante était invitée à utiliser le « modèle proposé ». La recourante a d’ailleurs dûment expliqué en audience que le nouveau modèle lui avait été transmis alors qu’elle avait déjà rédigé son document de suivi. C’est le lieu de préciser que ce document a été présenté au secrétariat général, aux directeurs généraux et à la conseillère d’État, sans qu’aucune critique n’ait été émise quant au modèle utilisé. Le reproche formulé par la hiérarchie, trois ans après les faits, apparaît ainsi sans fondement.

Dans la même lignée que le grief précédent, il est reproché à la recourante d’avoir établi des procès-verbaux non signés. Ce reproche s’inscrit dans le cadre de la gestion, par la recourante, de la crise du C______ qui sera examinée ci-après. Il suffit à ce stade de relever que la recourante a dûment expliqué les raisons pour lesquelles les procès-verbaux n’avaient pas été signés. Il ressort de ses déclarations en audience que les employés avaient « peur de représailles », certains collaborateurs ayant même reçu des menaces de la part d’autres professionnels du foyer. Compte tenu du contexte extrêmement tendu dans lequel se trouvaient les collaborateurs à ce moment-là, ces explications, dûment confirmées en audience par l’ancienne directrice du C______, apparaissent plausibles. S’ajoute à cela que la recourante s’est assurée que les procès-verbaux puissent être néanmoins utilisés aux fins d’éclaircir les faits, en transmettant par courriel les déclarations aux différents collaborateurs concernés.

Ce manquement apparaît ainsi, lui aussi, sans fondement.

9.4 Dans un quatrième grief, l’intimé reproche à la recourante d’avoir été incapable de gérer l’organisation de la rentrée scolaire 2021-2022. Ce manquement avait conduit à la mise en place, par la secrétaire générale, d’une cellule de crise, ce qui était tout à fait inhabituel.

Les enquêtes ont établi que l’augmentation systématique des élèves à chaque rentrée scolaire constituait un problème d’envergure auquel B______ devait faire face chaque année. Pour la rentrée scolaire 2021-2022, la recourante a adressé une note de service le 14 mai 2021, présentant différentes pistes permettant de faire face au manque d’effectifs, tant pour l’enseignement spécialisé que pour le soutien scolaire. Il ressort toutefois du dossier, en particulier du procès-verbal de la séance bilatérale du 17 mai 2021 et du courriel de la conseillère d’État du 20 mai 2021, que cette note ne répondait que partiellement aux attentes de la hiérarchie. Il manquait notamment une vision globale des besoins et des propositions de mesures d’économie. La recourante a ainsi rendu une note de service le 25 mai 2021, qui concluait à ce que B______ puisse engager l’équivalent de 25 ETP. Dans le suivi de cette note, la secrétaire générale a mis en place une cellule de crise, qui, après quatre séances, a formé une demande de crédit supplémentaire.

Selon l’intimé, la secrétaire générale n’avait pas eu d’autre choix que de suppléer la recourante dans cette mission, en raison de son incapacité à présenter une vision « macro » du dossier et de l’urgence de la situation. De son côté, la recourante soutient que la cellule de crise n’avait pas été mise en place pour superviser son travail mais sur le constat évident que les alertes de B______ depuis de nombreux mois étaient fondées mais avaient été ignorées par la secrétaire générale.

Cette position est corroborée par les pièces au dossier, notamment les courriels du directeur du service administration et finances de B______ des 24 mai et 23 novembre 2021. Il en ressort en particulier que le 18 décembre 2020 déjà, la recourante avait alerté la secrétaire générale sur le manque de ressources couvrant les besoins de 78 élèves. Entre mars et mai 2021, la recourante a collaboré avec le secteur des finances pour trouver une solution budgétaire aux besoins de postes pour la rentrée. Lors d’un échange téléphonique du 17 mars 2021, le directeur financier du DIP a informé le directeur du service administration et finances de B______ que 69 élèves supplémentaires étaient prévus à la rentrée, alors que le budget portait sur 29 élèves, de sorte qu’il n’y avait « pas d’autres moyens que d’aller en demande de crédit supplémentaire ». La nécessité de solliciter un budget supplémentaire pour faire face au nombre d’élèves prévus pour la rentrée était ainsi relayée par le service des finances et formalisé par les notes de la recourante des 14 et 25 mai 2021. L’affirmation tenue en audience par la secrétaire générale selon laquelle la direction des finances aurait considéré que la note du 25 mai 2021 n’était pas solide ne trouve aucun appui au dossier.

Il en va de même du reproche formulé par celle-ci selon lequel la recourante aurait « travaillé seule au lieu de préparer ensemble la rentrée ». Il ressort au contraire du courriel du 25 mai 2021 entre le directeur du service administration et finances de B______ et la recourante que cette note avait été relue et corrigée par ce dernier. Les échanges entre le DIP et la recourante révèlent d’ailleurs que cette note avait été requise par la hiérarchie par courriel du vendredi 21 mai 2021 pour le mardi suivant, alors qu’il s’agissait du week-end de Pentecôte. Cela explique ainsi pourquoi la recourante avait dû la préparer seule et la soumettre pour relecture au service financier le mardi suivant.

Ainsi, l’ensemble de ces éléments permet d’établir que, contrairement à ce que soutient l’intimé, la recourante a collaboré de manière étroite avec le service des finances afin d’alerter la hiérarchie sur le besoin de postes supplémentaires et transmettre des données financières concrètes justifiant un crédit complémentaire de l’État. Toutefois, malgré ses efforts, la hiérarchie a estimé que ses propositions étaient insatisfaisantes. Or, le fait même qu’une cellule de crise ait été mise en place deux mois avant la rentrée, ce qui constitue une mesure tout à fait inhabituelle, témoigne, à tout le moins, de désaccords, voire de défauts de communication, entre la recourante et sa hiérarchie. La chambre de céans relèvera d’ailleurs que si la mise en place de la cellule de crise a permis de dégager un budget supplémentaire, comme l’avait sollicité la recourante, il ressort des enquêtes, en particulier des déclarations de la secrétaire générale, que le crédit demandé et finalement alloué reste largement en-deçà des moyens requis par l’intéressée.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le manquement lié à l’organisation de la rentrée 2021-2022 n’apparaît que partiellement fondé.

9.5 Dans un cinquième grief, l’intimé reproche à la recourante de ne pas avoir été en mesure de proposer de solutions satisfaisantes et réalistes pour régler la question de la gestion horaire des éducateurs.

Ce grief trouve son origine dans le courrier que la recourante a transmis le 25 juin 2021, soit la veille des vacances scolaires, à l’ensemble des RPDES pour les informer d’une diminution de leurs temps de décharge. Comme l’a relevé l’intimé, dans la mesure où il s’agissait d’une modification défavorable des conditions de travail du personnel, il va sans autre que la temporalité de l’annonce apparaît inappropriée. S’ajoute à cela qu’aux dires de la directrice de la DRH du DIP, un délai usuel de prévenance de minimum trois mois aurait dû être respecté ainsi qu’une consultation avec la commission du personnel. Dans ses écritures, la recourante a expliqué que cette mesure faisait suite à une demande urgente de la conseillère d’État en avril 2021 afin de dégager les postes nécessaires pour la rentrée 2021. Or, au vu de la complexité du dossier, il n’avait pas été possible de traiter ce dossier en urgence, raison pour laquelle l’information n’avait pas pu être communiquée avant le 25 juin 2021, étant précisé que les contrats des collaborateurs assurant les remplacements des responsables pédagogiques étaient en grande partie préparés pendant la période estivale. Cette argumentation ne convainc pas entièrement s’agissant de la temporalité choisie et de l’absence de consultation et de délai préalables. À la décharge de la recourante toutefois, force est de constater que cette mesure avait été prise sur demande de la hiérarchie et que l’intéressée a immédiatement reconnu son erreur en s’excusant par courrier du 2 juillet 2021 et en proposant une solution alternative par le biais d’un groupe de travail. Le manquement reproché à la recourante, n’apparaît ainsi, lui aussi, que partiellement fondé.

9.6 Le sixième manquement a trait aux prestations insuffisantes en terme de collaboration constructive avec les partenaires internes et externes de B______. Il ressort toutefois des enquêtes que ce reproche manquait de substance. Interrogée sur ce point, G______ a répondu qu’il s’agissait « surtout d’une question de posture, d’attitude et de capacité de remise en question ». Elle avait eu « plusieurs retours en ce sens des directions générales de l’OEJ et de la DGEO ». Ces explications, peu détaillées, trouvent pour seul appui au dossier la difficulté de collaboration entre la recourante et V______, directeur général de la DGEO. Or, il ressort des échanges de courriels entre la secrétaire générale et la recourante que des problèmes de collaboration avec ce dernier avaient été identifiés à plus large échelle, l’intéressé ayant notamment annulé plusieurs séances, ce que la recourante n’avait pas manqué de relever.

Quant à la collaboration avec les membres de B______, les témoins entendus, en particulier Z______ et W______, ont confirmé que leurs relations de travail au sein de B______ étaient « excellentes » et qu’elles n’avaient jamais observé de mécontentement de la part de collaborateurs de B______. La recourante avait toujours le souci de travailler avec tout le monde et de comprendre ce que chaque personne pouvait apporter, de manière à trouver un consensus. L’ancienne directrice du foyer a, pour sa part, confirmé qu’au sein de B______, la recourante « était à l’écoute, humaine et essayait de faire avancer chaque personne ». L’affirmation en audience de la secrétaire générale, selon laquelle « des commentaires lui avaient été rapportés sur certaines ambiances et tensions » ne trouve aucun appui au dossier. Au contraire, l’EEDM du 16 janvier 2019 mentionne des « relations empreintes de sincère respect des collaborateurs et partenaires ».

Enfin, il appert que le mécontentement à l’origine de la pétition signée par les collaborateurs de B______ était surtout dû à la manière dont B______ avait informé les RPDES de la diminution de leurs temps de décharge. Or, un manquement, à tout le moins partiel, de la recourante a déjà été retenu en lien avec la gestion de ce dossier. Ainsi, et compte tenu des motifs déjà exposés, on ne saurait inférer de cette pétition que la recourante aurait, de manière plus générale, manqué à son devoir d’entretenir une collaboration constructive avec les partenaires internes de B______.

9.7 Le septième manquement porte sur la gestion du C______. Rappelant qu’il n’avait jamais été question de faire endosser à la recourante la responsabilité pleine et entière dans ce dossier complexe, l’intimé lui reproche néanmoins d’avoir tardé à remonter des informations circonstanciées à sa hiérarchie, lesquelles lui auraient permis d’appréhender plus rapidement les problématiques de ce foyer.

L’instruction a toutefois révélé que la recourante a toujours adopté une attitude proactive dans ce dossier. En mai 2020, elle a informé la conseillère d’État que le foyer ne « fonctionnait pas bien ». Dès août 2020, elle a interpellé le DIP sur l’existence de graves dysfonctionnements, respectivement de maltraitances, au sein du C______. La première communication à ce sujet remonte à un courriel du 3 août 2020, dans lequel la recourante a informé la secrétaire générale de « graves dysfonctionnements de certains collaborateurs ». Le 5 août 2020, un extrait du courriel de M______ du 31 juillet 2020 a été transmis au responsable du secteur de la DRH du DIP. Quoi qu’en dise l’intimé, cet extrait lui permettait de saisir les grandes lignes de la problématique puisqu’il faisait état de l’attitude de certains collaborateurs « très agressifs » qui insufflaient « une dynamique épouvantable ». En janvier 2021, la recourante a souhaité mettre ce point à l’ordre du jour de la bilatérale avec la conseillère d’État, mais celui-ci avait été retiré par la secrétaire générale, ce qui n’est pas contesté. Le 28 janvier 2021, elle a organisé une visio-conférence avec l’équipe du foyer. Durant les mois de février et mars 2021, elle a mené plusieurs entretiens avec des collaborateurs du foyer. Dès le mois de février 2021, l’intéressée a entrepris des démarches pour récupérer les données effacées par un collaborateur du foyer. Par courriel du 9 février 2021 adressé à la secrétaire générale, la recourante a confirmé l’existence de « maltraitances et des négligences sur des enfants », ainsi que les « témoignages de cinq remplaçants ayant dénoncé des actes graves de collaborateurs ». La nécessité de définir la ligne à suivre concernant les pratiques éducatives passées de certains membres du personnel « très inadéquates et maltraitantes » avait encore été rappelée lors de la séance bilatérale du 22 février 2021 réunissant notamment la secrétaire générale et la recourante. Le 24 mars 2021, la recourante a interpellé la secrétaire générale sur la nécessité de faire un point de situation « assez rapidement » à propos des événements ayant eu lieu au sein du C______. Le 29 mars 2021, la recourante a remis une note de service circonstanciée sur la situation au foyer, dénonçant un climat délétère, identifiant 41 points problématiques et proposant l’ouverture de procédures administratives et disciplinaires pour huit employés, dont deux licenciements, ainsi que des avertissements et procédures de recadrage pour d’autres.

Dans la décision litigieuse, l’intimé reproche à la recourante de ne pas lui avoir transmis le document des remplaçants de 2019 alors que, selon sa note de service du 29 mars 2021, elle en avait eu connaissance en juillet 2020. La recourante a toutefois expliqué en audience que ce document ne contenait pas tous les noms des personnes concernées et portait sur des faits imprécis. Suite à la réception de cette note, elle avait appelé les remplaçants qui figuraient dans le document, mais ils avaient tous refusé de témoigner. Dans la mesure où les agissements mentionnés dans ce rapport étaient beaucoup moins précis que ceux qui concernaient la collaboratrice problématique et dont un extrait complet avait été transmis à la hiérarchie sans qu’aucune mesure n’ait été prise, il lui semblait nécessaire de recueillir d’autres informations. Ces explications apparaissent convaincantes, tant il est vrai que l’extrait du 5 août 2020, qui contenait une description détaillée des manquements reprochés à la collaboratrice en question, n’a été suivi d’effet qu’un an après les faits litigieux, et cela sur insistance de la recourante. Quant à la note de L______ du 23 janvier 2021, que la hiérarchie n’aurait reçue qu’un an après sa réception par la recourante, celle-ci a expliqué qu’il avait été convenu avec la directrice de la DRH du DIP qu’elle la complète avec les procès-verbaux d’entretiens qu’elle devait encore mener durant les mois de février et mars 2021. Ces explications – plausibles – sont corroborées par les déclarations des témoins, selon lesquelles la recourante était en dialogue permanent avec la hiérarchie. L’ancienne directrice du foyer a en effet rapporté avoir compris, de ses discussions avec la recourante, que le DIP était également au courant de la situation. À son sens, elle devait lui rendre des comptes. Selon les déclarations de l’ancienne assistante de la recourante, le DIP était au courant de l’ensemble des démarches entreprises par la recourante. La juriste de B______ a confirmé pour sa part que le dossier avait été géré en continu avec le DIP ; il s’agissait d’une période où ils travaillaient quotidiennement sur ce dossier et durant laquelle de nombreux échanges informels avaient eu lieu avec l’ensemble des intervenants.

Le reproche de la hiérarchie relatif au manque de réactivité de la recourante apparaît ainsi particulièrement mal venu, ce d’autant plus que dans les semaines qui ont suivi la note de la recourante du 29 mars 2021, laquelle mettait en lumière la gravité de la situation et la nécessité d’agir rapidement, la hiérarchie n’a entrepris aucune démarche concrète sur le plan administratif et disciplinaire. Durant cette période, la recourante n’a pas manqué de manifester son désaccord quant au manque de suivi sur ce volet, qui, aux dires de la directrice des RH du DIP, n’a abouti qu’à un seul entretien de service sur les huit procédures disciplinaires préconisées dans la note de service. Le rapport de la commission de contrôle de gestion a d’ailleurs confirmé que le secrétariat général du DIP s’était montré plus réticent à mener des procédures que B______ et que la tenue de trois entretiens de service avait été bloquée par le DIP, contre l’avis de B______, pour des motifs qu’il n’avait pas été possible de déterminer précisément. Le DIP a certes mandaté la société Q______ au courant du mois d’avril 2021. Or, le rapport rendu par cette société n’a pas spécifiquement traité la question des mesures administratives et disciplinaires, le rapport de la commission de contrôle de gestion ayant du reste relevé que le mandat confié à la société n’était « pas de la plus grande clarté ». Enfin, il est significatif de relever que l’intimé a attendu plus de huit mois après la reddition de la note de service de la recourante pour former une dénonciation pénale pour violation du devoir d’assistance et d’éducation. Au vu de sa temporalité, cette action apparaît d’ailleurs davantage mue par la nécessité de répondre au scandale médiatique et à l’intervention de la commission de contrôle de gestion que par la responsabilité de l’employeur de sanctionner les actions de ses collaborateurs.

Ces différents éléments viennent ainsi affaiblir la position de l’intimé selon laquelle la hiérarchie suivait « de près » la situation du C______. Entendue en audience, l’ancienne assistante de la recourante a d’ailleurs relevé que la conseillère d’État n’y « accordait pas l’importance nécessaire ». En revanche, l’ensemble des témoignages concorde s’agissant de la force de travail de la recourante dans le cadre de sa gestion du foyer. L’ancienne directrice du foyer a notamment relevé que la recourante avait été très réactive et « soutenante » à son égard ; elle était proche du terrain et « bien au fait » de cette situation. Selon les déclarations de son ancienne assistante, elle « s’était battue pour améliorer la situation » et avait alerté la conseillère d’État à plusieurs reprises, sans jamais avoir eu le sentiment d’avoir été écoutée. La juriste de B______ a également relevé que la recourante était « très impliquée » dans la gestion de ce dossier et avait eu « un suivi très diligent depuis le début ». Elle avait pris « à bras le corps » la situation au C______, ayant tout de suite posé le cadre et travaillé dessus quotidiennement pendant des mois.

Ainsi, sur la base de l’ensemble des éléments qui précède, il n’est pas possible d’imputer à la recourante un manque de réactivité et de diligence dans le cadre de sa gestion du C______. Les griefs formulés à cet égard par la hiérarchie se révèlent ainsi infondés.

9.8 Enfin, dans un dernier grief, l’intimé reproche à la recourante d’avoir engagé une personne faisant partie de son entourage alors même que son casier judiciaire était clairement incompatible avec les missions de B______. Il est également reproché à la recourante de n’avoir pas fait preuve de diligence dans le suivi du dossier d’une collaboratrice souffrant d’un problème d’alcool. Ces deux griefs, qui ne figuraient pas dans le courrier de convocation à un entretien de service du 3 décembre 2021, ayant été formulés pour la première fois dans le courrier de la secrétaire générale du 4 octobre 2022, n’apparaissent toutefois pas justifiés.

S’agissant du collaborateur dont le casier judiciaire contenait des inscriptions en lien avec des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et à la loi fédérale sur les armes, la recourante a expliqué que son engagement initial avait eu lieu durant la période du COVID, lors de laquelle une permanence téléphonique devait être mise en place de manière urgente. Si elle ne conteste pas avoir mis le collaborateur en relation avec le service des ressources humaines, elle n’a pas personnellement procédé à son engagement. Le courriel du directeur des RH de B______ du 30 octobre 2020, transmis par la recourante à l’appui de ses déterminations du 12 décembre 2022, confirme d’ailleurs que l’engagement du collaborateur avait été traité en collaboration avec le service des ressources humaines. Le directeur des RH s’est ensuite chargé de la signature du contrat et de sa reconduction à plusieurs reprises. Quant au reproche formulé en lien avec la collaboratrice souffrant d’un problème d’alcool, il ressort du dossier que cette problématique trouvait sa source dans un seul et unique incident survenu le 21 octobre 2021. La recourante a expliqué avoir assisté à cet incident, en présence du directeur RH de B______. Ils lui avaient tous deux indiqué qu’elle devait rentrer en taxi ou accompagnée. À la suite de cet incident, soit le 3 novembre 2021, elle avait convenu avec le directeur des RH de mettre en place un suivi de la collaboratrice. La recourante a toutefois été convoquée quelques semaines après, soit le 18 novembre 2021, à un entretien de « négociation de départ », de sorte que la hiérarchie pouvait difficilement lui reprocher un manque de suivi.

9.9 En définitive, sur les huit manquements reprochés à la recourante dans la décision entreprise, seuls trois peuvent être partiellement retenus. La portée de ces manquements doit toutefois être nuancée. Ils doivent être replacés dans un contexte global pour déterminer s’ils pouvaient être considérés comme rendant impossible le maintien de la recourante dans son poste de directrice de B______.

Les témoignages, crédibles, font ressortir le dévouement de la recourante à son travail. Outre les évaluations positives de son travail par sa supérieure hiérarchique mettant en exergue son « engagement très important en termes de pilotage de la direction générale de B______ », ainsi que « sa transparence et posture qui permettent d’avancer malgré la complexité des enjeux », les collaboratrices de B______ entendues par-devant la chambre de céans, Z______ et W______, de même que l’ancienne directrice du C______, F______, ont relevé que la recourante avait beaucoup œuvré pour la bonne marche de son service, qui, lors de sa prise de fonction, était dans une situation très difficile. Comme l’a relevé sa hiérarchie dans son EEDM du 27 mars 2020, la recourante devait faire face à des crises importantes : une « augmentation démographique hors norme dont les causes restaient complexes, une souplesse budgétaire insuffisante et ne répondant pas aux besoins, un système de gestion archaïque et parfois défaillant qui avait été construit avec un manque de compétences et de respect institutionnel qui était critique ». S’il est certes regrettable que certaines de ses missions n’aient pas emporté la pleine satisfaction de sa hiérarchie – en particulier les objectifs consistant à apporter une vision holistique de B______, organiser la rentrée 2021-2022 et gérer la problématique des heures de décharges des RPDE – il ne peut pas être retenu que le maintien de cette dernière dans son poste de directrice était devenu incompatible avec le bon fonctionnement du DIP du seul fait des trois manquements susmentionnés.

Il manque en particulier des éléments concrets permettant de retenir que la hiérarchie n’était plus en mesure de poursuivre ses relations professionnelles avec la recourante. La chronologie des événements laisse par ailleurs songeur. Si la note de suivi du 17 septembre 2020, en particulier son organigramme, avait été réellement « dangereuse » pour l’institution comme l’a décrite la secrétaire générale en audience, il n’est guère compréhensible que la recourante ait été promue au statut de fonctionnaire, quelques mois seulement après la reddition de cette note. Devant la chambre de céans, la secrétaire générale a certes relevé avoir eu « des doutes à ce sujet », ce dont elle aurait fait part à la conseillère d’État lors de discussions informelles. Il n’en reste pas moins que la nomination crée une présomption forte selon laquelle l’activité exercée emporte satisfaction, étant rappelé que, dans le cas contraire, une prolongation de la période probatoire eût été préférable.

Par ailleurs, entre la nomination de la recourante le 4 novembre 2020 et la convocation à un entretien de service le 3 décembre 2021, on peine à comprendre quels manquements étaient à ce point graves et reconnaissables pour les tiers qu’ils mettaient à mal le bon fonctionnement de l’institution. La thèse de la recourante selon laquelle elle aurait tenu le rôle de fusible dans la crise du C______ n’apparaît ainsi pas totalement exclue. Elle trouve d’ailleurs un certain appui au dossier, la recourante ayant été convoquée à un premier « entretien de négociation de départ » le 18 novembre 2021, soit quelques semaines seulement après la publication des articles de presse mettant en lumière des dysfonctionnements graves touchant le foyer. Contrairement à ce que soutient l’intimé, le fait que le court délai octroyé à la recourante le 30 novembre 2021 pour se déterminer sur une éventuelle démission coïncidait avec l’audition de la conseillère d’État devant la commission de contrôle de gestion ne saurait constituer un simple hasard. Il en va de même de la dénonciation pénale, formée le 3 décembre 2021, soit le même jour que la convocation de la recourante à un entretien de service et plus de huit mois après la note circonstanciée de la recourante dénonçant les maltraitances par certains collaborateurs du foyer. Cette thèse est encore confortée par le fait que plusieurs griefs formulés dans la convocation à l’entretien de service ne lui ont jamais été communiqués auparavant. Il semble ainsi s’agir de reproches a posteriori, qui, pour certains, se sont révélés insignifiants, voire inexacts.

Au vu des éléments qui précèdent, les manquements reprochés à la recourante ne permettent pas de retenir une insuffisance de prestations rendant la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Ils ne sont dès lors pas constitutifs de motifs fondés de résiliation des rapports de service, ni individuellement, ni même cumulés, dans ce cas particulier.

Le licenciement ne reposant pas sur un motif fondé, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme le fait valoir la recourante, l’autorité a enfreint les règles relatives à la procédure de reclassement.

10.         Reste à déterminer les conséquences d’une telle résiliation.

10.1 L'art. 31 al. 2 LPAC dispose que si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l'autorité compétente la réintégration. Sous la réserve d'une impossibilité objective ou subjective de réintégration, dont la preuve incombe à l'employeur et qui ne peut pas être admise à la légère (ATA/287/2018 du 27 mars 2018 consid. 7e et les références citées), la chambre administrative considère que la réintégration ne dépend pas de la bonne disposition de l'employeur, puisque ce dernier n'a pas de choix à cet égard. Cependant, l’employeur ne devrait pas avoir à réintégrer un employé dans toutes les circonstances, suivant l'ampleur des difficultés auxquelles il est confronté. Ainsi, les conditions-cadre juridiques ou les difficultés d'organisation peuvent rendre impossible une réintégration. En outre, des divergences personnelles entre un employé licencié à tort et son supérieur hiérarchique peuvent être d'une telle gravité, que le rapport de confiance entre ces personnes est définitivement anéanti et qu'une réintégration n'est, dans les faits, plus possible (ATA/287/2018 précité consid. 7e et les références citées). En outre, contrairement à la législation fédérale topique, la LPAC ne limite pas la réintégration à des cas particuliers tels que le licenciement d'un lanceur d'alerte
(art. 34c al. 1 let. a de la loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 - LPers - RS 172.220.1).

10.2 En l'espèce, au vu du texte clair de l’art. 31 al. 2 LPAC et de la jurisprudence de la chambre de céans (ATA/588/2020 du 16 juin 2020 consid. 8 ; ATA/287/2018 du 27 mars 2018), la chambre administrative doit ordonner la réintégration de la recourante lorsque la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé. La recourante a du reste expressément requis sa réintégration dans ses conclusions. Pour sa part, l’intimé s’est limité à indiquer qu’il n’entrait pas en matière sur une réintégration mais n’a pas mentionné d’impossibilité de réintégrer la recourante au sein de l'administration cantonale, ce qui est d'ailleurs peu vraisemblable au vu de l'étendue de ladite structure et du domaine de compétence de l'intéressée. De plus, il ressort du rapport de S______, accompagnatrice RH de la recourante lors de la procédure de reclassement, du 6 décembre 2022, que la recourante était très engagée dans la démarche de réinsertion. Par ailleurs, pour les raisons évoquées plus haut, la recourante n'a pas eu un comportement à l'égard de sa hiérarchie susceptible de rompre le rapport de confiance. Enfin, l’intéressée n’a pas modifié ses conclusions initiales, notamment dans son écriture du 20 octobre 2023. Il s’ensuit que la chambre administrative ne peut qu’ordonner la réintégration de la recourante au sein de l'administration cantonale, dans sa fonction de directrice de B______ ou dans une fonction équivalente à celle pour laquelle elle a été nommée.

11.         Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 4’000.- sera allouée à la recourante, à la charge du Conseil d’État (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15’000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2023 par A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 15 février 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de résiliation des rapports de travail du 15 février 2023 ;

ordonne la réintégration de A______ au sein de l'administration cantonale dans sa fonction de directrice de B______ ou dans une fonction équivalente ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 4'000.- à A______, à la charge du Conseil d’État ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Stéphanie FULD et Guglielmo PALUMBO, avocats de la recourante, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :