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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1526/2018

ATA/838/2019 du 30.04.2019 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : RÉSILIATION ; RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC ; FONCTIONNAIRE ; MOTIF ; RÉSILIATION ; ÉTAT DE SANTÉ ; MÉDECIN-CONSEIL
Normes : LPAC.22.letc
Résumé : Rejet du recours d'un fonctionnaire contre son licenciement pour motif fondé en raison de son incapacité durable de travailler. Divergence sur la capacité de travail du recourant entre son médecin traitant et le médecin-conseil de son employeur. Au vu des circonstances particulières, le département s'est, à juste titre, fondé sur l'avis médical du médecin-conseil de l'État, qui s'écartait de l'avis du médecin traitant du recourant, pour procéder à la résiliation des rapports de service après deux ans d'absence pour raison de maladie.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1526/2018-FPUBL ATA/838/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nathalie Subilia, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1972, a été engagé à 100 % auprès de l’office I______ (ci-après : I_______) à partir du 1er octobre 2009 en tant que chef d’agence puis, dès le 1er juillet 2010, chef de service de l’agence J______ de l’office régional de placement (ci-après : ORP), dénommée par la suite ORP 3. Il est, en tout cas depuis le 4 avril 2018, domicilié dans le canton de Fribourg, après avoir vécu dans le canton de Genève.

Il a été nommé fonctionnaire à compter du 1er octobre 2012, après une prolongation de sa période probatoire de douze mois, soit jusqu’au 30 septembre 2012, décidée par l’ancien directeur général de l’I_______, à l’issue de son entretien d’évaluation et de développement du personnel du 29 juin 2011, afin de lui permettre de réaliser les objectifs qui lui avaient été fixés.

2) Dès le 1er février 2016, l’intéressé a été en incapacité totale de travailler, attestée par les certificats médicaux de ses médecins traitants, d’abord le Docteur B______, spécialiste en oto-rhino-laryngologie à Pully, puis le Docteur C______ établi à Genève.

3) Un échange de courriels au sujet de la transmission de ses certificats médicaux a eu lieu entre l’intéressé et différentes personnes du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, devenu entre-temps le département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci-après : le département), auquel est rattaché l’I_______.

4) Le 18 février 2016, Monsieur D______, directeur général de l’I_______ depuis le 1er août 2014 et supérieur hiérarchique de l’intéressé, et Madame E______, responsable de secteur RH au sein de l’I_______ puis du service des ressources humaines du département, ont adressé une demande d’évaluation concernant M. A______ auprès du service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE). Cette demande portait sur un pronostic de retour au travail, une évaluation visant à identifier ou écarter une raison médicale à des prestations professionnelles dégradées et insuffisantes ou à des comportements atypiques ou inadéquats, un contrôle du bien-fondé de l’incapacité de travail (validité du certificat médical) et une évaluation de la pertinence du suivi médical et/ou du traitement.

L’intéressé, en incapacité complète de travail depuis le 1er février 2016 pour maladie, cumulait des absences de longue durée. Sa hiérarchie se demandait si ces absences étaient susceptibles de se répéter dans le temps et avec quel degré d’incapacité. L’absence pour maladie était intervenue à la suite de désaccords professionnels entre l’intéressé, un collègue et la direction générale de l’I_______. Début 2014, le collaborateur avait déjà eu une longue absence pour maladie dans le cadre de conflits professionnels.

5) Face aux difficultés rencontrées par M. D______ pour joindre téléphoniquement l’intéressé, celui-là s’est interrogé sur l’emploi du temps de celui-ci et a souhaité un contrôle à ce sujet. Le chef de service du SPE lui a répondu, fin avril 2016, que ce service ne pouvait pas effectuer des contrôles de l’emploi du temps d’une personne en arrêt maladie et qu’il n’y avait en principe pas d’obligation de rester à domicile en cas d’arrêt pour raison de santé, ce qui dépendait de la nature de l’atteinte à la santé.

6) Entre le 12 avril et le 8 novembre 2016, l’intéressé a fait l’objet de plusieurs entretiens médicaux à la demande de son employeur.

a. Le Docteur F______, médecin-conseil externe de l’État, a, dans son préavis médical reçu le 2 mai 2016, confirmé le bien-fondé de l’incapacité de travail de l’intéressé ainsi que la pertinence du suivi médical et/ou du traitement, après avoir reçu le collaborateur le 12 avril 2016.

b. Le Docteur G______, médecin associé en santé-travail du SPE, a rencontré trois fois le fonctionnaire et s’est entretenu une fois avec lui au téléphone, entre le 3 mai et le 8 novembre 2016. Á cette date-là, l’arrêt de travail était considéré justifié, sans élément nouveau jusqu’à son préavis suivant mentionné ci-après.

7) Fin septembre 2016, le fonctionnaire a informé M. D______ de sa prochaine hospitalisation.

8) Du 22 au 24 septembre 2016, se sont déroulées trois représentations du spectacle d’une collaboratrice de l’I_______, pour lequel l’intéressé avait produit des images et de la musique et auxquelles il avait assisté, ainsi que d’autres collaborateurs de l’I_______ qui l’y avaient vu. Ceci était parvenu à la connaissance de M. D______ et avait généré des discussions à l’I_______, notamment entre ce dernier et ladite collaboratrice au sujet du rôle de M. A______ en lien avec ce spectacle.

9) Le 8 novembre 2016, le Dr C______ a établi un certificat médical annonçant une pleine capacité de travail de l’intéressé dès le 5 décembre 2016.

10) Après avoir reçu l’intéressé le 8 novembre 2016, le Dr G______ a, le même jour, établi un préavis médical confirmant une reprise à son poste habituel dès le 5 décembre 2016 à 100 %. Il a aussi précisé que l’activité extraprofessionnelle du collaborateur (à savoir trois soirées de spectacle en septembre 2016) était sans relation avec une convalescence ou une optimalisation du traitement médical. Le suivi de l’intéressé dans le cadre du SPE était terminé.

11) Le 18 novembre 2016, M. A______ a transmis au conseiller d’État en charge du département, une plainte à l’encontre de M. D______ et de Mme E______. Il se plaignait de plusieurs comportements de ces deux personnes à son égard et estimait nécessaire la prise de mesures de protection avant la reprise de son travail prévue le 5 décembre 2016, précisant qu’il existait un risque de prolongation de son absence d’une à trois semaines selon la vitesse de guérison.

12) Le 1er décembre 2016, le Dr C______ a établi un nouvel arrêt de travail à 100 % en faveur de l’intéressé pour la période du 1er décembre 2016 jusqu’au 10 janvier 2017.

13) Le 2 décembre 2016, l’intéressé a informé, par courriel, M. D______ que sa reprise de travail à 100 % était reportée pour le « courant du mois de janvier 2017 », la guérison se poursuivant. Il joignait le nouveau certificat médical, précisant que le « prochain » certificat médical « reprendra[it] dès le 01.01.2017 ».

14) Le 8 décembre 2016, le fonctionnaire a décliné l’invitation de M. D______ de s’entretenir avec lui au téléphone, au motif qu’en raison des démarches en cours auprès du conseiller d’État en charge du département, « seuls les contacts avec ce dernier [étaient] pour l’instant maintenus ».

15) Des échanges de courriers ont eu lieu entre le conseiller d’État et l’intéressé, notamment par l’intermédiaire de son conseil, au sujet de sa plainte.

16) Selon une note du Dr G______ relative à l’entretien médical du 20 décembre 2016 effectué par téléphone, produite par l’intéressé, il n’y avait pas d’éléments médicaux à faire valoir. Ce dernier était confiant pour une reprise de travail en janvier 2017. Il était informé de la fin du suivi au SPE et du fait qu’il serait reconvoqué s’il n’avait pas repris son travail en avril 2017.

17) Le 10 janvier 2017, le Dr C______ a établi, en faveur de l’intéressé, un nouvel arrêt de travail à 100 % jusqu’au 12 février 2017. Ledit arrêt a été renouvelé régulièrement jusqu’au 3 septembre 2017. Une reprise d’activité à plein temps à partir du 4 septembre 2017 était attestée par certificats médicaux du Dr C______ des 18 juillet et 8 août 2017.

18) En mars et juin 2017, ont eu lieu des rencontres entre l’intéressé, son avocate et deux personnes des ressources humaines du département au sujet de sa plainte.

19) Après avoir reçu le certificat médical de l’intéressé indiquant une reprise d’activité à 100 % dès le 4 septembre 2017, Mme E______ a, par courriel du 20 juillet 2017, demandé au Dr G______ un préavis médical sur la capacité de retour du collaborateur à son poste de travail, son aptitude à occuper sa fonction de chef de service ORP ainsi que d’éventuelles limitations fonctionnelles et du taux d’activité à la reprise.

Elle était interpellée par une reprise d’activité à 100 % après dix-neuf mois d’incapacité entière. Si la capacité de travail et le retour à son poste étaient confirmés par le Dr G______, une séance prévoyant les modalités de la reprise serait organisée par Monsieur H______, nouveau directeur du service des ressources humaines du département, avec le SPE, M. D______, l’intéressé et son avocate dans la deuxième quinzaine d’août 2017.

20) À la suite de la consultation médicale du 25 juillet 2017, relatée dans une note produite par l’intéressé, le Dr G______ a, dans son préavis médical du même jour, confirmé la reprise d’activité du fonctionnaire à son poste habituel à 100 % dès le 4 septembre 2017. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles ni d’aménagements professionnels à prévoir. Le suivi au SPE était terminé.

21) Après ce préavis, divers échanges ont eu lieu entre le fonctionnaire et le département, notamment au sujet de l’utilité d’une nouvelle consultation – demandée par le département – auprès du médecin-conseil externe de l’État.

22) Lors de l’entretien du 24 août 2017 avec M. H______, l’intéressé, accompagné de son conseil, a appris qu’un entretien de retour était prévu le 4 septembre 2017 avec M. D______ et Mme E______ afin d’organiser la reprise de son activité à l’I_______.

23) Le 25 août 2017, le Dr F______ a reçu l’intéressé et confirmé les éléments suivants dans son avis médical du même jour.

L’incapacité de travail à 100 % du collaborateur depuis le 1er février 2016 était bien-fondée. Le suivi médical et/ou le traitement étaient pertinents. Il répondait positivement à la question du bien-fondé de la capacité de travail à 100 % à partir du 4 septembre 2017 ainsi qu’à celle du bien-fondé du passage d’une incapacité totale à une capacité totale du jour au lendemain.

24) Le fonctionnaire a, par courriels de son avocate des 25 et 30 août 2017, exprimé ses doutes quant à une reprise au sein de l’I_______ sous la supervision de M. D______ et de Mme E______ vu les comportements dénoncés dans sa plainte de novembre 2016 et l’absence de mesures consécutives à celle-ci. Il était motivé à reprendre une activité professionnelle et disposé à trouver une solution à cette situation, mais n’envisageait pas une reprise dans ces conditions, ce dont il avait fait part au Dr F______ qui l’aurait renvoyé sur ce point au SPE.

25) Le 30 août 2017, le conseiller d’État du département a informé l’intéressé que les faits énoncés dans son courrier du 18 novembre 2016 n’étaient pas fondés au regard des éléments portés à sa connaissance. Il soutenait la reprise du travail de l’intéressé prévue le 4 septembre 2017 pour laquelle M. D______ l’avait invité à un entretien de reprise afin d’accompagner son retour au mieux après une absence de longue durée.

26) Interpellé par la concomitance temporelle entre la réponse à sa plainte et sa reprise d’activité à l’I_______, l’intéressé a, par fax et courrier du lendemain de son avocate, informé le conseiller d’État de son intention de saisir le groupe de confiance vu les relations conflictuelles avec son supérieur hiérarchique et les doutes quant au succès d’un retour au travail dans ces conditions. Il souhaitait obtenir le nouveau cahier des charges de sa fonction en cas de retour à l’I_______, vu que le personnel de l’ORP dont il avait la charge avait été réparti entre deux autres ORP.

27) Le 1er septembre 2017, le Dr C______ a établi un arrêt de travail à 100 % du 4 au 30 septembre 2017, ce qui a été communiqué par l’intéressé à M. H______ par courriel du 3 septembre 2017 avec les précisions suivantes. Les motifs de cette nouvelle incapacité de travail ne concernaient pas les motifs médicaux à l’origine de son arrêt de travail ayant débuté le 1er février 2016. Le SPE avait déjà été contacté aux fins d’un rapide entretien avec le Dr G______ concernant cette « absence soudaine ».

28) Le 4 septembre 2017, M. H______ a transmis ce courriel et le certificat médical précité au Dr G______ pour qu’il se détermine soit sur l’incapacité de M. A______ à exercer ses activités professionnelles de façon pérenne (avec la perspective d’une résiliation des rapports de service au 731ème jour), soit sur l’inaptitude de ce dernier à son poste de travail (avec l’option de faire appel à la cellule de retour au travail – ci-après : CRT – vu les 544 jours d’absence cumulés), soit sur l’aptitude totale de l’intéressé (avec alors le constat d’un arrêt de travail injustifié et la retenue sur salaire).

29) Le 10 septembre 2017, M. A______ a saisi le groupe de confiance d’une plainte et d’une demande d’investigation au sujet d’actes de M. D______, de Mme E______ et des « dirigeants » du département, dont il s’estimait victime.

Il exprimait la crainte de se retrouver sans emploi en janvier 2018 vu la fin de son droit au salaire et la possibilité alors de le licencier pour inaptitude médicale. Il souhaitait soit se voir offrir un poste équivalent ou supérieur dans un autre département, soit recevoir une indemnité de départ importante vu les risques de chômage liés à son âge ; le cas échéant devait être considérée la prise de mesures immédiates avant fin janvier 2018 pendant la durée de l’enquête avec la perspective d’un nouveau poste dans un autre département.

30) Le Dr C______ a renouvelé régulièrement, par certificats médicaux des 3 octobre ainsi que des 3 et 24 novembre 2017, l’incapacité complète de travail de l’intéressé pour les mois d’octobre à décembre 2017.

31) Selon la note, produite par l’intéressé, relative à son entretien médical du 3 octobre 2017 avec le Dr G______, sa situation avait été discutée lors du colloque du même jour. Il n’y avait pas de consensus pour un préavis, mais le « préavis des 620 jours » n’était pas à ce stade considéré adéquat. Le fait qu’il n’y avait pas d’inaptitude sur le poste pour des raisons médicales (donc pas de CRT) était validé et confirmé. Était soulevée l’interrogation sur l’opportunité d’une « expertise psy » vu le décalage d’appréciation entre le collaborateur et l’employeur, et les nombreux revirements de situation, au moins pour savoir s’il y avait une aptitude à poursuivre la fonction de directeur.

Le Dr G______ concluait ladite note en mentionnant la poursuite de l’arrêt de travail et la discussion à avoir avec l’employeur lors de la séance prévue pour le 10 octobre 2017.

32) Sollicité par le Dr G______, le Dr C______ lui a répondu le 17 octobre 2017 que l’état de santé de l’intéressé n’était pas encore stabilisé et qu’une reprise pouvait être estimée pour le 1er janvier 2018, en lui précisant que la situation était compliquée et qu’il s’agissait de forts troubles psychosomatiques liés à un conflit au travail.

33) Par préavis du 17 octobre 2017, le Dr G______ a communiqué au département son appréciation sur la situation de l’intéressé après avoir obtenu des éléments médicaux actualisés auprès du médecin traitant et reçu le collaborateur en consultation le 3 octobre 2017. Ce dernier n’avait pas repris son travail le 4 septembre 2017 comme prévu et son absence se prolongeait à 100 %. La situation n’était pas stabilisée du point de vue médical. Une reprise d’activité « pourrait être éventuellement » envisageable le 1er janvier 2018.

34) Le 24 novembre 2017, un deuxième certificat médical, non signé, du Dr C______ a fait état d’un arrêt de travail du fonctionnaire à 100 % du 1er au 14 janvier 2018, puis à 0 % dès le 15 janvier 2018.

35) Le 5 décembre 2017, au 670ème jour sur 730 jours d’absence, le Dr G______ a établi un avis médical concernant M. A______. Son état de santé ne s’était pas stabilisé. À ce stade du suivi, la perspective de reprise d’une activité dans l’administration cantonale n’était pas envisagée pour une durée indéterminée.

36) Interpellé par l’intéressé et son avocate, le Dr G______ les a, le 13 décembre 2017, informés que M. A______ était en droit de consulter son dossier médical au SPE et qu’à la suite du dernier préavis précité, son suivi dans le cadre de ce service était terminé.

37) Le même jour, le fonctionnaire, par l’intermédiaire de son avocate, a contesté l’avis médical du 5 décembre 2017 du Dr G______ auprès de M. H______ en renouvelant sa demande de rendez-vous destiné à discuter des modalités de sa reprise d’activité.

38) À cette même date, le Dr C______ a envoyé un courriel au Dr G______ lui confirmant que son certificat de reprise à 100 %, sans restriction, à partir du 15 janvier 2018, concernant M. A______, avait été établi le 24 novembre 2017. L’évolution de ce patient était positive vu le traitement suivi et explicité dans ledit message.

39) Par courrier du 13 décembre 2017, M. D______ a convoqué l’intéressé à un entretien pour le 21 décembre 2017 en sa présence ainsi que celle de M. H______ et de la personne en charge de la prise du procès-verbal, afin de l’entendre au sujet de son incapacité entière à exercer ses activités pour des raisons de santé, cette incapacité étant susceptible de conduire à la résiliation de ses rapports de service pour motif fondé.

Sur demande de l’avocate du fonctionnaire et par gain de paix, il l’a informée de son remplacement par le directeur du service employeurs lors dudit entretien.

40) Le 19 décembre 2017, le chef de service du SPE a informé l’intéressé du fait que le Dr G______ maintenait son avis du 5 décembre 2017 qu’il avait établi sur la base du suivi effectué depuis deux ans en tenant compte de l’ensemble des éléments du dossier médical. Cet ultime préavis avait été sollicité par les ressources humaines et mettait un terme au suivi du SPE.

41) En dépit de l’opposition de l’intéressé audit avis médical, l’entretien du 21 décembre 2017 a été maintenu et réuni M. A______ accompagné de son conseil, le remplaçant de M. D______ et M. H______.

Après avoir entendu le fonctionnaire, le remplaçant de M. D______ l’a informé du fait que la résiliation des rapports de service pour motif fondé, en application des art. 21 al. 3 et 22 let. c de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), était envisagée et qu’aucune procédure de reclassement ne serait ouverte vu que l’état de santé de l’intéressé ne lui permettait plus de remplir les devoirs de sa fonction dans quelque poste que ce soit.

42) Le 8 janvier 2018, l’intéressé a transmis ses observations. Il contestait l’avis médical du Dr G______ du 5 décembre 2017 et considérait que le licenciement envisagé sur cette base était infondé, son médecin traitant le considérant pleinement apte à travailler à partir du 15 janvier 2018. Un nouveau certificat médical rédigé par ce dernier et daté du 20 décembre 2017 avait été remis à la fin de l’entretien du 21 décembre 2017.

43) Vu que le SPE a informé le département que le collaborateur souffrait depuis le 4 septembre 2017 d’une affection médicale nouvelle qui différait de celle présente depuis le 1er février 2016, la première décision de résiliation des rapports de service datant du 30 janvier 2018 a été annulée le 9 février 2018 au motif qu’elle avait été notifiée en temps inopportun et qu’elle était nulle. Le droit au traitement du collaborateur avait pris fin le 17 janvier 2018. Une nouvelle décision de résiliation des rapports de service lui serait notifiée en temps opportun.

44) Par décision du 20 mars 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du département a résilié, avec effet au 30 juin 2018, les rapports de service le liant à l’intéressé pour motif fondé, à savoir pour disparition durable d’un motif d’engagement en lien avec l’incapacité du collaborateur de travailler pour des raisons médicales, en application des art. 21 al. 3, 22 let. c et 20 al. 3 LPAC.

Il se fondait en particulier sur le préavis médical du 5 décembre 2017 du Dr G______ ainsi que sur le courrier du 19 décembre 2017 du chef de service du SPE, confirmant ce préavis qui avait été établi sur la base du suivi effectué depuis deux ans en tenant compte de l’ensemble des éléments du dossier médical.

Il rejetait les arguments de l’intéressé, en particulier celui visant à démontrer sa pleine capacité de travail dès le 15 janvier 2018, soit après 728 jours d’absence pour des raisons de santé et deux jours avant la fin du droit au traitement. Outre les circonstances particulières liées à l’échec de la reprise d’activité prévue pour le 4 septembre 2017, le certificat médical du médecin traitant produit à cet effet n’était pas motivé et la date de son établissement n’était pas claire. Ce document, établi le 24 novembre 2017 mais non signé, avait été transmis au département le 14 décembre 2017, puis remis lors de l’entretien du 21 décembre 2017 avec, cette fois-ci, la signature du médecin traitant datant du 20 décembre 2017.

45) L’intéressé a, dans le délai de recours, contesté cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et principalement à sa réintégration dans son poste de travail ou dans toute autre fonction identique. À titre préalable, il a sollicité son audition, une expertise médicale visant à constater son entière capacité de travail depuis le 15 janvier 2018 et l’apport de la procédure pendante devant le groupe de confiance. À titre subsidiaire, il a conclu à ce qu’il soit proposé au département sa réintégration à son poste de travail ou dans toute autre fonction identique et, en cas de refus de réintégration, à condamner le département à lui verser une indemnité de CHF 279'434.88 avec intérêts à 5 % dès le 22 mars 2018 correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement brut.

La décision litigieuse ne reposait pas sur un motif fondé, car il était apte à occuper sa fonction dès le 15 janvier 2018. Il contestait le préavis médical du Dr G______ du 5 décembre 2017. Ce document était laconique et dépourvu de motivation ou explication. Il avait été rédigé après que son médecin traitant avait, par certificat médical établi le 24 novembre 2017, reconnu sa pleine capacité de travail dès le 15 janvier 2018. Le Dr G______ n’avait pas contacté le médecin traitant ou l’intéressé avant d’émettre le préavis précité, alors que leur dernier échange remontait à octobre 2017 et qu’il envisageait alors une reprise d’activité au 1er janvier 2018. Le Dr G______ avait maintenu sa position en le renvoyant à son dossier médical disponible au SPE. Il reprochait en outre au département de ne pas avoir demandé un examen médical approfondi conformément à l’art. 26 al. 3 LPAC. Il remettait aussi en cause le préavis médical du 5 décembre 2017 en raison d’éléments liés au conflit avec sa hiérarchie l’ayant amené à saisir le groupe de confiance.

La décision litigieuse était par ailleurs contraire au droit. Son droit d’être entendu en lien avec l’administration des preuves avait été violé, ni lui ni son médecin traitant n’ayant été interpellé par le Dr G______ avant l’établissement du préavis médical précité. Il invoquait la violation du principe de la proportionnalité du fait de l’absence d’une procédure de reclassement, alors qu’il était favorable à cette mesure et apte à travailler depuis le 15 janvier 2018. Il reprochait aussi au département d’avoir manqué à son devoir de protection de la personnalité, en raison de comportements émanant de deux personnes de sa hiérarchie qu’il avait dénoncés sans succès dans son courrier du 18 novembre 2016 et qui étaient en partie responsables de sa longue incapacité de travail, en particulier à partir du 4 septembre 2017. Il avait à ce sujet saisi le groupe de confiance dont la procédure était pendante.

46) Le 7 juin 2018, la juge déléguée a informé la caisse de chômage du recourant que celle-ci n’était pas affectée par l’issue du litige compte tenu de la subrogation légale et que sa demande d’intervention dans la présente procédure n’était pas admise conformément à la jurisprudence de la chambre de céans. Il appartenait au bénéficiaire de l’assurance-chômage de lui communiquer le présent arrêt. Cette demande était acheminée aux parties uniquement pour information.

47) Après avoir notifié, le 2 février 2018, un classement partiel de la plainte concernant Mme E______ et d’autres membres du personnel du département et s’être déclaré incompétent pour traiter de la demande d’investigation à l’encontre du conseiller d’État en charge du département, le groupe de confiance a, le 11 juin 2018, classé la demande d’ouverture d’investigation de M. A______ à l’encontre de M. D______.

Les conditions d’une atteinte d’une certaine gravité à la personnalité du recourant n’étaient manifestement pas remplies au vu de l’enquête préliminaire menée et de l’ensemble des éléments du dossier. Il avait examiné les faits allégués par l’intéressé en distinguant ceux qui s’étaient produits avant son arrêt de travail du 1er février 2016 et ceux postérieurs à cette date. S’agissant du premier groupe de faits allégués, ils ne pouvaient manifestement pas constituer des atteintes à la personnalité du recourant et semblaient plutôt avoir un caractère anecdotique dans le contexte de reprise en mains de l’I_______ décidé par le département, M. D______ ayant été en charge de mettre en place les changements pour cet office. Quant aux faits allégués survenus après le 1er février 2016, date du début de l’arrêt maladie de l’intéressé, ils ne pouvaient pas constituer une atteinte à la personnalité d’une certaine gravité et ce même dans l’hypothèse où ils devaient être prouvés.

Le groupe de confiance rappelait le droit du recourant de demander, dans les vingt jours suivant la réception de son avis de classement, à l’autorité d’engagement confirmation de cet avis par voie de décision sujette à recours auprès de la chambre administrative.

48) Sollicitant préalablement l’apport de la procédure menée devant le groupe de confiance, le département a conclu au rejet du recours en contestant tous les arguments du recourant.

Le groupe de confiance avait classé la demande d’investigation sollicitée par ce dernier. La caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : CPEG) lui versait des prestations provisoires d’invalidité depuis mars 2018 avec effet rétroactif au 18 janvier 2018, ce qui impliquait que l’intéressé était en incapacité de travail au regard de la CPEG. En contradiction avec cela, le fonctionnaire s’était déclaré apte à travailler à 100 % auprès de sa caisse de chômage qui lui versait des indemnités depuis le 4 avril 2018. Il avait entièrement vidé son bureau le 9 juin 2018, alors qu’il alléguait vouloir reprendre son activité.

49) À la suite de l’apport de la procédure, conduite par le groupe de confiance, dans la présente procédure, les parties ont été invitées à se déterminer.

a. Critiquant l’enquête menée par le groupe de confiance, le recourant a décidé de ne pas recourir contre la décision de cette entité malgré l’apparence de partialité de celle-ci dans la manière de mener l’enquête, et préféré « s’adresser » à la chambre de céans « afin de recourir à une instance impartiale ».

b. Le département s’est opposé à l’éventuelle demande du recourant de faire entendre, dans le cadre de la présente procédure, des témoins que le groupe de confiance n’aurait pas entendus ou entendus que de manière incomplète. Les critiques du recourant sur le rapport impartial du groupe de confiance n’étaient pas pertinentes vu l’objet du présent litige portant sur le licenciement de l’intéressé en raison de son incapacité de travail.

50) Le 9 novembre 2018, la juge déléguée a entendu les parties.

a. Le recourant était dans l’attente d’une décision de l’assurance-invalidité
(ci-après : AI) pour une rente entière. Son employeur avait enclenché la procédure AI. Il avait répondu au formulaire et s’attendait à recevoir une décision négative. Il était apte à travailler à 100 % dès le 15 janvier 2018. Il ne voyait plus son médecin depuis cette date. Il percevait des prestations de l’assurance-chômage et des prestations provisoires de la CPEG. Les procédures AI et la demande à la CPEG avait été entreprises à la demande du Dr G______. Il avait toujours contesté l’incapacité de travail attestée par ce dernier depuis le 5 décembre 2017. En cas d’admission de son recours, il souhaiterait une réintégration dans son ancien poste, en aménageant les conditions, en particulier qu’il puisse être traité comme tout le monde et travailler correctement.

Il déposait une liste de témoins à entendre. La suppression de son poste, bien qu’elle soit intervenue en septembre 2018, était déjà prévue de longue date. La réorganisation était déjà dans l’air bien avant les mois de mai-juin 2018. Le département et le directeur de l’I_______ avaient refusé une médiation par le groupe de confiance, de mémoire, fin novembre 2017 et, peu après, était établi le préavis médical du Dr G______. Il y avait donc, à son avis, alors déjà l’intention de mettre fin à son contrat. Son médecin traitant lui avait indiqué être informé par le Dr G______ de l’intention de son employeur de le licencier.

b. Selon le département, une réintégration ne serait possible que si l’état de santé de l’intéressé le permettait. Il sollicitait l’audition de témoins.

Le directeur de l’I_______ précisait que le service avait dû être réorganisé. Jusqu’à fin août 2018, le poste précédemment occupé par le recourant figurait dans l’ancien organigramme ; il n’existait plus depuis le 1er septembre 2018. Une réintégration dans ce poste n’était pas possible. Sous la pression des autorités fédérales, ils avaient dû modifier les pratiques et de nombreux changements s’en étaient suivis. Une nouvelle organisation avait dû être mise en place, un nouveau directeur était arrivé le 1er août 2018. Dans le cadre des entretiens d’embauche pour cette fonction, en mai-juin 2018, des discussions sur l’organisation envisagée par les candidats avaient eu lieu. La suppression des quatre postes, dont celui du recourant, n’avait pas été planifiée avant la réorganisation. À un moment donné, sur les quatre chefs ORP, deux étaient absents, de sorte qu’il avait fallu prendre des mesures pour pallier à ces absences. Dans ce contexte, l’ORP « 1 » avait été réparti sur les autres ORP. Compte tenu de la longue absence du recourant, une réintégration nécessiterait d’importants réaménagements, tant sur le plan de l’activité professionnelle que relationnel, pour lui et pour eux.

51) Le 19 novembre 2018, le recourant a produit six échanges avec la CPEG entre le 28 novembre 2017 et le 26 mars 2018. Il en résultait les éléments suivants.

a. Sollicitée début novembre 2017 par l’employeur au sujet de ses prestations d’invalidité et constatant au vu des documents transmis que l’intéressé avait déposé une demande auprès de l’AI fédérale, la caisse de prévoyance a informé ce dernier, le 28 novembre 2017, que, dans l’attente de la décision de l’AI, il pouvait bénéficier d’une prestation provisoire d’invalidité à l’échéance de son droit au traitement ou aux indemnités en tenant lieu.

b. Début mars 2018, le recourant a exposé sa situation médicale opposant l’avis de son médecin traitant le considérant apte à travailler à 100 % et l’avis du médecin-conseil de l’État l’estimant totalement incapable de reprendre son activité. Ne percevant plus son « salaire » depuis le 18 janvier 2018, il se demandait s’il avait, dans ces circonstances, droit à une « rente AI provisoire » de la CPEG. Il en faisait la demande pour le cas où cela était possible.

c. Sur la base du préavis de son médecin-conseil et après avoir reçu le 8 mars 2018 le questionnaire rempli par l’intéressé, la CPEG a, le 13 mars 2018, informé ce dernier que sa demande de prestations provisoires d’invalidité – effectuée en novembre 2017 – avait été jugée « recevable à 100 % ». Il percevrait la somme de CHF 1'542.30 pour le mois de janvier et la somme mensuelle de CHF 3'854.85 dès février 2018, la fin de son droit au traitement ayant été fixée au 17 janvier 2018.

Il était rendu attentif aux conséquences de la décision de l’AI sur son droit aux prestations provisoires. Celui-ci s’éteindrait avec ladite décision, y compris si son invalidité n’était pas reconnue par l’AI ou ne l’était que partiellement. Il conserverait alors la possibilité d’introduire une procédure particulière de mise à l’invalidité au sens de l’art. 34 du règlement général de la CPEG du 23 mars 2013. De plus, le montant de la pension d’invalidité définitive était susceptible d’être revu en cas de reprise totale ou partielle de son activité. Il était invité à communiquer à la CPEG toute éventuelle reprise et/ou modification de son taux d’activité qui surviendrait après la date d’ouverture de la prestation provisoire.

d. Par courrier du 26 mars 2018, l’intéressé a communiqué à la CPEG qu’il avait été licencié pour inaptitude médicale et qu’il allait demander les prestations de l’assurance-chômage vu sa pleine capacité de travail retrouvée dès le 15 janvier 2018 même si elle n’était pas admise par son employeur.

52) Après avoir produit dans le délai imparti le nouvel organigramme de l’ORP et les fiches MIOPE relatives au suivi des absences pour raisons de santé, le département s’est déterminé, le 14 décembre 2018, sur les pièces précitées déposées par le recourant.

En sollicitant les prestations provisoires d’invalidité auprès de la CPEG avec effet rétroactif, le recourant reconnaissait ne plus être apte à exercer sa fonction, comme l’avait établi le médecin-conseil du SPE. La CPEG lui avait accordé lesdites prestations après avoir consulté son médecin-conseil qui lui-même, conformément à la procédure en vigueur à la CPEG, s’était renseigné auprès du médecin traitant de l’intéressé et du médecin-conseil du SPE. Cette décision avait été rendue après un examen approfondi de la situation du fonctionnaire et sur la base des renseignements fournis par son médecin traitant. Elle était fondée sur l’incapacité du recourant à reprendre son activité professionnelle pour cause de maladie. La résiliation litigieuse n’était donc pas critiquable.

Il émettait des doutes quant à l’envoi effectif du courrier du 26 mars 2018 à la CPEG, ce qui n’était pas prouvé par le recourant qui n’avait, en outre, pas produit de réponse de la caisse de pension. Si celle-ci avait été informée en mars 2018 de la perception par l’intéressé d’indemnités de chômage, c’est-à-dire du fait qu’il alléguait avoir une pleine capacité de travail, elle aurait reconsidéré sa décision d’octroi de prestations provisoires. Par ailleurs, le formulaire annexé relatif au mois d’avril 2018 était incomplet. Il ne démontrait pas que l’intéressé avait informé sa caisse de chômage du fait qu’il percevait des prestations provisoires d’invalidité, ce dernier se contentant d’y indiquer qu’il était dans l’attente d’une décision de l’AI.

53) Le 3 janvier 2019, le recourant s’est déterminé sur les dernières pièces produites par le département. Il a sollicité l’audition d’un nouveau témoin ainsi que la production de tous les documents relatifs à la « procédure ISMAT », et persisté dans ses conclusions.

54) Le lendemain, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur la question d’éventuels actes d’instruction complémentaires.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente par un fonctionnaire dont les rapports de service ont été résiliés, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 31 al.  1 LPAC ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) À titre d’actes d’instruction, le recourant sollicite une expertise médicale visant à constater son entière capacité de travail dès le 15 janvier 2018, l’audition du Dr C______, de plusieurs collaborateurs de l’I_______ et d’un collaborateur de l’autorité fédérale citée par M. D______ lors de l’audience susmentionnée, ainsi que la production, par le département, des documents relatifs à la procédure « ISMAT ». Le département demande l’audition de Mme E______, de l’ancienne directrice des ressources humaines du département et du Dr G______.

a. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2016 du 3 août 2017 consid. 4.2).

b. En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de préciser que l’objet du présent litige est délimité par la décision querellée qui porte sur la résiliation des rapports de service liant le département au recourant. Comme il l’admet dans son écriture du 27 septembre 2018, l’intéressé n’a pas sollicité une décision sujette à recours devant la chambre de céans, concernant les classements prononcés, en février respectivement en juin 2018, par le groupe de confiance au sujet de sa plainte. Les considérations évoquées par le fonctionnaire concernant la manière dont l’autorité intimée l’a traité et a géré son absence, n’ont, pour les raisons évoquées ci-après, pas de répercussions sur le bien-fondé de la décision litigieuse. Ces considérations ne sont donc pas pertinentes. Pour ce motif, la chambre administrative ne donnera pas suite à la demande du recourant visant la production des documents relatifs à la procédure « ISMAT », le département ayant au surplus transmis les pièces requises lors de l’audience susmentionnée. La chambre de céans renoncera également, pour ce même motif, à l’audition des collaborateurs de l’I_______, du département et de l’autorité fédérale précitée, ces témoignages n’étant pas susceptibles d’apporter des éléments déterminants et nouveaux par rapport aux pièces du dossier s’agissant de la question du bien-fondé du licenciement du recourant. Il en va de même de l’audition des deux collaboratrices sollicitée par le département.

En outre, la chambre administrative ne procédera pas à l’audition du Dr C______ et du Dr G______, ni n’ordonnera l’expertise médicale demandée par le recourant. Comme cela sera développé ci-après, les pièces du dossier permettent à cette juridiction de connaître, sans équivoque, la position de ces deux médecins et de statuer sur la question de la capacité de travail du recourant dès le 15 janvier 2018 sans qu’il ne soit nécessaire, sur ce point, de recourir à l’avis d’un expert.

3) Sur le fond, le présent litige soulève la question de la conformité au droit de la résiliation des rapports de service prononcée le 20 mars 2018 en raison de l’incapacité durable de travailler du recourant. Ce dernier remet en cause cette décision au principal motif que son médecin traitant le considère pleinement apte à travailler depuis le 15 janvier 2018, contrairement à l’avis du médecin-conseil de l’État du 5 décembre 2017 qu’il conteste.

a. Selon l’art. 26 al. 1 LPAC, le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut mettre fin aux rapports de service lorsqu’un fonctionnaire n’est plus en mesure, pour des raisons de santé ou d’invalidité, de remplir les devoirs de sa fonction. Il ne peut être mis fin aux rapports de service que s'il s'est avéré impossible de reclasser l'intéressé dans l'administration, au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire ou dans l'établissement (art. 26 al. 2 LPAC).

L'incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu'elle ne soit reconnue d'un commun accord par le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration, la caisse de prévoyance et l'intéressé, doit être constatée à la suite d'un examen médical approfondi pratiqué par le médecin-conseil de l'État, du pouvoir judiciaire ou de l'établissement en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants (art. 26 al. 3 LPAC).

b. À teneur de l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.

L’art. 22 LPAC prévoit qu’il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/783/2016 du 20 septembre 2016). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

Le législateur, considérant que l'état de santé fait partie des conditions d'engagement (art. 5 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 – RPAC – B 5 05.01 et 26 LPAC), a estimé que si une absence pour cause de maladie ou d’accident perdure sans qu'un remède y soit apporté ou ne puisse y être apporté, le motif fondé de la disparition durable d’un motif d’engagement est acquis (Mémorial du Grand Conseil – ci-après : MGC – 2005-2006/XI A 10437).

c. Dans un arrêt du 2 avril 2019 (ATA/348/2019 consid. 6), la chambre de céans a précisé que la règle contenue à l’art. 26 al. 3 LPAC doit être respectée avant toute décision de résiliation des rapports de service liée à l’état de santé d’un fonctionnaire, y compris lorsque la procédure de licenciement choisie par l’employeur public repose sur les art. 21 al. 3 et 22 let. c LPAC. L’art. 26 al. 3 LPAC exige la collaboration du médecin-conseil de l’employeur public avec le médecin-conseil de la caisse de prévoyance et le(s) médecin(s) traitant(s). Cette disposition spéciale n’oblige pas le médecin-conseil de l’autorité publique et celui de la caisse de pension à parvenir à la même conclusion quant à la capacité de travail du fonctionnaire, mais à échanger leurs points de vue et préciser leur avis médical respectif sur cette question, et ce déjà au stade de la procédure envisageant le licenciement, afin de garantir, le plus tôt possible, un traitement global et cohérent de la situation du fonctionnaire concerné.

d. S’agissant de l’état de santé, l’art. 5 al. 1 RPAC dispose que le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction. Il peut en tout temps être soumis à un examen médical pratiqué sous la responsabilité du service de santé du personnel de l’État (art. 5 al. 2 RPAC). Suite à un examen médical, le service de santé du personnel de l’État émet un préavis médical spécifiant, s'il y a lieu, les limitations fonctionnelles (art. 5 al. 3 RPAC).

En cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident attestée par certificat médical, le traitement est remplacé par une indemnité pour incapacité de travail (art. 54 al. 1 RPAC). Selon l’art. 54 al. 3 RPAC, lorsqu’une absence a dépassé 45 jours ininterrompus pour des raisons médicales, la hiérarchie signale le cas au médecin-conseil de l’État. Ce dernier peut prendre contact avec le médecin traitant du membre du personnel et décide de toutes mesures pour respecter tant la mission du médecin traitant que l’intérêt de l’État. Le médecin-conseil de l’État établit une attestation d’aptitude, d’aptitude sous conditions ou d’inaptitude à occuper la fonction. Il précise les contre-indications qui justifient son attestation.

Selon la jurisprudence relative à l’art. 54 al. 3 RPAC, il découle de cette disposition une obligation pour les médecins du service de santé du personnel de l’État de signaler toute situation problématique affectant l’aptitude d’un collaborateur à remplir la fonction pour laquelle il a été engagé, à défaut de quoi l’État risquerait lui-même de se voir reprocher de ne pas être intervenu pour protéger la santé de l’agent public concerné (ATA/876/2016 précité consid. 7c et ATA/1299/2015 du 8 décembre 2015 consid. 10d).

Le rôle du médecin-conseil consiste à aborder la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large qu’un médecin psychiatre par exemple, puisque son examen peut porter sur tous les aspects médicaux en lien avec le cas qui lui est soumis (ATA/1327/2018 précité 3b), en connaissance des besoins et risques concrets afférents aux fonctions concernées, et que les différents paramètres qu’il prend en considération ne sont pas nécessairement de nature à changer au cours du temps (ATA/876/2016 du 18 octobre 2016 consid. 7c).

e. La procédure administrative, qu’elle soit contentieuse ou non contentieuse, est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l’autorité établit les faits d’office (art. 19 1ère phr. LPA). Selon cette maxime, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier (ATA/1192/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2b). Elle ne dispense pas pour autant les parties de leur devoir de collaborer à l’établissement des faits (art. 22 LPA ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 128 II 139 consid. 2b). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 3a et les arrêts cités).

Selon l’art. 20 al. 1 phr. 2 LPA, l’autorité apprécie les moyens de preuve des parties. La constatation des faits est, en procédure administrative tant fédérale que cantonale, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/87/2017 du 3 février 2017 consid. 3b et les arrêts cités). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées : ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/573/2015 du 2 juin 2015 consid. 5a).

f. En matière d’assurances sociales, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concernait la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux, sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves. Ainsi, l’élément déterminant pour la valeur probante d’un certificat médical n’est ni son origine ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées. Le juge ne saurait écarter des résultats convaincants qui ressortent d’une expertise d’un médecin indépendant établi par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier. Le simple fait qu’un certificat médical soit établi à la demande d’une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 701/2004 du 27 juillet 2005 consid. 2.1.1 ; ATA/1327/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3a).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, un certificat médical ne constitue pas un moyen de preuve absolu. En particulier, un document perd de sa force probante lorsqu'il est rédigé non au vu de constatations objectives du praticien, mais sur la base des seuls dires du travailleur ou qu'il est établi avec un effet rétroactif de plusieurs semaines. Le certificat médical n'est qu'un moyen de preuve parmi d'autres pour attester de l'empêchement de travailler. Le travailleur peut contredire le contenu du certificat par son comportement, auquel cas, le certificat médical ne suffira pas à établir l'incapacité de travail au sens de l'art. 336c CO (ATA/1091/2015 du 13 octobre 2015 consid. 4d et les références citées).

Par ailleurs, la jurisprudence fédérale a précisé que pourront en particulier être pris en compte pour infirmer une attestation médicale le comportement du salarié (on cite souvent l'exemple du travailleur qui répare un toit alors qu'il souffre d'une incapacité de travail totale en raison de douleurs à un genou) et les circonstances à la suite desquelles l'incapacité de travail a été alléguée (empêchement consécutif à un congédiement ou au refus d'accorder des vacances au moment désiré par le salarié ; absences répétées ; production de certificats émanant de permanences ou de médecins reconnus pour leur complaisance ; présentation d'attestations contradictoires ; attestations faisant uniquement état des plaintes du travailleur ou établies plusieurs mois après le début des symptômes ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_64/2008 du 14 avril 2008 consid. 3.4 ; ATA/1091/2015 du 13 octobre 2015 consid. 4d).

g. La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC.

Selon l’art. 46A al. 1 RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper. Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (art. 46A al. 2 RPAC). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (art. 46A al. 3 RPAC).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/1343/2015 précité ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015).

Selon la jurisprudence, l’autorité administrative est dispensée de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement préalable à un licenciement si le
médecin-conseil constate que le fonctionnaire n’est pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’État de Genève à court et moyen terme, même si le fonctionnaire concerné est prêt à collaborer à la mise en place de cette mesure alors que le délai de protection de la résiliation des rapports de service en temps inopportun est échu (ATA/1299/2015 du 8 décembre 2015 consid. 9c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/783/2014 du 7 octobre 2014).

h. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (ATA/347/2016 du 26 août 2016 consid. 5e ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8).

4) En l’espèce, le département fonde la décision litigieuse sur l’incapacité entière du fonctionnaire de travailler depuis le 1er février 2016. Outre les certificats médicaux des médecins traitants de l’intéressé attestant tout au long de cette période de ladite incapacité, celle-ci a été confirmée par les préavis médicaux des médecins-conseils de l’autorité intimée, à savoir ceux du Dr F______ des 2 mai 2016 et 25 août 2017 ainsi que ceux du Dr G______ des 3 mai 2016 et 17 octobre 2017. Certes, ce dernier a, par préavis du 8 novembre 2016 puis du 25 juillet 2017, confirmé la reprise d’activité du collaborateur à son poste habituel à 100 % à deux moments précis pendant cette période. Cet avis est également partagé par le Dr F______, sollicité lors de la deuxième reprise, comme cela ressort de son préavis du 25 août 2017. Toutefois, ces deux annonces de reprise ne se sont pas concrétisées en raison de l’état de santé de l’intéressé. Ces incapacités inattendues n’ont pas été contestées par l’autorité intimée, étant précisé que, la deuxième fois, à la demande de cette dernière, le Dr G______ a confirmé, par préavis du 17 octobre 2017, l’incapacité de travailler du collaborateur, après l’avoir vu, rencontré sa hiérarchie et obtenu des renseignements auprès de son médecin traitant. Le médecin-conseil de l’État a alors suivi l’avis du médecin traitant, en indiquant au département que la situation du collaborateur n’était pas stabilisée du point de vue médical et qu’une reprise d’activité « pourrait être éventuellement » envisageable le 1er janvier 2018.

S’il est vrai que le Dr C______ a, le 17 octobre 2017, communiqué au Dr G______ la possibilité d’une reprise au 1er janvier 2018, il a alors aussi mentionné que la situation était compliquée et qu’il s’agissait de forts troubles psychosomatiques liés à un conflit au travail. Cette problématique d’ordre psychologique ressort de plusieurs notes du Dr G______ produites par le recourant. Dans la note du 28 juin 2016, le Dr G______ évoque l’existence d’éléments « laiss[a]nt suggérer une dimension psychosomatique à la problématique » et le « déni total de toutes problématiques psychologiques de nature anxieuse ou dépressive » par l’intéressé. Dans sa note du 25 juillet 2017, le même médecin relève que la « souffrance psychologique est complètement déniée malgré son objectivation par le médecin traitant qui note bien dans son rapport la présence d’un trouble de l’adaptation ». Dans sa note du 3 octobre 2017, il mentionne la « poursuite de l’arrêt de travail pour des raisons de souffrance psychologique » ainsi que la question de « l’opportunité d’une expertise psy au vu du décalage d’appréciation entre le collaborateur et l’employeur, et les nombreux revirements de situation ».

À l’incapacité entière et ininterrompue du recourant de travailler entre le 1er février 2016 et le 14 janvier 2018, s’ajoutent deux autres éléments dont le Dr G______ était fondé de tenir compte étant donné son obligation – résultant de l’art. 54 al. 3 RPAC – de respecter tant la mission du médecin traitant que l’intérêt de l’État. Il s’agit, d’une part, du fait que la troisième reprise d’activité de l’intéressé tombe deux jours avant l’échéance de son droit au traitement et, d’autre part, du contexte – décrit ci-après – concernant les deux premières reprises.

Quelques jours avant la date indiquée pour ces reprises, l’intéressé s’est retrouvé, à chaque fois et de manière inattendue, en arrêt complet de travail certifié par son médecin traitant, dans un contexte professionnel délicat. Lors de la première reprise annoncée à partir du 5 décembre 2016, l’intéressé avait, quelques semaines auparavant, déposé une plainte, auprès du conseiller d’État en charge du département, à l’encontre de son supérieur hiérarchique et de la responsable des ressources humaines ainsi que demandé des mesures de protection avant son retour au travail, celles-ci n’ayant à aucun moment été préconisées par les médecins-conseils de l’État. Il avait en outre refusé de parler au téléphone avec son supérieur à qui il avait envoyé un courriel, trois jours avant sa reprise, en lui indiquant que celle-ci était reportée pour le « courant du mois de janvier 2017 » et que son « prochain » certificat médical « reprendra[it] dès le [1er janvier 2017] ». Lors de la seconde reprise annoncée dès le 4 septembre 2017, il s’est, dans un premier temps, opposé à une deuxième consultation demandée par sa hiérarchie, auprès du médecin-conseil externe de son employeur, le Dr F______. Il a finalement accepté de rencontrer ce médecin le 25 août 2017, soit un jour après avoir appris que son retour au travail se ferait sous la supervision des deux personnes dénoncées dans sa plainte, ce qu’il a également contesté sans succès. Sa plainte a été rejetée par le conseiller d’État qui a confirmé les conditions de sa reprise d’activité à l’I_______ sous la supervision de M. D______. L’intéressé a alors saisi le groupe de confiance d’une plainte et d’une demande d’investigation à l’encontre des mêmes personnes que celles mentionnées dans sa première plainte ainsi que des « dirigeants » du département. Il y fait mention de sa crainte de perdre son emploi en janvier 2018 vu la fin de son droit au traitement et la possibilité d’être licencié pour inaptitude médicale, ainsi que de son souhait de se voir proposer soit un poste équivalent ou supérieur dans un autre département, soit une indemnité de départ importante. Ces événements montrent le caractère difficile des relations entre le recourant et sa hiérarchie ainsi que la fragilité de son état de santé.

Outre la protection de la santé du fonctionnaire, le médecin-conseil de l’État doit aussi prendre en compte la situation du point de vue de l’employeur, contrairement au médecin traitant qui est focalisé sur le bien-être de son patient. Cette approche globale du médecin-conseil de l’employeur peut conduire ledit médecin à une conclusion différente de celle du médecin traitant. Le simple fait que le collaborateur veuille travailler ne suffit pas en soi à admettre sa capacité de travail qui doit être évaluée. En l’espèce, la divergence contestée par le recourant entre l’avis de son médecin traitant du 24 novembre 2017 et celui du Dr G______ du 5 décembre 2017 quant à sa capacité de travail dès le 15 janvier 2018 peut aisément s’expliquer par les circonstances susmentionnées, notamment par les revirements soudains de l’intéressé liés à son état de santé, sa longue absence pour raison de maladie, la proximité – selon toute vraisemblance peu fortuite et bien connue du recourant vu son écriture du 10 septembre 2017 au groupe de confiance – de la date de sa troisième reprise avec la fin de son droit au traitement, ainsi que ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. Une nouvelle consultation du recourant par le Dr G______ ou un échange supplémentaire de ce dernier avec le Dr C______ n’y auraient rien changé. La critique de l’intéressé sur ces deux points tombe ainsi à faux, ce d’autant plus qu’il a pu exercer son droit d’être entendu devant l’autorité à l’origine de la décision litigieuse, avant le prononcé de celle-ci, à savoir lors de l’entretien du 21 décembre 2017 et dans ses observations du 8 janvier 2018. Dans ce contexte, la manière de procéder du Dr G______, lors de l’établissement de l’avis du 5 décembre 2017, n’est pas critiquable.

Par ailleurs, le recourant est malvenu de reprocher à l’avis précité du Dr G______ d’être laconique et dépourvu de motivation et d’explication. En effet, outre son rôle de médecin-conseil, le Dr G______ a invité, le 13 décembre 2017, le recourant à se référer, pour toute explication, à son dossier médical qui était à sa disposition au SPE. Le chef de ce service lui a entre outre précisé, le 19 décembre 2017, que l’avis du Dr G______ était fondé sur un suivi de deux ans et sur tous les éléments de son dossier médical. À cela, le recourant ne produit aucune pièce dudit dossier susceptible de remettre en cause le bien-fondé de cet avis, ni de démontrer qu’il ne résulte pas d’un examen médical approfondi au sens de l’art. 26 al. 3 LPAC, alors que, pendant la période considérée, il a rencontré les médecins-conseils de l’État à plusieurs reprises et qu’un suivi régulier de sa situation médicale a été effectué par le SPE.

Quant au fait que l’employeur aurait eu depuis le début la volonté de le licencier, il n’est pas déterminant car il ne modifie pas les faits précités. À cela s’ajoute aujourd’hui, d’une part, le classement – non contesté – par le groupe de confiance de la plainte de l’intéressé à l’égard de toutes les personnes dénoncées. En particulier, s’agissant des faits allégués postérieurs au 1er février 2016 et impliquant M. D______, le groupe de confiance a conclu, après une enquête préliminaire, à l’absence d’une atteinte d’une certaine gravité à la personnalité du recourant même si les faits allégués devaient être prouvés. Malgré ses critiques, ce dernier n’a pas entrepris les démarches nécessaires afin de porter cette problématique devant la chambre de céans, qui ne fait ainsi pas partie de l’objet du présent litige. De plus, ni le Dr G______ ni le Dr F______ n’ont, à aucun moment notamment pendant l’été 2017, mentionné la nécessité de prendre des mesures de protection en faveur de l’intéressé, comme par exemple en proposant à l’autorité intimée le déplacement du collaborateur dans un autre environnement professionnel. Dès lors et au vu de l’ensemble des circonstances susmentionnées, le grief invoqué par le recourant quant au devoir de protection de sa personnalité incombant à son employeur n’est pas déterminant à l’issue de la présente affaire et est donc écarté.

D’autre part, même si l’intéressé s’attend à une décision négative, sa situation a été annoncée par son employeur à l’AI ainsi qu’à la CPEG. Celle-ci lui verse, depuis la fin de son droit au traitement et dans l’attente de la décision de l’AI, des prestations provisoires d’invalidité. Sur cet aspect, il y a lieu de préciser que celles-ci lui ont été accordées sur la base du préavis du médecin-conseil de la CPEG, ce qui résulte des courriers de cette institution des 12 et 13 mars 2018 produits par le recourant. En outre, le département relève, dans son écriture du 14 décembre 2018, sans être contredit par l’intéressé, que le médecin-conseil de la CPEG s’est renseigné auprès du médecin-conseil du SPE et du médecin traitant du fonctionnaire. Cette affirmation est corroborée par le versement à 100 % des prestations provisoires d’invalidité à l’intéressé par la CPEG, informée début mars 2018 par ce dernier de la divergence entre le médecin-conseil de l’État et son médecin traitant quant à sa capacité de travail. Dès lors, la collaboration requise par l’art. 26 al. 3 LPAC a en l’espèce eu lieu, les deux médecins-conseil précités concluant à l’incapacité totale de travailler du recourant avant le prononcé de la décision litigieuse de résiliation intervenu le 20 mars 2018.

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, il ne peut être reproché au département de s’être fondé sur l’avis médical du 5 décembre 2017 du Dr G______ et d’avoir considéré le recourant durablement incapable de travailler. Dans la mesure où le Dr G______ conclut, dans cet avis, que la perspective d’une reprise d’activité par le recourant dans l’administration cantonale n’est pas envisagée pour une durée indéterminée, le département était dispensé, conformément à la jurisprudence susmentionnée de la chambre de céans, de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement. Le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité soulevé par le recourant doit donc être écarté. Par conséquent, le département n’a pas violé le droit en résiliant, le 20 mars 2018, les rapports de service de l’intéressé, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’I_______ primant au surplus l’intérêt privé du fonctionnaire durablement incapable de travailler à conserver un emploi dans la fonction publique. La décision litigieuse est donc conforme au droit et doit être confirmée.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

5) Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2018 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du 20 mars 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 1113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie Subilia, avocate du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Pagan et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :