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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3673/2014

ATA/783/2016 du 20.09.2016 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3673/2014-FPUBL ATA/783/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2016

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Agrippino Renda, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES



EN FAIT

1. Par contrat d’employé du 9 octobre 1990, lui rappelant notamment que « le secret le plus absolu doit être gardé sur les affaires de service », M. A______, né en 1969, a été engagé en qualité de commis-administratif 2 par l’office des poursuites et faillites (ci-après : OPF), à compter du 1er novembre 1990.

2. Par arrêté du Conseil d’État, M. A______ a été nommé fonctionnaire à compter du 1er novembre 1993.

Le 16 février 1994, il a été promu à la fonction d’huissier assistant OPF. Après des prolongations de la période d’essai relative à cette promotion, M. A______ a, par arrêté du Conseil d’État du 10 janvier 1996, été confirmé, à dater du 1er novembre 1995, huissier assistant OPF.

Le 7 décembre 1995, M. A______ a prêté serment, comme tous les membres du personnel de l’OPF.

3. Par courrier du 23 octobre 1996, une substitute de l’OPF a précisé à M. A______ qu’il devait être présent à sa place de travail dès 14h00 au plus tard ; il était attendu de sa part une attention plus soutenue dans l’exercice de son travail et un engagement plus manifeste dans son activité, ce également sur le plan de sa formation.

4. Lors d’un entretien périodique et de développement personnel du 28 février 2001, le travail de M. A______ a été jugé globalement satisfaisant.

5. Par arrêté du Conseil d’État du 10 avril 2002, M. A______ a, à compter du 1er janvier 2002, été promu à la fonction de huissier OPF. Il a été confirmé dans ses fonctions à dater du 1er janvier 2003. À ce titre, étant cadre, il devait notamment exécuter les saisies et gérer quatre subordonnées.

6. Par lettre du 25 juin 2003, la direction de l’OPF a, concernant les poursuites déposées à l’encontre de certaines personnes de l’entourage proche de M. A______, rappelé à celui-ci qu’il devait prendre toutes les précautions utiles afin qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts entre la fonction qu’il occupait à l’office et ce type d’affaire privée. « En effet, il ne serait pas admissible, compte tenu de [sa] fonction [qu'il s'arroge] des prérogatives dans le traitement de dossiers [le] concernant de près ou de loin. Il y [allait] de [sa] crédibilité et de [son] éthique professionnelle ».

7. À la suite d’un entretien périodique et de développement du personnel, ainsi que d’un entretien avec le préposé puis de la détermination écrite de l’intéressé du 27 mai 2004, le préposé et un substitut de l’office des poursuites (ci-après : l’OP ou l’office), au sein duquel l’intéressé travaillait désormais, ont indiqué à celui-ci que ses prestations étaient en l’état jugées largement insuffisantes et qu’ils se verraient contraints cas échéant de prendre des mesures à son égard – à savoir la demande d’ouverture d’une enquête disciplinaire et/ou administrative – s’ils devaient constater que, d’ici au 7 juillet 2004, les objectifs qui lui avaient été assignés n’étaient pas atteints dans l’ensemble.

8. Selon un entretien périodique et de développement du personnel qui s’est tenu en novembre 2005, les prestations de M. A______ ont été jugées bonnes.

9. Par courriel du 2 août 2006, la direction de l’OP a transmis à tout le personnel la « directive sur les renseignements » du 1er août 2006, qui précisait notamment que les demandes de renseignements devaient être traitées par le service de renseignements et non pas par les secteurs d’huissiers ; il ne fallait donc plus donner des informations générales en annotant le courrier qu’on adressait au personnel de l’office.

10. Par courrier du 14 novembre 2006, le préposé de l’OP et la responsable des ressources humaines de l’OPF (ci-après : la RRH) ont, à la suite d’un courrier de plainte de M. A______ à l’égard d’un collaborateur concernant le remplacement de son badge, mis en garde celui-là afin qu’il fasse preuve de retenue dans ses propos.

11. Suite à un entretien de service qui s’est tenu le 16 novembre 2009, le préposé et une substitute de l’OP ont signifié un « sérieux avertissement » à M. A______ pour avoir quitté l’office le 16 octobre 2009 à 12h30 environ et être revenu à 13h40 sans avoir « badgé » la sortie, ni le retour, et sans en avoir informé la responsable du contrôle horaire, comportement qui était inadmissible de la part d’un responsable de secteur, a fortiori lorsqu’il allait déjeuner avec ses collaborateurs, comme en l’occurrence.

12. Lors d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) du 25 novembre 2009, le bilan actuel de M. A______ a été jugé moyennement positif, mais celui-ci pouvait l’améliorer en s’investissant davantage.

13. Par courriel du 25 août 2010, le préposé de l’OP a rappelé à son personnel que l’utilisation des bases de données à disposition des collaborateurs (GIOP, CARI, CALVIN, etc.) était réservée à un usage exclusivement professionnel et que toute transmission à des tiers non autorisés était interdite.

14. Lors d’un entretien qui s’est tenu le 10 mai 2011, le préposé de l’OP a reproché à M. A______ d’avoir conservé trop longtemps le montant qu’un débiteur avait versé à double et de ne pas en avoir informé sa hiérarchie, de même que d’avoir extourné les frais de poursuite sans respecter la procédure, ce qui avait un impact « d’une consistance certaine » sur les autres services de l’office. Il lui a signifié un « sérieux avertissement ».

15. Lors d’un EEDP du 20 mars 2012, le bilan de M. A______ a été jugé positif.

16. Par courriel du 25 mai 2012, M. A______ a fait l’objet d’un avertissement de son supérieur hiérarchique pour ne pas avoir respecté les règles en matière d’enregistrement de son temps de travail.

17. Lors d’un EEDP du 8 mai 2013, le bilan de M. A______ a été jugé bon ; celui-ci avait fourni beaucoup d’efforts pour atteindre les objectifs quantitatifs fixés par la hiérarchie.

18. Dès le 19 février 2014, M. A______ a été en arrêt de travail pour des raisons de santé. Il n’a plus jamais repris ses activités à l’OP.

19. a. En date du 24 février 2014, la police a perquisitionné le bureau de M. A______ en exécution d’une ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 20 février 2014 par le Procureur général et le prévenant de corruption passive (art. 322 quater du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et de violation du secret de fonction (art. 320 CP), l’intéressé étant soupçonné d’avoir fourni à des personnes extérieures à l’administration des renseignements obtenus dans le cadre de son activité d’huissier de l’OP, le cas échéant, contre rémunération.

Des articles de deux journaux romands ont relaté cette perquisition dans leur publication du 27 février 2014.

b. Entendu le 24 février 2014 par la police, M. A______ a déclaré avoir connu M. B______ lorsque celui-ci travaillait en tant qu’huissier assistant au sein de l’OP, entre 2002 et 2004 ; par la suite, ils avaient développé une relation amicale. M. B______ l’avait contacté au début de l’année 2013 et lui avait expliqué son métier de détective privé et lui avait indiqué travailler pour le service de renseignement de la Confédération ; après lui avoir montré sa carte de détective privé, une plaque des services de renseignement avec une carte portant le sceau de l’État de Genève, M. B______ lui avait demandé s’il pouvait, dans le cadre de son travail, contrôler des adresses afin de lui confirmer des informations qu’il détenait ; dans un premier temps M. A______ avait répondu par la négative, mais, lors d’une deuxième rencontre, il avait été convaincu par M. B______ qui lui avait à nouveau expliqué son métier et la légalité de ses actes, M. A______ considérant qu’il ne ferait rien de répréhensible en lui donnant des informations dont il disposait déjà. M. A______ estimait avoir fourni à M. B______, sur demandes de ce dernier, des adresses de personnes à une cinquantaine de reprises en 2013, sur la base du registre CALVIN de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) ; la plupart du temps, il lui transmettait les informations par téléphone en utilisant son numéro privé ; parfois, M. B______ se présentait directement à l’OP et M. A______ vérifiait les données à l’écran ; à une reprise, en mai ou juin 2013, M. A______ avait donné à M. B______ les renseignements demandés à l’extérieur de l’office après avoir imprimé l’extrait du registre CALVIN, mais ne se souvenait pas s’il lui avait remis le document imprimé. Seul M. B______ avait bénéficié de ses services et ceux-ci n’avaient jamais été monnayés de quelque manière que ce soit. M. A______ n’avait jamais communiqué d’information provenant d’autres logiciels comme ceux de l’office cantonal des véhicules, devenu le service cantonal des véhicules (ci-après : le SCV), du logiciel St-Pierre ou du répertoire des procès-verbaux de saisie des actes de défaut de biens.

Entendu le même jour par la police, M. B______ a déclaré que les informations qu’il avait obtenues de M. A______ et d’un autre collaborateur de l’OP étaient accessibles au public sur demande faite au guichet ; il s’agissait du détail des poursuites, des informations relatives au bureau des automobiles et du détail du registre foncier. Les informations requises s’étaient montées à dix ou vingt au total et étaient par ailleurs accessibles sur télédata. Les réponses verbales ou sur impression papier qui lui avaient été fournies par les deux collaborateurs précités de l’OP l’avaient été sans aucune contrepartie financière ou d’une autre nature ; il y avait simplement eu un manque à gagner pour l’OP.

c. Entendu le 25 février 2014 par le Ministère public, M. A______ a confirmé ses précédentes déclarations précisant toutefois que le nombre de renseignements fournis à M. B______ se montait en réalité à dix ou vingt et que les demandes d’information et leur transmission se faisaient par oral, soit par téléphone, soit de vive voix lors d’un passage à l’office.

d. Le 28 février 2014, M. B______, M. A______ et l’autre collaborateur de l’OP ont été confrontés par le Ministère public.

À cette occasion, M. B______ a dit ne pas se souvenir avoir essuyé un refus de la part de M. A______ ; un écusson suisse figurait en haut de sa plaque de détective privé, qu’il avait montrée à M. A______, et il y avait glissé sa carte d’agent de renseignement ; il était possible qu’il ait dit à celui-ci avoir des mandats pour la Confédération. M. A______ n’avait pas songé à lui faire payer un éventuel émolument.

Selon M. A______, le fait qu’il y avait un drapeau suisse sur les cartes de M. B______ montrait qu’elles étaient vraies ; dès lors, ses demandes de renseignements portant sur des confirmations d’adresses étaient pour lui légitimes et « c’était comme s’[il fournissait] des renseignements à la patrie », en faisant notamment gagner du temps à l’agent de renseignement de la confédération qu’était M. B______.

e. Le département des finances (ci-après : le DF ou le département), dont fait partie l’OP, a reçu l’ensemble des procès-verbaux des trois prévenus susmentionnées.

20. Le 28 février 2014, la chambre de surveillance de la Cour de justice
(ci-après : la chambre de surveillance) a ouvert une enquête disciplinaire à l’encontre de M. A______. Elle l’a auditionné le 30 juin 2014. Celui-ci a notamment déclaré n’avoir remis aucun document à M. B______, ni n’avoir reçu d’argent en rémunération de ses services ; M. B______ lui avait seulement fait faire un tour en Lamborghini pour lui faire plaisir.

21. En date du 20 mai 2014, M. A______, assisté de son avocat, a eu un entretien de service avec sa hiérarchie.

La hiérarchie lui a rappelé différents devoirs du personnel, en particulier le devoir de respecter l’intérêt de l’État et de s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice, l’obligation de remplir tous les devoirs de ses fonctions consciencieusement et avec diligence et de s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail, ainsi que la soumission au secret de fonction pour toutes les informations dont il avait connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

M. A______ a déclaré qu’il n’avait fait que confirmer des informations déjà connues de M. B______ lorsqu’il lui fournissait des renseignements et que les informations dont disposait déjà M. B______ étaient toujours correctes. Il connaissait la directive sur les renseignements ainsi que le rappel du 25 août 2010 du préposé de l’OP. Il estimait n’avoir pas fait de tort à l’État, mais avoir agi naïvement, se faisant « rouler dans la farine » ; il regrettait ce qui s’était passé, il agirait différemment aujourd’hui.

À l’issue de l’entretien, l’employeur a envisagé de résilier les rapports de service de M. A______ pour motif fondé. Si tel était le cas, il serait tenu, préalablement, de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondait aux capacités du fonctionnaire.

22. Par écriture de son conseil du 13 juin 2014, M. A______ s’est déterminé concernant le compte-rendu de l’entretien de service précité. La résiliation des rapports de service serait manifestement disproportionnée. S’agissant du tour en Lamborghini décapotable appartenant à l’un des clients de M. B______, il tenait à souligner qu’il s’agissait d’un tour de quartier et aucunement de l’utilisation d’un tel véhicule sur une longue distance.

M. A______ a signé le compte-rendu de l’entretien de service.

23. Par décision incidente du 4 juillet 2014, le conseiller d’État en charge du DF, constatant que les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation étaient dûment établis, a ouvert une procédure de reclassement et a rappelé à M. A______ son devoir de collaborer à cette fin en remettant notamment aux ressources humaines son curriculum vitae mis à jour. Un bilan définitif serait dressé d’ici le 15 septembre 2014.

24. Par courrier de son conseil du 15 juillet 2014, M. A______ a sollicité une prolongation de délai pour la remise de son curriculum vitae réactualisé.

25. Dans le cadre de la procédure de reclassement, par courriel du 17 juillet 2014, la RRH a sollicité le concours des directions des ressources humaines des autres départements, ainsi que du Grand Conseil, afin d’étudier toutes les possibilités d’affectation pouvant être proposées à M. A______ au sein de leurs départements, d’ici début septembre 2014. Toutes les réponses ont été négatives.

26. Par courrier recommandé adressé le 25 juillet 2014 à M. A______ et se référant à leur entretien du 23 juillet 2014, la RRH a indiqué lui avoir remis le bulletin des places vacantes (ci-après : BPV) du 21 juillet 2014, avoir reçu son engagement à l’informer régulièrement sur ses démarches de recherche d’emploi, et avoir entendu les propos de l’intéressé selon lesquels il ne pouvait pas envisager de diminution de traitement, ce que le DF ne pouvait pas lui garantir.

Par pli recommandé du 7 août 2014, la RRH a transmis à M. A______ le nouveau BPV. Elle en a fait de même le 14 août 2014, mais l’intéressé n’a pas retiré ce pli.

Par lettre recommandée du 26 août 2014, la RRH, faisant suite à l’entretien du 20 août 2014 lors duquel le dernier BPV lui avait été remis, a confirmé avoir pris acte de ce que M. A______ avait postulé à un poste au sein de l’État de Genève, ainsi qu’auprès d’autres collectivités publiques genevoises, et avait eu un rendez-vous auprès d’un département. La procédure de reclassement prendrait fin le 30 septembre 2014.

Par plis recommandés des 1er et 9 septembre 2014, la RRH a transmis à M. A______ le nouveau BPV.

27. Par lettre recommandée du 12 septembre 2014, M. A______ a notamment fait part à la RRH de ce qu’il aurait peut-être la possibilité de rester à l’État de Genève, pour un poste dont il ne pouvait pas parler pour l’instant, raison pour laquelle il lui demandait de repousser son délai de reclassement à la fin octobre 2014.

28. Par pli recommandé du 15 septembre 2014, la RRH a envoyé à M. A______ le nouveau BPV.

29. Par courrier recommandé du 19 septembre 2014, la RRH, se référant à l’entretien du 16 septembre 2014 lors duquel elle avait fait part à M. A______ de ce que le DF ne pouvait pas entrer en matière sur sa demande de prolongation de délai jusqu’à fin octobre 2014, ainsi qu’au courrier de l’intéressé du 12 septembre 2014, a confirmé avoir pris note de ce que celui-ci était dans l’attente d’un poste en cours de création et lui avoir rappelé qu’elle pouvait appuyer ses démarches s’il le souhaitait, pour autant que les postes retenus correspondent à ses compétences.

30. Lors d’un entretien du 30 septembre 2014, la RRH, constatant que les démarches de reclassement n’avaient pas abouti, a répondu négativement à la demande de M. A______ de repousser la période de reclassement jusqu’à la fin du mois d’octobre 2014 et a confirmé que cette procédure prenait fin le jour même. L’employeur envisageait de clore la procédure de reclassement et de reprendre la procédure de résiliation des rapports de service.

31. Dans ses observations du 13 octobre 2014, M. A______ s’est plaint de ce que la procédure de reclassement n’avait manifestement pas été menée de manière efficace et conforme à la loi, dès lors qu’elle s’était déroulée pour partie durant les mois de juillet et août, période très peu propice à la recherche d’un nouvel emploi au sein de l’État de Genève et caractérisée de fait par une pénurie de places vacantes. Il sollicitait donc à nouveau que cette procédure ne soit pas clôturée en l’état, mais prolongée pour une durée minimale de trois mois. Par ailleurs et dès lors que la procédure pénale dirigée contre lui était toujours pendante, il s’opposait à la reprise de la procédure de résiliation des rapports de service, étant rappelé que le dossier administratif ne contenait en l’état aucun élément concret démontrant un quelconque manquement grave à ses obligations professionnelles. Toute décision de résiliation des rapports de service serait à ce stade sûrement prématurée, disproportionnée et arbitraire.

32. Par décision du 27 octobre 2014, notifiée le lendemain, pour des motifs connus de M. A______, lui ayant notamment été communiquées par sa hiérarchie lors de l’entretien de service du 20 mai 2014, et dans la mesure où les démarches de reclassement n’avaient pas abouti, le chef du DF a résilié les rapports de service de celui-ci pour motif fondé avec effet au 31 janvier 2015. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

33. Par acte expédié le 27 novembre 2014 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______, a formé recours contre cette décision. Il a conclu préalablement à ce que la chambre administrative ordonne l’apport de la procédure pénale et suspende l’instruction du recours jusqu’à droit connu et jugé dans le cadre de ladite procédure pénale, ordonne la comparution personnelle des parties et l’audition de trois témoins. Il a conclu principalement, « avec suite de frais et dépens », à ce que la chambre administrative déclare la résiliation des rapports de service contraire au droit et invite le département à le réintégrer à son poste de chef de secteur ou à tout autre poste équivalent au sein de l’administration cantonale, avec l’obligation pour l’État de Genève de lui payer, depuis la fin des rapports de service et jusqu’au jour de sa réintégration, l’intégralité de son traitement, autres avantages financiers accordés et charges sociales, sous imputation d’éventuels revenus perçus de l’assurance chômage ou de tout autre employeur pendant cette période. Il a conclu subsidiairement au versement d’une indemnité équivalente à vingt-quatre mois de salaire, plus intérêts à 5 % l’an dès le 31 janvier 2015.

La simple référence faite dans la décision querellée aux motifs prétendument connus du recourant était arbitraire, dès lors que l’autorité intimée concluait de manière insoutenable à l’existence d’un motif fondé de résiliation et qu’elle n’avait précisément pas indiqué de quel motif il s’agissait exactement, le recourant contestant intégralement toute infraction pénale. Le département ne motivait pas de manière précise en quoi consisteraient lesdits motifs et les raisons pour lesquelles l’argumentation développée par M. A______ devrait être rejetée. Pour le surplus, l’issue de la procédure pénale n’était de loin pas prévisible. En outre, sa bonne foi ressortait clairement de ses déclarations et du dossier. Le DF s’était effectivement basé sur une instruction pénale incomplète et loin d’être achevée en l’état, tout en occultant complètement pour le surplus la bonne foi et l’erreur de l’intéressé sur les faits qu’il avait plaidés.

Quand bien même les manquements qui lui étaient reprochés devaient être considérés comme ayant été commis, leur nature ne justifierait manifestement pas une mesure aussi grave et dommageable que la résiliation des rapports de service après vingt-quatre ans d’activité au sein de l’OP, cela d’autant moins que le recourant avait toujours été très apprécié par ses collègues et sa hiérarchie depuis son engagement au sein de l’administration cantonale, tant pour sa compétence et ses qualités professionnelles que pour ses qualités humaines. Il rappelait, sous l’angle de l’égalité de traitement, le cas d’un gendarme condamné récemment par le Tribunal de police pour une agression et qui n’avait notoirement pas fait l’objet d’une résiliation des rapports de service, ni même d’une suspension.

Concernant la conclusion subsidiaire portant sur l’indemnité, la procédure de reclassement n’avait pas été menée de manière efficace et conforme à la loi. -S’agissant du calcul de ladite indemnité, M. A______ ne pourrait certainement plus travailler au sein d’un service de l’État de Genève et le tort moral subi devrait également alourdir la quotité de ladite indemnité. L’atteinte à sa santé était réelle et profonde et s’inscrivait vraisemblablement dans la durée, conséquence directe du traumatisme subi et de la manière dont il avait été traité par la direction du DF et de l’OP, en particulier tout au long de la procédure de reclassement dont la prolongation avait été sollicitée, en vain. L’atteinte à sa personnalité était également importante dans la mesure où le licenciement avait fait l’objet d’une très grande publicité au sein de l’OP. Or la procédure pénale était toujours en cours et il avait été licencié alors même qu’il était présumé innocent.

34. Dans sa réponse du 2 février 2015, le département a conclu au rejet du recours dans la mesure où il était recevable, les frais de la cause devant être mis à la charge du recourant.

M. A______ avait, lors de l’entretien de service du 20 mai 2014, admis des faits qui lui étaient reprochés. Dans ses observations du 13 juin 2014 il avait rectifié le nombre d’informations qu’il avait transmises à M. B______, réduit à une vingtaine au maximum, sans contester davantage les faits ni demandé de préciser davantage les griefs. Le recourant disposait du compte-rendu des entretiens du 20 mai et du 30 septembre 2014 et partant connaissait la motivation de la décision, et avait fait des observations sans indiquer qu’il ne comprenait pas quels étaient les faits reprochés.

Sous l’angle de la proportionnalité, le recourant n’avait pas fait montre d’une collaboration active pendant toute la procédure de reclassement. Par ailleurs, M. A______, assermenté et disposant d’une expérience de plus de vingt-quatre ans à l’OP où il occupait une fonction d’encadrement, devait, à ce titre, se montrer exemplaire et avoir un comportement irréprochable. Néanmoins, il avait eu des occupations étrangères au service pendant les heures de travail, utilisé ses ressources informatiques à des fins privées illicites et violé le secret de fonction, alors même qu’il connaissait les instructions de service qui interdisait aux huissiers de transmettre des informations extraites de CALVIN. De ce fait, il aurait dû informer sa hiérarchie des démarches de M. B______, eu égard notamment aux circonstances étranges dans lesquelles leur contact avait eu lieu. En cachant ces agissements à sa hiérarchie, le recourant avait démontré qu’il avait agi en toute conscience de l’irrégularité de son comportement, et non par négligence ou naïveté. Il ne s’était pas excusé auprès de l’intimé pour la mauvaise publicité qu’il lui avait faite par la publication d’articles dans la presse.

35. Par courrier du 29 mai 2015, M. A______ a produit l’ordonnance de classement partiel rendue le 13 avril 2015 par le Procureur général dans la procédure pénale le visant, ainsi que l’autre collaborateur de l’OP et M. B______. Le Procureur général y ordonnait le classement de la procédure à l’égard du recourant, les éléments constitutifs des infractions reprochées n’étant pas tous remplis. Néanmoins, « [M. A______ et l’autre collaborateur de l’OP avaient] donné suite [aux demandes de M. B______] au mépris des processus prévus pour la délivrance de ce type de renseignements. Par leur comportement, [les trois prévenus avaient] suscité de graves suspicions de commission d’infractions au sein de l’État et [avaient] rendu nécessaires les actes d’instruction menés dans le cadre de la [procédure pénale] pour faire la lumière sur le caractère pénal de leurs actes. Ayant ainsi provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure pénale, ils [seraient] condamnés à une partie des frais de la procédure ».

36. Une audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes, avec l’audition des trois témoins dont le témoignage avait été requis par M. A______, s’est tenue le 6 octobre 2015 devant le juge délégué. Il en ressort notamment ce qui suit.

a. En tant qu’huissier OP chef de secteur, M. A______ avait en général sous sa responsabilité un huissier assistant – son bras droit –, une gestionnaire – qui s’occupait des fonds – et deux assistants huissiers – en fait du personnel essentiellement administratif –, ainsi que parfois du personnel auxiliaire « venant du chômage ».

L’intéressé connaissait la directive sur les renseignements et le courriel de rappel du 25 août 2010 avant de donner des renseignements à M. B______.

Il regrettait ce qui lui était reproché. Il ne pensait pas que sa faute soit énorme, à tout le moins pour justifier son licenciement, surtout après vingt-quatre ans de service. Devant la présidente de la chambre de surveillance, il avait proposé de rembourser le manque à gagner de l’OP.

Sa capacité de travail était entière depuis le 1er mai 2015. Il était actuellement au chômage.

b. De l’avis de M. C______, huissier assistant sous la responsabilité de M. A______ jusqu’à ce que ce dernier ait été en incapacité de travail et donc absent de son poste, ainsi que de l’avis de Mme D______, assistante huissière qui avait été sous la responsabilité de l’intéressé de novembre 2012 à février 2014, celui-ci était quelqu’un d’honnête et d’humain. Selon M. C______, il était apprécié de tout le monde (débiteurs, créanciers, collègues, etc.). D’après Mme D______, M. A______ n’hésitait pas à effectuer des tâches subalternes en cas de besoin, pour décharger ses collaborateurs, était très à l’écoute de ceux-ci, faisait preuve d’écoute et de compréhension à l’égard des débiteurs, prenait le temps de leur donner des explications, et prenait très à cœur et aimait beaucoup son travail. Ce témoin avait eu le sentiment que le supérieur direct de M. A______ n’appréciait ni ce dernier ni elle-même et qu’il « mettait des bâtons dans les roues » de leur secteur, notamment en le maintenant en sous-effectif.

c. Le Dr E______, psychiatre, a déclaré que, lorsqu’il avait vu pour la première fois M. A______, ce dernier était traumatisé par sa garde à vue (intervenue une dizaine de jours auparavant) et avait des sentiments d’effondrement – y compris pour son couple, étant précisé que son épouse était assistante huissière au sein de l’OP –, d’injustice et de très grande inquiétude par rapport à son avenir. Durant la procédure de reclassement, M. A______ essayait de se motiver pour être embauché à un autre poste, mais son état dépressif – pour lequel il prenait des médicaments –, la procédure pénale en cours et l’absence de certificat de travail réduisaient son énergie et sa confiance en lui. Selon le psychiatre, si un autre poste à l’État de Genève lui avait été proposé, il l’aurait accepté ; dans le cadre de la procédure de reclassement, il avait l’espoir même de recevoir un poste moins qualifié et moins rémunéré. M. A______ avait été en incapacité totale depuis sa garde à vue jusqu’en mars 2015, et il y avait eu ensuite une reprise de travail croissante, de 30 à 50 %. L’état psychique de celui-ci était en rémission. Dans le cadre du chômage, il suivait une formation afin de lui permettre d’entamer une activité lucrative indépendante.

Ce qui avait conduit le département à résilier les rapports de service était la perte de confiance dans leur poursuite due au fait que M. A______ avait fourni à un tiers des informations contrairement à ses obligations et aux devoirs de sa fonction.

Le fait que M. B______ se soit fait passer pour un agent de la Confédération avait été pris en considération dans le cadre de la décision de licencier le recourant. Les années de service de M. A______ avaient aussi été prises en compte, plutôt en sa défaveur car on pouvait attendre de quelqu’un avec une telle expérience qu’il prenne conscience de la gravité de la situation avant de transmettre les informations à un tiers. Avait également été pris en compte le montant du préjudice de l’OP. La jurisprudence et la doctrine ne l’exigeant pas, la hiérarchie n’avait pas intégré dans sa réflexion le fait que l’épouse de M. A______ travaillait à l’OP, tout en ayant conscience que sa présence dans le service pourrait créer un problème.

37. Par courriers du 19 octobre 2015, le recourant et l’intimé ont renoncé à solliciter des mesures d’instruction complémentaires.

38. Dans ses observations du 20 novembre 2015, le DF a persisté dans ses conclusions, relevant notamment que nombre des collègues de M. A______ avaient été fortement traumatisés par l’arrivée soudaine de la police dans leur locaux, ainsi que par la fouille méthodique et sans explications du secteur dont celui-ci avait la responsabilité, et que de nombreux usagers de l’OP, informés des agissements du recourant par la presse, avaient stigmatisé les huissiers par des propos blessants.

39. Dans ses observations du 18 décembre 2015, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il a rappelé le cas, invoqué dans son recours, d’un gendarme, qui, avec son collègue, avaient été condamnés le 5 novembre 2014 par le Tribunal de police pour lésions corporelles et agression, ces fonctionnaires n’ayant notoirement pas fait l’objet d’une résiliation de leurs rapports de service. Au sujet de cette condamnation, étaient produits deux articles de journaux du 5 novembre 2014. La condamnation desdits gendarmes avait été confirmée par arrêt de la chambre d’appel et de révision de la Cour de justice du 4 août 2015.

40. Par lettre du 26 janvier 2016, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

41. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 31 al. 1 et 32 al. 6 et 7 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le droit d’être entendu garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités). Il suffit cependant, selon la jurisprudence, que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_997/2011 du 3 avril 2012 consid. 3 ; 1C_311/2010 du 7 octobre 2010 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4).

3. En l’occurrence, la décision querellée du 27 octobre 2014 renvoie à l’entretien de service du 20 mai 2014 concernant les motifs de résiliation et à l’entretien du 30 septembre 2014 concernant la clôture de la procédure de reclassement, entretiens dont les comptes-rendus ont été dûment transmis au recourant. Le compte-rendu de l’entretien de service du 20 mai 2014 commence par un rappel des déclarations de M. A______ devant la police le 24 février 2014 en sa qualité de prévenu, puis suivent un résumé du parcours de celui-ci au sein de l’OP, un rappel, avec mention des bases légales et réglementaires, des devoirs du personnel, puis le compte-rendu même de l’entretien avec les déclarations de M. A______ et quelques propos et précisions de la hiérarchie, notamment celle du directeur des ressources humaines du DF (ci-après : DRH), précisant qu’une confirmation d’information est une transmission d’information du point de vue juridique, ainsi que les propos du préposé soulignant la gravité des faits et indiquant la détermination de l’employeur, à savoir qu’il envisageait de résilier les rapports de service de l’intéressé pour motif fondé en vertu des art. 21 al. 3 et 22 let. b LPAC.

Ainsi, dès le 20 mai 2014 et a fortiori au moment du licenciement litigieux, le recourant connaissait les motifs qui ont conduit son employeur à envisager la résiliation de ses rapports de service puis à y procéder effectivement. Il importait peu alors que la procédure pénale ne soit pas terminée et que le recourant ait contesté dans ce cadre les conditions de commission des infractions reprochées, dans la mesure où le licenciement litigieux a été prononcé sur la base des faits qu’il a lui-même admis devant sa hiérarchie. Pour des raisons qui seront examinées ci-après, le fait qu’avant la présente procédure de recours, le département ne se soit pas expressément prononcé sur la bonne foi et l’erreur sur les faits plaidés par le recourant ne saurait porter à conséquence sous l’angle du droit d’être entendu de celui-ci.

Le grief du recourant doit dès lors être écarté.

4. En vertu de l’art. 61 LPA, le recours peut être formé : a. pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b. pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5. a. Aux termes de l’art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ; les modalités sont fixées par règlement.

Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : a) l'insuffisance des prestations ; b) l'inaptitude à remplir les exigences du poste ; c) la disparition durable d'un motif d'engagement.

b. Les motifs de résiliation des rapports de service ont été élargis lors de la modification de la LPAC du 23 mars 2007, entrée en vigueur le 31 mai 2007. Depuis lors, il ne s’agit plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (MGC 2006-2007/VI A 4529). Selon l’exposé des motifs relatif à cette modification, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale est déterminant en la matière. C’est lui qui sert de base à la notion de motif fondé qui doit exister pour justifier un licenciement dans la fonction publique. Le motif fondé est indépendant de la faute du membre du personnel. Il n’est qu’un élément objectif indépendant d’une intention ou d’une négligence. […] La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (MGC 2005-2006/XI A 10420).

Par ailleurs, la procédure de licenciement pour motif fondé est formalisée au niveau du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), en particulier en son art. 44 (ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 10).

c. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/347/2016 du 26 août 2016 consid. 5e ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 précité consid. 11).

d. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5
al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 5d ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

En vertu de l’art. 46A RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1) ; des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2) ; l’intéressé est tenu de collaborer ; il peut faire des suggestions (al. 3) ; l’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4) ; en cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est l’une des expressions du principe de la proportionnalité. Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/347/2016 du 26 avril 2016 consid. 5d ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 9a ; ATA/223/2010 du 30 mars 2010 consid. 10).

Selon l’exposé des motifs présenté à l’appui de la modification de la LPAC du 23 mars 2007, l’État a l’obligation préalable d’aider l’intéressé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service d’un agent public au bénéfice d’une nomination : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son
« employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. (…) Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d’exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétences, à un stage d’évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d’évolution professionnelles, à l’accompagnement personnalisé, voire à « l’outplacement » (MGC 2005-2006/XI A 10421).

6. a. En l’espèce, il est incontesté et à tout le moins établi, au regard notamment de l’ordonnance de classement partiel du 13 avril 2015 rendue par le Procureur général et non contestée par le recourant, que ce dernier a, entre dix et vingt fois durant l’année 2013 et au début de l’année 2014, confirmé à M. B______ des informations – portant sur des adresses - déjà connues de celui-ci, sur la base du logiciel informatique interne de l’OCPM (CALVIN), ainsi qu’à tout le moins à une reprise sur la base du registre du SCV (CARI), qu’il avait à disposition dans le cadre de sa fonction. L’intéressé n’a jamais parlé de ces actes à sa hiérarchie, laquelle en a pris connaissance le jour de la perquisition des locaux. Il importe peu que le recourant ait transmis à M. B______ seulement des confirmations orales ou même des impressions des renseignements qu’il avait obtenus sur lesdits registres, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’office, ni qu’il ne se soit agi que de confirmations d’informations déjà connues par M. B______, de telles confirmations constituant également des informations, comme indiqué par le DRH.

b. Or, non seulement le recourant n’avait aucune compétence pour transmettre à un tiers les informations relevant de l’OCPM et du SCV, mais aussi il avait connaissance de la directive sur les renseignements du 1er août 2006 à teneur de laquelle, notamment, les demandes de renseignement devaient être traitées par le service de renseignement et non par les secteurs d’huissiers, ainsi que du courriel adressé le 25 août 2010 par le préposé de l’OP au personnel à teneur duquel l’utilisation des bases de données à disposition des collaborateurs (GIOP, CARI, CALVIN, etc.) étaient réservées à un usage exclusivement professionnel et que toute transmission à des tiers non autorisés était interdite.

En transmettant des informations émanant des données CALVIN et CARI à M. B______, soit un tiers qui s’était seulement légitimé comme détective privé et agent de renseignement de la Confédération et ne disposait d’aucune autorisation de la direction de l’OP ni même de par la loi pour solliciter d’un huissier des renseignements émanant de ces bases de données, l’intéressé a à tout le moins violé l’art. 26 al. 3 RPAC, relatif à l’obligation de garder le secret, selon lequel les membres du personnel ne peuvent donner des renseignements que dans le cadre des instructions reçues.

Il a également contrevenu à l’art. 20 RPAC, en vertu duquel les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. En effet, un préjudice financier à l’encontre de l’État de Genève, employeur du recourant, réside notamment dans le fait qu’en application de l’art. 12 al. 1 du règlement relatif à la délivrance de renseignements et de documents, ainsi qu’à la perception de diverses taxes, par l’OCPM et les communes du 23 janvier 1974 (RDROCPMC – F 2 20.08), dans sa version antérieure au 1er mars 2015, la communication de données personnelles au sens de l’art. 3 al. 1 dudit règlement était soumise à une taxe de CHF 10.-. En outre, conformément à l’art. 52 let. a du règlement sur les émoluments de la direction générale des véhicules du 15 décembre 1982 (REmDGV – H 1 05.08), le renseignement relatif aux véhicules et aux bateaux et à leur détenteur est facturé CHF 10.-. Il est à cet égard rappelé qu’en vertu de l’art. 22 RPAC, les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (al. 1) et qu’ils se doivent d’assumer personnellement leur travail et de s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (al. 3).

Certes le recourant n’a perçu aucun avantage réel des renseignements qu’il a fournis à M. B______. On ne peut pas non plus exclure qu’il ait été de bonne foi en les transmettant à celui-ci, qu’il percevait apparemment comme une sorte de « James Bond suisse », un espion pour la Confédération, un fonctionnaire fédéral, croyant ainsi qu’il pouvait se passer de l’accord de sa hiérarchie. Quoi qu’il en soit, cela importe peu, étant donné que le motif fondé au sens de l’art. 22 LPAC est indépendant d’une intention ou d’une négligence. Même s’il avait été de bonne foi en transmettant des renseignements à M. MANNSI, il n’en demeure pas moins que l’intéressé a agi en tout état de cause avec une grande naïveté, comme il l’a lui-même reconnu lors de l’entretien de service du 20 mai 2014. Cette naïveté, au regard notamment de la répétition des actes contraires aux devoirs de fonction commis entre 2013 et 2014, doit être considérée comme un manquement et était d’autant moins excusable que le recourant disposait de vingt-quatre ans d’expérience à l’OP et avait d’importantes responsabilités, y compris hiérarchiques, en sa qualité d’huissier et chef de secteur.

Vu notamment la gravité et la répétition de ces manquements du recourant, l’intimé était en droit, y compris sous l’angle du respect des principes constitutionnels, notamment celui de la proportionnalité, de considérer que l’intéressé était inapte à remplir les exigences de son poste au sens de l’art. 22 let. b LPAC et d’entamer une procédure de reclassement.

Les qualités humaines et professionnelles du recourant, de même que le fait qu’il était apprécié par certains de ses subordonnées à tout le moins, ne sauraient primer l’intérêt public du département à se séparer de lui par rapport à l’intérêt privé de l’intéressé à demeurer à son poste. Au surplus, comme relevé par l’intimé, ni la qualité des prestations, ni le comportement du recourant n’ont été exemplaires avant le 20 février 2014, comme le démontrent les EEDP, pas toujours pleinement satisfaisants et, notamment le courrier du 25 juin 2013 de sa hiérarchie lui demandant de prendre toutes les précautions utiles afin d’éviter des conflits d’intérêt entre sa fonction et des affaires privées, ainsi que l’avertissement prononcé le 10 mai 2011 par sa hiérarchie concernant la restitution d’une somme payée dans le cadre de poursuites. Ces deux injonctions auraient dû amener l’intéressé à ne pas fournir des renseignements provenant de l’OP à M. B______.

c. Dans la partie en droit de son recours et dans sa réplique, le recourant ne s’est pas plaint du déroulement de la procédure de reclassement. En revanche, dans la partie en fait de son recours, il s’est référé à son courrier du 13 octobre 2014 à la RRH et a allégué qu’aucune réponse n’avait jamais été apportée à sa requête de prolongation de ladite procédure pour une durée minimale de trois mois.

Quoi qu’il en soit, rien ne permet de considérer que l’employeur n’aurait pas agi conformément à ses devoirs en vue de trouver un autre poste dans l’administration cantonale pour l’intéressé, lequel a du reste postulé à divers emplois, y compris auprès de collectivités publiques hors de l’administration et a eu un entretien d’embauche. Contrairement à ce que le recourant a prétendu dans sa lettre du 13 octobre 2014, le fait que la procédure de reclassement se soit déroulée pour partie durant les mois de juillet et août, période de vacances, ne saurait constituer un manquement dans le déroulement de ladite procédure, étant au demeurant relevé que les BPV qui lui ont été présentés contenaient chacun des dizaines de postes vacants. Pour le reste, le fait que l’intimé n’ait pas motivé son refus de prolonger la procédure de reclassement au-delà du 30 septembre 2014 ne saurait en tout état de cause constituer une violation du droit.

Dans ces circonstances, le principe de la proportionnalité n’a pas non plus été violé dans la procédure de reclassement.

7. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; ATA/738/2016 du 30 août 2016 consid. 8 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

8. Dans le cas présent, le recourant ne peut en tout état de cause pas se prévaloir de la jurisprudence relative à l’égalité de traitement. En effet, en matière de résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire, les autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation dont la chambre de céans ne sanctionne que l’excès ou l’abus. En outre, en l’occurrence, notamment les situations, les fonctions et les lois applicables - la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05) pour les policiers - sont différentes.

9. Vu ce qui précède, l’intimé n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en résiliant les rapports de service du recourant. Partant, le recours, en tous points infondé, sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2014 par M. A______ contre la décision du département des finances du 27 octobre 2014 ;

 

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat du recourant, ainsi qu'au département des finances.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :