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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2196/2022

ATA/1062/2023 du 26.09.2023 sur JTAPI/309/2023 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR RECOURIR;ASSOCIATION;VOISIN;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;ANTENNE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;RADIOCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE
Normes : LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb; LCI.145.al3; CC.69.al1
Résumé : Admission d’un recours déposé contre un jugement du Tribunal administratif de première instance déniant la qualité pour recourir à une association de locataires voisins du bâtiment sur lequel une installation de communication mobile a été autorisée. Examen des conditions du recours corporatif, lesquelles sont remplies en l’espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2196/2022-LCI ATA/1062/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Damien TOURNAIRE, avocat

contre

B______ SA

et

C______ AG

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mars 2023 (JTAPI/309/2023)


EN FAIT

A. a. C______ AG (ci-après : C______) est propriétaire de la parcelle no 1'625 de la commune de D______ (ci-après : la commune) à l’adresse
______, avenue E______.

Le bâtiment érigé sur cette parcelle fait partie de l’ensemble résidentiel de F______, formé par les bâtiments aux adresses ______ à ______, avenue E______, 2 à ______, chemin G______, ______ à ______, avenue H______, ______, place I______ et ______ à ______, chemin de F______.

B. a. B______ SA (ci-après : B______) a pour but d'offrir en Suisse et à l'étranger des services de télécommunication et de radiodiffusion.

Elle est titulaire de la concession de service universel dans le domaine des télécommunications.

C. a. Le 7 octobre 2021, B______ a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire pour la modification d’une installation de communication mobile/CBVC sur le bâtiment sis sur la parcelle d’C______. Cette demande a été enregistrée sous le numéro DD 1______/1 par le département du territoire (ci-après : département).

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande les préavis suivants ont notamment été rendus :

- le 13 octobre 2021, un préavis favorable sous conditions d’enquête publique et d’esthétique de la direction des autorisations de construire ;

- le 4 novembre 2021, un préavis défavorable de la commune au vu des risques non encore quantifiés des technologies pouvant être déployées en application de cette requête, de la proximité de deux écoles primaires à moins de 300 m, de plusieurs parcs notamment fréquentés par des enfants, d’une motion du Conseil municipal de la commune et d’une motion du Grand Conseil ;

- le 4 novembre 2021, un préavis favorable sans observation du service des monuments et des sites ;

- le 1er décembre 2021, un préavis favorable du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) sous conditions que des mesurages de contrôle soient réalisés à certains endroits, que les antennes de cette installation soient intégrées dans le système d’assurance qualité de l’opérateur et que les parties accessibles pour l’entretien, où la valeur limite d’immission (ci-après : VLI) était épuisée, soient dûment protégées.

c. Mise à l’enquête publique, cette demande a fait l’objet, le 12 novembre 2021, d’observations déposées par J______ au nom de 120 signataires.

d. Le 20 mai 2022, le département a répondu au préavis de la commune.

e. Par décision du 1er juin 2022, publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le même jour, le département a délivré l’autorisation sollicitée.

Les conditions du préavis du SABRA devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de la décision. Les occupants des lieux sensibles du voisinage devaient être informés de la mise en place de l’installation conformément à l’art. 15 du règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI ‑ K 1 70.07).

f. Par courrier du 2 juin 2022, le département a informé J______ qu’il avait récemment délivré l’autorisation.

D. a. Par acte du 1er juillet 2022, l’A______ (ci-après : l’association) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette autorisation, concluant principalement à son annulation.

L’association et l’ensemble de ses membres étaient domiciliés dans le périmètre au sein duquel le rayonnement non ionisant (ci-après : RNI) atteignait au moins 10% de la VLInst. Elle n’était pas certaine que les limites réglementaires ne dépassaient pas régulièrement les limites posées par l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710). Elle n’acceptait pas la mise en danger de la santé des habitants par le RNI au vu du nombre d’antennes existantes dans le périmètre. Le préavis du SABRA ne parlait pas des interférences entre les trois antennes à proximité.

Son droit d’être entendue avait été violé, les habitants des alentours n’ayant pas été informés du projet par la constructrice, ni par les autorités, en violation des art. 15 RPRNI et 4 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

L’obligation de planifier des art. 2 et 8 al. 2 LAT avait également été violée. Ces éléments étaient démontrés par la présence de cinq antennes à proximité. L’art. 92 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) était violé.

Selon la fiche de données spécifique au site, les immissions dans cinq des douze locaux à utilisation sensible étaient supérieures à 80% de la valeur limite d’installation (ci-après : VLInst), soit très proches des valeurs limites qui pourraient donc facilement être dépassées. Au pied d’un des bâtiments se trouvaient un jardin d’enfants et le trottoir utilisé par les élèves pour se rendre à l’école. Le calcul de la VLInst devait donc également être fait pour ces lieux.

La fiche de données spécifique au site ne fournissait aucune explication au sujet de l’existence d’un éventuel système de limitation automatique de la puissance. Un contrôle juridictionnel de l’ORNI au regard de l’art. 74 Cst. devait être effectué.

La décision était lacunaire faute de décrire comment le respect de la puissance émettrice serait garanti sur le long terme. Des incertitudes de calcul des valeurs ne pouvaient être tolérées, ce qui aurait dû amener le département à refuser l’autorisation.

Une expertise judiciaire devait être ordonnée pour vérifier le respect des normes applicables et l’exactitude des calculs effectués par la constructrice.

Le recours était signé par K______ et L______, indiquant agir au nom de l’association en qualité de, respectivement, présidente et vice-président.

Elle a produit plusieurs pièces dont ses statuts, des listes de signatures d’habitants du quartier de F______ soutenant par leurs signatures le recours, des remarques sur l’installation prévue, une liste des antennes prévues dans le secteur, une estimation de l’intensité du champ électrique produit par les antennes et un document établi par l’ingénieur M______ de l’école polytechnique fédérale de N______.

b. Par courrier du 5 juillet 2022, le TAPI a accusé réception du recours et invité, entre autre, l’association à lui fournir, sous forme dactylographiée, tous les noms et prénoms des recourants et à lui confirmer que ces derniers entendaient bien maintenir leur recours.

Par courrier du 15 juillet 2022, l’association a transmis la liste dactylographiée des personnes figurant sur les listes de signatures accompagnant son recours, expliquant qu’il s’agissait de personnes qui soutenaient le recours sans être
elles-mêmes recourantes.

Par courrier du 19 juillet 2022, le TAPI a expressément invité l’association à lui transmettre la liste de ses membres avec indication de leurs domiciles ainsi que la décision de l’assemblée générale ou de son comité, dûment datée et signée, de recourir contre l’autorisation du 1er juin 2022.

Par courrier du 5 août 2022, l’association a produit l’extrait du procès-verbal de la réunion du comité au cours de laquelle il avait été décidé de déposer le recours et la liste de ses membres dont seules les adresses étaient indiquées, expliquant avoir retiré les noms, prénoms, numéros de téléphone et adresses courriels pour des raisons de confidentialité et de protection des données.

c. Dans sa réponse du 26 août 2022, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

d. Dans ses observations du 1er septembre 2022, le département du territoire
(ci-après : le département) s’en est rapporté à justice sur la recevabilité du recours et a proposé son rejet.

e. Dans le délai prolongé au 21 octobre 2022, l’association a répliqué.

Elle a joint diverses pièces relatives à l’inscription du site à l’ISOS et des plans du secteur indiquant l’emplacement des antennes actuelles.

f. Dans sa duplique du 10 novembre 2022, le département a persisté dans ses conclusions.

g. Le 16 novembre 2022, B______ a renoncé à dupliquer et confirmé ses conclusions.

h. Dans le délai prolongé au 19 décembre 2022, l’association a tripliqué.

Par écriture spontanée du 9 février 2023, l’association a encore indiqué au TAPI qu’une nouvelle requête d’autorisation de construire pour un nouveau mât d’antennes avait été déposée. Elle a joint copie de son courrier adressé au département le 30 janvier 2023 à ce sujet.

i. Par jugement du 16 mars 2023, le TAPI a déclaré irrecevable le recours déposé par l’association car celle-ci ne remplissait pas les conditions pour que sa qualité pour recourir puisse être reconnue. Le siège de l’association était à Genève, ce qui n’était pas suffisamment précis pour retenir qu’il se trouverait dans le périmètre où le rayonnement atteignait au moins 10% de la VLI. À titre personnel, elle n’avait pas la qualité pour recourir.

Elle ne disposait pas de la qualité pour recourir spéciale de l’art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), visant principalement à sauvegarder le cadre de vie de ses membres ou l’harmonie d’un ensemble restreint de bâtiments et ne pouvait être considérée comme d’importance cantonale ou se vouant par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement, des monuments, de la nature ou des sites. Quant au recours corporatif, elle n’avait fourni qu’une liste de membres caviardée, n’indiquant pas leurs noms ni leurs coordonnées, ce qui était insuffisant à démontrer leur existence et le fait qu’ils seraient touchés individuellement par la décision querellée. Aucune condition de résidence n’était prévue dans les conditions d’adhésion. Les statuts ne définissant pas non plus à quel organe revenait la compétence d’agir en justice. On pouvait ainsi douter du fait que le comité soit compétent. L’inscription du dépôt du recours à l’ordre du jour de l’assemblée générale, sous la rubrique divers, ne saurait être suffisante, ce d’autant plus que le procès-verbal de ladite assemblée n’avait pas été fourni.

E. a. Par acte mis à la poste le 4 mai 2023, l’association a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation construire DD 1______ du 1er juin 2022.

Sa qualité pour recourir aurait dû être reconnue par le TAPI.

À titre personnel, puisque l’art. 60 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ne contenait aucune prescription concernant le siège de l’association, un renvoi à l’art. 56 CC était la règle. Sauf disposition contraire des statuts, le siège était au siège de leur administration, qui pouvait être itinérant, suivait le changement de présidence. En l’espèce, la présidence et le secrétariat de l’associaiton se trouvaient au domicile de sa présidente, ______, 4, place I______ à D______, soit à moins de 100 m de l’immeuble litigieux.

Les actes entrepris par les membres de la direction d’une association étaient conformes aux buts statutaires, l’association se voyait engagée par ces actes, seules les actions en annulation de la décision ou en responsabilité de l’organe étaient ouvertes. Aucun membre de l’association n’avait interjeté une action en annulation de la décision.

La qualité pour recourir de l’association avait déjà été reconnue par le TAPI à l’occasion du jugement JTAPI/975/2011.

Sa qualité pour recourir était aussi donnée s’agissant d’un recours corporatif. Les adresses des membres fournies au TAPI se trouvaient toutes à une distance inférieure à 1'134 m de l’immeuble concerné. Rien ne laissait penser que des personnes extérieures à l’ensemble résidentiel de F______ auraient effectivement adhéré à l’association et encore moins que ces membres seraient majoritaires.

Si le caviardage des noms et prénoms des membres représentait un problème pour le TAPI, il aurait dû l’avertir du risque d’irrecevabilité qu’elle encourait, n’étant pas accompagnée d’un conseil à l’époque. La liste, contenant les noms et prénoms des membres, était à nouveau produite.

Le recours s’inscrivait bien dans les buts de l’association, s’agissant de la modification d’un groupe de neuf antennes dont trois adaptatives. Le groupe d’antennes excédait assez largement le gabarit maximum autorisé, préoccupait la population et les poussaient à déménager, induisait une paupérisation de la population résidant sur site. Les stations de télécommunication 5G violaient les principes de précaution et de prévention.

Une argumentation sur le fond concernant l’annulation de l’autorisation de construire était ensuite développée par l’association.

b. Le 8 juin 2023, B______ a conclu au rejet du recours.

Le recours en première instance portait uniquement sur le rayonnement et le principe de précaution, à savoir sur des considérations qui ne semblaient pas relever des buts de l’association.

La liste des signataires de soutien comprenait 48 signatures, dont certaines personnes semblaient habiter dans le même ménage et indiquaient qu’il s’agissait d’habitants du quartier et non de membres de l’association. La liste des membres de l’association comprenait 238 foyers ou ménages et commerces. Par conséquent, seule une petite minorité semblait s’opposer au projet.

Les prescriptions en matière de hauteurs et de distances n’étaient pas applicables aux antennes qui n’étaient pas des bâtiments, mais des installation d’infrastructure devant dépasser les toits pour remplir leur fonction.

c. Le 8 juin 2023, le département a conclu au rejet du recours.

L’analyse du TAPI n’était pas remise en cause par l’argumentation de l’association.

d. Le 26 juillet 2023, l’association a répliqué.

Elle ne s’était jamais prévalu de la qualité pour recourir au sens de l’art. 145
al. 3 LCI. Elle remplissait les conditions du recours de l’art. 60 al. 1 let. b LPA pour recourir à titre personnel et à titre corporatif.

e. La cause a été ensuite gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 26 juillet 2023.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la qualité pour recourir de l’association, laquelle lui a été déniée par le TAPI dans le cadre de son recours déposé contre une autorisation de modification d’une installation de communication mobile.

Le recours devant la chambre de céans ne peut dès lors porter que sur la question de la recevabilité du recours par-devant le TAPI. Les griefs de la recourante portant sur le fond du litige doivent ainsi être déclarés irrecevables.

2.1 Il incombe au recourant d'alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 142 V 395 consid. 4.3.2 ; 133 II 249 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_390/2010 du 17 mai 2011 consid. 2.1).

2.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 LOJ et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

2.2.1 Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA). Comme pour les particuliers, il ne lui est pas possible de recourir pour des motifs d’intérêt général, alors même que, selon ses statuts, elle aurait un but idéal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, ch. 5.7.2.4 p. 750). Il en va par exemple ainsi lorsqu’une association est demanderesse d’un permis de construire qui lui est refusé ou lorsqu’elle conteste une injonction qui la vise directement (Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 133).

2.2.2 Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA). Ainsi, ont qualité pour recourir contre une autorisation de construire, les associations d’importance cantonales ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites (art. 145 al. 3 LCI). La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu'une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du
11 février 2004 consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 7b).

2.2.3 Une association peut également faire valoir les intérêts de ses membres lorsqu’il s’agit d’intérêts qu’elle doit statutairement protéger, qui sont communs à la majorité ou à un grand nombre de ses membres et que chacun a qualité pour s’en prévaloir à titre individuel. Ce recours est aussi nommé corporatif (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_52/2009 du 13 janvier 2010 consid 1.2.2, non publié in ATF 136 I 1). Ces conditions doivent être remplies cumulativement ; elles doivent exclure tout recours populaire. Celui qui ne fait pas valoir ses intérêts propres, mais uniquement l’intérêt général ou l’intérêt public, n’est pas autorisé à recourir. Elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 1.2.1 ; ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5b).

Le droit de recours n’appartient par conséquent pas à toute association qui s’occupe, d’une manière générale, du domaine considéré. Il doit au contraire exister un lien étroit et direct entre le but statutaire de l’association et le domaine dans lequel la décision litigieuse a été prise (JdT 2011 p. 286 consid. 1.1.1 et les références citées).

La possibilité d'un recours corporatif répond avant tout à un objectif d'économie et de simplification de la procédure, dès lors qu'il est plus rationnel d'accueillir un recours lorsque celui-ci remplace un recours formé individuellement par de multiples parties. Il est vrai que cette solution tend également, dans une certaine mesure, à rétablir un certain équilibre dans l'accès à la justice, en faveur de parties qui, prises individuellement, craindraient une telle démarche (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 751). Ces objectifs ne sauraient toutefois être invoqués pour suppléer au défaut des conditions requises de recevabilité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_91/2015 consid. 6.4.2 du 16 décembre 2015).

2.3 La chambre de céans a déjà jugé que la qualité pour agir d'une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d'existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d'ester en justice a bien été prise par l'organe compétent (ATA/1064/2022 précité consid. 5d et les arrêts cités).

2.4 En matière d'installation de téléphonie mobile, il a été jugé qu'ont qualité pour former opposition toutes les personnes qui habitent dans un rayon en dehors duquel est produit un rayonnement assurément inférieur à 10 % de la valeur limite de l'installation. Le droit d'opposition de ces personnes ne dépend pas du fait que le rayonnement concret sur leur immeuble, compte tenu de l'atténuation de la puissance dans la direction principale de propagation, s'élève à moins de 10 % de la valeur limite de l'installation. Elles ne sont pas uniquement habilitées à se plaindre d'un dépassement des immissions ou des valeurs limites de l'installation sur leur propriété mais peuvent en général également remettre en question la légalité du projet de construction (ATF 133 II 409 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2007 du 29 août 2007 consid. 2 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3).

2.4.1 En l’espèce, la recourante estime, à juste titre, ne pas remplir les conditions de l’art. 145 al.3 LCI.

2.4.2 Elle n’indique pas quels sont les intérêts propres, directs et dignes de protection qu’elle estime avoir pour s’opposer à l’autorisation délivrée, faisant uniquement valoir que son siège, qui serait sis à l’adresse privée de sa présidente, est situé dans le périmètre d’opposition.

Or, en vertu du principe d’autonomie et en application de l’art. 56 CC, les statuts de l’association peuvent indiquer un autre lieu que l’adresse à laquelle se trouve son secrétariat, ce qui est le cas en l’espèce, l’art. 1 dernier alinéa des statuts indiquant Genève comme siège de l’association.

De surcroît, même si le siège allégué devait être retenu, la recourante ne démontre pas, comme il lui appartenait de la faire, être directement touchée dans ses intérêts propres directs, concrets et dignes de protection, de la même manière qu’un particulier. Elle n’indique notamment pas quel préjudice la décision attaquée lui occasionnerait à titre personnel.

2.5 Sa qualité pour recourir devra donc être examinée sous l’angle du recours corporatif.

2.5.1 À cet égard, le TAPI a retenu que l’association n’avait pas fourni de liste de membres permettant de déterminer si ceux-ci étaient touchés individuellement par la décision querellée.

Devant la chambre de céans, l’association recourante a produit une liste de
238 membres, avec leur nom et prénom, adresse, numéro de téléphone fixe et/ou mobile ainsi qu’une adresse électronique pour certains d’entre eux. Les adresses des membres sont notamment au ______, place I______, au ______ à ______, chemin de F______, au ______ à ______ de l’avenue E______, au chemin G______ ainsi qu’à l’avenue H______. Une grande partie des membres est donc locataire dans des bâtiments sis à proximité du bâtiment concerné par l’autorisation de construire querellée. Ce fait apparaissait déjà dans la liste déposée au TAPI, même si le nom des membres n’était pas produit.

En qualité de voisins et de locataires d’appartements sis dans le périmètre d’opposition instauré par la jurisprudence en matière d’antenne de téléphonie mobile rappelé ci-dessus, la plupart des membres de l’association détient, à titre individuel, la qualité pour recourir. À cet égard, le fait que les statuts de l’association n’exigent pas pour acquérir la qualité de membre de démontrer son statut de locataire à F______, comme l’a retenu le TAPI dans son raisonnement, ne permet pas d’inférer qu’une majorité des membres ne serait pas domiciliée dans ce périmètre d’opposition, puisque les adresses des membres ont été produites.

En l’espèce, l’association a déposé ses statuts adoptés lors de l’assemblée constitutive du 28 février 1985, modifiée pour la dernière fois par l’assemblée générale du 7 février 1989 qui établissent sa personnalité morale (art. 1 statuts) et prévoient notamment comme but d’assurer la défense des locataires de l’ensemble résidentiel de F______, de préserver leurs droits à l’égard notamment de l’aménagement et du confort des immeubles ainsi que pour sauvegarder l’harmonie présente du site, tant sur le plan architectural que paysager. L’association est habilitée à agir, notamment par voie judiciaire, en vue de la sauvegarde des intérêts de ses membres et de l’accomplissement de ses buts (art. 2 statuts).

Le dépôt d’un recours contre une autorisation de construire portant sur la modification d’une installation de communication mobile érigée sur le toit d’un bâtiment de l’ensemble résidentiel de F______, doit être considéré comme répondant au but statutaire de la défense des intérêts dignes de protection des membres de l’association recourante.

Les conditions du recours corporatif apparaissent ainsi remplies sous réserve de l’examen de savoir si la décision d’ester en justice a bien été prise par l’organe statutaire compétent, ce qui est également remis en cause par le TAPI dans son jugement.

2.5.2 Le TAPI a retenu, à titre superfétatoire, que l’on pouvait douter du fait que le comité soit compétent pour décider du dépôt d’un recours et que l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale, sous la rubrique « divers » du recours, n’était pas suffisante. En outre, le procès-verbal de ladite assemblée n’avait pas été fourni.

La chambre de céans a déjà exposé qu’il était important que la décision de recourir reflète la réelle volonté de l’association, dûment représentée par son comité, et ne soit pas le fait d’une seule personne ou de quelques individus qui auraient tout loisir de prendre, de façon non représentative, des décisions importantes pour l’association (ATA/599/2013 du 10 septembre 2013 ; ATA/655/2002 du 5 novembre 2002).

L’association, personne morale, s’exprime par la voie de ses organes. La direction a le droit et le devoir de gérer les affaires de l’association et de la représenter en conformité des statuts (art. 69 al. 1 CC). Les décisions de l’assemblée générale constituent le moyen ordinaire, non exclusif de la formation de la volonté sociale, statuts pouvant autoriser des transferts de compétence très larges. Dans la poursuite de la réalisation de ses objectifs, la direction peut engager l’association vis-à-vis des tiers et, à défaut de disposition statutaire spécifique, chacun des membres de la direction est présumé disposer des pouvoirs de représenter individuellement l’association (Julie WYNNE, Hubert Orso GILLIÉRON, l’ASSOCATION, 2023, n. 457 et 459 p. 105 et 106 ; Jean-François PERRIN, Christine CHAPPUIS, Droit de l’association, 3e éd., 2008, p. 62 et 63).

Les statuts de la recourante n’indiquent pas expressément à quel organe appartient la décision d’intenter une action en justice. Ils prévoient que l’association est habilitée à agir notamment par voie judiciaire, en vue de de la sauvegarde des intérêts de ses membres et de l’accomplissement de ses buts (art. 2 statuts). Ses organes sont un comité de sept membres choisi parmi les sociétaires, élu pour deux ans par l’assemblée générale, cette dernière ainsi que les vérificateurs des comptes (art. 7 statuts). Le comité est responsable des activités de l’association. Il nomme un bureau, responsable des affaires courantes et pouvant en cas de besoin déterminer la position de l’association sur les problèmes urgents. Il désigne un président et un vice-président (art. 10 statuts). La recourante a produit un
procès-verbal de la réunion du comité du 3 juin 2022 lors de laquelle les quatre membres présents du comité, dont la présidente et le vice-président, ont décidé à l’unanimité et sans abstention de déposer un recours auprès du TAPI contre l’autorisation de construire litigieuse. La question devait être traitée parmi les divers au cours de l’assemblée générale du 15 juin 2022 et des listes de signatures pour soutenir le recours seraient mises à disposition des personnes présentes. Ces listes figurent au dossier et contiennent les signatures d’une cinquantaine de personnes.

Il appert ainsi que le comité de l’association a pris la décision de recourir, dans le délai de 30 jours, contre l’autorisation de construire et que l’assemblée générale de l’association en a été informée. En l’absence de contestation de cette décision, rien ne permet de retenir, comme l’a fait le TAPI, que la décision serait contraire aux statuts ou illégale pour un autre motif.

En conséquence, c’est à tort que le TAPI a dénié la qualité pour recourir à la recourante et le recours sera admis, dans la mesure où il est recevable. Le dossier sera renvoyé au TAPI afin qu’il examine les autres conditions de recevabilité et, le cas échéant, les arguments au fond.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire de B______ et d’C______ (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu, à la charge solidaire de B______ et d’C______ (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 4 mai 2023 par l’A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mars 2023 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mars 2023 ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de B______ AG et de C______ AG ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à l’A______ à la charge solidaire de B______ AG et de C______ AG ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien TOURNAIRE, avocat de la recourante, à B______ AG et C______ AG, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :