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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/309/2002

ATA/655/2002 du 05.11.2002 ( TPE ) , REJETE

Parties : HOTEL EDEN SA / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, COMPAGNIE DE PARTICIPATION ET DEVELOPPEMENT FONCIER SA (CPDF SA), SERONO INTERNATIONAL SA
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 5 novembre 2002

 

dans la cause

 

HOTEL EDEN S.A.

représenté par Me Patrick Blaser

 

et

 

FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE QUARTIERS ET D'HABITANTS

M. Pedro SANCHEZ-MAZAS

Mme Giovanna VEGEZZI

Mme Patricia BONVIN

M. Luigi de PASCALI

 

et

 

ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES (ASLOCA)

ASSOCIATION DES ENTREPRISES ET DES ARTISANS DU SITE

INDUSTRIEL DE SECHERON (AEASIS)

ASSOCIATION ALIAS COMPAGNIE

BLANC-PRESS Sàrl et M. Christian ROGIER

M. Bernard RAFFEAU

M. Bruno MARTINELLI

PF RELIURE, M. Paolo FRATTOLILLO

M. Gilles URBEN

GARAGE GRÜNIG

BOULANGERIE P. KELLER

M. Salvatore LOMBARDO

M. Paul FELDER

GARAGE ICHASO

CHANTIER NAVAL AP ENTREPRISE

M. Michael OSMAN

représentés par Me Carlo Sommaruga

 

 

contre

 

 


COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

COMPAGNIE DE PARTICIPATION ET DE DEVELOPPEMENT FONCIER S.A. (CPDF S.A.)

représentée par Me François Bolsterli, avocat

 

et

 

SERONO INTERNATIONAL S.A.

représentée par Me Serge Fasel, avocat



EN FAIT

 

 

1. La société Serono International S.A. (ci-après: Serono), de siège à Genève, est une société active dans le domaine de la biotechnologie et constitue l'un des leaders mondiaux de cette branche.

 

2. Le 11 octobre 2001, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: DAEL) a délivré l'autorisation préalable de construire DP 17490-6, publiée le 15 octobre 2001 dans la FAO, autorisant Serono à construire sur le "Site de Sécheron", soit sur le périmètre compris entre l'avenue Blanc, l'avenue de France, le chemin des Mines et l'avenue de Sécheron, un "centre mondial de recherche et siège - garage souterrain de 528 places - parking extérieur de 22 places" sur les parcelles 2916, 2340 et 202 des feuilles 14, 15 et 17 de la Commune de Genève - Petit-Saconnex, propriété de la Compagnie de participation et de développement foncier S.A. (ci-après: CPDF S.A.).

 

L'autorisation réservait les droits des tiers. Les préavis et directives des départements concernés devaient être observés. Enfin, la mise au point définitive de la future voie de desserte restait réservée et impliquait notamment la définition précise de l'assiette des cessions au domaine public et servitudes à constituer.

 

3. Par autorisation du même jour N° M 4951-6, le DAEL a accordé à la CPDF S.A. l'autorisation de démolir les bâtiments des parcelles précitées, soit celles situées à l'avenue Blanc, avenue de France, chemin des Mines et aux 14 et 15 avenue de Sécheron. L'autorisation réservait les droits des tiers et précisait que les travaux de démolition ne pourraient être entrepris avant l'entrée en force de l'autorisation de construire définitive.

4. L'autorisation de construire a fait l'objet de plusieurs recours devant la Commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la commission), les 12 et 14 novembre 2001, par:

 

- La Fédération des associations de quartiers et d'habitants (ci-après: FAQH) ainsi que par quatre habitants du quartier de Prieuré - Sécheron, savoir Monsieur Pedro Sanchez-Mazas, Madame Giovanna Vegezzi et Madame Patricia Bonvin, tous trois habitant au 10, avenue Blanc. De même que Monsieur Luigi De Pascali, lui-même habitant au 50, avenue Blanc;

 

- L'Association genevoise de défense des locataires (ci-après: ASLOCA), l'Association des entreprises et artisans du site industriel de Sécheron (ci-après: AEASIS) et par quinze habitants du 14, avenue de Sécheron;

 

- La société Hôtel Eden S.A. (ci-après: Hôtel Eden). Le recours était signé "Pour l'hôtel Eden S.A., Léo Stadelmann, directeur".

 

Tous les recourants concluaient à l'annulation de l'autorisation préalable de construire.

 

5. L'autorisation de démolir a fait l'objet d'un seul recours, de la part de l'Hôtel Eden, également signé par son directeur.

 

Le recourant ne prenait pas de conclusions explicites ou implicites relatives à l'autorisation de démolir.

 

6. Dans son mémoire réponse, Serono a conclu à l'irrecevabilité des recours, ainsi qu'au déboutement des recourants.

 

7. Par courrier du 17 janvier 2002, l'Hôtel Eden a précisé que son conseil d'administration avait donné tout pouvoir à Monsieur Léo Stadelmann pour former opposition aux autorisations précitées, agir dans la procédure et transiger. Ce courrier était signé par Me Luc Hafner, administrateur et par M. Léo Stadelmann.

 

8. Le 22 janvier 2002, la CPDF S.A. a répondu au recours formé par l'Hôtel Eden en concluant à son irrecevabilité.

 

9. Par décision du 25 février 2002, la commission a déclaré l'ensemble des recours précités irrecevables, sans instruction préalable au sens l'article 72 LPA.

 

Les recours de l'Hôtel Eden ont été déclarés irrecevables au vu du défaut de qualité pour recourir de M. Léo Stadelmann, celui-ci n'étant bénéficiaire que d'une procuration collective à deux, ce qui lui interdisait d'engager seul la S.A. de l'Hôtel Eden dans des procédures judiciaires. En outre, une ratification de ses actes a posteriori et hors délai de recours ne pouvait avoir effet réparateur.

 

La FAQH et l'AEASIS n'étaient pas des associations d'importance cantonale et/ou n'avaient pas pour but ceux visés par l'article 145 alinéa 3 LCI. L'ASLOCA était une association d'importance cantonale mais n'avait pas pour but ceux visés par l'article 145 alinéa 3 LCI.

 

S'agissant des locataires, l'autorisation attaquée réservant expressément les droits des tiers, ils devaient alors se voir dénier la qualité pour recourir.

 

En effet, ayant contesté les résiliations de leurs baux, il appartiendrait au Tribunal des baux et loyers de statuer sur la validité de ces résiliations.

 

En cas d'annulation des résiliations de bail, les droits des locataires seraient sauvegardés par ce biais conformément au libellé-même de l'autorisation querellée. En cas de prolongation des baux, il en allait de même jusqu'à l'échéance de ladite prolongation. Au terme de celle-ci, il était patent que les locataires ne pourraient plus se prévaloir de l'intérêt spécial, direct et particulier leur permettant de revêtir la qualité pour recourir au sens de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Partant, cette qualité leur faisait défaut, qu'ils soient encore titulaires de baux ou non.

 

Quant à M. Pedro Sanchez-Mazas, Mme Giovanna Vegezzi et Mme Patricia Bonvin, ils n'avaient pas la qualité de voisins au sens de la jurisprudence et n'avaient aucun intérêt de fait ou de droit à recourir contre la décision du DAEL, étant domiciliés à une distance de plus de 400 mètres des constructions projetées, séparés d'elles par une route à grand trafic et par plusieurs parcelles construites.

 

M. Luigi De Pascali avait la qualité de voisin; cependant il n'alléguait aucun intérêt particulier de fait ou de droit digne de protection qui pourrait être lésé en ce qui le concerne. Il ne démontrait pas en quoi il serait touché plus que quiconque.

10. Le 27 mars 2002, la FAQH ainsi que M. Pedro Sanchez-Mazas, Mme Giovanna Vegezzi, Mme Patricia Bonvin et M. Luigi de Pascali ont recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission (cause A/307/2002). Ils concluent à son annulation, à l'admission de leur qualité pour agir, ainsi qu'au renvoi de la cause à la commission pour statuer sur le fond.

 

11. Le 27 mars 2002, l'ASLOCA, l'AEASIS et les locataires de la CPDF S.A. au 14, avenue de Sécheron, soit M. Christian Rogier et Blanc Press Sàrl, M. Bernard Raffeau, M. Bruno Martinelli, PF Reliure Paolo Fratolillo, M. Gilles Urben, Association Alias Compagnie, Garage Alexandre Grunig Alexandre et Ernest Grunig, Boulangerie P. Keller, M. Salvatore Lombardo, M. Paul Felder, Garage Ichaso Julio Ichaso, Chantier naval AP entreprise Pierre Cornuz et M. Michael Osman ont recouru contre la décision de la commission (cause A/308/2002).

 

Ils concluent à l'annulation de la décision de la commission et au renvoi à celle-ci de la cause pour en connaître au fond, ainsi qu'à une indemnité de procédure.

 

12. Le 28 mars 2002, l'Hôtel Eden a recouru contre la décision de la commission et conclut à son annulation, à la recevabilité des recours du 11 octobre 2001 ainsi qu'au renvoi de la cause devant la commission (cause A/309/2002).

 

13. Le DAEL conclut au rejet de l'ensemble des recours précités.

 

14. Dans son mémoire-réponse du 15 mai 2002, Serono conclut au déboutement de l'ensemble des recourants précités, préalablement à la jonction des trois causes.

 

Les locataires avaient conclu avec CPDF S.A. des baux à titre précaire, la bailleresse projetant depuis plusieurs années de démolir les bâtiments, ceci indépendamment des projets Serono. Cette situation était connue des locataires, étant notamment mentionnée dans les baux à loyers. Ces derniers ont été résiliés dans les délais légaux. La commission des baux et loyers a accordé une unique prolongation de bail au 30 juin 2002 aux locataires avec lesquels aucun arrangement n'avait pu être trouvé. Seule Blanc Presse Sàrl a vu sa résiliation annulée, décision contre laquelle CPDF S.A. a recouru. En outre, les locataires n'ont pas démontré avoir un intérêt pratique à l'admission de leur recours.

 

L'Hôtel Eden n'avait pas démontré qu'il avait un intérêt personnel digne de protection à ce que l'autorisation soit annulée.

15. Le 27 mai 2002, la CPDF S.A. conclut à l'irrecevabilité du recours déposé par Hôtel Eden S.A. contre l'autorisation de démolir et à la confirmation de la décision de la commission.

 

16. A la demande du juge délégué, la FAQH a produit par courrier du 13 août 2002 la liste de ses membres et ses statuts. L'association compte vingt-deux membres, tous consistant en des groupes d'habitants ou des associations de quartier, notamment le groupe d'habitants des Eaux-Vives, le groupe logement de Plainpalais, le groupe des habitants La Roseraie - La Cluse, etc.

 

17. Par lettre du 28 août 2002, le tribunal a demandé à la FAQH de lui indiquer le nom et l'adresse des trois personnes formant le secrétariat de leur association, ainsi que la date de l'assemblée générale des délégués au cours de laquelle ces personnes avaient été élues à cette fonction. Un exemplaire du procès-verbal de dite assemblée générale était également requis.

 

18. La FAQH a répondu le 9 septembre 2002 que le secrétariat était formé de M. R. Pagani, occupant cette fonction depuis 1980, de M. F. Poult, depuis 1998, et de M. A. Gallet, depuis 2000. Les procès-verbaux ne mentionnaient pas ces nominations. La FAQH a joint à sa lettre un procès-verbal de l'assemblée générale des délégués ayant eu lieu le 2 juillet 2002. Etaient présentes quatre personnes, les trois secrétaires susmentionnés plus M. Y. Jeanmairet. Quatre personnes étaient excusées.

 

L'annonce de cette assemblée avait fait l'objet d'une lettre circulaire du 25 juin 2002 adressée : "A tous les délégués et aux personnes intéressées", et elle portait l'intitulé suivant : "Prochaine réunion de la FAQH".

 

Au cours de l'assemblée du 2 juillet 2002, il a été décidé de maintenir le recours alors pendant devant le Tribunal administratif dirigé contre le projet de Serono, malgré l'avis contraire de l'association des habitants de Prieuré Sécheron, laquelle était favorable au projet.

 

19. Par courrier du 19 septembre 2002, le juge délégué a écrit à nouveau à la FAQH afin qu'elle lui indique de quelle manière et par quelles instances la décision de l'association de recourir auprès du Tribunal administratif avait été prise. La FAQH était également invitée à renseigner le tribunal sur le montant de la cotisation annuelle payée par les membres, et si ceux-ci s'en acquittaient régulièrement.

 

La FAQH a répondu le 15 octobre 2002 en produisant un procès-verbal d'une ancienne "réunion" de ses délégués du 3 novembre 1999, par laquelle celle-ci avait approuvé la proposition de confier au secrétariat les décisions de recours. S'agissant des cotisations, la FAQH a indiqué qu'elles s'élevaient à CHF 200.- pour les associations et à CHF 20.- minimum pour les membres individuels. Les cotisations étaient payées "plus ou moins régulièrement en fonction de la situation financière des associations".

 

20. Les statuts de la FAQH en vigueur au moment du dépôt du recours comportent un article 4 intitulé "organisation", ainsi libellé : "La Fédération est constituée des associations de quartiers et d'habitants représentées par 3 délégué-es par association. Ces derniers constituent l'assemblée des délégués. Chaque délégué-e dispose d'une voix. La réunion des membres individuels dispose d'une voix. Le secrétariat est composé de trois membres élus par l'assemblée des délégués. Le secrétariat est responsable de ses activités devant l'assemblée des délégués. Il représente la Fédération entre les séances. En cas de besoin, l'assemblée des délégués peut convoquer une assemblée générale de la Fédération".

 

EN DROIT

 

 

1. Les trois procédures (A/307/2002, A/308/2002 et A/309/2002 TPE) se rapportant au même complexe de faits, elles seront jointes en une seule cause (art. 70 alinéa 1 LPA).

 

2. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont à cet égard recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

 

3. L'unique question soulevée par les présents recours porte sur la qualité pour agir des recourants en première instance devant la commission de recours, qualité qui leur a été refusée à tous.

 

4. Selon l'article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

 

5. L'article 60 lettre b LPA a la même portée que l'article 103 lettre a OJF (ATA B. et S. du 14 mai 2002 et jurisprudences citées). Ainsi, le recourant doit être touché par le projet litigieux dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés (ATF A. du 21 mai 2001) et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut encore que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire qu'elle soit propre à empêcher un dommage matériel ou idéal (ATF C. du 16 avril 2002; Isabelle ROMY, Les droits de recours administratif des particuliers et des organisations en matière de protection de l'environnement in URP 2001, p. 248, not. 252 et TANQUEREL et ZIMMERMANN, Les recours, in C.A. MORAND, Droit de l'environnement: mise en oeuvre et coordination, 1992, p. 117 ss).

 

6. L'Hôtel Eden fonde sa qualité pour agir sur une jurisprudence du Tribunal de céans (ATA du 13 avril 1988 en la cause Société Trains Tours S.A.; ATA P. S.A. du 21 novembre 1995) qui indique que l'exigence de la signature à deux est une garantie de droit privé qui ne saurait être évoquée dans la procédure administrative.

 

La jurisprudence précitée doit être abandonnée. Une personne morale doit s'exprimer par la voie de ses organes, qu'elle agisse en procédure administrative ou en procédure civile. Aussi, la qualité pour agir de l'Hôtel Eden doit être déniée, dès lors qu'il a recouru sous l'unique plume de son directeur, lequel n'avait pas la signature individuelle.

 

En conséquence, la décision de la commission sera confirmée.

 

7. En matière de police des constructions, les voisins peuvent également recourir. Toutefois, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir contre des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA C.C.C.C.D. du 15 janvier 2002; S. du 27 juin 2000; B. -M. du 31 mars 1998).

 

8. Selon la jurisprudence, pour qu'un voisin soit touché plus que quiconque, la réalisation du projet litigieux doit lui causer personnellement un préjudice de fait en raison, par exemple, des nuisances provoquées par l'exploitation (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400). Concernant les immissions, elles doivent présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi, un accroissement du trafic sur une route déjà très fréquentée aussi bien par les habitants du voisinage que par des usagers étrangers à la commune, doit entraîner pour le recourant des inconvénients qui le touchent directement et plus que quiconque.

 

9. M. Sanchez-Mazas, Mme Vegezzi et Mme Bonvin habitent au 10, avenue Blanc. Cette avenue est perpendiculaire à l'avenue de France avec laquelle elle forme une intersection à angle droit. Le projet de construction de Serono se trouve au nord de l'avenue de France, tandis que l'habitation des trois recourants précités se trouve sur le territoire situé au sud de l'avenue de France, et plus précisément à quelque 200 mètres de l'intersection formée par l'avenue Blanc et l'avenue de France. Ces 200 mètres sont occupés par plusieurs constructions, dont une école. Les trois recourants susmentionnés habitent donc à une certaine distance du projet litigieux et ils sont séparés des futures constructions en particulier par l'importante voie que forme l'avenue de France. Dès lors qu'ils ne sont pas voisins directs des constructions projetées, ils sont dépourvus de tout intérêt direct et spécial à recourir.

 

C'est donc à juste titre que la commission de recours a déclaré le recours irrecevable, les personnes susmentionnées n'ayant pas la qualité de voisins.

 

Il en découle que le recours des trois recourants précités, habitant au 10, avenue Blanc, verront leur recours rejeté.

 

10. M. De Pascali habite au 50, avenue Blanc, dans un bâtiment contigu à celui occupé par l'Hôtel Eden. Il est un voisin direct du projet. Il est le seul des habitants du 50, avenue Blanc à avoir recouru. Cependant, son nom ne figure pas sur l'acte de recours, et il ne l'a pas signé non plus de sorte que son recours devant le tribunal de céans sera déclaré irrecevable.

 

11. Quant aux recourants locataires du 14, avenue de Sécheron, dont la destruction de l'immeuble est prévue par le projet, ils soutiennent avoir tous la qualité de locataire, dès lors qu'ils ont contesté la résiliation de leurs congés respectifs et que la procédure est pendante devant le tribunal des baux et loyers, après une conciliation qui leur a reconnu cette qualité.

 

Ils soutiennent encore avoir un intérêt pratique à l'admission de leur recours, car en cas d'annulation de l'autorisation, cette décision rendra alors caduque la résiliation des baux.

 

12. Il est inutile de s'intéresser aux arguments de fond des recourants dans l'examen de leur qualité pour agir. Comme l'a à juste titre exposé la commission, quoi qu'il advienne du sort de l'autorisation, et par conséquent, que le projet de construction se réalise ou non, les locataires ne seront de toute façon pas touchés par la décision adoptée. En effet, dans l'hypothèse où leurs baux seraient maintenus, le projet ne pouvant aboutir, ils n'auraient ainsi plus d'intérêt à recourir. Il en irait de même si leur congé était confirmé, car dans ce cas, le projet serait en mesure d'arriver à terme, et les recourants ne seraient alors plus concernés par les constructions litigieuses n'étant plus personnellement locataires. Donc, quelle que soit l'hypothèse retenue, les locataires n'ont aucun intérêt personnel digne de protection à recourir contre cette autorisation.

 

L'autorisation réserve justement les droits des tiers au cas où ceux-ci se verraient accorder le maintien de leurs baux, situation qui rendrait l'autorisation sans objet.

 

Par conséquent, la décision de la commission doit être confirmée sur ce point.

 

13. S'agissant de la qualité pour agir d'une association, elle peut recourir soit pour la défense des intérêts de ses membres, si ses statuts prévoient un tel but et si un grand nombre de ses membres ont eux-mêmes la qualité pour agir, soit pour la défense de ses propres intérêts (ATF 121 II 39 consid. 2d/aa p. 46; 120 Ib 59 consid. 1a p. 61; 119 Ib 374 consid. 2a/aa p. 376; ATA APV du 23 septembre 1997). L'association en cause doit encore posséder la personnalité juridique (ATF 114 Ia 456; 104 Ib 318).

14. Ont qualité pour recourir, selon l'article 145 alinéa 3 LCI, disposition applicable notamment en matière de recours contre les autorisations de construire, les associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites.

15. La FAQH soutient que la qualité pour agir lui a déjà été reconnue par le tribunal de céans (ATA FAQH, ATE, ATE section Genève, SPE, WWF Suisse, WWF du 19 juin 2001) dans le cadre de l'application de l'article 35 alinéa 3 LALAT, au contenu identique à l'article 145 alinéa 3 LCI. Le litige portait sur la fixation des degrés de sensibilité au bruit de l'ensemble du canton de Genève.

 

La jurisprudence précitée n'est pas déterminante. La qualité pour agir était de toute façon acquise pour d'autres associations, telles que le WWF, l'ATE et la SPE, de même que pour leurs associations faîtières. La qualité pour agir a donc été accordée "en bloc" aux six associations concernées, sans que la FAQH ait fait l'objet d'un examen particulier.

16. Le tribunal constate tout d'abord que l'organisation de la FAQH, telle qu'elle ressort de son article 4, manque de clarté. Il n'est fait nulle part mention d'une assemblée générale comme organe de l'association, celle-ci se confondant avec l'assemblée des délégués. Selon la dernière phrase de cet article 4, il semble que les deux assemblées coexistent, mais il n'est indiqué nulle part quelles sont les compétences précises de chacune de ces assemblées, ni la manière dont elles sont convoquées, pas plus que le rythme auquel elles se réunissent. Selon la deuxième phrase de cet article 4, l'assemblée des délégués devrait être formée par trois délégué-es par association.

 

Toujours est-il que les quelques procès-verbaux fournis par la FAQH, intitulés parfois réunions, ou encore par assemblées générales statutaires, sont la plupart du temps fréquentées par un minimum de participants. Il s'agit en général des trois secrétaires formant le comité plus une ou deux autres personnes représentant leurs associations respectives, la FAQH ne comportant, d'après la liste des membres qu'elle a produit, aucun membre individuel.

 

La convocation à ces "réunions" est d'ailleurs adressée non seulement aux membres, mais à toutes personnes intéressées, ce qui permet de penser que les assemblées en question manquent totalement de formalisme, et sont ouvertes à tout un chacun qui s'intéresse à la chose publique. Les documents que la FAQH a fournis au tribunal, à la demande de celui-ci, démontrent que les décisions et le fonctionnement de l'association sont prises par une poignée d'individus, pratiquement toujours les mêmes, constitués des trois secrétaires du comité, et que la grande majorité des membres constituant cette association manifestent un total désintérêt envers leur association. Preuve en est que les cotisations sont payées plus ou moins régulièrement. Le fait encore que les procès-verbaux des réunions de la FAQH ne mentionnent pas la nomination de son comité témoigne d'une vie associative quelque peu folklorique.

 

Le Tribunal administratif a déjà eu l'occasion de relever que la qualité pour agir d'une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convenait de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d'existence des associations, par rapport à ses membres et à ses buts statutaires, étaient réalisées, notamment si la décision d'ester en justice avait bien été prise par l'organe statutaire compétent (RDAF 1992 p. 188 ss).

 

Force est de constater dans le cas d'espèce que ces conditions ne sont pas réalisées. L'organisation de la FAQH est des plus floues, et elle permet à une poignée d'individus de prendre les décisions importantes. Dès lors doit-on admettre que la FAQH ne correspond pas ou plus à une association d'importance cantonale, au sens de l'article 145, alinéa 3 LCI, par laquelle elle pourrait avoir la qualité pour agir.

 

Dans ces conditions, c'est à juste titre que la commission de recours a estimé que la FAQH n'avait pas la qualité pour recourir.

 

17. L'ASLOCA soutient que ses statuts visent notamment la défense des intérêts de ses membres. Ces derniers ayant eux-mêmes la qualité pour agir, l'association doit se voir reconnaître cette qualité.

 

a. En l'espèce, le tribunal de céans n'ayant pas reconnu la qualité pour agir des locataires, celle de l'ASLOCA dans l'intérêt de ses membres fait par conséquent également défaut.

 

b. Quant à la qualité pour recourir de l'ASLOCA en vue de la défense de ses propres intérêts, il n'est pas contesté qu'elle est une association d'importance cantonale, constituée depuis plus de trois ans.

 

Aux termes de ses statuts, l'association a notamment pour but la défense des locataires et de leur garantir le maintien et si possible le développement de logements sociaux et de logements conservant des prix et loyers abordables pour l'ensemble de la population.

 

Si l'on peut admettre que le but de l'ASLOCA peut toucher de près ou de loin à des questions d'aménagement du territoire, il n'en demeure pas moins que la recourante n'a pas d'intérêt digne de protection à voir le projet annulé.

 

En effet, elle se prévaut, par l'intermédiaire de ses membres, de problèmes d'affectation, soutenant que le projet ne se destine pas à des activités propres à une zone industrielle, en tant qu'il prévoit des activités relevant essentiellement du secteur tertiaire. Elle estime encore que l'adoption d'un plan localisé de quartier s'imposait, et qu'en procédant par la voie de l'autorisation préalable, cela revenait à supprimer l'enquête publique. Ainsi, les questions des voies de communication et des places de parcage auraient dues être traitées par un tel plan. Elle relève encore l'absence d'étude d'impact qui serait un obstacle à la délivrance d'une autorisation. Or, si l'on examine ces arguments, ils se rapportent à des questions d'ordre général, sur le déroulement de la procédure d'autorisation, non pas à des questions touchant l'ASLOCA en tant que telle ni même les intérêts qu'elle défend. Elle n'expose pas du tout en quoi elle serait directement et spécialement touchées par le projet permettant de fonder sa qualité pour agir. Au contraire, sa démonstration relève de l'action populaire, ne démontrant pas du tout en quoi elle serait touchée plus que quiconque.

Au surplus, si la qualité pour recourir de l'ASLOCA en matière de loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitations du 27 janvier 1996 (L 5 20) se justifie pleinement, compte tenu du but même de cette loi qui vise à la préservation de l'habitat, il ne saurait en être de même en matière d'aménagement du territoire.

 

Par conséquent, l'ASLOCA doit se voir refuser la qualité pour agir et la décision de la commission doit être confirmée sur ce point.

 

18. L'AEASIS soutient avoir la qualité pour agir dès lors qu'elle fait valoir les intérêts de ses membres, qu'un grand nombre d'entre eux sont lésés, qu'ils ont eux-mêmes la qualité pour agir et que ses statuts le lui permettent.

 

a. En l'espèce, à l'instar de l'ASLOCA, la qualité pour agir de l'AEASIS fait défaut, les locataires n'ayant pas la qualité pour agir.

 

b. Quant à la qualité pour recourir de l'AEASIS en vue de la défense de ses propres intérêts, les pièces du dossier démontrent que l'association a été constituée le 25 octobre 2000, soit il y a moins de trois ans. Elle ne saurait être reconnue comme association d'importance cantonale car ne peut être membre qu'une personne physique ou morale exerçant une activité sur le site industriel de Sécheron (article 5 statuts). Les conditions alternatives de l'article 145 alinéa 3 LCI n'étant pas remplies, l'association n'a pas non plus qualité pour agir pour la défense de ses propres intérêts. Au surplus, elle n'a pas prouvé quels intérêts propres seraient touchés fondant sa qualité pour agir.

 

La décision de la commission doit être confirmée sur ce point.

 

19. ASSOCIATION ALIAS COMPAGNIE est une compagnie de danse contemporaine, constituée en association à but non lucratif, domiciliée au 14, avenue de Sécheron. Elle soutient avoir la qualité pour agir en raison du fait qu'elle serait touchée dans ses intérêts de fait.

 

En l'espèce, faute de statuts écrits, l'association ne saurait remplir les exigences de l'article 60 alinéa 1 et 2 CCS, elle n'a donc pas la personnalité juridique. Dès lors, elle n'a pas la qualité pour recourir en son propre nom.

 

20. La décision de la commission doit être confirmée sur ce point.

 

21. Tous les recours seront donc rejetés.

 

22. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge des recourants qui succombent, pris conjointement et solidairement entre eux.

 

23. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à Serono International S.A.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

préalablement:

 

joint les procédures A/307/2002, A/308/2002 et A/309/2002 TPE;

 

à la forme :

 

déclare irrecevable le recours de M. Luigi de Pascali;

 

déclare recevables les recours déposés par Hôtel Eden S.A., Association genevoise de défense des locataires, Association des entreprises et artisans du site industriel de Sécheron, Fédération des associations de quartiers et d'habitants, M. Pedro Sanchez-Mazas, Mme Giovanna Vegezzi, Mme Patricia Bonvin, M. Christian Rogier et Blanc Presse Sàrl, M. Bernard Raffeau; M. Bruno Martinelli, PF Reliure, Gilles Urben, Association Alias Compagnie, Garage Alexandre Grunig, Boulangerie P. Keller, M. Salvatore Lombardo, M. Paul Felder, Garage Ichaso, Chantier Naval AP Entreprise et M. Michael Osman contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 25 février 2002.

 

au fond :

les rejette;

 

confirme la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 25 février 2002;

 

met à la charge de Hôtel Eden S.A., Association suisse des locataires, Fédération des associations de quartiers et d'habitants, M. Pedro Sanchez-Mazas, Mme Giovanna Vegezzi, Mme Patricia Bonvin, M. Christian Rogier et Blanc Presse Sàrl, M. Bernard Raffeau, M. Bruno Martinelli, PF Reliure, M. Gilles Urben, Association Alias Compagnie, Garage Alexandre Grunig, Boulangerie P. Keller, M. Salvatore Lombardo, M. Paul Felder, Garage Ichaso, Chantier Naval AP Entreprise et M. Michael Osman, Association des entreprises et des artisans du site industriel de Sécheron, conjointement et solidairement, un émolument de CHF 3'000.-;

 

alloue à Serono International S.A. une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de Hôtel Eden S.A., Association suisse des locataires, Fédération des associations de quartiers et d'habitants, M. Pedro Sanchez-Mazas, Mme Giovanna Vegezzi, Mme Patricia Bonvin, M. Christian Rogier et Blanc Presse Sàrl, M. Bernard Raffeau; M. Bruno Martinelli, PF Reliure, M. Gilles Urben, Association Alias Compagnie, Garage Alexandre Grunig, Boulangerie P. Keller, M. Salvatore Lombardo, M. Paul Felder, Garage Ichaso, Chantier Naval AP Entreprise et M. Michael Osman et Association des entreprises et des artisans du site industriel de Sécheron, pris conjointement et solidairement;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Me Patrick Blaser, avocat de Hôtel Eden S.A., à la Fédération des associations des quartiers d'habitants, à M. Pedro Sanchez-Mazas, à Mme Giovanna Vegezzi, à Mme Patricia Bonvin, à M. Luigi de Pascali, à Me Carlo Sommaruga, avocat de l'Association genevoise de défense des locataires, Association des entreprises et des artisans du site industriel de Sécheron, M. Christian Rogier et Blanc Presse Sàrl, M. Bernard Raffeau, M. Bruno Martinelli, PF Reliure, M. Gilles Urben, Association Alias Compagnie, Garage Alexandre Grunig, Boulangerie P. Keller, M. Salvatore Lombardo, M. Paul Felder, Garage Ichaso, Chantier Naval AP Entreprise et M. Michael Osman, à Me Serge Fasel, avocat de Serono International S.A. et à Me François Bolsterli, avocat de la Compagnie de participation et développement foncier S.A., à la commission cantonale de recours en matière de constructions, et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le secrétaire-juriste : le vice-président :

 

O. Bindschedler F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

Mme M. Oranci