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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/622/2023

ATA/334/2023 du 31.03.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/622/2023-FPUBL ATA/334/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 31 mars 2023

sur effet suspensif

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE B______
représentée par Me François Bellanger, avocat



 

Attendu, en fait :

que par décision du 17 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commune de B______ (ci-après : la commune) a licencié Madame A______ pour le 30 avril 2023 (engagée le 1er octobre 2017 en qualité de C______ et nommée fonctionnaire le 1er octobre 2019) en raison de manquements graves ou des manquements répétés ou persistants dans le comportement, ainsi que du manque d’aptitude pour effectuer l’ensemble de la mission sans amélioration dans le temps et une absence à temps complet ou partiel depuis la mi-octobre 2020, ce qui constituait une disparition durable d’un motif d’engagement ;

que Mme A______ a interjeté le 20 février 2023 un recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision et a conclu, à titre préalable, à la restitution de l’effet suspensif, et, au fond, à l’annulation de ladite décision et à ce que sa réintégration soit ordonnée, subsidiairement proposée et, en cas de refus, à la condamnation de la commune à lui payer une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut avec intérêts à 5 % dès le 17 janvier 2023 ;

qu’elle allègue au fond avoir toujours exercé ses fonctions à la pleine et entière satisfaction de ses employeurs ; qu’elle avait contracté le COVID 19 en octobre 2020 et avait été gravement atteinte par cette maladie ; que malgré les conséquences de cette maladie, elle avait tout mis en œuvre pour œuvrer au maximum de ses capacités, reprenant le travail à temps partiel dès le 16 novembre 2020 ; que les seules mesures de soutien dont elle avait bénéficié s’étaient limitées au coaching et à la clinique du travail, soit des démarches usuelles découlant des obligations de l’employeur ; que le licenciement intervenait alors qu’elle était malade et que certains symptômes du COVID long persistaient; qu’elle avait fait l’objet de harcèlement pendant cette période de détresse, à savoir avait subi des pressions psychologiques amplifiant ses souffrances ; que ces pressions s’étaient manifestées par de nombreux appels en dehors de ses heures de travail et par des sollicitations explicites et implicites à assumer de nouvelles tâches ; que l’effet suspensif devait être prononcé dès lors que la commune n’alléguait pas quel intérêt prépondérant justifierait de le retirer, alors qu’à l’inverse, la décision attaquée la priverait de tout revenu à partir du 1er mai 2023 ;

que la commune, par « mémoire réponse sur demande d’effet suspensif » du 10 mars 2023 tenant sur 85 pages, abordant tous les griefs de la recourante, a relevé que celle-ci n’avait aucunement démontré en quoi consisterait son préjudice irréparable, le fait qu’elle soit privée de ses revenus dès le 1er mai 2023 n’en étant pas un ; qu’elle cherchait en réalité à gagner du temps pendant toute la durée de la procédure, alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie depuis octobre 2020, de manière ininterrompue à 100 % ou à temps partiel et qu’elle n’avait repris son activité professionnelle sur site qu’à un taux de 30 % au maximum et parfois à 100 % en télétravail ; que cette situation était très problématique, dans la mesure où elle avait un poste stratégique, en tant que D______ de la E______, impliquant des échanges constants avec son supérieur hiérarchique ; que son intérêt privé à conserver ses revenus devait céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État ; que quand bien même elle ne soulevait pas cet argument, un dommage psychologique ou d’image ne suffisait pas pour permettre la restitution de l’effet suspensif ; que l’intérêt public de la commune était prépondérant par rapport à son intérêt privé ; qu’il était en effet établi, ce qui ressortait de sa décision, que l’attitude de Mme A______ avait indéniablement eu un impact négatif sur le bon fonctionnement de la E______ depuis mars 2021, sans aucune amélioration et surtout aucune perspective d’amélioration ; que s’y ajoutait l’impossibilité de pouvoir effectuer l’intégralité des tâches de son cahier des charges en raison de son incapacité de travail totale ou partielle, alors même qu’elle avait un rôle clé de soutien du responsable de la E______et de courroie de transmission à l’ensemble des collaborateurs ; que le lien de confiance était irrémédiablement rompu pour de multiples motifs, à savoir notamment son refus catégorique de suivre un coaching ou une médiation afin d’améliorer la collaboration avec son supérieur hiérarchique, son refus de collaboration et de coopération avec ce dernier, l’impossibilité d’effectuer l’entier de son cahier des charges, son refus de dialogue constructif lors de deux séances au printemps 2022 et son positionnement antagoniste depuis le 3 août 2022 en ne transmettant pas ses certificats médicaux selon les procédures prévues ;

qu’au terme d’une réplique sur effet suspensif du 27 mars 2023, Mme A______ a relevé qu’elle subissait un préjudice économique manifeste découlant de la suppression de son traitement à compter du 1er mai 2023 ; que dans la mesure où les chances de succès de son recours étaient manifestes, contrairement à ce qui était avancé par la commune, la restitution de l’effet suspensif se justifiait ; que l’accès aux échanges internes entre la commune et la clinique du travail était pertinent, puisqu’il permettrait de confirmer la volonté de la première d’instrumentaliser la démarche auprès de ladite clinique afin de la discréditer ; que l’absence de communication de ces échanges était constitutif d’une violation de son droit d’être entendue, de sorte que la décision devait être considérée comme nulle, voire sans effet ; que le principe de proportionnalité avait manifestement été violé au vu de la prise en compte d’épisodes mineurs sans égard aux circonstances de son cas ; que la commune n’avait pas apporté la preuve des démarches attendues d’elle afin de faire la lumière sur les atteintes à sa personnalité et à la discrimination fondée sur le sexe ; qu’il était par conséquent essentiel de restituer l’effet suspensif au recours au vu du caractère manifestement illicite de la décision attaquée ; qu’en cas d’admission du recours, la réintégration était obligatoire ; qu’elle demandait par la restitution de l’effet suspensif à titre temporaire ce qu’elle demandait à titre durable sur le fond, étant relevé que l’effet suspensif était la règle ; que sans restitution de celui-ci, c’était donc la commune qui obtiendrait ce à quoi elle avait conclu au fond ;

que les parties ont été informées, le 28 mars 2023, que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif ;

 

 

Considérant, en droit :

que l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020 prévoit que les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que, lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce, l’objet de la procédure consiste à déterminer si le licenciement est licite et fondé ;

qu’en tant que membre du personnel, la recourante est soumise au statut du personnel de la commune du 28 avril 2016 (LC 08 151 [ci-après : le statut]) ainsi qu'aux différents règlements de la commune concernant son personnel ;

que selon l’art. 110 al. 2 du statut, le conseil administratif (ci-après : CA) peut, lorsque la poursuite des rapports de travail n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'administration et sur la base de motifs objectifs avérés, résilier les rapports de travail en respectant le délai de résiliation prévu à l’art. 101 du statut ; qu’il peut, préalablement à la résiliation, proposer des mesures de développement et rechercher si un autre poste au sein de la commune correspond aux capacités de l'intéressé, notamment avec un changement de fonction. Selon l’al. 3, la poursuite des rapports de travail n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'administration notamment en cas de faits démontrant : la violation d’obligations légales ou statutaires (let. a), un manquement grave ou des manquements répétés ou persistants dans les prestations ou dans le comportement (let. b), des aptitudes ou capacités insuffisantes pour effectuer le travail confié au membre du personnel ou la mauvaise volonté de ce membre du personnel à accomplir ce travail. Lorsque deux évaluations successives mettent en évidence des prestations insuffisantes et qu'aucune amélioration majeure n'est constatée dans le temps qui aura été défini lors des évaluations, le CA peut considérer que les aptitudes ou capacités sont insuffisantes (let. c), la disparition durable d'un motif d'engagement, par exemple en cas de persistance d’une incapacité de travail partielle ou totale d’une durée de plus de deux ans (let. d) ;

que l'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités) ;

qu'en l'espèce, l’intérêt financier de la recourante à ce que le versement de son salaire soit maintenu, à compter du 1er mai 2023, pendant la procédure de recours, pourrait a priori être important, étant toutefois relevé qu’elle n’a nullement motivé ni étayé sa demande d’octroi d’effet suspensif sur ce point ;

qu'elle n’a ainsi pas rendu vraisemblable qu’en cas de refus de restituer l’effet suspensif, un possible revenu réalisé par un éventuel autre membre de son foyer, des indemnités de chômage ou des économies ne lui permettraient pas de subvenir à ses besoins pendant la durée de la procédure, face au déficit induit par la fin du versement de son salaire ;

que la recourante ne soutient ni a fortiori n’étaye avoir entrepris des démarches pour faire valoir son droit à des indemnités chômage ; le fait qu'elle pourrait être sanctionnée en raison des circonstances de la fin des relations de travail ne justifierait pas une éventuelle passivité ;

qu’ainsi, le risque de subir un dommage financier difficilement réparable que l’admission du recours ne pourrait réparer n’est pas rendu vraisemblable ;

que même s’il fallait admettre que la recourante ne dispose pas d’économies – ce qui n’est pas rendu vraisemblable –, de jurisprudence constante, l'intérêt public à la préservation des finances de l'entité publique intimée, qui serait alors exposée au risque que la recourante ne rembourse pas les traitements versés en cas de rejet de son recours, est important et prime l’intérêt financier de la recourante à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1043/2020 précité) ;

qu’il est rappelé que l’employeur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de prononcer une sanction ou le licenciement à la suite de manquements professionnels qu’il estime importants ;

qu’au regard des manquements reprochés à la recourante, que cette dernière conteste, le choix de l’autorité intimée de procéder à un licenciement avec effet au 30 avril 2023 n’apparaît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas d’emblée constituer un abus du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière ;

qu’ainsi, au vu de l’absence de préjudice difficilement réparable, du fait que les chances de succès du recours ne paraissent prima facie pas manifestes et de l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision de licenciement, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision dans l’arrêt au fond ;

que la valeur du litige excède les CHF 15'000.-.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la ville de B______.

 

Le vice-président :

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :