Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1095/2021

ATA/466/2021 du 28.04.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1095/2021-FPUBL ATA/466/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 avril 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Manuel Bolivar, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



Vu la décision du 22 février 2021 du Conseiller d'État en charge du département des infrastructures (ci-après : DI), déclarée exécutoire nonobstant recours, de résilier les rapports de service de Monsieur A______ avec effet au 31 mai 2021 ;

que cette décision est motivée par l'absence non excusée à partir du 12 mars 2020 de l'intéressé de son poste de travail jusqu'au 20 avril 2020 où l'avocat de ce dernier avait informé l'employeur de ce qu'il se trouvait en détention, que la procédure pénale pour usure dirigée contre M. A______ portait sur des baux signés par celui-ci pour des charges à hauteur de CHF 500'000.- par année, les appartements loués étant sous-loués à des conditions insalubres et inhumaines, ce que M. A______ devait savoir puisqu'il s'était rendu à plusieurs reprises dans ces appartements ; que par ailleurs, il devait à tout le moins se douter que des sous-locataires se trouvaient en situation illégale ; qu'il avait reconnu qu'il s'était souvent rendu dans les appartements pour encaisser les loyers ; qu'il avait fait état d'un bénéfice mensuel de CHF 20'000.- issu des sous-locations ; qu'au vu de l'amende pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) dont il avait fait l'objet dans le passé, il savait qu'il y avait un problème pénal dans les sous-locations ; qu'enfin, il n'y avait pas lieu d'attendre l'issue de la procédure pénale, dès lors qu'il avait reconnu les faits ; qu'au vu de la gravité de ceux-ci, il était renoncé à ouvrir une procédure de reclassement ;

vu le recours interjeté le 25 mars 2021 par M. A______ contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, concluant à l'annulation de celle-ci et, principalement, à sa réintégration ; subsidiairement, il a requis la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale, plus subsidiairement que sa réintégration soit proposée, avec ou sans reclassement, et à défaut une indemnité fixée ; à titre préalable, il a demandé la restitution de l'effet suspensif ;

qu'il a exposé que, nommé fonctionnaire le 1er juin 2017 auprès du DI où il avait été engagé en 2014 comme concepteur en informatique, il était prévenu d'usure et d'infraction à la LEI ; que l'instruction pénale était terminée et qu'il allait être renvoyé en jugement ; il n'avait commis aucune infraction dans le cadre de son activité professionnelle et n'avait utilisé aucune ressource ou information disponible dans ce cadre ; lorsque son avocat avait informé sa hiérarchie, le 6 avril 2020, de son absence de longue durée, celle-ci en avait déjà été informée par la police ; il avait immédiatement informé l'OCSIN de sa libération le 22 juillet 2020 ; il avait été libéré de son obligation de travail par arrêté du Conseil d'État du 29 octobre 2020 ;

que le caractère insalubre des appartements n'était pas démontré ; il contestait l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés dans la procédure pénale : il n'avait conclu aucun contrat de sous-location, ne s'était pas souvent rendu dans les appartements et ignorait les conditions des sous-locations ; son épouse s'était chargée de celles-ci ; il avait uniquement signé les contrats de bail principaux ; les reproches n'avaient aucun lien avec son activité professionnelle ; il n'avait exercé aucune activité indépendante parallèlement à son travail pour l'OCSIN ; la société B______, dont il était propriétaire avec son épouse, n'avait déployé aucune activité ; enfin, la décision querellée ne comportait pas de motivation relative à son caractère immédiatement exécutoire ;

dès lors qu'il n'avait pas réintégré sa place de travail depuis sa sortie de prison et avait ainsi été remplacé, la restitution de l'effet suspensif n'aurait aucune incidence sur le bon fonctionnement du service ; le caractère immédiatement exécutoire de la décision le plaçait dans une situation « de grande indigence » ; il ne pouvait prétendre aux indemnités de chômage, risquant une suspension de celles-ci pouvant aller jusqu'à 60 jours ; étant propriétaire de son immeuble, il ne pouvait bénéficier de l'aide sociale ; enfin, ses biens immobiliers et ceux de son épouse avaient été séquestrés ; ils garantissaient toutefois la possibilité de rembourser les traitements qui seraient versés durant la procédure administrative ; partant, ses intérêts privés à la restitution de l'effet suspensif l'emportaient sur l'intérêt public à l'exécution immédiate de la décision ;

que le DI a conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif ; M. A______ ne s'était pas présenté à son poste de travail au retour de ses vacances le 12 mars 2020 ; ne recevant pas de réponses à ses messages, son supérieur s'était rendu à son domicile, dans lequel il n'avait pas pu entrer ; la police qu'il avait contactée lui avait dit que l'employé était en vie et en bonne santé et reprendrait contact avec lui dès que possible ; l'avocat du recourant avait informé le DI le 6 avril 2020 que son client n'était pas en mesure de se mettre en rapport avec le DI ; ce n'était que le 20 avril 2020 que l'avocat avait indiqué que son client était en détention ; le DI avait pu consulter le dossier pénal le 20 novembre 2020, dont il ressortait que M. A______ avait sous-loué une trentaine d'appartements à des personnes sans papiers, les faisant vivre dans de mauvaises conditions et en louant des chambres à des prix prohibitifs permettant la réalisation de substantiels bénéfices ; il avait déjà fait l'objet d'une procédure pénale pour des faits analogues en 2014 ; M. A______ avait expliqué que son épouse et lui étaient propriétaires de deux appartements et trois maisons à Genève, d'une maison à Berne et d'une maison en Thurgovie ; dans sa déclaration fiscale 2017, il avait indiqué un salaire annuel brut de CHF 154'989.-, une activité d'indépendant dans sa propre entreprise de services informatiques, qu'il habitait à l'étranger et était au bénéfice d'un statut de « quasi-résident » et que le produit de la sous-location n'était pas bénéficiaire ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a relevé qu'il avait été détenu quatre mois et non cinq, comme l'indiquait l'intimé, qu'il était titulaire de certains et non de tous les baux et n'avait conclu aucun contrat de sous-location, qu'il ignorait le statut administratif des sous-locataires et les conditions de leurs baux ; qu'il ne demandait, sur effet suspensif, pas à reprendre son activité, mais à être réintégré ; qu'il ne pouvait en l'état obtenir une décision de l'assurance-chômage, la présente procédure visant à déterminer le bienfondé de la décision de licenciement étant en cours ; que ses avoirs avaient été bloqués dans la procédure pénale ; qu'il s'engageait à solliciter, dès que possible, les indemnités chômage ou l'aide sociale et concluait, à titre subsidiaire, à ce que l'effet suspensif soit restitué jusqu'à l'ouverture du droit aux indemnités chômage ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in
RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce, le recourant fait valoir que la restitution de l'effet suspensif le placerait dans la situation prévalant avant son licenciement, à savoir celle où il percevait son salaire, mais était libéré de son obligation de travailler ;

qu'il soutient à cet égard que la suppression du versement de son salaire résultant de son licenciement avec effet au 31 mai 2021 l'exposerait à une situation financière difficile ;

qu'il convient en premier lieu de relever que la réintégration sollicitée à titre provisionnel se confond avec ce que réclame le recourant au fond, ce qui n'apparaît, a priori, pas possible au regard de la jurisprudence précitée ;

que, quelle que soit la qualification de la requête formée par le recourant (restitution de l'effet suspensif au sens strict ou une mesure provisionnelle), celui-ci ne rend vraisemblable ni l'urgence à prononcer les mesures requises ni l'existence d'un préjudice difficilement réparable ;

qu'en effet, bien qu'il soit vraisemblable qu'au vu de son licenciement pour faute le recourant subisse une suspension de son droit aux indemnités de chômage (art. 30 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 - loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0), il n'allègue pas ni a fortiori ne rend vraisemblable qu'il aurait entrepris les démarches nécessaires en vue d'obtenir une décision de l'assurance-chômage ou qu'il aurait fait valoir en vain ses droit au regard des art. 8 et suivants de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20), qui prévoient des prestations en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail ;

qu'il n'allègue pas non plus qu'il n'aurait pas pu bénéficier des salaires perçus après le prononcé du séquestre pénal ni ne fait état de ses charges et des revenus de son épouse réalisés après le séquestre, étant relevé que l'ordonnance de séquestre produite, du 4 novembre 2020, comporte uniquement la restriction du droit d'aliéner les immeubles dont le couple est propriétaire ;

qu'au regard de ces éléments, le recourant ne rend pas vraisemblable que le rejet de sa requête l'exposerait à un préjudice difficilement réparable ;

que, par ailleurs, en tant qu'il soutient que s'il devait succomber dans le présent recours, ses avoirs séquestrés lui permettraient de rembourser les traitements versés sans fondement par l'État de Genève durant la présente procédure, il perd de vue que les avoirs séquestrés sont destinés à couvrir la créance compensatrice ;

qu'ainsi, l'intérêt public à la préservation des finances de l'entité publique intimée, au vu de l'incertitude de la capacité du recourant à rembourser les mois de traitement qu'il aurait, en cas de rejet de son recours, perçus à tort, est important et prime son intérêt financier à percevoir son salaire pendant la durée de la procédure (ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020; ATA/303/2020 précité ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019);

que, pour le surplus, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules l'octroi de la requête, ce que le recourant ne fait d'ailleurs pas valoir ;

qu'au vu de ce qui précède, la requête en réintégration, respectivement à la restitution de l'effet suspensif jusqu'à l'ouverture de son droit aux indemnités chômage sera rejetée ;

qu'il sera statué sur les frais du présent incident avec la décision au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Manuel Bolivar, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État, soit pour lui l'office du personnel.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :