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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/91/2022

ATA/179/2022 du 21.02.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/91/2022-FPUBL ATA/179/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 21 février 2022

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI

 



Considérant en fait :

vu la décision de la Conseillère d’État en charge du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) notifiée le 22 décembre 2021 à Mme A______, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle la première modifie la situation de la seconde à compter du 1er janvier 2022 et l’affecte à la fonction de B______ à 100 % (5.09.014/9E) auprès de C______, fonction colloquée en classe 16, avec un traitement annuel brut de CHF 92'067.- équivalant à une classe 15 annuité 05 ; que cette décision faisait suite à l’arrêt ATA/715/2021 du 6 juillet 2021 par lequel la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait annulé la décision de révocation prononcée le 14 octobre 2020 et ordonné sa réintégration dans un poste correspondant à sa formation et aux années d’expérience acquises au 14 octobre 2020 ; qu’elle s’était opposée le 25 novembre 2021 à ce changement d’affectation sans pour autant proposer d’autres postes envisageables ; que le poste correspondait à sa formation et aux années d’expérience acquises ; que le manque de formation relatif à son poste précédent de D______ avait été établi durant la procédure et constaté par la chambre administrative, de sorte que sa réintégration dans ce dernier n’était pas envisageable ; qu’elle était titulaire d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’employée de commerce et disposait de nombreuses années d’expérience dans la filière E______ ; que sa réintégration dans un poste de D______ n’était par ailleurs pas envisageables dans la mesure où le lien de confiance nécessaire au bon exercice de l’activité ne pouvait plus être établi ; que le poste de D______ qu’elle occupait auparavant avait été repourvu ; que la diminution du traitement correspondait au nouveau poste, lequel était conforme à l’arrêt de la chambre administrative ; qu’un code complémentaire 9E lui serait appliqué jusqu’à l’obtention du brevet fédéral de spécialiste en ressources humaines, dont l’obtention ne pouvait être palliée par les années d’expérience acquises dans le poste et dont la formation serait prise en charge par le département ; qu’il existait enfin un intérêt manifeste à son entrée en fonction immédiate sans attendre l’issue d’un éventuel recours afin de rendre concrète la réintégration, étant précisé qu’elle n’avait plus exercé d’activité au service de l’État depuis le 11 novembre 2019 et qu’elle avait exprimé le souhait de pouvoir reprendre rapidement le travail ;

vu le recours interjeté le 12 janvier 2022 par Mme A______ auprès de la chambre administrative contre cette décision ; qu’elle avait suivi d’août 2004 à juillet 2005 la formation pour l’obtention du brevet E______, soit quarante jours de cours, qu’elle avait passé l’examen écrit mais n’avait pu présenter l’examen oral et que sa directrice d’alors avait estimé que le diplôme n’était pas nécessaire à l’exercice de sa fonction compte tenu de son expérience ; qu’en vue de sa promotion à une fonction de cadre supérieur un plan de formation sur cinq ans avait été établi ; qu’elle avait été promue le 1er janvier 2014 D______ en classe 23, ce qui lui conférait le statut de cadre supérieur ; qu’elle avait le 14 octobre 2021 un traitement en classe 23 annuité 10 lui donnant droit à un traitement mensuel brut de CHF 11'303.80 versé treize fois l’an ; que l’annulation de sa révocation avait pour conséquence sa réintégration obligatoire avec effet ex tunc ; que le département n’avait entrepris aucune mesure pour se conformer à l’arrêt de la chambre administrative mais avait au contraire tenté de la convaincre d’accepter une solution aussi injuste qu’injustifiable ; qu’elle avait dû mettre le département en demeure de lui payer le rétroactif de salaire et les dépens octroyés par l’arrêt du 6 juillet 2021 ; qu’avec la fin de son droit au chômage le 31 décembre 2021, elle n’avait plus aucun revenu et trois enfants à charge ; que le poste qu’on lui proposait n’était ni envisageable ni conforme à l’arrêt du 6 juillet 2021 ; que le 15 décembre 2021, le Conseil d’État lui avait infligé la sanction du retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée de deux ans ; que le 23 décembre 2021, le département lui avait encore fait tenir un calcul erroné du rétroactif de salaire dû, ainsi qu’un refus d’entrée en matière sur sa demande de remboursement des formations qu’elle avait effectuées durant sa suspension au motif qu’elles n’avaient pas été annoncées préalablement à sa hiérarchie ; qu’elle avait entrepris et terminé durant sa suspension une formation de CAS en « violences plurielles » et une formation de CAS en « leadership et GRH publics » ; que l’attitude du département l’avait placée dans une situation financière précaire qui remettait en cause sa solvabilité à moyen et court terme et impliquait une réorganisation incompatible avec le caractère subit du changement imposé ;

que sur le fond la décision attaquée devait être annulée dès lors qu’elle violait : l’art. 31 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ; le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, ce qui constituait un déni de justice ; le principe de la légalité garanti par l’art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et de l’interdiction des sanctions déguisées ; le principe ne bis in idem ; les « règles de procédure et notamment l’art. 12 LPAC » ; le principe de la bonne foi y compris sous l’angle de la validation pour cause d’erreur ou de tromperie ; l’interdiction de l’arbitraire ;

qu’à titre préalable l’effet suspensif au recours devait être restitué ; qu’elle avait un intérêt financier prépondérant à ce que la décision soit suspendue pendant le traitement du recours ; que la jurisprudence relative à la préservation des intérêts financiers de l’État était inopérante, ce dernier lui étant redevable de sommes autrement plus importantes au titre des arriérés de salaire et pouvant, en cas de rejet du recours, compenser les éventuels surplus de traitement servis dans l’intervalle avec son traitement en cours ; que la décision était de surcroît particulièrement humiliante, car elle la contraignait à retourner après deux ans d’absence auprès du même office mais à une fonction nettement inférieure sur le plan hiérarchique, pour laquelle elle faisait précédemment passer des entretiens d’embauche, ce qui porterait atteinte tant à sa réputation qu’à son estime personnelle de manière irréparable ;

que le 24 janvier 2022, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; que celle-ci, en tant qu’elle visait à faire obstacle au changement d’affectation, visait à obtenir exactement la mesure demandée au fond ; qu’en l’espèce l’arrêt ATA/715/2021 avait imposé la réintégration dans un poste correspondant la formation et aux années d’expérience acquises par la recourante au 14 octobre 2020 ; que la chambre administrative avait établi dans le même arrêt que la recourante n’avait jamais acquis la formation exigée dans sa fonction précédente D______ ; que l’on ne pouvait reprocher au département de vouloir rétablir une situation conforme au droit ; que le recours était dénué de chances de succès ; qu’il existait un intérêt manifeste à occuper la recourante sans attendre, étant précisé qu’elle avait elle-même exprimé le souhait de pouvoir reprendre rapidement le travail ; qu’il existait pareillement un intérêt à aligner immédiatement sa rémunération sur sa nouvelle affectation, sans quoi des sommes importantes devraient être remboursées en cas de rejet du recours ; la nouvelle affectation ne constituait pas une atteinte irréparable à la réputation, étant précisé qu’une décision finale favorable serait quoi qu’il en soit de nature à réparer une telle atteinte ;

que le 7 février 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions sur mesures provisionnelles ; que la restitution de l’effet suspensif visait à maintenir le statu quo et que le département ne pouvait arguer d’une quelconque urgence à faire appliquer sa décision à la veille des fêtes de fin d’année, de sorte que le retrait de l’effet suspensif était contraire à la bonne foi ; que la restitution de l’effet suspensif n’aurait pas pour effet de la laisser sans occupation, le département restant libre et tenu de la réintégrer dans son poste de D______ respectivement de lui fournir un poste analogue comportant une rémunération identique ; qu’à cet égard le département n’alléguait pas qu’aucun poste de D______ ne serait disponible ; qu’elle avait exprimé le souhait de pouvoir rapidement reprendre son poste précédent ou un poste de classification et rémunération identiques ;

que le 9 février 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

que le 17 février 2022, la recourante a informé la chambre administrative qu’en date du 16 février 2022 C______ (ci-après : C______) avait annulé son dossier de demandeuse d’emploi et réitéré qu’en cas de refus de restituer l’effet suspensif elle encourrait un préjudice irréparable, notamment sous l’angle financier ;

Considérant, en droit :

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’en l’espèce il n’est pas contesté que la nouvelle affectation de la recourante constitue une décision (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_8/2020 du 6 juillet 2021 consid. 5.3 et les références citées), ni que celle-ci exécute l’arrêt ATA/715/2021 rendu par la chambre de céans le 6 juillet 2021 ;

que les parties divergent sur la portée de l’ATA/715/2021 mais non sur l’obligation pour le département de l’exécuter ; que tant le département que la recourante souhaitent que cette dernière reprenne le travail, mais se divisent sur la fonction et le traitement devant lui être assignés ;

que la recourante fait valoir le préjudice financier que lui causerait la baisse de salaire consécutive à la réaffectation ; que ce préjudice ne se réaliserait toutefois que si elle devait voir son recours rejeté au fond ; que dans l’immédiat et indépendamment de la réalité de la menace d’insolvabilité qu’elle allègue, la recourante est actuellement sans activité et sans salaire et aurait épuisé son droit aux indemnité pour chômage ; que ses prétentions en paiement ne sont par ailleurs pas encore jugées ; qu’ainsi l’exécution immédiate de la décision querellée aurait pour effet de lui procurer un revenu ; qu’en cas de rejet de son recours au fond ce revenu lui resterait acquis, tandis qu’en cas de succès, elle pourrait éventuellement prétendre à un traitement plus élevé correspondant à la nouvelle fonction à laquelle elle serait cas échéant affectée ; qu’ainsi, prima facie, et sans préjudice de l’examen du fond du litige, la recourante possède un intérêt financier à l’exécution immédiate de la décision ;

que la recourante fait toutefois valoir que l’entrée en fonction dans une position inférieure dans le même service lui causerait un préjudice irréparable ; qu’elle ne saurait, à ce stade de la procédure, soit uniquement sous l’angle de l’examen de la restitution de l’effet suspensif et au degré de vraisemblance des faits, être suivie ; qu’en effet, à l’instar de la jurisprudence constante en matière de libération de l’obligation de travailler, s'agissant de l'atteinte à la réputation et à l'avenir professionnel, la décision querellée n’est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu'une décision finale entièrement favorable à la recourante permettrait de la réparer (ATA/1164/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b ; ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 5) ;

que pour le surplus la mise en balance de l’intérêt financier de l’État n’entre pas en ligne de compte, pour le motif, différent de celui mis en avant par la recourante, qu’il n’est à ce stade pas possible d’affirmer qu’une éventuelle admission du recours au fond ferait forcément naître une créance de la recourante contre l’État et que la recourante ne réclame pas dans le présente procédure le traitement afférent à son ancienne fonction ;

qu’enfin, compte tenu du dernier paragraphe du considérant 16 de l’arrêt ATA/715/2021 précité, ordonnant la réintégration de la recourante « dans un poste correspondant à sa formation et aux années d’expérience acquises au 14 octobre 2020 », et vu les divergences des parties quant à la portée à accorder à cette injonction et la nécessité d’instruire ces éléments, il ne peut être retenu à ce stade que les chances de succès du recours paraîtraient à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules l'octroi de l’effet suspensif ;

que, partant, la requête sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles formée par Mme A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 22 décembre 2021 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'économie et de l'emploi.

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :