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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3894/2020

ATA/1036/2021 du 05.10.2021 sur JTAPI/594/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3894/2020-PE ATA/1036/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 octobre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Enis Daci, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juin 2021 (JTAPI/594/2021)


EN FAIT

1) Monsieur B______, né le ______ 1972, est ressortissant du Kosovo.

Le ______ 1993 il a épousé, au Kosovo, Madame A______, née le ______ 1975, de nationalité kosovare.

2) M. B______ est venu en Suisse, selon ses dires, le 28 janvier 2012.

Selon son curriculum vitae, il avait terminé sa scolarité obligatoire au Kosovo en 1987, puis y avait travaillé de 1993 à 2011 dans les secteurs du bâtiment et de l’agriculture. À Genève, il avait travaillé pour l’entreprise « C______ » de 2012 à 2013, puis pour D______, depuis 2013, en qualité de ferrailleur.

D______, inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 14 mai 2013, a pour but « exploitation d'une entreprise générale du bâtiment, notamment pose de parquets et de carrelages, gypserie, peinture, plâtre, maçonnerie et ferraillage ».

Monsieur F______, frère de M. B______, qui en détient l'ensemble des parts, en est l'associé gérant, avec signature individuelle. Madame G______ belle-sœur de M. B______, en est la directrice, avec signature individuelle.

3) Le 22 mai 2017, M. B______ a sollicité la régularisation de sa situation auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

4) Mme A______ est arrivée en Suisse en 2017.

M. F______ et son épouse, Mme G______ s'en portaient garants. Était produit une fiche de salaire d'D______ pour un montant net mensuel de CHF 3'998,50. 

5) Faisant suite à une demande de renseignements complémentaires de l’OCPM, M. B______ a précisé que ses trois enfants vivaient en Suisse, soit :

- H______, né le ______ 1994, marié, ferrailleur ;

- I______, né le ______ 1996, célibataire, ferrailleur ;

- J______, né le ______ 2000, célibataire, mécanicien auto qui vivait à l'époque à Viti au Kosovo, mais qui entretemps est venu à Genève.

M. B______ avait, par ailleurs, ses frères et soeur, qui vivaient en Suisse, soit :

- K______, né le ______ 1980, divorcé, maçon ;

- F______, son frère, né le ______ 1983, marié maçon ;

- L______, sa sœur, née le ______ 1990, baby-sitter.

Il avait des contacts très fréquents, voire quotidiens avec chacune de ces personnes.

Quatre autres sœurs, nées respectivement les ______ 1971, ______ 1975, ______ 1977 et ______ 1986 vivaient au Kosovo, les trois premières à Viti, à l'instar d'un oncle et d'une tante. Il les contactait rarement.

6) Le 28 juin 2018, M. B______ a demandé à l’OCPM d’inclure son épouse dans sa demande de titre de séjour. À teneur du formulaire joint, cette dernière, arrivée à Genève en 2017, n’exerçait pas d’activité lucrative.

7) Après avoir informé les intéressés de leur intention de refuser leur requête et leur avoir donné la possibilité de faire des observations, l'OCPM a, par décision du 20 octobre 2020, refusé de soumettre leur dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis favorable en vue de l'octroi d'autorisations de séjour et a prononcé leur renvoi, leur impartissant un délai au 20 décembre 2020 pour quitter la Suisse.

Les conditions de l’opération Papyrus n’étaient pas remplies, au vu de la durée de leur séjour en Suisse, inférieure à dix ans. Il en allait de même des critères usuels relatifs au cas de rigueur, étant notamment précisé que les trois enfants des intéressés étaient majeurs et séjournaient à Genève sans autorisation, tout comme la majorité des autres membres de leur famille.

8) Par acte du 20 novembre 2020, Mme A_____et M. B______ (ci-après : les époux A______B_______) ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, dont ils ont requis l'annulation, concluant au renvoi de la cause à l’OCPM « pour nouvelle décision dans le sens des considérants, soit de [leur] accorder une autorisation de séjour », subsidiairement à ce qu’il soit dit que leur renvoi ne pouvait « pas être raisonnablement exigé » et au renvoi de la cause à l’OCPM « pour nouvelle décision dans le sens des considérants, soit de [les] admettre à titre provisoire ( ) sur la base de l'art. 83 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ».

Leurs enfants ne disposaient pas de titre de séjour mais avaient déposé à leur tour une demande de régularisation de leur situation. En outre, la plupart des membres de leur proche famille, avec qui ils entretenaient des relations très étroites, disposait d’une autorisation de séjour ou d’établissement.

9) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

10) Le 14 décembre 2020, l’OCPM a transmis le dossier de M. B______ au Ministère public.

Des soupçons portaient sur les décomptes et certificats de salaire établis par D______, laquelle apparaissait dans de nombreux dossiers Papyrus.

L’intéressé avait produit des décomptes de salaire pour l’année 2017, alors que les charges sociales prélevées n’apparaissaient pas sur l’extrait de son compte individuel AVS. D______ appartenait à son frère. Sa belle-sœur en était la directrice. L’entreprise « C______ », pour laquelle il indiquait avoir travaillé, pouvait être mise en lien avec l’entreprise « M______ », qui était également citée dans plusieurs dossiers Papyrus.

11) Par jugement du 11 juin 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Le recourant était arrivé en Suisse le 28 janvier 2012 et la recourante en 2017, sans plus de précision quant à la date ou au mois de cette arrivée. Le recourant semblait ainsi vivre en Suisse depuis un peu plus de neuf ans et la recourante depuis environ quatre ans. Si la durée du séjour du recourant pouvait être qualifiée de longue (ce qui n'était assurément pas le cas d'agissant de son épouse), cette durée devait en tout état être relativisée. Le recourant avait séjourné illégalement en Suisse jusqu'au dépôt de sa demande d'autorisation, le 22 mai 2017 et son séjour s'était poursuivi au bénéfice d'une simple tolérance depuis lors. Or, il ne pouvait déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi. Il ne pouvait en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. Par ailleurs, à la date du dépôt de sa requête, il ne remplissait pas le critère spécifique de la durée de séjour de dix ans exigé dans le cadre de l'opération « Papyrus ». Pour ce motif déjà, il ne pouvait donc prétendre à la délivrance d'une autorisation de séjour sur la base de ce programme, dont les critères avaient été clairement établis, sans exception. Il en allait a fortiori de même s'agissant de la recourante.

Malgré le fait que M. B_______ ait démontré sa volonté de participer à la vie économique du pays, son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée d'exceptionnelle. Il travaillait d'ailleurs dans l'entreprise de son frère. Il n'avait pas non plus acquis des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie, ni n'avait fait preuve d'une ascension remarquable. Mme A_______ n'exerçait pas d'activité lucrative.

M. B______, né au Kosovo le ______ 1972, était venu s'établir en Suisse alors qu'il était âgé de 39 ans. La recourante, née au Kosovo le ______ 1975, était arrivée sur le territoire à l'âge de 41 ans. Ainsi, tous deux avaient passé non seulement toute leur enfance, mais également leur adolescence, période déterminante pour le développement personnel et scolaire, et qui entraînait souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé, ainsi que la plus grande partie de leur vie d'adulte dans leur pays d'origine. De plus, à teneur de son curriculum vitae, le recourant avait déjà été intégré sur le marché de l'emploi de son pays pendant de nombreuses années, de 1993 à 2011. Manifestement, tous deux avaient dû conserver de fortes attaches avec leur patrie. En outre, des membres de leur famille, respectivement belle-famille, y vivaient, étant précisé qu'ils avaient sollicité la délivrance de plusieurs visas de retour, afin d'effectuer des visites familiales.

Les lettres de recommandation que M. B______ avait produites attestaient certes de ses qualités humaines et professionnelles, ainsi que des liens qu'il avait créés en Suisse, mais ceux-ci ne dépassaient pas en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d'un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays.

Les conditions pour une admission provisoire n'étaient pas non plus remplies.

12) Par acte du 14 juillet 2021, les époux A______B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation et cela fait, à l’annulation de la décision de l’OCPM et au renvoi de la cause devant celui-ci pour octroi de l’autorisation de séjour ; la chambre administrative devait dire que le renvoi ne saurait être exécuté jusqu’à droit jugé sur la demande d’autorisation. Préalablement, les époux devaient être auditionnés.

Leur droit d’être entendus avait été violé, les frères et la belle-sœur de M. B______ n’ayant pas été entendus malgré la conclusion prise en ce sens devant le TAPI. Ces auditions devaient permettre de confirmer l’intégration des époux A______B_______, la durée de leur présence en Suisse et leur situation financière ainsi que leur volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation. Les témoins les avaient côtoyés quotidiennement dès leur arrivée en Suisse et pouvaient confirmer que les conditions d’octroi d’une autorisation étaient remplies.

Les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) avaient été violés. M. B______ avait exercé une activité lucrative lui permettant d’assurer son indépendance financière et subvenir aux besoins de sa famille dès son arrivée en Suisse. Il vivait confortablement, de sorte que son épouse pouvait se consacrer aux tâches courantes du ménage, à titre de contribution à l’entretien de sa famille. Ils n’avaient pas bénéficié d’aide sociale ni fait l’objet de poursuites. Ses compétences professionnelles étaient reconnues dans le cadre de son activité professionnelle. Il apportait une réelle plus-value à l’entreprise pour laquelle il travaillait. Il avait appris le français et le parlait avec aisance, étant au bénéfice du niveau A2. Son épouse avait acquis le niveau A1. Il jouissait d’une intégration exceptionnelle, compte tenu des divers témoignages produits et résidait à Genève depuis plus de neuf ans, soit une période particulièrement longue. Son épouse était arrivée en Suisse en 2017, soit depuis plus de quatre ans, et était venue rejoindre son mari et ses fils. La durée de son séjour en Suisse était en conséquence suffisante. Une réintégration professionnelle du recourant dans son pays de provenance était quasiment impossible, eu égard au fait qu’il était âgé de 48 ans. Toute la famille proche des recourants se trouvait en Suisse, à savoir leurs enfants, les frères du recourant et leur famille respective. Leur centre de vie sociale et familiale se situait exclusivement sur territoire helvétique. Un renvoi constituerait un réel déracinement et la séparation d’une famille particulièrement unie. Les renvoyer reviendrait à annihiler tous les efforts du couple et les priver d’une situation financière stable amplement méritée.

13) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

15) Il ressort par ailleurs du dossier que le recourant s’est vu délivrer à six reprises un visa de retour, valable trente jours, pour se rendre au Kosovo pour des visites familiales ; trois de ces visas concernaient également son épouse. La dernière demande date du 22 juin 2021.

16) Pour le surplus le contenu des documents sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants ont sollicité leur audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, les recourants ont eu l'occasion d'exposer leurs arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Il n'apparaît pas que leur audition soit de nature à apporter d'autres éléments pertinents que ceux qu'ils ont déjà exposés par écrit ; ils ne le soutiennent d'ailleurs pas.

3) Les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus par le TAPI, celui-ci n'ayant pas donné suite à leur demande d'entendre MM. K______ et F______ ainsi que Mme G______ en qualité de témoins.

a. Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l'espèce, les recourants ont sollicité l'audition de plusieurs témoins, lesquels devraient, selon eux, établir la durée de leur séjour en Suisse, leur intégration exceptionnelle ainsi que leur situation économique et leur volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation. Or, comme cela sera exposé ci-après, ces éléments, même s’ils étaient établis, ne sont pas de nature à modifier l'issue du litige.

De surcroît, les témoins proposés sont membres de leur famille. Les deux frères ne pourraient être entendus qu'à titre de renseignements (art. 31 let. b LPA). Le témoignage de la belle-sœur devrait être apprécié avec retenue s'agissant de l'épouse de l'un des frères et directrice de l'une des sociétés concernées par la dénonciation au Ministère public.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction demandés.

4) Est litigieuse la question de savoir si l’OCPM a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier des recourants avec un préavis favorable au SEM et prononcé leur renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de LEI et de l'OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'opération Papyrus développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'opération Papyrus n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'opération Papyrus a pris fin le 31 décembre 2018.

5) a. En l'espèce, le recourant est entré en Suisse, sans titre de séjour, en 2012 selon ses dires. Ainsi, au moment du dépôt de sa demande de délivrance d'une autorisation de séjour le 22 mai 2017, il séjournait en Suisse tout au plus depuis cinq ans. Partant, il ne remplit pas la condition d'un séjour régulier d'au moins dix ans exigée par l’opération Papyrus. La situation est identique pour son épouse arrivée en Suisse après son époux, en 2017.

C'est ainsi à bon droit que le TAPI a retenu que les conditions de ladite opération n'étaient pas réunies.

b. Dans le cadre de l'analyse sous l'angle du cas de rigueur, l'intégration des recourants (let. a) ne peut pas être retenue. Si certes, ils indiquent être indépendants financièrement, l'époux a pris un emploi sans y être autorisé. Son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Ses connaissances professionnelles acquises, notamment, en qualité de ferrailleur, n'apparaissent pas spécifiques à la Suisse ; le recourant ne fournit en tout cas aucune pièce ou explication, qui permettrait de retenir que tel serait le cas. Leurs efforts pour apprendre la langue sont louables, l 'épouse n'a toutefois qu'un niveau A1. Les recourants n'établissent pas non plus qu'ils auraient tissé des liens amicaux et affectifs à Genève d'une intensité telle qu'il ne pourrait être exigé de leur part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes. Ils n'allèguent pas non plus qu'ils se seraient investis dans la vie sociale, associative ou culturelle à Genève. Au contraire, ils mettent en évidence l'étroitesse des liens développés avec les membres de leur famille tant sur le plan social que professionnel, indiquant avoir des contacts quotidiens avec leurs proches. Ils produisent des attestations d'amis et différentes connaissances. Toutefois, les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (cf. à titre de comparaison, les arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

La condition du respect de l'ordre juridique suisse (let. b) leur est défavorable. Ils sont venus illégalement en Suisse et l'époux y a travaillé sans autorisation. Pour le surplus, ils n'ont pas fait l'objet de condamnations pénales. Toutefois, à teneur de la jurisprudence, l'absence d'infractions pénales, tout comme l'indépendance économique, sont des aspects qui sont en principe attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Il est cependant relevé qu'une dénonciation a été adressée au Ministère public à propos de laquelle le recourant n'a produit aucune explication devant la chambre de céans, notamment quant à la provenance du relevé de son compte AVS.

Ils ne peuvent tirer argument du critère de la situation familiale (let. c), n'ayant aucun enfant en âge de scolarisation à Genève.

Leur volonté de prendre part à la vie économique est avérée (let. d).

La durée du séjour (let. e) doit être fortement relativisée dès lors que les recourants sont venus illégalement en Suisse et ne sont au bénéfice que d'une simple tolérance depuis le dépôt de leur demande de régularisation.

Leur état de santé ne justifie pas leur présence en Suisse (let. f).

S'agissant des possibilités de réintégration dans l'État de provenance, les compétences acquises en Suisse tant en français que dans le domaine professionnel pourront être mises en valeur au Kosovo. Si les recourants séjournent en Suisse, depuis 2012 pour l'époux et 2017 pour sa femme, ils ont passé leur enfance, adolescence et leur vie d'adulte au Kosovo, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Ils y ont vécu jusqu'à 40 ans pour l'époux et 42 ans pour sa femme. Ils connaissent les us et coutumes de leur pays et en maîtrisent la langue. Selon leurs indications, une partie de leur famille est restée au Kosovo. Ils ont d'ailleurs régulièrement sollicité des visas pour retourner dans leur pays. Enfin, ils sont aujourd'hui âgés de 49 et 46 ans et tous deux en bonne santé. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que leur réintégration soit fortement compromise.

Le fait de devoir se réinsérer dans les habitudes professionnelles et culturelles du pays d’origine est inhérent à toute personne devant quitter le territoire suisse du fait qu’elle n’en remplit pas les conditions de séjour. Leur situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger leur retour au Kosovo.

La situation de leurs enfants, tous majeurs, est sans incidence sur la situation des recourants. Aucun lien de dépendance n'est invoqué et il n'est pas démontré que les enfants bénéficient de droit de séjour en Suisse.

Au vu de ce qui précède, les recourants ne se trouvent pas dans une situation de raisons personnelles majeures au sens de la loi. L'OCPM n'a donc pas violé la loi ni consacré un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement une autorisation de séjour en faveur des recourants auprès du SEM.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; les recourants ne le font d'ailleurs pas valoir.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2021 par Madame A______ et Monsieur B______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 




 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.