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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/256/2022

ATA/872/2022 du 30.08.2022 ( EXP ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;ZONE DE DÉVELOPPEMENT;DROIT DE PRÉEMPTION;LOGEMENT SOCIAL;GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ;INTÉRÊT PUBLIC;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.26; Cst.36; Cst.27; Cst.29.al2; LGL.1; LGL.2; LGL.3; LGL.3.al1; LGL.16; LGL.9.al3; LPA.61
Résumé : Recours de propriétaires contre la décision du Conseil d’État d'exercer son droit de préemption sur leur parcelle sise en 3ème zone de développement, zone propre à permettre la construction de logements sociaux. Cette décision apparaît conforme au droit. Les conditions d'exercice du droit de préemption sont en l'occurrence réalisées, même si Conseil d’État n'est pas en mesure de fournir un projet de construction détaillé, ni de déterminer une échéance précise pour réaliser son projet. La condition de l’intérêt public à la construction de logements d’utilité publique est réalisée, au vu du taux de vacance sur la commune. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/256/2022-EXP ATA/872/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2022

 

dans la cause

 

Messieurs A______
représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) B______ (ci-après : B______ ou la société) est une société anonyme dont le but consiste notamment en « toutes opérations immobilières pour son compte et le compte de tiers, notamment construction, achat, vente, courtage, gérance et administration de tous biens mobiliers et immobiliers ; développement et financement de toutes affaires immobilières ; fourniture de tous services dans le domaine immobilier [ ] ».

2) Messieurs A______ sont copropriétaires de la parcelle no 1'810 de la commune de C______ (ci-après : la commune), sise avenue______. Un bâtiment d’habitation de 72 m2 y est érigé.

Cette parcelle, de 245 m2, se situe en zone de développement 3 et se trouve à la limite du plan de site n1______, D______ adopté par le Conseil d’État le 12 février 2014, sans y être incluse.

Elle forme un ensemble avec ses voisines, les parcelles nos 1'808 et 1'809, sur lesquelles trois petits hôtels particuliers contigus sont construits, en vertu de l’autorisation de construire DD 2______ délivrée le 20 août 1951.

Ces trois parcelles se trouvent dans un périmètre identifié dans le plan communal 2020 de la Ville de Genève (ci-après : la ville) comme ayant une « prédominance logement », dans un « secteur de renouvellement urbain ».

Dans le cadre du Plan directeur cantonal 2030 (ci-après : le PDCn 2030), le secteur où se trouvent ces parcelles a été identifié comme faisant partie de la densification différenciée de la couronne urbaine, pour laquelle l’État de Genève (ci-après : l’État) devait densifier les secteurs déjà bâtis, réaliser des quartiers denses dans des secteurs bien desservis en transports publics, augmenter le parc de logements, y compris des logements à caractère social et mettre à disposition les surfaces nécessaires pour répondre aux besoins de logement de la population.

Il ressort du système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) qu’un recensement architectural des bâtiments sur ces parcelles est en cours, dont les résultats sont en attente de validation par la commission scientifique de suivi.

3) Par acte notarié du 8 octobre 2021, MM. A______, en qualité de
promettants-vendeurs (ci-après : les promettants-vendeurs) et B______, en qualité de promettant-acquéreur (ci-après), ont conclu un contrat de promesse de vente et d’achat portant sur la parcelle no 1'810, devant Maître E______, notaire (ci-après : le notaire).

Cette promesse de vente a été conclue pour CHF 2'235’000.-, et était assortie d’un droit d’emption en faveur de B______.

Elle était également grevée d'un droit de préemption au profit du canton de Genève et de la ville, dans la mesure où elle était située en 3ème zone de développement (art. 3 et ss de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05).

Le ch. 10 de la promesse de vente prévoyait que « la vente définitive sera signée par devant le notaire soussigné avec un préavis de dix jours mais au plus tôt après avoir obtenu les renonciations à l’exercice du droit de préemption, tant du Canton de Genève que de la Ville de Genève, au plus tard le 31 janvier 2022 ».

Le ch. 11 de la promesse précisait que le promettant-acquéreur pouvait céder ses droits sans le consentement du promettant-vendeur jusqu’au jour de la signature de l’acte de vente et d’achat définitif. Il avait également la faculté « de se sG______tituer [à] toute personne physique ou morale ayant la capacité d’acquérir lors de la signature de l’acte de vente et d’achat définitif ».

4) Le 11 octobre 2021, le notaire a transmis au Conseil d’État une copie de l’acte de promesse de vente et d’achat.

5) Le 4 novembre 2021, B______, en qualité de cédant, et Monsieur F______, en qualité de cessionnaire, ont conclu un acte de cession de la promesse de vente et d’achat portant sur la parcelle no 1'810, moyennant le versement par M. F______ à B______ du prix de cession, fixé à CHF 415'000.-. M. F______ était subrogé dans tous les droits et obligations de B______ envers MM. A______, en lien avec la promesse de vente et d’achat de la parcelle no 1'810.

6) Le 8 novembre 2021, le notaire a transmis au Conseil d’État une copie de cet acte de cession de promesse de vente et d’achat.

7) Par courrier du 11 novembre 2021, agissant par délégation du Conseil d’État, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a interpellé MM. A______ et B______. Il étudiait la possibilité pour l’État de se porter acquéreur de la parcelle en cause, en conformité avec les art. 3 et ss LGL.

8) Le 17 novembre 2021, il a également interpellé B______ et M. F______ s’agissant des motifs de l’opération de cession de la promesse de vente et d’achat, ainsi qu’au sujet des éléments constitutifs du prix de cession de CHF 415'000.-, lequel portait le montant total de la transaction à CHF 2'650'000.-.

9) Par courrier du 19 novembre 2021, MM. A______ ont répondu à l’OCLPF qu'ils avaient décidé de mettre la villa familiale en vente pour des raisons personnelles. Plusieurs acheteurs, via un courtier, les avaient approchés. B______ assurant le financement, cela leur avait permis d’aller de l’avant. Le « représentant de l’acheteur leur avait dit qu’il envisageait soit d’y habiter avec sa famille, soit de la mettre en location ». Cet élément « ne les concernait pas ».

Le prix convenu leur paraissait être adéquat, sans être exceptionnel au regard des prix actuels des maisons et appartements en ville. Leur villa disposait de deux places de parking, était très proche des commerces et jouissait d’un jardin bien ensoleillé. La proximité avec le CEVA et la nouvelle gare des Eaux-Vives jouait manifestement un rôle positif. La villa jumelle voisine avait certes été vendue à un prix plus bas, mais, selon la vendeuse, pour des raisons fiscales.

10) Le même jour, B______ a exposé à l’OCLPF qu'elle avait cédé la promesse de vente et d’achat le 4 novembre 2021 à M. F______. Elle considérait que l’exercice du droit de préemption ne se justifiait pas et s’y opposait. Il n’existait en effet pas de potentiel de densification, au vu de la localisation de la parcelle, limitée au nord-est par le plan de site D______, au sud-ouest par l’avenue______, au nord-ouest par la zone ordinaire déjà fortement bâtie et à l’est par la parcelle no 1'948, déjà bâtie, fortement arborée et située en lisière d’une zone de verdure.

Le développement d’immeubles sur cette parcelle impliquerait la démolition de l’hôtel particulier s’y trouvant, alors même que les trois constructions sur les parcelles nos 1'808, 1'809 et 1'810 formaient un ensemble et faisaient l’objet d’une étude dans le cadre du recensement architectural conduit par l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS). Aucun projet de construction de logements n’allait ainsi voir le jour dans un avenir prévisible.

Le prix convenu n’était pas excessif, qu’il s’agisse du prix initial ou du prix avec la cession de la promesse de vente et d’achat. Il n’excédait pas l’estimation réalisée par la banque G______ (ci-après : G______) à une valeur comprise entre CHF 2'240'000.- et CHF 2'670'000.-.

11) Le 25 novembre 2021, B______ a indiqué à l’OCLPF qu’elle avait reçu une manifestation d’intérêt de M. F______ pour la parcelle no 1'810. Elle avait décidé de lui céder la promesse moyennant rétribution. Elle concluait à ce que l’État renonce à exercer son droit de préemption.

12) Interpellé à deux reprises par l’OCLPF, M. F______ a indiqué par courriel, le 3 décembre 2021, qu’il avait conclu l’acte de cession de la promesse de vente dans un but personnel, car il cherchait une villa proche du centre-ville disposant des critères de celle sise sur la parcelle querellée. Il était « depuis un an en recherche très active sans n’avoir rien trouvé de comparable en terme de prix et de localisation ». Il considérait acheter la villa pour un montant de CHF 2'650’000.-. « Les vendeurs la société B______ [m’ont] proposé ce montage sachant que cela a été validé par le notaire. » Pour lui, cette opération ne modifiait pas le coût global. Il invitait l’OCLPF à se rapprocher des vendeurs, « plus aptes que [lui] à apporter les réponses attendues ».

13) Par décision du 8 décembre 2021 (arrêté no 6’290-2021), le Conseil d’État a décidé d’exercer son droit de préemption sur la parcelle no 1'810, pour un prix de CHF 1'100'000.-.

Après voir résumé l’historique de la parcelle et les échanges intervenus entre les promettants-vendeurs, promettant-acquéreur, cédante et cessionnaire, le Conseil d’État a exposé que l’exercice de son droit de préemption se faisait en lien tant avec la promesse de vente et d’achat, qu’avec l’acte de cession de cette promesse de vente.

Les motifs justifiant l’exercice du droit de préemption étaient liés à la situation de la parcelle et au prix de la transaction. En effet, la parcelle disposait d’un potentiel évident de densification, conformément aux normes de la zone de développement 3. Aucune mise sous protection n’était envisagée en lien avec le bâtiment. Le prix de la transaction s’élevait à plus du double du montant de l’estimation réalisée par l’OCLPF, en conformité avec sa pratique administrative PA/SI/001.06, de CHF 1'100'000.-. Avec le montant de la cession, la transaction totale s’élevait à CHF 2'650'000.-, ce qui dépassait largement les normes admissibles en zone de développement et s’inscrivait donc en contradiction avec l’intérêt public visant à lutter contre la spéculation en zone de développement. Faute d’acceptation du prix estimé selon la pratique administrative, il prendrait la décision de recourir à la procédure d’expropriation afin de faire fixer le prix conformément à la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933
(LEx-GE - L 7 05).

En raison de l’opération immobilière, composée d’une promesse de vente et d’achat et d’une cession de cette promesse, soit une substitution du
promettant-acquéreur initial en faveur d’un tiers, la décision était notifiée, outre à MM. A______, tant à B______, qu’à M. F______, en leurs qualités de promettants-acquéreurs successifs.

14) MM. A______ et l’OCLPF ont échangé par courriel au sujet du droit de préemption entre les 10 et 14 décembre 2021. M. X. A______ estimait avoir été, dans une certaine mesure, non seulement trompé par l’acheteur mais également par le Conseil d’État, dès lors que ce dernier ne l’avait pas informé de l’existence de la cession. Or, s’il était « formellement vrai, sous réserve des conditions qui leur permettraient de faire invalider la cession », que le Conseil d’État n’avait pas à les informer de la cession, cet élément était manifestement essentiel à la prise de décision. Il aurait souhaité, avec son frère, pouvoir se déterminer sur ce point également, car leur réponse du 19 novembre 2021 apparaissait peu sincère dans ces conditions, faute d'avoir été au courant de la cession.

15) Par acte du 24 janvier 2022, MM. A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 8 décembre 2021, concluant principalement à son annulation, et à la condamnation du Conseil d’État à tous les frais de la procédure.

Préalablement, ils ont sollicité leur audition et celles de plusieurs fonctionnaires de l’OCLPF, ainsi que la production par le Conseil d’État de tous les documents relatifs au recensement architectural cantonal de la parcelle no 1'810, ainsi que tous les documents pris en considération par le Conseil d’État pour apprécier la valeur patrimoniale de la parcelle, de l’acte de cession de la promesse de vente par B______ à M. F______, ainsi que tous les échanges entre le Conseil d’État, l’OCLPF et Me E______, Maître H______, conseil de B______, ou toute autre personne au sujet de l’acte de cession de la promesse de vente à M. F______.

Leur droit d’être entendu avait été violé, dès lors qu’ils n’avaient pas été informés par le Conseil d’État de l’existence de la cession. Alors que la décision se fondait également sur cet élément, ils n'avaient pu se prononcer à ce propos. Il en allait de même de la protection patrimoniale de la villa. La violation du droit d’être entendu ne pouvait être réparée devant la chambre administrative, dans la mesure où elle n’avait pas le même pouvoir d’examen que le Conseil d’État et que l'appréciation de l’opportunité était une composante majeure de l’arrêté querellé.

L’art. 3 LGL n’était pas respecté, dès lors que la parcelle jouissait de caractéristiques particulières, au vu de sa localisation et de l’urbanisation du quartier. Elle était bordée par de grands immeubles d’un côté, et par les deux parcelles nos 1'808 et 1'809 de l’autre, ce qui excluait toute densification. Sur la parcelle voisine se trouvait la dernière villa individuelle du quartier, qui était située au milieu d’une importante végétation avec de nombreux arbres.

La surface de la parcelle n’étant que de 245 m2, il n'était permis de construire, avec une densité de 1,8, que 441 m2 de surface brute de plancher
(ci-après : SBP), soit le tiers d’un immeuble standard. Compte tenu de la présence des deux villas contigües, une telle construction était techniquement et légalement impossible. En outre, la parcelle no 1'809 avait été vendue en 2017 sans que l’État ou la ville n’exercent leur droit de préemption, ce qui limitait encore les possibilités de construire. Des beaux arbres se trouvaient sur les parcelles précitées et alentours et devaient être protégés.

Même en admettant que l’État puisse contrôler les trois parcelles dans un horizon de vingt à trente ans, il n’existait, même à long terme, aucune possibilité de construire, ce qui excluait l’application de l’art. 3 LGL.

La villa située sur la parcelle no 1'810 était recensée avec la valeur « intéressant ». En indiquant qu’aucune mesure de protection n’était prévue, le Conseil d’État violait la procédure de l’art. 7 loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Au regard de la qualité de cette villa, sa démolition n’était pas possible, ce qui limitait encore d’autant la densification selon l’art. 3 LGL.

Le motif d'un prix excessif était sans pertinence dans la mesure où aucun cas de préemption n’était réalisé. Le contrôle du prix par le Conseil d’État n’était au demeurant pas admissible, à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_141/2013, qui avait retenu que seule la valeur de marché d’une parcelle était déterminante. Dès lors, le Conseil d’État ne pouvait plus utiliser son droit de préemption comme moyen de contrôle du prix d’une transaction en zone de développement. En outre, la décision querellée n’avait pas jugé que le prix de vente de CHF 2'235'000.- fixé dans la promesse de vente justifiait l’exercice du droit de préemption mais que c’était le prix de la cession, ajouté au prix de la promesse de vente qui rendait le prix de vente de la parcelle excessif au regard de la pratique administrative PA/SI/001.06.

Si le Conseil d’État estimait que le prix de la cession rendait le prix de vente excessif, il lui appartenait de préempter l’acte de cession de la promesse et non la promesse elle-même. La parcelle no 1'809 avait été vendue en 2017 pour CHF 1'200'000.-, et l’État n’avait pas exercé son droit de préemption lors de cette vente. L’exercice du droit de préemption à une valeur d'à peine 49 % du prix convenu dans la promesse de vente, ne correspondait pas à la valeur vénale de leur propriété et leur causerait un préjudice considérable. Si « par extraordinaire, l’arrêté querellé n’était pas annulé », ils refusaient « catégoriquement le prix proposé par le Conseil d’État dans [ledit] arrêté et [entendaient] obtenir un prix correspondant à la valeur réelle de leur bien, dans le cadre de la procédure d’expropriation prévue à l’art. 6 LGL ». Ils souhaitaient également obtenir réparation des dommages matériels et psychologiques causés par l’action infondée du Conseil d’État.

16) Dans ses observations du 21 mars 2022, le Conseil d’État, soit pour lui le département du territoire (ci-après : DT ou le département), agissant par délégation, a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’arrêté no 6’290-2021 du 8 décembre 2021.

Le droit d’être entendu des recourants n’avait pas été violé. La décision se fondait sur la densification possible du périmètre où se situait la parcelle no 1'810, sise en zone de développement, et sur le prix initial convenu entre les parties, de CHF 2'235'000.-, supérieur aux normes admissibles en zone de développement, points sur lesquels les recourants avaient pu se déterminer. La motivation essentielle de la décision n’était pas la cession de la promesse de vente pour CHF 415'000.-, mais l’ajout de ce montant justifiait d’autant plus l’exercice de son droit de préemption, au vu de l’estimation de l’OCLPF. Les recourants n’étant pas parties à la cession de la promesse, il ne leur appartenait pas de se prononcer sur cette transaction ultérieure, qui était sans influence directe sur l’exercice de son droit de préemption.

La question de l’absence de protection patrimoniale de la villa ne constituait qu’un élément contextuel, et c’était à juste titre que les recourants n’avaient pas été invités à se déterminer sur ce point. Ils avaient au demeurant pu se déterminer sur ces éléments devant la chambre de céans, de telle sorte que le grief tiré d’une supposée violation du droit d’être entendu devait être écarté. Le recensement mentionné dans la décision n’était, au jour de sa notification, qu’en cours de validation. C’était à tort et sans fondement que les recourants estimaient que le Conseil d’État avait procédé à une pesée des intérêts erronée.

Il doutait de l’ignorance des vendeurs de l’existence d’un acte de cession de la promesse, dès lors que l’un d’entre eux était professeur de droit, que l’acheteur était une personne morale spécialisée dans les opérations immobilières, qu’une clause de substitution figurait dans la promesse de vente et qu’ils avaient indiqué le 19 novembre 2021 à l’OCLPF au sujet de la villa sur la parcelle no 1'810, que le « promettant-acquéreur envisageait soit d’habiter avec sa famille, soit de la mettre en location ».

La situation de la parcelle correspondait aux cas déjà traités par le Tribunal fédéral, à savoir une parcelle comptant une habitation à un seul logement, qui n’était plus conforme à la densification accrue de la zone de développement. Il en allait de même des parcelles nos 1'808, 1'809 et 1'948. Cette dernière appartenait par ailleurs déjà à la ville. Le potentiel de densification de cette parcelle et du périmètre dans laquelle elle se trouvait était donc évident, comme le plan directeur communal et le PDCn 2030 le démontraient. La décision de préemption répondait à un intérêt public important. L’argument de l’impossibilité de densifier entrait en contradiction totale avec la volonté claire des autorités cantonales et communales, illustrée par leurs outils de planification respectifs, de densifier ce périmètre, dont la faisabilité était avérée.

L’art. 3 LGL n'était pas violé en lien avec le contrôle du prix. En effet, tant la jurisprudence que la doctrine rappelaient que le droit de préemption consacré par la LGL visait plusieurs intérêts publics pouvant être poursuivis simultanément ou non. Ces intérêts étaient à la fois l’acquisition de terrains en vue de la construction de logements d’utilité publique (ci-après : LUP), mais aussi la lutte contre la spéculation foncière. La jurisprudence citée par les recourants pour affirmer qu’un contrôle des prix des transactions immobilières en zone de développement n’était plus admissible, n’était pas transposable au cas d’espèce, dès lors que cet arrêt portait sur une procédure d’expropriation à la suite d’une décision de préemption entrée en force.

Au vu du prix fixé entre les parties, indépendamment de la cession ultérieure de la promesse de vente, celui-ci justifiait d’emblée l’exercice de la préemption par l’État, car il représentait le double du prix estimé selon la pratique administrative de l’OCLPF. À titre de comparaison, en 2017, la parcelle voisine avait d’ailleurs été vendue pour un montant de CHF 1'200'000.-.

Aucune violation de la garantie de la propriété n’était à imputer à l’autorité intimée, dès lors que la décision de préemption était fondée sur la LGL, qu’elle poursuivait deux intérêts publics alternatifs, expressément consacrés par la jurisprudence et respectait en tous points le principe de la proportionnalité.

17) Dans leur réplique du 25 avril 2022, les recourants ont relevé que tant la cession que la protection du patrimoine avaient motivé la décision querellée, sans qu'ils ne puissent s’exprimer à ce propos.

Le Conseil d’État ne répondait pas à leur grief sur les possibilités réelles de construire sur la parcelle. Cet élément indiquait que l’autorité intimée n’avait pas « la moindre idée sur les possibilités de réaliser les logements dont l’art. 3 LGL imposait la construction, mais qu’elle feignait en plus d’ignorer tous les motifs objectifs [qu’ils démontraient, attestaient] de l’impossibilité de construire les logements ».

La théorie de l’autorité intimée, qui détachait les deux intérêts publics, soit l’acquisition de terrains pour la construction de logements et la lutte contre la spéculation foncière, était erronée. Le législateur n’avait pas donné à l’État le droit de contrôler systématiquement le prix des transactions immobilières dans les zones de développement. Il ne suffisait pas d’affirmer qu’une parcelle soit densifiable ; il fallait le démontrer, ce qui faisait défaut en l’espèce. La lutte contre la spéculation foncière était obligatoirement liée à la construction de LUP. À défaut, cela offrait un blanc-seing à l’État, et aboutissait à « une nationalisation » des terrains en zone de développement, de manière contraire à la garantie de la propriété.

18) Par courrier du 14 juin 2022, la juge déléguée a imparti aux parties un délai pour se déterminer sur l’éventuel appel en cause de Mme et M. F______.

19) Par courrier du 20 juin 2022, les recourants se sont opposés à l’appel en cause, selon eux injustifié, de M. F______. Il n’était pas le signataire direct de la promesse d’achat, pas plus que son épouse, et n’en était que le cessionnaire. B______ s’était prévalue de l’absence de renonciation du canton de Genève et de la ville à leur droit de préemption avant le 31 janvier 2022 pour invoquer la caducité de la promesse de vente. Elle avait d’ailleurs obtenu le remboursement de l’acompte versé en leur faveur, en dépit de leur tentative de bloquer cette avance par des mesures provisionnelles. Ces dernières avaient en effet été refusées par le Tribunal de première instance (ci-après : TPI), dans son ordonnance du 26 avril 2022 (C/1553/2022), jointe en annexe, au vu de la caducité de la promesse de vente.

En outre, M. F______ et son épouse n’avaient montré aucun intérêt par rapport à la procédure, ce qui ressortait des communications produites dans le cadre du recours. Le seul intérêt des recourants était d’entendre M. F______ pour qu’il confirme la teneur de ses courriels.

Un éventuel appel en cause aurait pour effet de « retarder fortement et inutilement l’issue de la procédure ». Or, M. Y. A______ était personnellement affecté par la procédure. Il devait assumer les coûts et la charge de l'entretien de la villa, alors qu’il n’y habitait plus puisqu'ayant déménagé en prévision de la vente. Il était « financièrement et moralement affecté par cette situation ».

20) Le 5 juillet 2022, le département s’en est rapporté à justice s’agissant d’un éventuel appel en cause de M. F______. Ce dernier était seul concerné, à l'exclusion de son épouse, en qualité de cessionnaire de la promesse de vente conclue le 8 octobre 2021 avec B______. Or, il n’avait pas recouru contre la décision de préemption et semblait s’être désintéressé du sort de la parcelle depuis la décision du 8 décembre 2021. Il n’avait eu aucun contact avec les services du département.

21) Le 6 juillet 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur la question de l’appel en cause, puis le 20 juillet 2022 sur le fond également.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 71 LPA, l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure, étant précisé que l'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties et que la décision lui deviendra opposable.

b. L'institution de l'appel en cause permet au juge de contraindre des tiers qui ne possèdent pas la qualité de partie, faute d'en satisfaire les conditions, à participer à la procédure, pour que le jugement rendu à l'issue de celle-ci déploie des effets juridiques à leur encontre. Elle a pour fonction d'éviter le déroulement d'une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses et est donc dictée par un souci d'économie de procédure. En revanche, elle n'est pas destinée à faire intervenir ou à étendre la procédure à des personnes qui bénéficient déjà de la qualité de partie et qui ne participent pas à celle-ci pour une quelconque raison. En particulier, elle ne permet donc pas de remédier à un défaut de participation d'une partie (ATA/617/2012 du 11 septembre 2012 consid. 8b).

c. L'art. 71 LPA doit être interprété à la lumière des conditions relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L'institution de l'appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d'obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/280/2015 du 17 mars 2015 ; ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/623/1996 du 29 octobre 1996), mais a pour but de sauvegarder le droit d'être entendu des personnes n'étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2 ; ATA/280/2015 du 17 mars 2015). Ce dernier but est reconnu par la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_505/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2) ; ainsi - et conformément du reste à ce que prévoit expressément l'art. 71 al. 1 LPA -, il peut aussi s'agir d'étendre au tiers l'autorité de chose jugée, afin que le jugement lui soit opposable par la suite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_373/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1).

d. L'administré doit en outre être appelé en cause lorsque sa présence est nécessaire pour respecter son droit d'être entendu (ATA/451/2011 du 26 juillet 2011 consid. 8 ; ATA/104/2009 du 3 mars 2009 consid.6). Par ailleurs, selon la jurisprudence fédérale, il n'existe pas de droit à être appelé en cause (ATF 131 V 133 c. 13).

e. En l’espèce, la chambre de céans a interpellé les parties sur la question de l’appel en cause du cessionnaire de la promesse de vente. Les recourants s’y sont opposés, arguant que le cessionnaire ne s’était pas manifesté, qu’il n’avait pas demandé à être appelé en cause ou à participer à la procédure, à la suite de la décision de préemption du 8 décembre 2021, qui lui avait été notifiée. Il avait démontré par ce comportement un désintérêt total pour la procédure. Le département s’en est rapporté à justice sur ce point.

Les recourants ont aussi indiqué que la société prometteuse-acquéreuse avait obtenu le remboursement de l’acompte versé sur la base de la promesse de vente du 8 octobre 2021. Ils avaient vainement tenté de bloquer ledit remboursement par voie judiciaire, mais le TPI, dans une ordonnance du 26 avril 2022, avait constaté que la promesse de vente était devenue caduque faute de vente définitive signée devant notaire au 31 janvier 2022, en raison de l’exercice par l’État de Genève de son droit de préemption.

Dans ces conditions, il doit être retenu que la situation juridique du cessionnaire de la promesse de vente n’est pas susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure, puisque ladite promesse de vente est devenue caduque.

Partant, l’appel en cause du cessionnaire ne se justifie pas.

3) a. Les parties concluent préalablement à leur audition, à celle de plusieurs témoins, à la production de nombreuses pièces concernant le recensement architectural de la parcelle no 1'810, ainsi qu’à la production des différents éléments liés à la cession de la promesse de vente (contrat, échanges de courriers entre le notaire et l’avocat de B______, ainsi que toute autre personne au sujet de l’acte de cession de la promesse de vente).

b. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

c. En l’espèce, les auditions requises visent à démontrer que les recourants n’étaient pas au courant de la cession de la promesse de vente à un tiers. Or, cet élément n’est pas déterminant pour l’issue du litige, comme il le sera souligné
ci-après. Il en va de même des autres pièces et actes d’instructions sollicités, non pertinents pour l’objet du litige, s’agissant notamment de la question de l’absence de protection au plan patrimonial du bâtiment. La chambre de céans considère dès lors que le dossier est suffisamment documenté et en état d’être jugé, de sorte que les demandes d’actes d’instruction des recourants seront écartées.

4) Les recourants soutiennent dans un premier grief que leur droit d'être entendus a été violé dans la mesure où ils n’ont pas eu l'occasion de s'exprimer sur des points importants avant la prise de la décision litigieuse.

a. Le droit d'être entendu, comme mentionné supra, est garanti par
les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, et sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II  218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités).

En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

c. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet,
celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours peut se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c).

d. En l’espèce, il ressort du dossier que les recourants ont pu se déterminer amplement, de manière complète et détaillée sur tous les motifs qu’ils considèrent comme essentiels devant la chambre de céans. Certes, le premier courrier de l’OCLPF du 11 novembre 2021 les invitant à se déterminer avant l’exercice par le Conseil d’État de son droit de préemption ne mentionnait pas l’existence d’une cession ni l’absence de mesures de protection de la villa érigée sur la parcelle concernée. Comme il le sera souligné ci-après, ces éléments ne sont de toute manière pas déterminants pour résoudre le litige. Le prix de vente convenu, même sans la cession, justifiait déjà l’exercice du droit de préemption par l’État. Cela étant, les recourants n’ont pas été empêchés ni de recourir contre la décision de l'intimé, ni de faire valoir efficacement leurs arguments au cours de la présente procédure, ce qui implique que les potentielles violations de leur droit d'être entendus, pour autant qu’elles existent, se trouveraient ainsi réparées.

Partant, ce grief sera écarté.

5) a. Les recourants considèrent que la décision querellée ne respecterait pas l’art. 3 al. 1 LGL. Aucune possibilité de construction n’existerait sur la parcelle. La condition de l’intérêt public ne serait pas remplie. Ces deux griefs se confondent, dans la mesure où la base légale permettant l’exercice du droit de préemption impose l’existence d’un intérêt public consistant en la construction de logements d’utilité publique. Ils seront donc examinés simultanément.

b. La LGL a pour but de permettre à l'État d'encourager la construction de logements d'utilité publique et d'améliorer la qualité de l'habitat, par le biais d'acquisitions de terrains, de financements de projets de constructions et de contrôle des loyers (art. 1 LGL). La loi instaure à cet effet un droit de préemption et d'expropriation en faveur de l'État et des communes (art. 2 LGL). Ce droit s'applique notamment aux biens-fonds situés, comme en l'espèce, en zone de développement (art. 3 LGL).

c. Les zones de développement trouvent leur origine dans un projet de loi de 1956 créant un périmètre d'expansion de l'agglomération urbaine élaboré par le Conseil d'État. Dans son rapport relatif à ce périmètre, l'exécutif cantonal indiquait la nécessité de disposer d'espaces permettant la construction d'immeubles tout en évitant la spéculation immobilière (MGC 1956, p. 2022). Pour le Grand Conseil, il existait un lien étroit entre la création d'une zone de développement de l'agglomération urbaine et la politique de lutte contre la pénurie de logements. L'État avait ainsi une volonté claire d'éviter que la politique du logement ne soit entravée par une hausse excessive des prix des terrains. Les amendements successifs apportés à cette loi ont consisté à veiller à ce que la création de la zone de développement de l'agglomération urbaine, en libérant des terrains en vue de la construction de logements, ne se traduise pas par une spéculation allant à fins contraires de la politique menée par l'État. Dans cette optique, un contrôle des prix des terrains en zone de développement a été introduit (MGC 1972, p. 412). De même, l'État a obtenu un droit de préemption légal sur les terrains dans cette zone.

Ce droit de préemption, prévu à l'art. 3 LGL, est destiné notamment à empêcher des opérations spéculatives qui seraient contraires au rôle de la zone de développement. Le but des zones de développement est donc de maîtriser les prix des terrains situés dans ces zones afin de favoriser la construction de logements bon marché (MGC 1977, p. 2018) tout en assurant une densification harmonieuse et raisonnable de certains secteurs du canton (ATA/1439/2017 du 31 octobre 2017). Dans ce but, l'État contrôle le prix des terrains, le coût de construction des immeubles, le type de logements à construire, le prix de vente éventuel ou encore le montant du loyer futur des logements construits. La fixation des prix et loyers intervient sous la forme de directives administratives de l'OCLPF, ayant leur fondement à l'art. 5 LGZD. Elles sont accessibles sur internet (François BELLANGER, Déclassement et autres mesures de planification dans le canton de Genève, in Bénédict FOËX [éd.], Planification territoriale, Droit fédéral et spécificités cantonales, 2013, p. 92 et 93 et les références citées).

Le droit de préemption visé par les art. 3 ss LGL est un droit de préemption légal de droit public cantonal (Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, La maîtrise publique du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 147 ss, spéc. 150). D'une manière générale, la jurisprudence a admis la constitutionnalité du droit de préemption des art. 3 ss LGL (ATF 142 I 76 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid. 3.3 in SJ 2009 I 257 et les arrêts cités).

d. Selon l'art. 3 al. 1 LGL, le droit de préemption ne peut s'exercer « qu'aux fins de construction de logements au sens de la présente loi », soit « aux fins de construction de logements d'utilité publique » (art. 2 LGL). Ces logements sont énumérés de manière limitative à l'art. 16 LGL en trois catégories : HBM (immeubles d'habitation bon marché), HLM (immeubles d'habitation à loyers modérés) et HM (immeubles d'habitation mixte), ces derniers immeubles comprennent des logements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention. Il fait l’objet d’une mention au registre foncier (art. 3 al. 2 LGL).

Le propriétaire qui aliène ou promet d’aliéner avec octroi d’un droit d’emption un bien-fonds soumis au droit de préemption en vertu de la présente loi est tenu d’en aviser immédiatement le Conseil d’Etat et la commune du lieu de situation, au plus tard lors du dépôt de l’acte à l'office du registre foncier (art. 4 al. 1 LGL).

Lorsque le Conseil d’État envisage d’exercer son droit de préemption, il doit interpeller préalablement le propriétaire et le tiers-acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens (art. 4 al. 2 LGL).

Dans un délai de soixante jours à compter de la date du dépôt de l’acte au registre foncier, le Conseil d’État notifie, de manière séparée, aux parties liées par l’acte son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui (art. 5 al. 1 let. c LGL). Il peut aussi notifier sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption, soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte (art. 5 al. 1 let. a ou let. b LGL).

Faute d’accord amiable dans les cas visés notamment à l’art. 5 al. 1 let. c LGL, l’État peut acquérir, par voie d’expropriation aux fins de construction de logements d’utilité publiques, les terrains faisant l’objet du droit de préemption, conformément aux dispositions de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, du 10 juin 1933 (LEx-GE - L 7 05).

e. Dans sa jurisprudence relative à l'exercice de ce droit de préemption, le Tribunal fédéral a essentiellement connu des situations où la collectivité publique entendait, dans le cadre d'un processus d'urbanisation, procéder à la construction d'immeubles de logements ; ces opérations intervenaient sur des terrains non encore construits ou sur des parcelles pourvues de petites habitations ou d'installations industrielles qui n'étaient plus conformes à la densification accrue de la zone de développement (ATF 114 Ia 14 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_30/2008 précité consid. 3.5 in SJ 2009 I 257 ; 1P.639/2004 in SJ 2005 I 545 consid. 4.2 ; 1P.552/1998 du 9 février 1999 consid. 4b ; 1P.676/1990 du 3 juin 1991 consid. 5b ; P/673/83 du 23 janvier 1985 consid. 5b).

Selon la jurisprudence, l'autorité qui exerce le droit de préemption ne doit pas nécessairement être à même de réaliser immédiatement des LUP sur la parcelle qu'elle entend acquérir. Les art. 3 ss LGL, qui s'inscrivent dans la politique définie à l'art. 1 LGL, confèrent au contraire un large pouvoir d'appréciation à la collectivité. Lors de chaque vente immobilière permettant l'exercice du droit de préemption, l'autorité doit déterminer si l'acquisition du terrain concerné est opportune du point de vue de sa politique en faveur de la construction de logements. Ce choix ne saurait obéir à des critères définis à l'avance et de manière précise : il convient de tenir compte de la situation concrète et des caractéristiques particulières du terrain concerné et de ses environs, et d'établir un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements à l'emplacement considéré, en prenant en considération et éventuellement en anticipant les facteurs propres à influencer le développement du secteur. Au stade de l'exercice du droit de préemption, l'autorité n'a donc pas besoin de justifier son intervention par la présentation d'un projet détaillé. Elle doit toutefois rendre plausible l'existence d'un besoin précis, et tenir compte des possibilités réelles d'y satisfaire à l'emplacement envisagé, dans un avenir pas trop éloigné (ATF 142 I 76 consid. 3.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_30/2008 précité consid. 3.4 in SJ 2009 I 257 et la jurisprudence citée).

S’agissant du principe de l’adéquation, l’ancien Tribunal administratif, devenu la chambre administrative, a eu l’occasion de préciser que les obstacles que peuvent constituer les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter n'étaient pas en soi un argument valable, d’une part parce que rien ne permettait de prévoir une attitude définitivement négative de la part des propriétaires concernés, et d’autre part parce que s’il fallait suivre le raisonnement contraire, l’État ne pourrait plus acquérir que des parcelles dont la superficie suffirait entièrement à édifier un bâtiment de logements, notamment du point de vue des limites de distance et de l’indice d’utilisation du sol encore disponible au regard des constructions voisines. L’acquisition du terrain nécessaire, parcelle par parcelle, ne serait en revanche plus possible, chacune d’elle pouvant constituer l’obstacle à l’acquisition publique d’une autre. Une telle solution serait de nature à mettre un terme à la politique des autorités en matière de construction de logements, dans un canton dont le territoire exigu, impliquant de multiples contraintes d’aménagement du territoire, ne donne à l’État qu’une marge de manœuvre restreinte. Au demeurant, si les négociations futures ne devaient pas permettre de trouver les moyens de surmonter ces obstacles, l’État pourrait encore faire usage de son droit d’expropriation (ATA/445/2012 du 30 juillet 2012 consid. 8d ; ATA/161/2008 du 8 avril 2008 consid. 10b ; ATA/557/2001 du 4 septembre 2001 consid 3c).

Dans plusieurs autres arrêts, l’ancien Tribunal administratif a également considéré que dans la situation de pénurie aiguë de logements dont souffrait le canton de Genève, on ne saurait faire reproche à l’autorité de mettre en œuvre une politique de construction d’habitats susceptible d’enrayer les difficultés actuelles à travers une offre de logements sociaux à même de répondre aux besoins prépondérants de la population. La mise en œuvre de cette politique pouvait notamment passer par une planification coordonnée de l’ensemble des constructions qu’elle envisage d’ériger sur les diverses parcelles dont elle est déjà propriétaire dans le secteur concerné, ce qui impliquait qu’elle obtienne la maîtrise globale de ce dernier, sans l’abandonner, fût-ce de manière sectorielle, à l’emprise de promoteurs privés (ATA/161/2008 du 8 avril 2008 consid. 10c ; ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 consid. 9 ; ATA/800/2005 du 22 novembre 2005 consid. 8c).

Dans l'arrêt 1C_86/2015 du 20 avril 2016 consid. 3.1 publié en partie aux ATF 142 I 76, le Tribunal fédéral a confirmé l'ATA/970/2014 et dit que la chambre de céans pouvait retenir que la parcelle en cause contenait encore un potentiel constructible, compte tenu de la crise du logement sévissant dans le canton de Genève et du faible taux de potentiel à construire sur la commune concernée. Il n'était ainsi pas déraisonnable de considérer que le potentiel constructible était encore suffisamment important pour justifier l'exercice du droit de préemption sur l'objet litigieux. La cour cantonale était en outre en droit de retenir que, puisque l'autorité n'avait pas besoin de justifier son intervention par la présentation d'un projet détaillé, la commune avait rendu plausible la surélévation de l'immeuble, dans un avenir pas trop éloigné (consid. 3.4.3).

Dans un autre arrêt de la chambre de céans (ATA/585/2011 du 13 septembre 2011 consid. 5), il a été considéré que quand bien même le processus d'une modification de zone de développement 4B en zone de développement 3 venait de commencer, le Conseil d'État avait démontré, notamment en indiquant les autres cas dans lesquels il avait fait usage de son droit de préemption, vouloir poursuivre fermement l'urbanisation du secteur. Certes, cette dernière prendrait plusieurs années puisqu'elle impliquait tant une modification de zone que l'élaboration d'un PLQ. Cette durée ne pourrait toutefois qu'être abrégée par la maîtrise foncière, par l'État, d'une partie des parcelles concernées. De plus, le fait d'exercer le droit de préemption à ce stade permettait d'éviter une trop forte pression spéculative et dans ce sens, répondait aussi à un intérêt public (consid. 5).

Enfin, dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral a considéré que la lutte contre la spéculation foncière, en lien avec des objectifs d’aménagement du territoire, était un intérêt public admissible (arrêt du Tribunal fédéral 1P.534/1991 consid. 3 du 11 mars 1992), y compris en zone à bâtir, en relation avec la construction de LUP.

f. L'exercice par une collectivité d'un droit de préemption légal sur un immeuble constitue une restriction grave du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. (ATF 88 I 248 consid. III.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_86/2015 précité du 20 avril 2016 consid. 3.1 publié en partie aux ATF 142 I 76 consid. 3 ; 1P.552/1998 du 9 février 1999 consid. 2). Pour être compatible avec cette disposition, l'exercice du droit de préemption doit reposer sur une base légale – une loi au sens formel –, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, op. cit., pp. 153-154).

6) a. En l’espèce, il n'est pas contesté par les recourants qu’il existait au moment de la décision litigieuse un acte de transfert de propriété à titre onéreux. Le Conseil d’État n’a d’ailleurs pas renoncé à l’exercice de son droit de préemption après avoir eu connaissance de la caducité de la promesse de vente et de l’acte de cession. Il est constant que la parcelle litigieuse se trouve en 3ème zone de développement. Elle est donc propre à permettre la construction de LUP. En revanche, les recourants critiquent l’absence de possibilités concrètes de construire sur cette parcelle, en raison de sa superficie et de sa localisation. Ils soutiennent qu’il n’existerait par conséquent aucun intérêt public à l’exercice du droit de préemption.

L'existence d'un intérêt public à la réalisation de logements sociaux dans le canton de Genève est notoire. Il est de plus confirmé par les statistiques les plus récentes, selon lesquels le taux de vacance des logements est de 0,5 % en 2021, (cf. Taux de vacance des logements dans le canton de Genève, depuis 1985, situation au 1er juin, en % ; disponible sous https://www.ge.ch/statistique/graphiques/affichage.asp?filtreGraph=09_02&dom=1), soit inférieur au seuil de fluidité du marché (1,5 ou 2 %) (ATA/298/2022 du 22 mars 2022 ; ATA/585/2011 du 13 septembre 2011 consid. 5).

b. Comme le relève le Tribunal fédéral, l'autorité n'a pas besoin de justifier son intervention par la présentation d'un projet détaillé. La jurisprudence requiert cependant de rendre plausible l’existence d’un besoin précis et de tenir compte des possibilités réelles d’y satisfaire à l’emplacement envisagé et dans un avenir pas trop éloigné (arrêt 1C_30/2008 précité), ce qu'a fait en l'espèce l'autorité intimée, dès lors qu’elle indique avoir l’intention, au regard de sa planification, de densifier cette parcelle, en s’accordant si besoin avec la ville, la parcelle voisine lui appartenant. La jurisprudence fédérale a d’ailleurs confirmé qu’un potentiel de deux à cinq logements était suffisant pour admettre l’exercice du droit de préemption. Dans ce contexte, une densification sur la parcelle est donc théoriquement possible, ce que les recourants reconnaissent, même s’ils indiquent que la superficie de la parcelle ne permet que la construction du tiers d’un immeuble standard. Les recourants soulignent à cet égard qu’une construction n’est que difficilement envisageable tant juridiquement que pratiquement, au regard de la typologie des lieux, la parcelle étant limitée par une route au sud, de grands immeubles aux alentours, en particulier à l’est, des maisons voisines contigües au nord et à l’est et de grands arbres sur toutes les parcelles. Leurs objections ne reposent toutefois que sur des hypothèses, les recourants n’invoquant aucune disposition légale ou technique qui empêcherait de manière absolue la réalisation d’un projet par le Conseil d’État.

Le fait qu’en 2017, lors de la vente de la parcelle voisine, l’État n’ait pas fait usage de son droit de préemption n’est pas déterminant. Cela étant, il ressort des explications de l’autorité intimée et des documents produits que la parcelle querellée se trouve dans le secteur qui devra être densifié selon le PDCom 2020 et le PDCn 2030. Elle n’a d’ailleurs pas été incluse, malgré sa proximité, dans le plan de site D______, qui vise à « maintenir des poches faiblement urbanisées en l’état, [ ] » et à « préserver la qualité du site ». Cet élément soutient également l’argument selon lequel les parcelles en lisière de ce plan mais qui n’y sont pas incluses sont destinées à être densifiées à courte ou moyenne échéance. Compte tenu de cet élément et du peu de potentiel encore constructible sur la commune, l’acquisition de la parcelle concernée est adéquate du point de vue de la politique cantonale et communale visant la construction de logements.

Selon la jurisprudence, les obstacles que peuvent constituer les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter ne sont pas en soi un argument suffisant pour refuser l’exercice du droit de préemption, étant encore souligné que la parcelle voisine est propriété d’une collectivité publique également, et que l’art. 9 al. 3 LGL autorise le transfert de droits à bâtir en vue de construire des LUP.

Au vu de ce qui précède, il existe un potentiel de densification sur la parcelle en cause, de sorte que l'exigence de l'intérêt public à la construction de LUP dans les zones de développement du canton est remplie. Au vu de la pénurie de logements et l’urgence à développer le potentiel constructible du canton, la décision litigieuse permet, moyennant certains aménagements, d’atteindre concrètement le but d’intérêt public recherché. Dans ces conditions, le Conseil d'État a fait exercice de son droit de préemption sur la parcelle n° 1'810 sans excès ou abus de son pouvoir d’appréciation.

Il sera également souligné que la question des arbres sur la parcelle n’est pas déterminante, aucun d’entre eux n’étant recensés comme « arbres remarquables », impliquant un degré de protection particulier.

Dans ces circonstances, l'intérêt public à la construction de LUP dans les zones de développement du canton est indéniable. Les autres conditions d’exercice du droit de préemption étaient remplies par ailleurs au moment de la décision querellée, ce qui n’est pas contesté.

7) a. Selon les recourants, le bâtiment a été recensé comme « intéressant ». Cette caractéristique imposerait à l’autorité de mettre en place des mesures de protection. En ne tenant pas compte de cet élément, le Conseil d’État aurait violé ses obligations de protection.

b. La LPMNS poursuit la protection générale des monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et des antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets et leurs abords (art. 4 let. a LPMNS), et des immeubles et des sites dignes d'intérêt, ainsi que des beautés naturelles (art. 4 let. b LPMNS).

c. S'agissant des bâtiments, elle prévoit l'établissement d'un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 (art. 7 al. 1 LPMNS), ainsi que la possibilité pour le Conseil d'État d'ordonner le classement d'un monument ou d'une antiquité (art. 10 LPMNS). Les immeubles inscrits à l'inventaire doivent être maintenus et leurs éléments dignes d'intérêt préservés (art. 9 al. 1 LPMNS).

L'appréciation de la valeur d'un objet ou d'un site à protéger peut évoluer avec le temps et entraîner la modification de la protection. Le classement d'un bâtiment peut être modifié ou abrogé pour des motifs prépondérants d'intérêt public ou si l'immeuble qu'il protège ne présente plus d'intérêt (art. 18 al. 1 LPMNS). Le plan de site fait l'objet d'un réexamen périodique (art. 40 al. 10 LPMNS). Au sujet des monuments, la jurisprudence a retenu que l'art. 4 let. a LPMNS, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1).

d. Les art. 89 ss LCI prévoient la préservation de l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXème siècle et du début du XXème siècle qui sont situés en dehors des périmètres de protection (art. 89 al. 1 LCI). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

Selon l'art. 90 al. 1 LCI, les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés.

Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'al. 1 (art. 90 al. 4 LCI). Sur cette base, le département a publié deux séries d'ensembles retenus, en novembre 1985, puis en octobre 1989. Cette liste indicative de quarante-six ensembles retient des immeubles construits en majorité entre la fin du XIXème siècle et les années 1920. Le choix du législateur d'une liste indicative laisse une grande marge d'appréciation au département chargé de l'application de ces dispositions. Au cas par cas, le département a fait bénéficier de la protection des art. 89 et ss LCI des ensembles ne figurant pas sur la liste indicative. Cette manière de faire a régulièrement été confirmée par la chambre de céans en raison du caractère indicatif de la liste (ATA/169/2016 du 23 février 2016 consid. 6d ; ATA/1366/2015 du 21 décembre 2015 ; ATA/539/2009 du 27 octobre 2009).

8) En l’espèce, il n’existe aucune mesure de protection des petits hôtels particuliers concernés, qui ont été construits dans les années 1950. Au plan patrimonial, les bâtiments ont certes été recensés comme intéressants mais ce recensement n’est pas définitif, à teneur du SITG et cette qualification n’impose pas de facto la prise de mesures de protection. En outre, même une mise sous protection peut être modifiée ou supprimée pour des motifs d’intérêt public. Les bâtiments n’ont d’ailleurs pas été inclus dans le plan de site D______. Le bâtiment concerné ne fait l’objet d’aucun plan de site et n’est visé par aucune mesure de protection. Les bâtiments des parcelles nos 1'810, 1'809 et 1'808 n'appartiennent pas non plus à un ensemble figurant dans la liste visée à l'art. 90 al. 4 LCI. Partant, l’argumentation de l’autorité intimée rappelant que cette phrase n’était que contextuelle et visait à renforcer l’existence d’un potentiel avéré de densification, peut être suivie, le sens que retiennent les recourants étant d’ailleurs contraire à la lecture littérale de l’arrêté.

Ainsi, sans fondement, ce grief doit être écarté.

9) Les recourants soutiennent enfin que la décision litigieuse viole leur garantie d'accès à la propriété (art. 26 Cst.).

a. L'exercice par une collectivité d'un droit de préemption légal sur un immeuble constitue une restriction grave du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. (ATF 88 I 248 consid. III.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_86/2015 du 20 avril 2016 consid. 3.1 publié en partie aux ATF 142 I 76 consid. 3 ; 1P.552/1998 du 9 février 1999 consid. 2). Pour être compatible avec cette disposition, l'exercice du droit de préemption doit reposer sur une base légale – une loi au sens formel –, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, La maîtrise publique du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 153-154).

b. En l’espèce, il n'est pas contesté que la restriction du droit de préemption communal aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique repose sur une base légale claire et précise (art. 1 et ss LGL). Les recourants considèrent uniquement qu’il n’existe pas d’intérêt public à l’exercice du droit de préemption par le Conseil d’État.

Or, comme déjà constaté, il existe un intérêt public notoire à la construction de LUP, justifié par les statistiques les plus récentes sur les taux de vacance, inférieurs au seuil de fluidité du marché. En outre, il ressort des explications du Conseil d’État et des documents produits que cette parcelle se trouve dans le secteur qui devra être densifié selon le PDCom 2020 et le PDCn 2030. En tout état, il sied de rappeler que l’art. 9 al. 3 LGL prévoit que les terrains acquis en vertu du droit de préemption peuvent être échangés contre d'autres terrains en zone de développement pour faciliter la construction de LUP. En outre, les obstacles que peuvent constituer les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter ne sont pas en soi un argument suffisant.

Dans ces circonstances, l'intérêt public à la construction de LUP dans les zones de développement du canton est indéniable et doit l'emporter sur l'intérêt, de pure convenance personnelle, des vendeurs à céder leur parcelle au prix convenu avec leurs acheteurs, ainsi qu’à l’intérêt des acheteurs à acquérir la parcelle. Ainsi, conformément à la jurisprudence constante en la matière, le fait que l'intimé manifeste clairement sa volonté de construire des logements, même s’il n'est pas en mesure de fournir un projet de construction détaillé, ni de déterminer une échéance précise pour réaliser son projet, suffit pour admettre que les conditions d'exercice de son droit de préemption sont réalisées.

Par conséquent, l'exercice du droit de préemption sur la parcelle n° 1'810 de la commune par le Conseil d’État se justifie par un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité, de sorte que, de ce point de vue encore, la décision attaquée est conforme au droit.

d. Finalement, dès lors que le litige est circonscrit par l’arrêté no 6’290-2021, les critiques des recourants relatives au montant arrêté par le Conseil d’État, qu’ils refusent « catégoriquement », et toute leur argumentation relative au prix correspondant à la valeur réelle de leur bien, selon leurs estimations, ne sont pas recevables, ces éléments devant être discutés dans le cadre d’une procédure d’expropriation, excédant l’objet du litige. Il en va de même de leurs arguments relatifs à l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_141/2013 du 5 septembre 2013, cet arrêt ne concernant pas, comme le cas d’espèce, une décision de préemption du Conseil d’État, mais une procédure d’expropriation faisant suite à une telle décision, entrée en force. Ainsi, l’objet de la procédure citée dans cette jurisprudence consistait à fixer l’indemnité d’expropriation, et les diverses méthodes d’évaluation de la parcelle préemptée. Cet arrêt n’est pas transposable à la problématique de la présente espèce et l’argumentation détaillée des recourants à cet égard doit ainsi être écartée.

Ainsi, les critiques du prix émises par les recourants sont exorbitantes au présent litige, dès lors qu'une procédure particulière a été prévue par le législateur pour la trancher (art. 5 et 6 LGL).

Au vu de ce qui précède, mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 janvier 2022 par Messieurs A______ contre la décision du Conseil d'État du 8 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de Messieurs A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber, McGregor et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :