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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3272/2013

ATA/280/2015 du 17.03.2015 sur JTAPI/387/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : OUVERTURE DE LA FAILLITE ; PROCÉDURE FISCALE ; TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE ; AMENDE ; APPEL EN CAUSE ; OFFICE DES FAILLITES ; ADMINISTRATION DE LA FAILLITE ; MASSE EN FAILLITE ; DESSAISISSEMENT DANS LA FAILLITE ; CAPACITÉ D'ESTER EN JUSTICE ; SOUSTRACTION D'IMPÔT ; PROCÉDURE PÉNALE
Normes : LPA.71 ; LP.190.al1.ch1 ; LP.204.al1 ; LP.207.al1 ; LP.207.al2 ; CEDH.6 ; LIFD.175 ; LPFisc.69 ; CP.106.al3
Résumé : Les amendes pour soustraction fiscale, prononcées postérieurement à l'ouverture de la faillite du recourant, ne peuvent pas être produites dans le cadre de celles-ci, dès lors qu'elles sont de nature strictement personnelle, de sorte que l'appel en cause de l'office des faillites, dans la procédure en soustraction d'impôt diligentée contre le recourant, ne se justifie pas.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3272/2013-ICCIFD ATA/280/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mars 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2014 (JTAPI/387/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, originaire d'Arabie Saoudite, est domicilié depuis 1988 à Genève, canton duquel il est contribuable.

2) En 2000, il a épousé Madame B______.

3) Dans leurs déclarations pour les années fiscales 2002 à 2006, les époux A______ ont indiqué un revenu brut de respectivement CHF 73'796.-, CHF 79'054.-, CHF 79'620.-, CHF 81'526.- et CHF 85'180.- résultant de l'exercice de l'activité dépendante de Mme A______ en qualité d'employée de commerce, son époux étant « sans profession ».

4) Par bordereaux des 22 août 2003, 16 juin 2004, 7 juillet 2005, 5 septembre 2006 et 25 juillet 2007, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a établi l'imposition des époux A______ pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de la manière suivante : CHF 3'929.55 (ICC) et CHF 396.- (IFD) en 2002 ; CHF 4'400.75 (ICC) et CHF 510.- (IFD) en 2003 ; CHF 4'110.20 (ICC) et CHF 525.- (IFD) en 2004 ; CHF 4'027.20 (ICC) et CHF 516.- (IFD) en 2005 ; CHF 6'114.10 (ICC) et CHF 532.- (IFD) en 2006.

5) En 2007, les époux A______ se sont séparés, ce qu'ils ont annoncé à l'AFC-GE, puis à l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) en 2009 selon les données figurant au registre informatisé de ce service.

6) Dans sa déclaration fiscale pour l'année 2007, M. A______ a annoncé la réalisation d'un revenu de CHF 197'400.- résultant d'une activité dépendante pour les sociétés C______ (ci-après : C______) et D______ (ci-après D______). Il a également mentionné une dette constituée en faveur de Monsieur E______ le 15 août 2008 pour un montant de CHF 400'000.-.

7) Le 18 février 2009, l'AFC-GE a requis de M. A______ la production des justificatifs de la contrepartie de la dette de CHF 400'000.- ainsi que la copie du contrat de prêt.

8) Le 16 mars 2009, M. A______ a expliqué à l'AFC-GE avoir emprunté CHF 400'000.- à son frère pour créer les sociétés F______ (ci-après : F______) et D______ et oublié de mentionner dans sa déclaration d'impôt les actions de celles-ci qu'il détenait, ce dont il s'excusait.

9) Par bordereau du 23 avril 2009, l'AFC-GE a établi l'imposition de M. A______ pour l'année 2007 à CHF 40'389.85 pour l'ICC et à CHF 9'905.75 pour l'IFD.

10) Par jugement du 3 novembre 2011 (JTPI/16148/2011), le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a prononcé la faillite de M. A______.

En 2008, M. A______ avait reçu une avance d'USD 6'000'000.-, créditée sur le compte de F______, dont la faillite avait été prononcée en 2009, en vue d'arranger la vente de barils de pétrole, moyennant la perception de commissions, puis avait signé des reconnaissances de dette en 2010 en lien avec ce montant et les commissions à percevoir, sans procéder à aucun paiement. Au vu des pièces produites, la qualité de créancier du requérant avait été rendue vraisemblable, ce que M. A______ ne contestait d'ailleurs pas. Ce dernier n'ayant pas de résidence connue en Suisse, dès lors qu'il avait indiqué séjourner tantôt à l'hôtel, tantôt chez des connaissances, sa faillite sans poursuite préalable était prononcée.

N'ayant pas été contesté, ce jugement est entré en force.

11) Par courrier du 16 mai 2012, le Ministère public a informé l'AFC-GE de l'ouverture d'une procédure pénale n° P/1______ pour abus de confiance et gestion déloyale à l'encontre de M. A______ et a sollicité la consultation de son dossier fiscal.

12) Le 6 juillet 2012, l'AFC-GE a, à son tour, demandé au Ministère public l'autorisation de prendre connaissance du dossier pénal concernant M. A______ s'agissant des pièces propres à la renseigner sur sa situation financière.

13) Par courrier du 3 août 2012, l'AFC-GE a informé M. A______ de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et soustraction pour les années 2002 à 2008 et d'une procédure en tentative de soustraction pour les années 2009 à 2011.

Certains documents dont elle avait eu connaissance avaient mis en évidence que des éléments de son revenu et de sa fortune n'avaient pas été déclarés. Afin de vérifier l'exactitude de son imposition, il était invité à produire tous documents permettant d'établir sa situation financière durant les périodes concernées.

14) Le même jour, l'AFC-GE a envoyé un courrier similaire à Mme A______.

15) Le 20 septembre 2012, l'AFC-GE a procédé à l'audition de M. A______ au sujet de son activité indépendante dès 2002, d'une partie du salaire de l'activité dépendante déployée pour le compte de F______, de C______ et de D______ et de l'avance sur commission à recevoir par F______ dont il était actionnaire, éléments qu'il n'avait pas déclarés.

M. A______ a expliqué que l'exploitation de son activité indépendante n'avait généré que des pertes et qu'il était toujours dans l'attente d'une concrétisation d'une affaire pétrolière avec la famille royale saoudienne. Sauf erreur, il avait déclaré l'ensemble des revenus réalisés dans le cadre de son activité dépendante. Le prêt dont il avait bénéficié lui avait permis de subvenir à son entretien, dès lors qu'entre 2002 et 2007, il n'avait réalisé aucun revenu et vivait de la générosité de ses proches. Sa famille, comprise dans un sens large, avait réuni les fonds nécessaires pour financer l'avance, à concurrence de CHF 15'000'000.-, sur la commission à recevoir de F______, étant précisé qu'il ne possédait lui-même aucune fortune.

16) Par jugement du 2 octobre 2012 (JTPI/2______), le TPI a prononcé le divorce sur requête commune avec accord complet des époux A______.

17) Le 24 octobre 2012, l'AFC-GE a requis de M. A______ qu'il se détermine par écrit au sujet des faits retenus à son encontre et lui a imparti un délai pour produire ses déclarations d'impôt pour les années 2009 à 2011.

18) Le 2 novembre 2012, M. A______ a indiqué à l'AFC-GE que suite à la faillite prononcée le 3 novembre 2011 à son encontre, seule la masse avait qualité pour reconnaître les dettes antérieures à celle-ci, de sorte que la procédure administrative devait être suspendue, puisqu'elle avait pour objet de déterminer l'existence d'une créance de droit public à son encontre. Elle devait également être suspendue au regard de la procédure pénale en cours, dans la mesure où, s'il était reconnu coupable d'avoir disposé des fonds investis dans F______, il en deviendrait de plein droit débiteur envers le créancier, qui ne pouvaient ainsi être considérés comme des revenus par l'autorité fiscale.

19) Le 23 mai 2013, l'AFC-GE a réitéré sa demande de renseignements complémentaires auprès de M. A______.

20) Le 28 mai 2013, M. A______ a écrit à l'AFC-GE, indiquant qu'il lui avait répondu dans un précédent courrier, aux termes duquel il requérait également la suspension de la procédure, qu'il réitérait.

21) Par courriers du 19 juin 2013, l'AFC-GE a informé Mme et M. A______ que les procédures en rappel d'impôt et soustraction d'impôt concernant l'ICC et l'IFD pour les années 2002 à 2007 étaient terminées et leur a transmis un procès-verbal dressant les éléments de revenus et de fortunes mobiliers non déclarés, les revenus de l'activité indépendante non déclarés et les revenus de l'activité dépendante non déclarés par M. A______.

22) Le même jour, l'AFC-GE a notifié des bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD à M. A______ et à Mme A______ pour les années 2002 à 2006 et à M. A______ pour l'année 2007, à savoir : CHF 5'674.70 (ICC) et CHF 624.- (IFD) en 2002 ; CHF 19'551.50 (ICC) et CHF 3'621.- (IFD) en 2003 ; CHF 13'175.35 (ICC) et CHF 2'107.- (IFD) en 2004 ; CHF 14'365.15 (ICC) et CHF 2'371.- (IFD) en 2005 ; CHF 38'291.15 (ICC) et CHF 10'084.- (IFD) en 2006 ; CHF 197'537.55 (ICC) et CHF 74'176.55 (IFD) en 2007.

23) Le 19 juin 2013 également, l'AFC-GE a notifié à M. A______ des bordereaux d'amende pour l'ICC et l'IFD pour des montants respectifs de CHF 225'631.- et CHF 81'130.-.

Divers documents mettaient en évidence que M. A______ n'avait pas correctement déclaré son revenu et sa fortune pour les années fiscales 2002 à 2007, de manière à bénéficier d'une imposition favorable, comportement remplissant les conditions d'une soustraction d'impôt. Au regard du caractère intentionnel et répétitif du comportement de l'intéressé, la pénalité correspondait au montant des impôts soustraits.

24) Par courrier du 9 juillet 2013, M. A______ a formé réclamation contre les bordereaux de rappel d'impôt et d'amende, concluant à leur annulation et à ce que la procédure soit renvoyée au service du contrôle de l'AFC-GE en vue de la suspension de la procédure.

Ayant été déclaré en faillite, il avait été dessaisi de l'intégralité de ses droits et ne pouvait ni disposer de créances, ni reconnaître des dettes antérieures au prononcé de celle-ci, ce qui était de l'unique compétence de la masse. Dès lors que la procédure administrative visait à déterminer une créance de droit public à son encontre, elle devait être impérativement suspendue, ce qu'il avait requis de l'AFC-GE, laquelle n'avait donné aucune suite à sa demande.

25) Par décisions séparées du 12 septembre 2013, l'AFC-GE a maintenu les bordereaux de rappel d'impôt pour l'ICC et l'IFD 2002 à 2007 ainsi que les bordereaux d'amende pour l'ICC et l'IFD 2002 à 2007.

M. A______ avait été déclaré en faillite sans poursuite préalable, à la demande d'un créancier, au motif qu'il n'avait pas de résidence connue, de sorte qu'il n'avait plus la capacité de disposer de ses biens et que les créanciers devaient produire leurs créances. Il en résultait que l'AFC-GE était en droit de faire valoir ses créances fiscales à l'encontre de l'intéressé, y compris celles résultant de la procédure en rappel d'impôt et en soustraction. Dans ce cadre, la procédure administrative ne devait pas être suspendue, puisqu'aucune disposition impérative ne le requérait et que les procédures fiscales litigieuses, ouvertes postérieurement au jugement de faillite, n'influaient pas sur l'état de la masse. En tout état, M. A______ ne contestant pas le bien-fondé des reprises effectuées, pas davantage que celui des amendes infligées, les décisions querellées devaient être confirmées.

26) Par acte du 8 octobre 2013, M. A______ a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à leur annulation, de même qu'à celle des bordereaux du 19 juin 2013, et à ce que l'AFC-GE soit invitée à procéder conformément aux règles du droit des poursuites et faillites, en produisant ses créances auprès de la masse en faillite.

Il reprenait en substance les arguments développés à l'appui de ses précédentes écritures, précisant que le recours portait sur une question procédurale. En effet, pour faire reconnaître le bien-fondé de sa créance en rappel d'impôt pour 2002 à 2007, de même que les amendes, l'AFC-GE devait les produire auprès de l'office des faillites (ci-après : l'office), à charge de la masse de les accepter ou de les refuser, après consultation du débiteur. Dans la mesure où elle tendait à déterminer une créance de droit public à son encontre, la procédure administrative devait au surplus être suspendue, ce d'autant qu'il avait été dépossédé de ses dossiers et était dans l'incapacité de se déterminer sur le bien-fondé des rappels d'impôt, de même que sur la quotité des amendes infligées.

27) Le 21 octobre 2013, le Président du TAPI a informé l'office qu'il envisageait de prononcer son appel en cause dans le cadre de la procédure administrative, l'invitant à se déterminer.

28) Dans ses déterminations du 4 novembre 2013, l'office a indiqué au TAPI qu'il ne lui était pas utile d'être appelée en cause dans la procédure administrative ouverte à l'encontre de M. A______, n'étant pas concerné par celle-ci. En effet, dans la mesure où cette procédure se limitait à la question de la validité formelle et matérielle des bordereaux d'impôt litigieux notifiés à M. A______, elle ne concernait pas la masse en faillite, qui était préservée indépendamment de son issue, mais relevait de l'unique compétence du TAPI. Il en irait toutefois différemment de la question relative à la production d'une créance née antérieurement ou après la faillite, qui devait être soumise, le cas échéant, au contrôle du juge pour connaître de l'action en contestation de l'état de collocation et/ou par une plainte, qui ne relevait pas de la compétence du TAPI et qui ne faisait pas non plus l'objet de la procédure administrative ouverte devant celui-ci. Par ailleurs, en l'état, la liquidation de la faillite de M. A______ restait au stade de l'inventaire, en raison de la procédure pénale ouverte contre l'intéressé, aucun appel aux créanciers n'ayant encore été publié.

29) Dans ses observations du 27 février 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle reprenait les termes de ses précédentes écritures, précisant que le rappel d'impôt était justifié dans son principe, ce que l'intéressé ne contestait pas, lequel se limitait à soulever une question procédurale, ne relevant au demeurant pas du droit fiscal, en alléguant que la procédure administrative aurait dû être suspendue.

Tel ne devait toutefois pas être le cas. D'une part, le sort des procédures en rappel et soustraction d'impôt ne dépendait pas de l'issue de la procédure pénale ouverte à l'encontre de M. A______, un revenu étant réputé réalisé même s'il avait été obtenu de manière illicite. Il existait ainsi suffisamment d'éléments au dossier mettant en évidence que l'intéressé avait disposé de montants importants, non déclarés durant la période litigieuse, devant être considérés comme des revenus imposables, de sorte qu'aucune question préjudicielle ne devait être tranchée.

D'autre part, sous l'angle du droit des poursuites et faillites, il était indispensable que l'AFC-GE soit en mesure de faire valoir la totalité de ses créances fiscales à l'encontre de M. A______, puisque son patrimoine devait être liquidé, de sorte que la procédure fiscale, qui n'était pas de nature à influer sur l'état de la masse, composée de tous les biens saisissables de l'intéressé au moment de l'ouverture de la faillite, ne pouvait être suspendue. Par ailleurs, puisque les reprises n'étaient pas seulement liées à la procédure pénale, rien n'empêchait M. A______ de fournir des explications au sujet des rappels d'impôt, même s'il ne disposait pas des justificatifs s'y rapportant.

30) Par jugement du 14 avril 2014, reçu le 24 avril 2014 par M. A______, le TAPI a partiellement admis le recours dans le sens des considérants et a appelé en cause l'office dans le cadre la procédure.

La question de la suspension de la procédure administrative ne se posait pas, dès lors que la faillite de M. A______ avait été prononcée avant la notification des bordereaux de rappel d'impôt et d'amende litigieux. Il en résultait que M. A______ devait être débouté de ses conclusions visant à l'annulation des décisions sur réclamation du 12 septembre 2013 et des bordereaux de rappel d'impôt et d'amendes concernant l'ICC et l'IFD 2002 à 2007.

Les bordereaux de rappel d'impôt constituaient des créances de droit public, faisant partie de la masse passive, même si les années fiscales qu'ils concernaient étaient antérieures à la date du prononcé de la faillite. Dès celle-ci, M. A______ avait été dessaisi du droit d'administrer ses biens et d'en disposer, de sorte qu'il ne pouvait plus, de son propre chef, contester les reprises découlant des bordereaux de rappel d'impôt pour l'ICC et l'IFD des années 2002 à 2007. Ce droit appartenait à l'administration de la masse, représentée par l'office, à laquelle l'AFC-GE devait notifier les bordereaux litigieux. Compte tenu des conséquences que pouvaient avoir une décision définitive du TAPI sur l'admission de la créance fiscale à l'état de collocation, il y avait lieu d'appeler en cause l'office afin de lui permettre de contester, le cas échéant, les bordereaux de rappel d'impôt pour l'ICC et l'IFD des années 2002 à 2007 devant l'instance de recours, ce qui conduisait à l'admission partielle du recours.

Il en allait différemment des bordereaux d'amende. Dans la mesure où la soustraction d'impôt était une infraction de nature pénale et que l'amende avait un caractère personnel, seul M. A______ était habilité à les contester, l'administration de la faillite ne pouvant l'y suppléer. La question de savoir si M. A______ pouvait lui-même mettre en cause le montant des reprises dans le cadre de la contestation de la soustraction d'impôt pouvait rester ouverte, dans la mesure où ses conclusions ne portaient pas sur ce point, ni d'ailleurs sur celui du bien-fondé de l'amende.

Au surplus, l'issue du litige n'avait pas d'incidence sur la situation de Mme A______, dès lors que le recours ne portait pas sur le bien-fondé des reprises, que le mandataire de M. A______ ne représentait pas son ex-épouse et que cette dernière n'avait pas élevé réclamation contre les bordereaux litigieux.

31) Par acte du 19 mai 2014, M. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et au renvoi du dossier au TAPI en vue de l'appel en cause de l'office pour l'ensemble des décisions du 19 juin 2013 de reprise d'impôt et d'amende pour l'ICC et l'IFD 2002 à 2007.

Même si les bordereaux d'amende étaient de nature pénale, il s'agissait néanmoins de créances de droit public, à l'instar des créances en rappel d'impôt, à l'égard desquelles il ne pouvait plus se déterminer suite à la faillite, cette compétence appartenant exclusivement à la masse. Ces créances grevant la masse en faillite, les autres créanciers devaient être en mesure les contester. La distinction opérée par le TAPI n'était ainsi pas conforme aux principes en matière de poursuites et faillites.

32) Le 26 mai 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

33) Dans sa réponse du 27 juin 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

Le jugement entrepris n'ayant pas été contesté s'agissant des bordereaux de rappel d'impôt, il était entré en force sur ce point. La situation était toutefois différente pour les bordereaux d'amende, qui faisaient l'objet du présent recours. Dans la mesure où le jugement de faillite n'avait aucun effet sur les procès pénaux pendants, dès lors que M. A______ y était le seul intéressé, la masse en faillite ne pouvait ni prendre la place du débiteur dans la procédure pénale en soustraction d'impôt, ni recourir contre les bordereaux d'amende, de sorte que l'appel en cause de l'office ne se justifiait pas. Même si la distinction opérée par le TAPI entre les bordereaux de rappel d'impôt et les bordereaux d'amende pouvait poser des problèmes pratiques, dans la mesure où l'existence des deuxièmes était liée à celle des premiers, il n'en demeurait pas moins que la nature strictement personnelle et pénale de l'amende commandait un tel traitement différent, les bordereaux d'amende ne pouvant être produits dans la faillite.

34) Le 7 juillet 2014, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 29 août 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

35) Aucune des parties ne s'est manifestée depuis lors.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Seule demeure litigieuse devant la chambre de céans la question de l'appel en cause de l'office dans le cadre de la procédure en soustraction d'impôt, étant précisé que le recourant ne conteste ni la matérialité des faits qui lui sont reprochés, ni le montant de l'amende lui ayant été infligé par les bordereaux d'amende du 19 juin 2013, confirmés par décisions sur réclamation du 12 septembre 2013.

3) Aux termes de l'art. 71 LPA, l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).

Cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L'institution de l'appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d'obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/623/1996 du 29 octobre 1996), mais a pour but de sauvegarder le droit d'être entendu des personnes n'étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2).

4) a. Selon l'art. 190 al. 1 ch. 1 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur n'a pas de résidence connue, s'il a pris la fuite dans l'intention de se soustraire à ses engagements, s'il a commis ou tenté de commettre des actes en fraude des droits de ses créanciers ou celé ses biens dans le cours d'une poursuite par voie de saisie dirigée contre lui.

b. Au moment de l'ouverture de la faillite, tous les biens saisissables du failli forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers ; les biens échéant au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse (art. 197 LP). Sont nuls à l'égard des créanciers tous actes par lesquels le débiteur aurait disposé, depuis l'ouverture de la faillite, de biens appartenant à la masse (art. 204 al. 1 LP).

La faillite opère ainsi le dessaisissement du failli, qui ne peut plus disposer de ses biens, ce droit étant transféré à l'administration de la faillite, organe de la communauté des intervenants chargé de réaliser les biens du débiteur (ATA/544/2014 du 17 juillet 2014 ; Pierre-Robert GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd., 2012, p. 393 n. 1658). Il en va de même de sa capacité d'ester en justice, qui se voit limitée, étant précisé qu'une procédure susceptible d'influer sur la masse active est une procédure dont l'objet est patrimonial (Sylvain MARCHAND, Précis de droit des poursuites, 2ème éd., 2013, p. 139). L'administration de la faillite est ainsi chargée des intérêts de la masse, pourvoit à sa liquidation et la représente en justice (art. 240 LP).

c. Sauf dans les cas d'urgence, les procès civils auxquels le failli est partie et qui influent sur l'état de la masse en faillite sont suspendus et ne peuvent être continués, en cas de liquidation ordinaire, qu'après les dix jours qui suivent la seconde assemblée des créanciers et, en cas de liquidation sommaire, qu'après les vingt jours qui suivent le dépôt de l'état de collocation ; les procédures administratives peuvent être suspendues aux mêmes conditions que les procès civils (art. 207 al. 1 et 2 LP).

Les procès pénaux ne sont toutefois pas suspendus par l'ouverture de la faillite, quel que soit le rôle joué par le failli, en tant que partie plaignante ou prévenu. Par ailleurs, l'amende prononcée après l'ouverture de la faillite ne peut pas être produite dans la faillite (Pierre-Robert GILLIÉRON, op. cit., p. 399 n. 1686).

5) a. La procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal, à laquelle l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) est applicable ; tel n'est toutefois pas le cas des procédures en rappel d'impôt, qui n'y sont pas soumises (ATF 140 I 68 consid. 92 ; 138 IV 47 consid. 2.6.1 ; 132 I 140 consid. 2.1 ; 121 II 257 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_63/2014 et 2C_64/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.2). En matière d'interdiction de s'incriminer soi-même, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) n'exclut toutefois pas l'application de l'art. 6 § 1 CEDH lorsque la procédure fiscale déborde le seul cadre pénal et interagit sur les procédures purement fiscales, de sorte à rendre impossible la distinction entre les phases d'une procédure qui porte sur une « accusation en matière pénale » de celles ayant un autre objet, justifiant d'examiner l'ensemble de la problématique sous l'angle de l'art. 6 CEDH (arrêts de la CourEDH Chambaz c. Suisse du 5 avril 2012, req. 11663/04, §§ 40 à 43 ; Jussila c. Finlande [Grande Chambre] du 23 novembre 2006 § 45 ; J.B. c. Suisse du 3 mai 2001, req. 31827/96, Rec. 2001-III, §§ 47 s). La situation n'est toutefois pas similaire s'agissant des autres droits garantis par l'art. 6 § 1 CEDH, notamment celui d'être entendu oralement. Si les procédures en rappel d'impôt et celles relatives à la soustraction fiscale procèdent indéniablement d'un même complexe de faits et sont souvent menées en parallèle, elles donnent lieu à des décisions distinctes, qui peuvent être dissociées sans difficulté (ATF 140 I 68 consid. 9.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3).

b. Aux termes de l'art. 175 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2). L'art. 69 LPFisc prévoit une réglementation similaire.

Selon l'art. 106 al. 3 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), respectivement applicable par les renvois des art. 333 CP et 82 LPFisc, le juge fixe l'amende en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principaux éléments à prendre en considération sont ainsi le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 et 2C_181/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 précité consid. 3.3 ; 2C_188/2009 du 7 juillet 2009 consid. 2.4 et 2.5).

c. À l'instar de toute peine, l'amende prononcée en cas de soustraction d'impôt est de nature strictement personnelle (ATF 134 III 59 consid. 2.3.1 ; 119 Ib 311 consid. 2e ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_491/2013 du 6 février 2014 consid. 2.2). En effet, la jurisprudence admet que les amendes fiscales constituent de véritables peines, de sorte que l'exigence d'une faute personnelle leur est également applicable (ATF 134 III 59 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_491/2013 précité consid. 2.4.2).

6) En l'espèce, le recourant s'est vu infliger deux amendes pour soustraction fiscale concernant l'ICC et l'IFD pour les années 2002 à 2007, dont la nature pénale n'est pas contestée.

Si les faits qui lui sont reprochés aux termes des bordereaux d'amende litigieux, soit de ne pas avoir déclaré une partie de ses revenus et de sa fortune, concernent des périodes fiscales antérieures à l'ouverture de la faillite, qui est intervenue par jugement du 3 novembre 2011, il n'en demeure pas moins que les amendes en question ont été prononcées postérieurement à celle-ci. Elles ne peuvent ainsi pas être produites dans la faillite. Pour ce motif déjà, l'administration de la faillite, soit pour elle l'office, n'est pas susceptible d'être touchée par l'issue de la procédure pénale.

À cela s'ajoute qu'à l'instar de toute peine, les amendes prononcées à l'encontre du recourant pour soustraction fiscale sont de nature strictement personnelle. Leur quotité a ainsi été fixée au regard de la faute commise par l'intéressé, comme cela ressort des bordereaux litigieux, qui mentionnent le caractère intentionnel et répétitif des agissements du recourant. À ce titre, l'administration de la faillite ne saurait prendre la place du recourant dans le cadre de la procédure les concernant, étant précisé que leur objet n'est pas patrimonial, dans la mesure où elles sont destinées à sanctionner un comportement déterminé, dont la pénalité est la conséquence.

La distinction opérée par le TAPI, qui a appelé en cause l'office dans le cadre de la procédure fiscale en rappel d'impôt sans en faire de même pour celle relative à la contestation des bordereaux d'amende, se justifie au regard de ces éléments et est conforme à la jurisprudence susmentionnée. En effet, même si les deux procédures procèdent du même complexe de faits et ont été menées en parallèle, il n'apparaît pas qu'elles aient interagi au point de les rendre indissociables, ce d'autant que les décisions les concernant ont été notifiées séparément.

C'est dès lors à juste titre que le TAPI n'a pas ordonné l'appel en cause de l'office s'agissant des bordereaux d'amende, c'est-à-dire dans le cadre de la procédure en soustraction d'impôt.

7) Au regard de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Jacques Martin, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office des faillites.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :