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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3787/2006

ATA/161/2008 du 08.04.2008 ( VG ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT DE PRÉEMPTION ; VENTE ; EXPROPRIATION ; CALCUL DU DÉLAI ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; LOGEMENT SOCIAL
Normes : LGL.2 ; LGL.3 ; LGL.4 ; LGL.5 ; Cst.36 ; LPA.17 ; LPA.71
Parties : L'HOIRIE HALDIMANN, SOIT POUR ELLE M. HALDIMANN ROBERT FREDERIC et Mme PATRICK HALDIMANN Martine, PATRICK Martine / DIRECTION DE L'ORGANISATION URBAINE ET DES CONSTRUCTIONS, PLUCHON Béatrice, DA FONSECA BARRETO ET PLUCHON Carlos Emmanuel et Béatrice
Résumé : L'article 5 LGL, qui a pour objet de fixer avec l'article 4 de cette même loi, les modalités du droit de préemption, règle la question du délai dans lequel ce dernier doit être invoqué, en distinguant clairement la durée, la ventilation et le point de départ de celui-ci. L'exercice du droit de préemption par une collectivité publique en application de la LGL n'implique pas nécessairement la présentation d'un projet détaillé. Rappel de la jurisprudence et du principe de l'adéquation. En l'espèce, la parcelle litigieuse est située en zone de développement. Elle est donc propre à permettre la construction de logements. Elle se trouve par ailleurs dans un périmètre prioritaire qui fait l'objet d'une politique d'acquisition foncière active de la Ville de Genève. Absence d'intérêt privé prépondérant de la recourante. En particulier, ses intérêts financiers ne peuvent être considérés comme prioritaires au regard des intérêts publics visés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3787/2006-VG ATA/161/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 8 avril 2008

dans la cause

 

Hoirie Alfred HALDIMANN, soit pour elle Madame Martine PATRICK, née HALDIMANN et Monsieur Robert-Frédéric HALDIMANN
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE, DIRECTION DE L’ORGANISATION URBAINE ET DES CONSTRUCTIONS

et

Madame Béatrice PLUCHON et Monsieur Carlos-Emmanuel DA FONSECA BARRETO, appelés en cause


 


EN FAIT

1. Dans le cadre du plan directeur cantonal voté le 21 septembre 2001 par le Grand Conseil et approuvé le 14 mars 2003 par la Confédération, l’Etat prévoit jusqu’en 2020 la création de 30'000 à 32'000 logements supplémentaires pour l’ensemble du Canton. La Ville de Genève (ci-après : la Ville) est tenue de favoriser la construction d’environ 10% de ces 30'000 logements supplémentaires, soit 3'000 logements, ce qui correspond à environ 150 logements par année, prioritairement en zone de développement, afin de répondre à un besoin prépondérant d’intérêt général.

Deux périmètres font prioritairement l’objet d’une politique d’acquisition foncière active de la part de la Ville : sur la rive droite, le quartier de la Forêt ; sur la rive gauche, le quartier des Allières, situé à proximité du centre, desservi par les transports publics et disposant d’une école.

2. Par actes de vente des 29 novembre et 15 décembre 2004, la Ville a acquis la parcelle n° 806 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, sise avenue de Godefroy 18, d’une surface de 1'031m2, pour le prix de CHF 1'250'000.-, respectivement la parcelle n° 832 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, sise route de Chêne 41 b, d’une surface de 2'151m2, pour le prix de CHF 2'000'000.-.

3. Par acte authentique du 11 mai 2006, l’hoirie Alfred Haldimann, soit feue Madame Marie-Louise Haldimann, Madame Martine Patrick, née Haldimann et Monsieur Robert-Frédéric Haldimann (ci-après : l’hoirie), ont conclu une vente à terme avec Madame Béatrice Pluchon et Monsieur Carlos-Emmanuel Da Fonseca Barreto (ci-après : les acheteurs), portant sur la parcelle n° 816 sise en la Ville et commune de Genève, section Eaux-Vives, au numéro 8, avenue de Godefroy.

L’acte de vente précisait que :

« En application des dispositions de (la loi générale sur le logement et la protection des locataires), les parties mandatent dès lors expressément le notaire (ayant instrumenté l’acte) d’aviser simultanément, par lettre recommandée, le Conseil d’Etat et la Ville et commune de Genève de (ladite) vente en remettant une photocopie certifiée conforme dès la formalité de l’enregistrement effectuée.

Il est toutefois observé que le délai de soixante jours pendant lequel l’Etat doit se prononcer ne commencera à courir au plus tôt qu’à compter de la date de dépôt du présent acte au Registre foncier et au plus tard à réception de la lettre du notaire soussigné ».

La vente était consentie moyennant le paiement d’un montant de CHF 1'000'000.-.

4. La parcelle n° 816 a une superficie de 610m2. Une habitation à un seul logement d’une emprise au sol de 74m2 y est érigée.

5. Par courrier du 24 mai, reçu le 29 mai 2006, la direction du logement de l’Etat de Genève (ci-après : DL) a informé la Ville de la vente à terme intervenue, réservant la décision du Conseil d’Etat quant à l’exercice du droit de préemption de l’Etat.

6. Par courrier LSI du 7 juin 2006 adressé à Monsieur Claude Terrier, notaire ayant instrumenté l’acte de vente, la Ville a sollicité de celui-ci qu’il annule la procédure engagée auprès de l’Etat et qu’il applique strictement la teneur de l’article 4 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) lequel stipulait que le propriétaire qui aliène ou promet d’aliéner avec octroi d’un droit d’emption un bien-fonds soumis au droit de préemption est tenu d’en aviser le Conseil d’Etat et la commune du lieu de situation.

7. M. Terrier a transmis à la Ville une copie de l’acte de vente, par courrier LSI du 12 juin 2006, précisant estimer ne pas avoir à annuler la procédure engagée auprès de l’Etat.

8. Le 20 juin 2006, la DL a informé le notaire que le délai de soixante jours dont bénéficiait l’Etat ne commençait à courir qu’à partir du 13 juin 2006, date de la réception de l’acte par la Ville.

9. Le 26 juin 2006, la Ville a informé M. Terrier qu’elle se déterminerait sur l’exercice de son droit de préemption dans le délai légal, soit trente jours après que le Conseil d’Etat se serait lui-même prononcé.

10. Par courrier LSI du 19 juillet 2006, la Ville a informé Monsieur Axel Wendt, représentant de l’hoirie, du fait qu’elle envisageait d’exercer son droit de préemption en vue de la construction de logements d’utilité publique au sens de la LGL. La parcelle concernée était située dans un périmètre appelé à être développé. Considérant cependant le prix convenu excessif, elle avait diligenté une expertise et entendait exercer son droit de préemption au prix de CHF 800'000.- tel que proposé par cette dernière. L’expertise était jointe au courrier.

11. Le même jour, la Ville a également informé les acheteurs, par courrier LSI, qu’elle envisageait d’exercer son droit de préemption.

12. Le 19 juillet 2006, le Conseil administratif de la Ville a déposé auprès du Conseil municipal une proposition en vue d’exercer ce droit.

13. Par courrier du 27 juillet 2006, les acheteurs ont informé la Ville des raisons pour lesquelles ils souhaitaient acquérir la parcelle litigieuse, à savoir pour y habiter avec leur premier enfant à naître. Ils faisaient en outre état des difficultés à trouver un logement à Genève.

14. Par fax et courrier du 10 août 2006, la Ville a transmis à l’hoirie, à sa requête, l’extrait du Mémorial des séances du Conseil municipal du 2 décembre 2003 contenant, outre la proposition du Conseil administratif du 19 novembre 2003, les débats du Conseil municipal ayant conduit à la décision d’autoriser le Conseil administratif à faire valoir son droit de préemption sur la parcelle n° 806, la reproduction des échanges de correspondance entre la Ville et les parties à l’acte de vente original et l’arrêté du Conseil municipal y relatif.

15. Le 14 août 2006, l’Etat de Genève a informé la Ville qu’il renonçait à exercer son droit de préemption.

16. Sur requête de l’hoirie, la Ville lui a transmis, le 18 août 2006, le « plan de coordination et état des projets concernant la gare des Eaux-Vives - état septembre 2003 » ainsi que la copie du compte-rendu du premier séminaire de concertation du 8 septembre 2003 concernant le périmètre d’aménagement coordonné de la gare.

17. Le 18 août 2006, l’hoirie a informé la Ville qu’elle refusait l’offre du Conseil administratif de proposer au Conseil Municipal d’exercer son droit de préemption pour CHF 800'000.-. La Ville ne disposait d’aucun intérêt public justifiant l’exercice de ce droit et le prix proposé était insuffisant. Enfin, les acheteurs étaient attachés à la parcelle et souhaitaient habiter la villa.

18. La Ville a répondu aux motifs invoqués par l’hoirie le 28 août 2006, en précisant son intérêt public et en soulignant la conformité du prix d’achat proposé.

Par courrier du même jour adressé aux acheteurs, elle a maintenu son intention d’exercer son droit de préemption.

19. Le 12 septembre 2006, le Conseil municipal a autorisé la Ville à exercer son droit sur la parcelle concernée au prix de CHF 800'000.- aux fins de construction de logements d’utilité publique.

20. L’hoirie et les acheteurs ont été informés de cette décision et des possibilités de recours par-devant le Tribunal administratif, le lendemain. La Ville précisait, qu’en cas de non acceptation de l’offre par l’hoirie, elle recourrait à la procédure d’expropriation. M. Terrier était également informé de la décision du Conseil municipal.

21. Le 13 septembre 2006, l’hoirie a persisté dans ses observations du 18 août tout en réservant son droit de recourir.

Elle a finalement recouru le 18 octobre 2006 par-devant le Tribunal administratif à l’encontre de ladite décision, concluant à son annulation ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La Ville disposait d’un délai maximal de 90 jours à compter de la date du dépôt de l’acte au registre foncier (RF) pour exercer son droit de préemption. En agissant plus de 120 jours après avoir été informée de la vente de la parcelle litigieuse, force était d’admettre que sa décision d’acquérir cette dernière était nulle, car tardive. Si par impossible le Tribunal administratif devait ne pas constater la nullité de la décision entreprise pour ce motif, celle-ci devrait être annulée en raison de l’absence d’intérêt public de la Ville à exercer son droit de préemption. Il n’existait en effet à ce jour aucun plan concret et précis, réalisable dans un avenir pas trop éloigné, concernant le secteur sur lequel se trouvait la parcelle, notamment s’agissant de la réalisation de plusieurs centaines de logements sociaux. Enfin, le prix proposé par la Ville était manifestement insuffisant et disproportionné.

22. En date du 3 novembre 2006, le juge délégué a appelé en cause les acheteurs. Un délai au 1er décembre leur était imparti pour faire valoir d’éventuelles observations.

23. Le 13 décembre 2006, les appelés en cause ont informé le tribunal de céans avoir signé, le même jour, un acte de prolongation de la vente à terme de la parcelle n° 816, d’une durée de deux ans.

24. La Ville a répondu au recours en date du 15 décembre 2006. Elle conclut à son rejet avec suite de frais et dépens.

a. Le délai dont disposait l’Etat pour exercer son droit de préemption avait commencé à courir le 13 juin et était arrivé à échéance le 12 août qui était un samedi, de sorte qu’il avait été reporté au lundi 14 août. C’est à cette date que l’Etat avait informé la Ville qu’il renonçait à exercer son droit. Le courrier y relatif avait été reçu le 17 par la Ville qui avait donc jusqu’au lundi 18 septembre (le 16 étant un samedi le délai était reporté au premier jour utile) pour exercer son droit de préemption. En faisant valoir son droit le 13 septembre 2006, la Ville avait dès lors agi dans les délais.

b. S’agissant de l’absence d’intérêt public invoqué par les recourants, ce grief tombait totalement à faux. Non seulement la parcelle litigieuse était située en zone de développement, de sorte que sa densification était prévue depuis fort longtemps, mais en outre, elle était située à proximité de la gare des Eaux-vives et faisait partie du plan directeur localisé en cours d’élaboration pour ce secteur.

c. Enfin, la question du bien-fondé du prix proposé par la Ville n’était pas du ressort du Tribunal administratif. A défaut d’accord entre les parties, la commune pouvait procéder à l’expropriation de la parcelle et c’était alors la commission cantonale de conciliation et d’estimation qui serait compétente pour fixer les indemnités d’expropriation.

25. Les parties et appelés en cause ont été entendus en audience de comparution personnelle le 26 juillet 2007.

a. A cette occasion, l’hoirie a indiqué que la villa était actuellement occupée, en vertu d’un contrat de prêt à usage. Elle retirerait le recours si la Ville était disposée à offrir un prix supérieur pour l’acquisition de la parcelle litigieuse. Il lui apparaissait toutefois plus adéquat de vendre cette villa à une famille qui l’occuperait immédiatement qu’à la Ville qui ne construirait rien avant longtemps.

b. La Ville, par sa représentante, a pour sa part confirmé son intention d’acquérir ce bien immobilier afin d’y réaliser, à terme, du logement d’intérêt général. C’était d’ailleurs pour pouvoir construire des logements répondant à ce critère que le prix proposé, à titre définitif, était inférieur à celui avancé par les acheteurs. Dans le secteur concerné, elle comptait exercer son droit de préemption, chaque fois que cela serait possible. Deux parcelles avaient ainsi été acquises en 2004.

c. Enfin, Mme Pluchon a réaffirmé son intérêt à l’acquisition du bien immobilier litigieux lequel, en raison de sa localisation et de son prix, correspondait parfaitement aux besoins de sa famille.

26. Les parties ont fait parvenir leurs observations après enquêtes les 11, 14 et 17 septembre 2007, reprenant pour l’essentiel leurs précédentes argumentations.

a. Pour le surplus, l’hoirie relevait que la Ville ne saurait se prévaloir du retard du Conseil d’Etat pour prolonger le délai qui lui était imparti, faute de commettre un abus de droit. De même, la Ville n’avait pas rendu vraisemblable la construction de logements sociaux dans un proche avenir. Bien au contraire, un tel projet était illusoire en l’espèce du fait que les propriétaires voisins ne souhaitaient pas vendre, que les villas sises sur les deux parcelles déjà en possession de la Ville était données à bail et enfin, que cette dernière, elle-même, ignorait manifestement ce qu’elle comptait entreprendre sur ces parcelles.

Enfin, sa qualité pour recourir devait être admise, le contrat de vente à terme ayant été reconduit.

b. La Ville a pour sa part précisé l’usage fait des deux parcelles voisines acquises en 2004. La première, sise avenue de Godefroy 18 comprenait deux appartements loués à l’Université de Genève aux fins de logements pour six étudiants. Quant à la seconde, sise 41b route de Chêne, elle était occupée par un jardin d’enfants à l’encontre duquel une procédure d’évacuation était en cours. Une partie des locaux était louée à une association culturelle. Enfin, elle laissait ouverte la question de la qualité pour recourir de l’hoirie et s’opposait à l’appel en cause des acheteurs ; quelle que soit la solution du présent litige, ces derniers ne verraient leur situation juridique affectée dès lors qu’ils n’avaient pas prolongé l’acte de vente du 11 mai 2006 avant son échéance.

27. Le 28 septembre 2007, la Ville a adressé au Tribunal administratif copie d’un courrier du Conseiller administratif en charge du département des constructions et de l’aménagement à l’hoirie.

28. Le 2 novembre 2007, dans le respect du délai imparti, la Ville s’est encore déterminée sur l’argumentation faite par l’hoirie quant à la computation des délais. Non seulement la Ville avait agi en toute bonne foi mais encore, elle l’avait fait dans les délais légaux.

29. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ce point (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Directement touchée par la décision attaquée, en sa qualité de propriétaire de la parcelle faisant l’objet du droit de préemption litigieux, l’hoirie a par ailleurs qualité pour recourir.

2. L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable. L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (cf. art. 71 LPA).

Il est constant qu’en qualité de parties au contrat de vente de la parcelle litigieuse, à l’origine de l’exercice du droit de préemption litigieux, Madame Pluchon et Monsieur Da Fonseca Barreto voient leur situation juridique affectée et ce quand bien même ils n’ont pas reconduit, avant son échéance ledit contrat.

3. A titre préalable, la recourante fait grief à la Ville de n’avoir pas exercé son droit de préemption dans les délais légaux. Sa décision serait donc nulle et non avenue.

4. a. Aux termes de l’article 4 alinéa 1 LGL, le propriétaire qui aliène ou promet d’aliéner avec octroi d’un droit d’emption un bien-fonds soumis au droit de préemption en vertu de la LGL est tenu d’en aviser immédiatement le Conseil d’Etat et la commune du lieu de situation, au plus tard lors du dépôt de l’acte au registre foncier. Il leur communique simultanément une copie certifiée conforme de cet acte (art. 4 al. 1 LGL).

b. Lorsque le Conseil d’Etat ou la commune envisage d’exercer son droit de préemption, le préempteur doit interpeller préalablement le propriétaire et le tiers-acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens (art. 4 al. 2 LGL).

c. Dans un délai de 60 jours à compter de la date du dépôt de l’acte au registre foncier, le Conseil d’Etat notifie, de manière séparée, aux parties liées par l’acte :

- soit sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption (lit. a);

- soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte (lit. b) ;

- soit son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui (lit. c) ;

- à défaut d’acceptation de l’offre visée sous lettre c, sa décision de recourir, s’il maintient sa volonté d’acquérir le bien-fonds et si les conditions légales sont réunies, à la procédure d’expropriation conformément à l’article 6 (lit. d).

Si l’avis et la copie de l’acte visés à l’article 4, alinéa 1, parviennent au Conseil d’Etat et à la commune intéressée postérieurement à la date du dépôt de l’acte au registre foncier, le délai de 60 jours ne commence à courir qu’après réception de cet avis et de la copie de l’acte (art. 5 al. 1 LGL).

d. Si le Conseil d’Etat renonce à l’exercice de son droit, il doit aviser la commune en même temps que les intéressés. Celle-ci, dans le délai de trente jours suivant cette notification, notifie à son tour, de manière séparée, aux parties liées par l’acte (art. 5 al. 2 LGL) :

- soit sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption (lit. a) ;

- soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte (lit. b) ;

- soit son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par elle (lit. c) ;

- à défaut d’acceptation de l’offre visée sous lettre c, sa décision de recourir, si elle maintient sa volonté d’acquérir le bien-fonds et si les conditions légales sont réunies, à la procédure d’expropriation (lit. d).

5. S’agissant de la computation des délais, il ressort de l’article 17 LPA que ceux-ci commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (al. 1). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (al. 3).

Quant à l’article unique de la loi sur la computation des délais échéant un samedi du 22 juin 1963 (LDélais - A 2 30), il stipule que lorsque le dernier jour d’un délai légal de droit cantonal ou d’un délai fixé par une autorité conformément au droit cantonal tombe un samedi, le délai expire le premier jour utile qui suit.

6. a. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles il faut alors rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique - ATF 121 III 413 consid. 4b ; 121 V 60 consid. 3b). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 248 ; 177 Ia 331 et les arrêts cités ; ATA/411/2006 du 26 juillet 2006).

b. Dans le cadre de l’adoption du projet de loi modifiant la LGL (PL 6824-B), un certain nombre de points ont été précisés. Ainsi, s’agissant notamment des délais, le législateur a relevé que le principe était que l’on ne dépasse en aucun cas 90 jours, en ventilant 60 jours pour l’Etat et 30 jours pour la commune et vice-versa, et de rappeler que la collaboration entre l’Etat et les communes est très grande puisqu’elles sont avisées immédiatement, afin qu’elles disposent du temps nécessaire si elles veulent exercer le droit de préemption (Mémorial du Grand Conseil 1993 5/I pp 720-737).

7. L’article 5 LGL, qui a pour objet de fixer avec l’article 4 de cette même loi, les modalités du droit de préemption, règle la question du délai dans lequel ce dernier peut-être invoqué, en distinguant clairement la durée, la ventilation et le point de départ de celui-ci.

Ainsi, il ressort de cette disposition, que le législateur entendait fixer à un maximum de 90 jours, la durée octroyée au Conseil d’Etat, soit après lui la commune, pour se déterminer sur leur droit de préemption. Ce délai est ventilé à raison d’une première tranche de 60 jours pour le Conseil d’Etat, suivie d’une deuxième tranche de 30 jours pour la Ville. Quant à son point de départ, la lettre de l’article 5 alinéa 1 in fine stipule de manière claire et sans équivoque, qu’il ne commence à courir, pour le Conseil d’Etat, qu’après réception de l’avis et de la copie de l’acte visé à l’article 4 alinéa 1 LGL par le Conseil d’Etat et la commune et, pour cette dernière, qu’après notification du Conseil d’Etat (art. 5 al. 2 LGL).

Une lecture à contrario de ces deux dispositions permet ainsi de retenir que non seulement le Conseil d’Etat mais également la commune doivent être avisés et en possession des pièces utiles pour que le premier délai de 60 jours commence à courir, mais encore, que le deuxième délai de 30 jours, ne saurait partir, avant que la décision du Conseil d’Etat, n’ait été valablement notifiée à la commune.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal Administratif constate dès lors que le délai de 60 jours a commencé à courir le 14 juin 2006, soit au lendemain du jour auquel l’avis et la copie de l’acte de vente sont parvenus à la Ville (art. 17 al. 1 LPA). Le délai dont disposait l'Etat arrivait ainsi à échéance le 13 août, soit reporté au premier jour utile, le lundi 14 août. En notifiant le 13 septembre 2006 aux intéressés, sa décision d’exercer son droit de préemption, la Ville a par conséquent agi dans les délais légaux. Le principe d’un maximum de 90 jours, énoncé par le législateur doit en effet être pondéré à la lumière de la LPA et de la LDélai, sauf à vider les conditions posées aux articles 4 et 5 LGL de leur sens.

Mal fondé, le grief sera rejeté.

8. La recourante invoque à titre subsidiaire, comme motif d’annulation de la décision de la Ville, l’absence d’intérêt public à l’exercice du droit de préemption. Quand bien même l’existence d’un plan détaillé n’était pas nécessaire pour l’exercice de ce droit, il fallait pour le moins l’existence d’un projet concret et précis, réalisable dans un avenir pas trop éloigné, ce qui était illusoire en l’espèce du fait que les propriétaires voisins ne souhaitaient pas vendre, que les villas sises sur les deux parcelles déjà en possession de la Ville étaient données à bail et enfin, que cette dernière, elle-même, ignorait manifestement ce qu’elle comptait entreprendre sur ces parcelles.

9. a. L’exercice du droit de préemption constitue une restriction de droit public à la propriété, qui n’est admissible que si elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; Cst. - RS 101).

b. Aux termes des articles 2 et 3 alinéa 1 LGL, dans le cadre de leur politique générale d’acquisition de terrains, les communes jouissent d’un droit de préemption sur les bien-fonds situés en zone de développement, dans le but d’y construire des logements d’utilité publique.

c. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif, cette base légale et l’intérêt public ainsi poursuivi, à savoir contribuer à la politique sociale du logement, permettent de restreindre valablement la garantie constitutionnelle de la liberté économique et de la garantie de la propriété, dans le respect du principe de la proportionnalité (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.552/1998 du 9 février 1999 ; ATA/606/2007 du 27 novembre 2007 ; ATA/800/2005 du 22 novembre 2005 ; ATA/270/2003 du 6 mai 2003 ; ATA/557/2001 du 4 septembre 2001).

10. a. L’exercice du droit de préemption par une collectivité publique en application de la LGL n’implique pas nécessairement la présentation d’un projet de construction détaillé. La jurisprudence a reconnu la possibilité d’acquérir des terrains pour des besoins futurs, à la condition qu’il s’agisse d’un but précis et de besoins qui devront être satisfaits tôt ou tard, dans un avenir qui n’est pas trop éloigné (ATA/270/2003 du 6 mai 2003). Lorsqu’elle acquiert un bien-fonds par voie de préemption, l’autorité doit cependant tenir compte de la situation et des caractéristiques de la parcelle et de ses environs. Elle doit faire un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements sur l’emplacement considéré (ATF 114 Ia 17 consid. 2b). L’acquisition du terrain par la collectivité publique et l’édification d’immeubles destinés à abriter des logements doivent ainsi se trouver dans un rapport d’adéquation (ATA/606/2007 du 27 novembre 2007 et les réf. citées).

b. S’agissant du principe de l’adéquation, le tribunal de céans a déjà eu l’occasion de préciser que les obstacles que peuvent constituer les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter n’est pas en soi un argument valable, d’une part parce que rien ne permet de prévoir une attitude définitivement négative de la part des propriétaires concernés, et d’autre part parce que s’il fallait suivre le raisonnement contraire, l’État ne pourrait plus acquérir que des parcelles dont la superficie suffirait entièrement à édifier un bâtiment de logements, notamment du point de vue des limites de distance et de l’indice d’utilisation du sol encore disponible au regard des constructions voisines. L’acquisition du terrain nécessaire, parcelle par parcelle, ne serait en revanche plus possible, chacune d’elle pouvant constituer l’obstacle à l’acquisition publique d’une autre. Une telle solution serait de nature à mettre un terme à la politique des autorités en matière de construction de logements, dans un canton dont le territoire exigu, impliquant de multiples contraintes d’aménagement du territoire, ne donne à l’État qu’une marge de manœuvre restreinte. Au demeurant, si les négociations futures ne devaient pas permettre de trouver les moyens de surmonter ces obstacles, l’État pourrait encore faire usage de son droit d’expropriation (ATA/557/2001 du 4 septembre 2001).

c. Enfin, dans plusieurs arrêts récents, le tribunal de céans a considéré que dans la situation de pénurie aigüe de logements dont souffre le canton de Genève, on ne saurait faire reproche à l’autorité de mettre en œuvre une politique de construction d’habitats susceptible d’enrayer les difficultés actuelles à travers une offre de logements sociaux à même de répondre aux besoins prépondérants de la population. La mise en œuvre de cette politique pouvait notamment passer par une planification coordonnée de l’ensemble des constructions qu’elle envisage d’ériger sur les diverses parcelles dont elle est déjà propriétaire dans le secteur concerné, ce qui implique qu’elle obtienne la maîtrise globale de ce dernier, sans l’abandonner, fût-ce de manière sectorielle, à l’emprise de promoteurs privés (ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 ; ATA/800/2005 précité).

11. En l’espèce, la parcelle litigieuse est située en zone de développement. Elle est donc propre à permettre la construction de logements, en particulier de logements sociaux. Celle-ci se trouve par ailleurs dans le quartier des Allières, soit un périmètre prioritaire à l’intérieur duquel la Ville conduit depuis plusieurs années une politique d’acquisition foncière active et où elle est déjà propriétaire d’autres parcelles destinées à la construction de logements à même de répondre aux besoins prépondérants de la population. L’intérêt public avancé par l'intimée, pour s’inscrire pleinement dans la finalité poursuivie par le législateur au travers des articles 3 et suivants LGL, présente un caractère prépondérant par rapport aux intérêts privés de la recourante.

Il est par ailleurs manifeste, à la lecture des différents documents versés à la procédure et faisant état du développement du quartier, que l’État n’a certainement aucune autre intention que de construire à l’emplacement litigieux du logement social. Compte tenu de la nécessité actuelle de favoriser le plus possible l’implantation de nouveaux bâtiments de ce type, tout en conservant une vision rationnelle de l’aménagement du territoire (art. 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; Cst. - RS 101), il est vain de lui reprocher en l’espèce une volonté de s’attribuer des terrains de réserve n’ayant aucune destination précise à moyen ou long terme.

Les caractéristiques de la parcelle permettent également d’aller dans ce sens. Sa situation géographique, proche du centre-ville et de la Gare des Eaux-vives - qui fait partie du plan directeur localisé de la gare des Eaux-Vives en cours d’élaboration -, la bonne desserte par les transports publics ainsi que l’arrivée projetée du CEVA, font du périmètre concerné un secteur à vocation d’être densifié.

La recourante échoue dès lors dans la preuve à démontrer que l’acquisition de la parcelle n° 816 ne serait pas propre à permettre la construction de logements d’utilité publique dans un proche avenir. Pour le surplus, elle ne fait valoir aucun intérêt privé prépondérant pour s’opposer à l’exercice du droit de préemption de la Ville. En particulier, ses intérêts financiers, bien que légitimes, ne peuvent être considérés comme prioritaires au regard des intérêts publics visés.

12. Enfin, aux termes des lettres c et d de l’article 5 alinéa 2 LGL, en cas de non-acceptation de son offre, la commune peut recourir à la procédure d’expropriation (MGC 1977/III, p. 2016ss, 2034 ; ATA/606/2007 précité). Il n’appartient dès lors pas au tribunal de céans de se prononcer sur le prix proposé dans le cadre de la présente procédure.

13. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge, conjointe et solidaire, de la recourante et des appelés en cause. Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité. De même, il ne sera pas accordé d’indemnité à la Ville qui dispose de son propre service juridique et n’expose pas avoir encouru de frais particuliers (ATA/813/2003 du 4 novembre 2003 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2006 par l’hoirie Alfred Haldimann, soit pour elle, Madame Martine Patrick, née Haldimann et Monsieur Robert Frédéric Haldimann, contre la décision de la Ville de Genève, direction de l’organisation urbaine et des constructions, du 13 septembre 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l’hoirie, soit pour elle, Madame Martine Patrick, née Haldimann et Monsieur Robert Frédéric Haldimann et de Madame Béatrice Pluchon et Monsieur Carlos-Emmanuel Da Fonseca Barreto, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 3'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de la recourante, à Madame Béatrice Pluchon et Monsieur Carlos-Emmanuel Da Fonseca Barreto, appelés en cause, ainsi qu’à la Ville de Genève, direction de l’organisation urbaine et des constructions.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Bonard, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :