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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2757/2011

ATA/445/2012 du 30.07.2012 ( LEX ) , ADMIS

Descripteurs : ; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT ; DROIT DE PRÉEMPTION ; LOGEMENT SOCIAL ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; COMPÉTENCE ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; INTÉRÊT PUBLIC ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; PLAN DIRECTEUR
Normes : LPA.14.al1 ; Cst.29.al1 ; LGL.3.al1 ; LGL.4 ; LGL.5 ; LAC.30.al1.letk ; LAC.48.letg ; LPA.12.al2 ; LAC.61 ; LAC.67 ; LAC.70 ; Cst.26 ; Cst.36 ; LAT.9 ; LaLAT.11.al1 ; LaLAT.10.al7 ; LaLAT.10.al8
Parties : CONSORTS FERRERO, FERRERO Jean, FERRERO François Paul, RONGA Anne-Catherine, FERRERO Pierre / VILLE DE GENEVE
Résumé : Le conseil administratif de la Ville de Genève est compétent pour mettre en forme et notifier la délibération du conseil municipal autorisant l'exercice du droit de préemption communal à l'occasion de la vente d'un immeuble sis en zone de développement. Il peut déléguer cette tâche à un département. Le droit de préemption communal a en l'espèce été exercé en temps utile, la LGL n'exigeant pas que la délibération du conseil municipal soit approuvée par le Conseil d'Etat dans les 90 jours suivant la communication de l'acte de vente. Sur le fond, il n'apparaît pas justifié par un intérêt public suffisant, dans la mesure où il poursuit un objectif (la construction de logements sociaux) contraire au plan directeur cantonal qui préconise, pour l'immeuble en cause, l'adoption de mesures de protection et le maintien d'un IUS maximum de 0,4.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2757/2011-LEX ATA/445/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2012

 

dans la cause

 

Monsieur Jean FERRERO
Monsieur François FERRERO

Madame Anne Catherine RONGA

Monsieur Pierre FERRERO

représentés par Me Jean-Jacques Martin, avocat

 

contre

VILLE DE GENèVE, DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT



EN FAIT

1.                                Monsieur Jean Ferrero, Monsieur François Ferrero, Madame Anne Catherine Ronga et Monsieur Pierre Ferrero (ci-après : les consorts Ferrero) sont copropriétaires de la parcelle n° 1'795, feuille 71, de la commune de Genève-Plainpalais, sise à l’avenue Miremont n° 23A.

Ils l’ont acquise le 18 novembre 1999 par donation de leur père, Monsieur Constantin Ferrero, qui l’avait lui-même reçue en donation le 28 décembre 1961 et en a conservé la jouissance jusqu’à sa mort le 13 juin 2010.

2.                                Située en 5ème zone de développement 3, la parcelle n° 1'795 d’une superficie de 889 m2 est occupée par une villa et un couvert à voiture.

3.                                Construite en 1897, la villa fait partie d’un ensemble comptant 3 autres villas individuelles et deux maisons doubles sises sur les parcelles nos 1'789, 1'791, 1'792, 1'793, 1'794, 2'278 et 2'279, toutes érigées par l’architecte Emil Usteri pour le compte de la société « Schweizerische Baugesellschaft ».

4.                                Sur les parcelles nos 1'782 et 1'783 sises au nord-ouest de cet ensemble, se trouvent deux autres villas, construites en 1899 par l’architecte genevois Aloys Brémond pour la première, et en 1906 par l’ingénieur J. Tedeschi pour la seconde.

5.                                Cet îlot de villas est désormais entouré de grandes barres d’immeubles locatifs construites dans les années 1950-1960 de part et d’autre de l’avenue Miremont.

6.                                Lors de l’inscription de la Ville de Genève (ci-après : la ville) à l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS) en 1983-1984, ce secteur de villas a été recensé sous n° 0.0.282 comme « terrains arborisés, occupés par des villas, en cours d’urbanisation », tout le quartier ayant par ailleurs été classé dans la catégorie EE XXXVI (aire ne présentant pas de limites clairement définies, mais jouant un rôle important dans le rapport entre espaces construits et paysage).

7.                                En 1984, le périmètre compris entre l’avenue Alfred-Bertrand et la rue Albert-Gos a fait l’objet d’un projet de densification par le bureau d’architectes Lauper & Ruedin impliquant la démolition des villas existantes (dossier n° 15'159).

8.                                Le 20 décembre 1984, le conseil administratif de la ville (ci-après : le conseil administratif) a rendu à l’égard de ce projet un préavis favorable sous diverses réserves, dont une qui demandait à ce que la valeur architecturale des maisons à démolir soit analysée.

9.                                En mars 1985, le service des monuments et des sites (ci-après : le SMS) du département des travaux publics (devenu le département des constructions et des technologies de l’information [ci-après : DCTI], puis depuis peu le département de l’urbanisme), a rendu un rapport sur le groupe de villas occupant l’angle de l’avenue Miremont et de la rue Albert-Gos.

Constituant un îlot de verdure faiblement densifié, morphologiquement différent, dans un quartier aujourd’hui largement urbanisé, le périmètre pouvait être considéré de deux manières très différentes, soit comme un espace attractif, assurant la pérennité des traces historiques de formation du quartier, soit comme le dernier corps étranger du quartier, dont la disparition permettrait une mise en ordre définitive. Les deux positions pouvaient être défendues avec des arguments valables, en tenant toutefois compte du fait que l’évolution du quartier était largement entamée, voire irréversible et correspondait en outre à la satisfaction d’un besoin en logements particulièrement aigu.

10.                            En novembre 1985, le service d’urbanisme de la ville a établi un projet de plan d’aménagement qui comportait plusieurs variantes sur l’opportunité de conserver une partie ou l’ensemble des villas existantes.

11.                            Le 12 décembre 1985, le conseiller en conservation du patrimoine architectural de la ville, Monsieur Bernard Zumthor, a apprécié cette étude.

Les villas descendaient en droite ligne de l’architecture de l'exposition nationale de la fin du 19ème siècle. On y retrouvait les composantes de la syntaxe dite « Heimatstil » (matériaux naturels, décor rustique, volumétrie « pittoresque »), lesquelles avaient été fort bien mises en œuvre à l’avenue Miremont, jouant sur des variations de détail destinées à individualiser chaque villa sans rompre le caractère d’ensemble. Les qualités d’ensemble du second groupe de villas devaient être retenues en priorité. Celles-ci constituaient le dernier témoignage de la première urbanisation du quartier, tant sur le plan de l’articulation réseaux-parcellaire-bâti que sur celui de la typologie architecturale (maisons uni - et bifamiliales modestes). Leur maintien devait être envisagé. Un maintien fragmentaire de cet ensemble était à déconseiller car l’identité du site s’en trouverait dénaturée et deviendrait rapidement inintelligible.

12.                            Le 27 août 1986, le conseil administratif a préavisé favorablement le projet de construction d’immeubles d’habitation et commerciaux du bureau Lauper & Ruedin, lequel a ensuite reçu une réponse positive du département des travaux publics à sa demande de renseignements n° 15'159.

13.                            Le 9 octobre 1987, les propriétaires des parcelles nos 1'791, 1'792, 1'793 et 1'794 ont constitué sur leurs bien-fonds respectifs des servitudes réciproques restreignant leurs droits à bâtir à la construction de villas.

14.                            En janvier 1998, le service de la conservation du patrimoine architectural de la ville s’est à nouveau penché sur ce secteur, en raison d’un projet de plan de site en cours d’étude auprès du service de l’urbanisme.

Selon les appréciations de Monsieur David Ripoll, historien de l’art, le critère d’exceptionnalité ne s’appliquait pas au périmètre concerné. Les qualités d’ensemble du groupe de villas devaient toutefois être retenues en priorité. A cela s’ajoutait le fait qu’elles constituaient le dernier témoignage de la première urbanisation du quartier, tant sur le plan de l’articulation réseaux-parcellaire-bâti que sur celui de la typologie architecturale, et qu’elles paraissaient en bon état de conservation. Dans une optique de sauvegarde qui semblait s’imposer, le plan de site proposé par le service d’urbanisme répondait d’autant mieux à l’objectif fixé qu’il abandonnait l’idée d’un maintien fragmentaire (un ou deux spécimens de villas) qui aurait fatalement porté préjudice à l’identité. Il ne partageait pas l’avis du SMS, selon lequel les villas de Miremont constituaient un corps étranger susceptible de disparition pour une mise en ordre définitive du secteur. Tout d’abord parce que les villas présentaient l’avantage d’offrir au regard ce qui, partout ailleurs, s’était effacé sous la poussée du développement urbain. Ensuite, parce que leurs qualités formelles, longtemps discréditées par une esthétique trop dogmatique, méritaient aujourd’hui une plus grande considération. Enfin, parce que le fait d’être étrangères à leur environnement ne justifiaient, en l’occurrence, pas leur disparition.

15.                            Adopté par le Grand Conseil le 21 septembre 2001, avant d’être approuvé par le Conseil fédéral le 14 mars 2003, le plan directeur cantonal (PDC 2015) a attribué les villas sises à l’angle de l’avenue Miremont et de la rue Albert-Gos au périmètre dit de « densification différenciée de la couronne suburbaine ».

S’agissant de ce périmètre, la fiche de mesures n° 2.01 du schéma directeur cantonal, dans sa version mise à jour en 2006, prévoit une utilisation diversifiée des potentiels à bâtir dans les zones de développement, selon les indices usuels, mais pour autant que les impératifs de protection du patrimoine et des sites, d’arborisation et de contraintes parcellaires le permettent (conformément à l’objectif 2.12 du concept de l’aménagement cantonal). Dans les sites sensibles, elle recommande le maintien de poches faiblement urbanisées en l’état et la prise de mesures de protection tels que plans de site, lorsque la structure bâtie et/ou arborée présente une valeur patrimoniale d’ensemble. Elle renvoie en outre à la fiche n° 2.26 du schéma directeur qui préconise la protection du patrimoine urbain, dont la préservation des groupements de villas représentatifs de l’architecture d’une époque et de l’histoire du développement urbain. Selon le plan d’ensemble annexé à la fiche n° 2.01 du PDC, les villas de l’avenue Miremont figurent parmi les secteurs à faible densité ou devant être maintenus, avec un IUS maximum de 0,4.

Le 6 octobre 2010, le Conseil d’Etat a adopté une seconde mise à jour du PDC qui a été approuvée par la Confédération le 31 mars 2011. La fiche n° 2.01 et son plan d’ensemble n’ont pas été modifiés en cette occasion.

16.                            Le 8 septembre 2009, le DCTI a octroyé aux consorts Ferrero l’autorisation de construire par annonce de travaux n° APAT 5'333-5 qu’ils avaient requise en vue de rénover et d’isoler leur villa, sise sur la parcelle n° 1'795.

Selon le descriptif joint à la requête, les travaux projetés consistaient dans une rénovation légère de la villa avec mise en place d’isolation contre dalles et plafonds de locaux non chauffés et vitrages isolants (rénovation de la chaufferie, des sanitaires, mise en conformité de l’installation électrique, mise en place de vitrages isolants, remise en état des pièces de charpenterie endommagées par le temps, réfection des crépis des façades, rafraîchissement des plâtres et peintures, ponçage et imprégnation des parquets, pose d’une nouvelle cuisine et de nouveaux carrelages). Tous les éléments d’origine étaient conservés, aucune modification des façades, des murs intérieurs ou de la distribution des pièces n’étant prévue.

17.                            Le 16 septembre 2009, le conseil municipal de la ville a adopté son plan directeur communal (ci-après : PDCom), lequel a été approuvé par arrêté du Conseil d’Etat le 14 octobre 2009.

Parmi ses priorités, le PDCom prévoit la construction de 3'600 logements supplémentaires en ville à l’horizon 2020, en réponse à la crise aiguë du logement (p. 17 à 23). Pour ce faire, la ville doit développer son activité foncière, en acquérant notamment de nouveaux terrains via l’exercice de son droit de préemption en zone de développement (p. 217). Dans la carte du PDCom consacrée au développement urbain, le secteur des villas de l’avenue Miremont est identifié comme potentiel de développement « à prédominance logement ».

18.                            En octobre 2009, l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS ; service rattaché au DCTI) a mandaté l’atelier d’architecture Philippe Calame afin qu’il procède à un recensement architectural du secteur de Miremont.

19.                            Cette étude ayant confirmé la valeur d’ensemble du secteur et les qualités architecturales individuelles des différentes villas, l’OPS a lancé l’élaboration d’un projet de plan de site n° 29'802-229.

Celui-ci prévoit le maintien des six maisons individuelles et des deux maisons doubles sises sur les parcelles nos 1'782, 1'783, 1'789 à 1'795, 2'278, 2'279, 2'738 et 2'739 de la commune de Genève-Plainpalais (art. 4), la conservation des aménagements extérieurs tels que les jardins, haies indigènes, cheminements, terrasses, murets, grilles et portails (art. 6) et l’interdiction de construction sur les surfaces libres à l’exception de cabanes de jardin ou de garages (art. 7).

20.                            Les consorts Ferrero ont réalisé les travaux de rénovation de leur villa autorisés sous n° APAT 5'333-5 dans le courant du printemps 2010, sous la surveillance du SMS.

21.                            Le 30 juin 2010, le DCTI leur a délivré une autorisation de construire un couvert à voiture sur leur parcelle n° APA 32'396-5.

Cette requête avait été préavisée favorablement, le 31 mai 2010, par le SMS, lequel s’était référé au plan de site de Miremont en cours d’étude et avait donné quelques instructions sur les aménagements extérieurs à réaliser.

22.                            Au total, les consorts Ferrero ont investi près de CHF 840'000.- dans les travaux de rénovation de leur villa.

23.                            Du 21 avril au 12 mai 2011, le projet de plan de site n° 29'802 a été soumis à enquête technique auprès des services et autorités concernés.

Les différents services du DCTI – soit le secrétariat général, l’OPS, la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS), l’office des autorisations de construire, les services généraux de l’urbanisme, la direction des plans d’affectation et requêtes, le service de la planification directrice localisée et de la mise en œuvre des grands projets, le service des affaires juridiques de l’urbanisme – ont préavisé favorablement le projet. Seule la commission d’urbanisme s’y est opposée par préavis du 14 juillet 2011, considérant que les dix villas en cause constituaient « un reliquat au milieu d’immeubles collectifs » et que le « site [était] particulièrement privilégié pour accueillir du logement collectif, alors que la crise du logement [était] toujours aussi aiguë ».

Les services intéressés du département de l’intérieur et de la mobilité (ci-après : DIM), devenu le département de l’intérieur, de la mobilité et de l’environnement (ci-après : DIME) et du département de la sécurité, de la police et de l’environnement, devenu le département de la sécurité (ci-après : DS) se sont également déclarés favorables au projet.

S’agissant de la ville, son service de la conservation du patrimoine architectural a rendu un préavis favorable sans réserve le 12 mai 2011, tandis que son service de l’urbanisme s’est opposé au projet par courrier adressé au SMS le 1er juillet 2011. Les mesures de protection proposées allaient à l’encontre des objectifs poursuivis par la ville en zone de développement, tandis que la construction de logements à cet endroit s’inscrivait parfaitement dans la stratégie territoriale de son PDCom. Si la proposition de plan de site se fondait sur une certaine cohérence architecturale et un bon état d’entretien des villas concernées, l’offre de logements supplémentaires dans un des quartiers centraux de la ville devait indiscutablement prévaloir sur l’aspect patrimonial.

24.                            Du 9 mai au 8 juillet 2011, un projet de nouveau plan directeur cantonal (ci-après : PDCn 2030) a été soumis à enquête publique par le DCTI.

Les objectifs de densification de la couronne urbaine, respectivement de préservation du patrimoine étaient repris (cf. fiches n° A02 et A13 du projet de nouveau schéma directeur cantonal). Le projet de carte du PDCn 2030 identifiait en outre les villas de l’avenue Miremont comme un site construit protégé/à protéger.

25.                            Le 25 mai 2011, les consorts Ferrero ont vendu à Monsieur et Madame Pierre et Patricia Meyer la parcelle n° 1'795 de la commune de Genève-Plainpalais pour le prix de CHF 6'650'000.-.

Le lendemain, le notaire ayant instrumenté l’acte de vente à terme a écrit au Conseil d’Etat, ainsi qu’à la ville, afin de savoir si ceux-ci entendaient exercer leur droit de préemption.

26.                            Les 8 et 10 juin 2011, les consorts Ferrero et les époux Meyer ont été reçus par l’unité d'opérations foncières de la ville, respectivement par Monsieur Rémy Pagani, conseiller administratif en charge du département des constructions et de l’aménagement de la ville (ci-après : DCA-Ville).

27.                            Le 14 juin 2011, l’office du logement, rattaché au DCTI, a indiqué au conseil administratif que l’éventuel exercice par le Conseil d’Etat de son droit de préemption prioritaire lui serait communiqué par un prochain courrier.

28.                            Le 15 juin 2011, le conseil administratif a saisi le conseil municipal d’une proposition PR-899 en vue d’exercer le droit de préemption de la ville dans le cadre de la vente de la parcelle n° 1'795 au prix de CHF 2'741'000.-.

Ce bien-fonds était adjacent à la parcelle n° 1'793 sise à l’avenue Miremont 23B, dont la ville était propriétaire depuis 1998 grâce à un legs. Ces parcelles offraient une surface totale de 1'851 m2 en zone de développement. Elles permettraient la construction d’un bâtiment de logements similaire à ceux qui existaient déjà dans le quartier, soit d’un gabarit de 21 m (R+6+A) avec un potentiel d’environ 25 à 35 logements pour une surface brute de plancher d’environ 3'500 m2. Le développement du quartier passerait par l’adoption d’un plan localisé de quartier pouvant modifier les évaluations susmentionnées. Le périmètre faisait actuellement l’objet d’un projet de plan de site initié par le DCTI qui se trouvait au stade de l’enquête technique. La ville comptait toutefois s’opposer à cette mesure, dès lors que le projet lui ferait perdre tous ses droits à bâtir sur la parcelle n° 1793 sise en zone de développement et irait à l’encontre de ses objectifs. L’aboutissement de l’exercice du droit de préemption dépendait également de l’adoption de ce plan de site.

29.                            Par courrier du 17 juin 2011, la ville a fait savoir aux consorts Ferrero et aux époux Meyer qu’elle envisageait d’exercer son droit de préemption pour un prix de CHF 2'400'000.-, en vue de construire des logements d’utilité publique sur la parcelle n° 1'795.

30.                            Le 21 juin 2011, les consorts Ferrero ont été entendus par la commission des finances de la ville.

31.                            Par courrier du 22 juin 2011, les consorts Ferrero ont fait savoir aux conseillers municipaux qu’ils s’opposaient à l’exercice par la ville de son droit de préemption.

Lorsqu’en 2008, ils avaient dû placer leur père en maison de retraite, ils avaient décidé d’entreprendre des travaux de rénovation de leur villa dans le but de la louer, pour mieux couvrir les frais de pension. Les travaux avaient été effectués de bout en bout sous le contrôle attentif et avec l’accord de la CMNS qui avait été leur interlocuteur principal sur le plan cantonal. C’était M. Pierre Ferrero, architecte, qui les avait dirigés, s’entourant d’entreprises de grande qualité. Au décès de leur père en 2010, l’idée de régler la transmission de cette maison s’était progressivement imposée, plutôt que de reporter le problème sur la génération suivante composée de onze enfants. M. Pierre Meyer était un ami de M. François Ferrero depuis plus de 40 ans et avait habité non loin de l’avenue Miremont dans sa jeunesse. L’idée que cette maison puisse être détruite ne les avait effleurés à aucun moment, tous les messages reçus des services de l’Etat allant dans le sens contraire. S’ils avaient eu conscience d’un tel risque, ils n’auraient jamais accepté de vendre. Ils avaient ainsi le sentiment d’avoir été gravement induits en erreur.

32.                            Par délibération du 27 juin 2011, le conseil municipal a autorisé le conseil administratif à exercer le droit de préemption de la ville sur la parcelle n° 1'795 au prix de CHF 2'400'000.-, aux fins de construction de logements d’utilité publique, ainsi qu’à recourir, cas échéant, à la procédure d’expropriation conformément à l’art. 6 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05). Il a muni sa délibération de la clause d’urgence au sens de l’art. 32 al. 1 let. b de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05), la mise en vigueur de la décision d’exercer le droit de préemption ne pouvant souffrir du retard dû à une éventuelle procédure référendaire.

33.                            Par courrier du 1er juillet 2011, les consorts Ferrero ont, par l’intermédiaire de leur avocat, demandé au Conseil d’Etat d’annuler la délibération du conseil municipal du 27 juin 2011, au motif qu’elle contrevenait aux impératifs de conservation du patrimoine consacrés par le plan de site n° 29'802-229 en cours d’adoption.

Ils sollicitaient l’apport de la procédure de plan de site, l’audition de Madame Sabine Nemec-Piguet, conservatrice des monuments auprès du DCTI, comme de son homologue à la ville, M. Philippe Beuchat. Le Conseil d’Etat devrait en outre procéder à un transport sur place. Étant touchés par la délibération du 27 juin 2011, eux-mêmes devraient être parties à la procédure.

34.                            Le 14 juillet 2011, l’association « Miremont Village pour la sauvegarde des villas 17 à 23C Miremont » (ci-après : Miremont Village) s’est constituée, conformément aux art. 60 et suivants du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210).

35.                            Par courrier du même jour, Patrimoine suisse Genève (ci-après : Patrimoine suisse), association de droit privé au sens des art. 60 ss CO constituée en 1907, a encouragé le président du DCTI, à poursuivre la procédure d’adoption du plan de site n° 29'802-229 élaboré par ses services.

Elle était convaincue de l’intérêt des villas visées par ledit plan. Leur architecture Heimatstil était caractéristique des années 1897-1898 et ces villas bénéficiaient, outre d’intérieurs de qualité, en majorité dans leur état d’origine, d’un environnement de jardins créés lors de leur édification et dont la végétation était remarquable. Cet ensemble de maisons, avec leurs différences d’implantation, de façades et de détails formaient un tout homogène qui avait conservé touts sa substance et méritait protection tant du point de vue patrimonial qu’urbanistique.

36.                            Le 15 juillet 2011, l’association Miremont Village s’est également adressée à M. Muller, en sa qualité de président du Conseil d’Etat, pour lui faire part de son soutien à l’égard du projet de plan de site n° 29'802-229 qu’elle l’invitait à soumettre à l'enquête publique.

37.                            Le 18 juillet 2011, le service de surveillances des communes (rattaché au DIM) a transmis le courrier des consorts Ferrero du 1er juillet 2011 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après la chambre administrative), au motif que celui-ci s’apparentait plus à un recours qu’à une plainte à l’autorité de surveillance.

Enregistrée sous numéro de cause A/2192/2011, cette procédure fait l’objet d’un autre arrêt rendu ce jour par la chambre administrative (ATA/444/2012 du 30 juillet 2012).

38.                            Par courrier recommandé du 18 juillet 2011 également, le DCA-Ville a informé les consorts Ferrero et les époux Meyer de la décision du conseil municipal d’exercer le droit de préemption communal dans le cadre de la vente de la parcelle n° 1'795 au prix de CHF 2'400'000.-.

Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours à la chambre administrative sur le principe de l’exercice du droit de préemption dans les 30 jours dès réception de la présente. Indépendamment de cela, le vote du conseil municipal devait en outre être avalisé par le Conseil d’Etat.

39.                            Le 9 août 2011, la présidente du DIM a informé les consorts Ferrero de la décision du Conseil d’Etat de suspendre la procédure d’approbation de la délibération du conseil municipal de la ville du 27 juin 2011 jusqu’à droit jugé dans la cause A/2192/2011.

40.                            Par acte du 13 septembre 2011, les consorts Ferrero ont recouru auprès de la chambre administrative contre la décision de la ville d’exercer son droit de préemption communiquée le 18 juillet 2011, en concluant principalement à son annulation « sous suite de frais et dépens ». Préalablement, l’apport de la procédure de plan de site du périmètre de Miremont, l’audition de Mme Sabine Nemec-Piguet, de M. Philippe Beuchat et de représentants des associations Patrimoine suisse et Miremont Village, la tenue d’un transport du place, ainsi que l’apport du texte du legs de la parcelle n° 1'793 à la ville, étaient sollicités.

La décision entreprise, qui mentionnait expressément la voie de recours ouverte contre la délibération du conseil municipal du 27 juin 2011, avait été reçue le 20 juillet 2011. Suspendu du 15 juillet au 15 août inclusivement en application de l’art. 17A al. 1 (à l'époque art. 63 al. 1 let. b) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai pour recourir arrivait à échéance le 15 septembre 2011, de sorte que le présent recours était recevable ratione temporis.

Émanant d’une autorité incompétente, la décision du 18 juillet 2011 était nulle. Il appartenait au conseil municipal de la ville de décider, par voie de délibération, de l’exercice d’un droit de préemption. Or, cette autorité ne leur avait pas notifié sa délibération du 27 juin 2011, ni le procès-verbal de sa séance. Seul le DCA-Ville leur avait adressé le courrier entrepris du 18 juillet 2011, alors qu’il n’était pas compétent pour rendre une décision, ni pour communiquer le résultat du vote du conseil municipal.

Certaines délibérations, dont celles relatives à l’exercice d’un droit de préemption, nécessitaient l’approbation du Conseil d’Etat pour être exécutoires. Une telle approbation avait un effet constitutif. La notification de la délibération du 27 juin 2011, avant que celle-ci n’ait été approuvée par le Conseil d’Etat, portait ainsi sur une décision qui n’existait pas encore. Il en résultait que la ville était forclose dans l’exercice de son droit de préemption. Le délai ultime pour y procéder était arrivé à échéance le 27 août 2011, soit nonante jours après la communication par le notaire de l’acte de vente du 25 mai 2011. Or, la ville n’avait pas rendu de décision exécutoire dans ce délai.

L’exercice par la ville du droit de préemption prévu par la LGL emportait, en tout état de cause, une atteinte inconstitutionnelle à la garantie de la propriété protégée par l’art. 26 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst.). Il ne pouvait tendre qu’à la construction de logements sociaux impliquant la démolition de la villa située sur la parcelle n° 1'795, respectivement celle de la villa voisine située sur la parcelle 1'793, appartenant à la ville à la suite d’un legs. Or, ces deux villas étaient incluses dans le périmètre d’un plan de site en cours d’adoption par le canton, conformément aux exigences fixées par le PDC. Elles faisaient partie d’un ensemble inscrit à l’INSA (Inventar der Neueren Schweizer Architektur) et à l’ISOS, dont la valeur architecturale avait fait l’objet d’un travail de fin d’études d’architecture de M. Th. Martin en 2006. Des ensembles comparables, également construits par la Schweizerische Baugesellschaft dans d’autres villes de Suisse, avaient aussi fait l’objet de mesures de protection en raison de leur valeur patrimoniale, notamment à Winterthur, Berne, Lausanne et Lucerne, où un tel ensemble bénéficiait d’une mesure de classement. L’exercice par la ville de son droit de préemption heurtait ainsi de plein fouet la politique du Conseil d’Etat et ne reposait sur aucun intérêt public conforme aux buts poursuivis par la LGL. La parcelle n° 1'795, qui ne faisait l’objet d’aucun plan localisé de quartier en force, était impropre à la construction de logements d’utilité publique.

La construction de logements sociaux projetée par la ville s’avérait impossible pour d’autres motifs encore. Le périmètre de Miremont était grevé de servitudes réciproques d’interdiction de construire des bâtiments autres que des villas. Les propriétaires concernés se battraient pour les faire respecter, ce qui nécessiterait de recourir à l’expropriation et rendrait l’opération impossible d’un point de vue économique. Sans connaître les termes du legs de la parcelle n° 1'793 à la ville, il n’était pas envisageable que son ancienne propriétaire ait consenti à la démolition de la villa à laquelle elle était très attachée. Les charges incluses dans le legs devaient donc être vérifiées. L’ancienne propriétaire avait en outre participé en 1987 à la constitution des servitudes de non-bâtir, créées pour des motifs de protection du patrimoine. En acceptant la donation de cette parcelle, la ville était donc devenue partie à cette convention et n’était pas en mesure d’en sortir, sous peine de violer cette charge inhérente au legs.

La décision querellée violait enfin le principe de l’égalité de traitement, ainsi que celui de la protection de la bonne foi, en raison d’un comportement contradictoire de l’administration. Ni l’Etat, ni la ville n’avaient exercé leur droit de préemption lorsque récemment, les villas sises aux nos 17 et 19 de l’avenue Miremont avaient été vendues. Lorsqu’eux-mêmes avaient investi près d’un million de francs dans la rénovation de leur villa sous l’œil sévère du SMS, leur attention n’avait à aucun moment été attirée sur l'éventualité de l'exercice du droit de préemption sur leur parcelle par la collectivité publique. Si leur villa venait à être démolie par la ville avec l’accord du canton, ces travaux auraient été effectués en pure perte.

41.                            Le 14 octobre 2011, la ville a répondu au recours, concluant à son rejet, ainsi qu’à la jonction préalable de la cause avec celle enregistrée sous n° A/2192/2011.

Il appartenait au conseil administratif d’exécuter les délibérations du conseil municipal, tandis que les décisions prises par les services de l’administration communale étaient assimilées à des décisions du conseil administratif. La notification par la direction du DCA-Ville de la délibération du 27 juin 2011 avait donc été parfaitement régulière. Le conseil administratif pouvait en outre déléguer ses compétences de représentation en vertu de l’art. 50 al. 5 LAC. Dans les cas de préemption, il déléguait toujours au DCA-Ville la notification de la décision du conseil municipal.

L’approbation par le Conseil d’Etat de la délibération du 27 juin 2011 n’avait pas l’effet constitutif que les recourants lui prêtaient. Si l’acte communal sujet à approbation n’entrait en force qu’après celle-ci, il n’en existait pas moins immédiatement. Une décision n’avait pas besoin d’être exécutoire pour être notifiée, la notification étant au contraire une étape obligée pour qu’elle puisse acquérir un tel caractère. Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat avait suspendu la procédure d’approbation de la délibération, en raison de la demande d’annulation des recourants du 1er juillet 2011 qu’il avait interprétée comme un recours, afin d’éviter que des décisions divergentes ne soient rendues, conformément au but poursuivi par l’art. 86 LAC. Dès lors, la délibération du conseil municipal du 27 juin 2011 ne pouvait pas avoir été approuvée au moment de sa notification, le 18 juillet 2011. Par ailleurs, la LGL n’exigeait pas de décision exécutoire quelle que soit la voie choisie par la commune (renonciation à l’exercice du droit de préemption, exercice du droit de préemption aux prix et conditions fixés dans l’acte ou offre d’acquérir la parcelle aux prix et conditions fixés par elle). Ce n’était qu’une fois le principe du droit de préemption validé par la chambre administrative et le prix fixé par la commission cantonale de conciliation et d’estimation en matière d’expropriation (recte : par le TAPI) que la ville aurait impérativement besoin d’une délibération exécutoire.

L’exercice du droit de préemption communal dans la présente espèce était en outre bien-fondé. L’acquisition d’un bien-fonds par voie de préemption au sens de la LGL n’exigeait pas nécessairement la présentation d’un projet de construction détaillé. La jurisprudence avait même reconnu la possibilité d’acquérir des terrains pour des besoins futurs, à la condition qu’il s’agisse d’un but précis et de besoins devant être satisfaits dans un avenir qui ne soit pas trop éloigné. La parcelle concernée se trouvait dans une « poche » de quelques villas entourées d’immeubles de gabarits correspondant à la zone de développement. Elle était idéalement située, à proximité des transports publics, de nombreux commerces et d’équipements publics. Le périmètre en question était clairement mentionné sur la carte du développement urbain du PDCom en tant que potentiel de développement à prédominance logements, élément qui n’avait fait l’objet d’aucune réserve de la part du Conseil d’Etat lors de l’approbation de cet instrument. La pénurie de logements affectant Genève, comme la diminution conséquente des logements sociaux, étaient notoires, de sorte que les collectivités publiques se devaient de tout mettre en œuvre pour en construire. La parcelle préemptée offrait quant à elle un potentiel de logements importants (12 à 17 logements, sur 25 à 35 logements au total en tenant compte de la parcelle n° 1'793).

S’agissant du principe de l’adéquation, les obstacles que pouvaient représenter les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter n’étaient pas, selon la jurisprudence, un argument valable. L’incertitude tenait en l’espèce dans le projet de plan de site en cours d’étude, dont l’issue était incertaine. Ce projet avait toutefois recueilli un préavis négatif de la part du service d’urbanisme de la ville, qui comptait s’y opposer, ainsi que de la part de la commission d’urbanisme du DCTI. L’aboutissement du projet de plan de site, évoqué depuis longtemps par le canton sans concrétisation, était donc très incertain. Dans cette procédure, le poids du préavis défavorable de la ville serait important, puisqu’au cas où le Conseil d’Etat voudrait passer outre, l’arbitrage serait fait par le Grand Conseil.

La pesée des intérêts en présence devait conduire à préserver l’intérêt public. S'il devait être fait droit aux conclusions des recourants et que le plan de site ne devait pas aboutir - ce qui était possible -, le potentiel de construction de la parcelle en cause serait durablement, si ce n’est définitivement paralysé. Les acquéreurs avaient en effet clairement annoncé leur intention d’habiter la villa s’y trouvant et le prix payé de CHF 6'650'000.- empêcherait la réalisation ultérieure de logements d’utilité publique. A la nécessité de construire des logements sociaux s’ajoutait ainsi celle de lutter contre des prix exorbitants et contre la spéculation immobilière. La jurisprudence avait admis l’exercice par une collectivité publique de son droit de préemption au seul motif déjà que le prix convenu entre les parties au contrat de vente était, à son avis, spéculatif, voire tout au moins suffisamment excessif pour compromettre la mise sur le marché de logements à des prix ou loyers répondant aux besoins prépondérants de la population.

Les autres obstacles évoqués par les recourants n’étaient pas susceptibles d’empêcher la réalisation de logements d’utilité publique sur la parcelle n° 1'795. Les servitudes croisées grevant celle-ci pourraient être levées en application de l’art. 6A de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35). Le crédit de CHF 2'741'000.- voté par le conseil municipal ne portait que sur l’acquisition de la parcelle et non sur le projet de construction ou sur l’expropriation de ces servitudes, laquelle ne donnait pas toujours lieu à indemnisation. Un crédit complémentaire serait donc demandé en temps utile au conseil municipal. Quant à la parcelle n° 1'793, la ville en était devenue propriétaire par legs, sans qu’aucune restriction quant à la démolition de la villa n’ait été posée par son ancienne propriétaire.

En matière de droit de préemption, le principe d’égalité de traitement n’avait qu’une portée limitée. La ville ne pouvait pas acheter tout ce qui était à vendre et devait nécessairement opérer des choix. En l’espèce, le fait que la parcelle n° 1'795 soit voisine de celle dont elle était déjà propriétaire avait été déterminant. L’acquisition litigieuse lui permettrait de réaliser une opération sur ces deux parcelles et de contrebalancer le prix offert - relativement onéreux compte tenu de la surface de la parcelle - avec l’absence de coût de la parcelle n° 1'793 et d'établir ainsi un plan financier équilibré. De même, aucun comportement contradictoire, contraire au principe de la bonne foi, ne pouvait lui être reproché, puisqu’elle n’avait notamment pas été consultée lors de la rénovation de la villa réalisée par annonce de travaux. Les consorts Ferrero ne l’avaient en outre pas approchée pour connaître ses intentions en cas de vente de la parcelle.

42.                            Le 2 novembre 2011, le Conseil d’Etat a répondu au courrier de l’association Miremont Village du 15 juillet 2011.

Il avait pris bonne note de la constitution de l’association visant à protéger les villas de l’avenue Miremont. L’exercice du droit de préemption par la ville, lors de la vente de la parcelle n° 1'795, découlait des prérogatives qui étaient les siennes en vertu des prescriptions légales en la matière. Dans l’attente des suites qui seraient données à la décision prise par la ville, il réservait sa position en ce qui concernait d’éventuelles mesures de protection permettant de répondre aux préoccupations de l’association.

43.                            Le 30 novembres 2011, les consorts Ferrero ont répliqué.

La ville confondait la phase interne de la formation de la décision administrative et la phase externe, à savoir celle présidant à sa notification et ouvrant les délais de recours. Le caractère obligatoire de l’approbation du Conseil d’Etat pour les délibérations relatives aux droits de préemption mentionnés à l’art. 70 al. 1 let. d LAC relevait de la formation interne de la décision de la collectivité publique, raison pour laquelle la doctrine qualifiait cette approbation de constitutive. Cela signifiait que l’absence d’approbation du Conseil d’Etat rendait la délibération sans aucun effet et qu’il manquait à celle-ci « un étage » pour être effective. Dans le domaine des acquisitions immobilières, le Conseil d’Etat disposait d’un vrai pouvoir tutélaire sur les communes, raison pour laquelle la LAC faisait une distinction très nette entre les décisions exécutoires sans approbation et celles qui nécessitaient l’approbation pour devenir efficaces, soit exécutoires selon la loi. En conséquence, la communication le 18 juillet 2011 de la décision du conseil municipal était prématurée. Lorsque le 1er juillet 2011, eux-mêmes avaient saisi le Conseil d’Etat en sa qualité d’autorité de surveillance, la décision de préemption de la ville n’était pas encore formée.

Le Conseil d’Etat et la ville faisaient en outre une mauvaise application de l’art. 86 LAC. Cette disposition ne concernait que l’annulation de délibérations déjà exécutoires (art. 66 al. 2 LAC) pour les motifs précis prévus par l’art. 67 LAC. Elle ne concernait pas les délibérations nécessitant l’approbation du DIM ou du Conseil d’Etat pour être exécutoires (art. 68 et 70 LAC), ces délibérations ne pouvant être frappées d’un recours qu’après approbation par l’autorité de surveillance. Le courrier des consorts Ferrero au Conseil d’Etat du 1er juillet 2011 et sa transmission à la chambre administrative n’avaient donc eu aucun effet suspensif sur le délai de nonante jours impérativement fixé à la commune pour exercer son droit de préemption. Ce délai, qui venait à échéance le 27 août 2011 de l’aveu même du conseil administratif, n’avait, partant, pas été respecté. La ville était forclose à exercer son droit de préemption, faute d’approbation obligatoire du Conseil d’Etat dans le délai légal.

Selon le certificat d’héritiers du 26 mai 1998 produit par la ville, celle-ci était devenue héritière de la totalité du patrimoine de feu Madame Emma Zell moyennant la charge suivante : « en faveur de son service social et, plus particulièrement, pour les personnes âgées ». Outre la propriété de la parcelle n° 1'793, Mme Zell disposait d’un important patrimoine mobilier que la ville avait affecté à son travail social auprès des personnes âgées, moyennant l’ouverture notamment du « Centre Zell ». En revanche, la ville avait conservé la parcelle n° 1'793 pour y construire du logement social en violation de la charge successorale, alors que Mme Zell n’aurait certainement pas accepté que sa villa soit démolie, elle qui entendait affecter la totalité de ses biens, tant mobiliers qu’immobiliers, à l’action sociale en faveur des personnes âgées. Pour cette raison également, la ville ne pourrait pas réaliser son projet de démolition des deux villas et de construction d’un immeuble.

44.                            La ville a dupliqué le 23 décembre 2011.

Les considérations des recourants sur le caractère interne ou externe de la formation de la décision communale étaient étrangères à la LGL. Celle-ci exigeait seulement que la commune notifie aux parties liées à l’acte, soit sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption, soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte, soit son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par elle et sa décision de recourir, le cas échéant, à la procédure d’expropriation. Une décision exécutoire n’était nullement exigée. Pour le surplus, selon la jurisprudence l’art. 67 LAC incluait toutes les décisions prises par le conseil municipal dans l’exercice de ses fonctions délibératives figurant à l’art. 30 LAC. Une délibération, qu’elle doive être approuvée par le DIM ou le conseil d’Etat ou qu’elle soit exécutoire de plein droit, pouvait être annulée par le Conseil d’Etat pour les motifs fixés à l’art. 67 LAC, cette autorité statuant en légalité. L’art. 86 LAC ne faisait de même pas de différence entre les décisions exécutoires de plein droit et les décisions devant être approuvées par le DIM ou par le Conseil d’Etat, mais visait, de manière générale, à éviter que des décisions divergentes ne soient rendues par l’autorité de surveillance et l’autorité judiciaire.

S’agissant de la prééminence du PDC, la carte du schéma directeur cantonal telle que mise à jour en 2010 plaçait la parcelle en cause dans la zone de densification différenciée de la couronne suburbaine, sans aucune mention particulière. Une densification plus importante que celle prévue par la fiche n° 2.01 du schéma directeur était tout-à-fait envisageable, le plan directeur étant un instrument par essence évolutif et ayant d’ores et déjà fait l’objet de deux mises à jours partielles (en 2006 et 2010) depuis son adoption. Rien ne permettait de retenir qu’une densification de la parcelle n° 1'795 conforme à ses souhaits ne soit pas possible à court ou moyen terme.

Par ailleurs, elle avait créé, en faveur des aînés, l’Espace Emma Louise Zell, conformément à la volonté de cette dernière. La clause figurant dans le testament ne précisait pas la manière dont la charge y figurant devait être remplie. Elle ne prévoyait aucune obligation de conservation des biens hérités et encore moins une obligation de vendre la parcelle héritée. La création de logements sociaux pouvait tout-à-fait être conforme à cette charge, notamment par la création de logements en faveur de personnes âgées. Cette question, qui relevait du droit privé, n’était, quoiqu’il en soit, pas de la compétence de la chambre administrative. Il s’agissait de déterminer si la parcelle propriété des recourants pouvait être préemptée et non si l’utilisation de la parcelle voisine était conforme à la volonté de Mme Zell. Elle avait certes la volonté d’utiliser le potentiel présenté par les deux parcelles pour développer un projet unique. Cela étant, elle pourrait également envisager une densification de la parcelle préemptée même sans utiliser le potentiel de la parcelle n° 1'793, par exemple en développant un projet englobant une autre parcelle voisine.

45.                            Le 3 janvier 2012, le juge rapporteur a fixé aux parties un délai au 18 janvier 2012, ultérieurement prolongé au 3 février 2012, pour formuler toute requête complémentaire. Passé ce délai, la cause serait gardée à juger en l’état du dossier.

46.                            Le 3 février 2012, les consorts Ferrero ont informé la chambre administrative qu’une demande de mise à l’inventaire au sens de l’art. 7 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) avait été formée le 27 janvier 2012 auprès de l’OPS par les propriétaires des villas de l’avenue Miremont. Le DCTI devait rendre sa décision en la matière dans les 18 mois. Si les huit villas concernées venaient à être mises à l’inventaire, elles devraient être maintenues. Le projet de la ville de construire des logements sociaux sur les parcelles nos 1'793 et 1'795 ne pourrait ainsi plus être poursuivi. Ce jour, ils avaient en outre déposé une demande en justice contre la ville visant à obtenir l’exécution par celle-ci de la charge contenue dans le testament du 14 août 1982 de feue Mme Zell. Ils sollicitaient du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) qu’il fasse notamment interdiction à la ville de poursuivre son projet de construction d’un immeuble de logements sociaux sur la parcelle n° 1'793 en raison de son incompatibilité avec la charge testamentaire.

Les deux questions étant préjudicielles au sens de l’art. 14 al. 1 LPA, la présente procédure devait être suspendue jusqu’à droit jugé sur la demande de mise à l’inventaire des huit villas inclues dans le périmètre du projet de plan de site n° 29'802-229, respectivement jusqu’à droit jugé sur leur demande en exécution de charge testamentaire déposée contre la ville.

47.                            Le 21 février 2012, la ville s’est opposée à la demande de suspension de la procédure des consorts Ferrero qu’elle jugeait dilatoire.

Seule une demande émanant de la commune du lieu de situation ou d’une association au sens de l’art. 63 LPMNS obligeait le DCTI à ouvrir une procédure de mise à l’inventaire. Rédigée sur papier à entête de l’association Miremont Village, la demande de mise à l’inventaire avait en l’espèce été formée pour le compte des propriétaires de ces villas et signée par ceux-ci. L’association ne revêtait au demeurant aucune des conditions exigées par la loi. Aucune procédure de mise à l’inventaire n’avait ainsi été ouverte, si bien que les consorts Ferrero sollicitaient la suspension par référence à une procédure qui n’existait pas.

S’agissant de la demande en exécution de la charge testamentaire imposée par Mme Zell, les consorts Ferrero n’avaient pas qualité pour agir. Le reproche qui lui était fait en la matière était au surplus infondé. Elle avait créé le « Fonds Zell » pour y affecter tout le patrimoine hérité de Mme Zell. Ce fonds était géré, d’un point de vue comptable, séparément du reste du patrimoine de la ville. La valeur de la parcelle n° 1'793 y était comptabilisée, de même que le loyer perçu pour la location de la villa. Le fonds était géré par le service social qui l’utilisait pour des projets ponctuels en faveur des personnes âgées aux fins d’améliorer leur qualité de vie. La volonté de feue Mme Zell était donc respectée en tous points. Elle le serait à l’avenir encore, quel que soit le projet de construction qui serait réalisé sur la parcelle n° 1'793. Les loyers des futurs logements seraient comme aujourd’hui versés au « Fonds Zell » au bénéfice des personnes âgées. D’autres hypothèses étaient toutefois possibles, comme la construction de logements médicalisés en faveur de personnes âgées.

48.                            Par courrier du 24 février 2012, le juge délégué a demandé à l’OPS des renseignements sur l’état d’avancement des études en cours concernant l’éventuelle adoption d’un plan de site à l’avenue de Miremont.

49.                            Le 12 mars 2012, l’OPS a transmis son dossier relatif au projet de plan de site n° 29’802-229.

A la demande du propriétaire, des représentants de l’OPS, dont une historienne des monuments, avaient visité la villa sise à l’avenue Miremont n° 17 le 3 octobre 2008. Le rapport de visite et l’étude historique effectuée en cette occasion relevaient les grandes qualités du bâtiment et du site. Sur la base de cette étude, le SMS avait demandé, le 17 octobre 2008, l’inscription à l’inventaire de cette villa. Le 15 décembre 2008, soit lors de la soumission du dossier au conseil de direction de l’OPS, l'ancien président du DCTI avait privilégié la piste de l’établissement d’un plan de site à cet endroit. D’où le recensement architectural du secteur de Miremont effectué en octobre 2009 et l’établissement d’un projet de plan de site, lequel avait été soumis à l'enquête technique du 21 avril au 12 mai 2011 et avait recueilli des préavis favorables de l’ensemble des services consultés, à l’exception de la commission d’urbanisme et du service d’urbanisme de la ville.

50.                            A cette même date, les consorts Ferrero ont transmis à la chambre administrative copie d’un courrier que l’association Patrimoine suisse avait adressé à l’OPS le 9 mars 2012.

Cette association souhaitait que la procédure d’adoption du plan de site n° 29’802-229 aboutisse, respectivement appuyait la demande de mise à l’inventaire des villas formée par l’association Miremont Village.

Dans la mesure où cette seconde association remplissait les conditions exigées par l’art. 63 LPMNS, le DCTI était dans l’obligation de rendre une décision dans le délai de 18 mois prescrit par la loi. La suspension de la présente procédure se justifiait donc pleinement jusqu’à ce que la question préjudicielle de l’éventuelle adoption d’une mesure de protection soit tranchée.

51.                            Par courrier du 27 mars 2012, les consorts Ferrero ont requis la production de l’intégralité du recensement architectural effectué par l’atelier d’architecture Philippe Calame en octobre 2009 dans le secteur Miremont, ainsi que des préavis techniques rendus par la CMNS le 2 mai 2011 et par le service de la conservation du patrimoine architectural de la ville le 12 mai 2011 à l’égard du projet de plan de site n° 29’802-229.

52.                            Le 29 mars 2012, le juge délégué a demandé à l’OPS de verser à la procédure les différentes pièces requises par les consorts Ferrero. Celles-ci ont été transmises à la chambre administrative le 5 avril 2012 qui les a communiquées aux parties les 12 et 20 avril 2012 avec le reste du dossier relatif au plan de site n° 29’802-229.

53.                            Le 11 avril 2012, l’OPS a répondu au courrier de l’association Miremont Village du 27 janvier 2012.

Il avait relevé l’intérêt historique et architectural des villas de l’avenue Miremont et préparé un projet de plan de site dans la perspective d’une éventuelle protection de cet ensemble. Toute décision relative à ce projet relevait de la compétence du Conseil d’Etat et demeurait, par conséquent, expressément réservée. Pour ces motifs, il n’entrerait pas en matière sur la demande d’inscription à l’inventaire, le DIM n’étant pas tenu de se prononcer sur celle-ci par une décision formelle.

54.                            Le 17 avril 2012, le juge délégué a effectué un transport sur place en présence des parties.

Sur la parcelle n° 1'795, M. Pierre Ferrero a expliqué qu’il avait, en sa qualité d’architecte, piloté la rénovation de la villa. Les instructions du SMS avaient été suivies à la lettre, compte tenu de la valeur patrimoniale du bâtiment. Il s’agissait d’une rénovation sans aucune modification de la structure, les portes, fenêtres et parquets d’origine ayant été conservés. Des doubles vitrages, au lieu de triples, avaient été installés grâce à une attestation patrimoniale obtenue du SMS à l’attention du service de l’énergie (ScanE), et avaient bénéficié de subventions. Le garage, qui menaçait d’être détruit par un arbre abattu depuis lors, avait été déplacé, conformément aux exigences du SMS. La véranda située au sud/sud-ouest de la maison avait été rénovée dans son état d’origine, en maintenant les verres coulés existants, de même que les petites carreaux colorés.

Les participants se sont ensuite rendus devant la villa léguée à la ville. Cette villa avait été rénovée au début des années 2000 pour un coût de CHF 488’000.-, afin d’obtenir un rendement locatif intéressant au bénéfice du fonds Zell. Elle était actuellement louée à CHF 9'000.- par mois. Les travaux avaient été faits dans le respect du bâtiment, sans que des exigences aussi strictes que celles exposées par M. Ferrero aient été posées.

En longeant le chemin Albert-Gos, les participants ont constaté que la villa sise au n° 23C et les quatre villas jumelles sises aux nos 21B à 21E avaient été rénovées plus au moins récemment. Plus à l’ouest, deux villas, anciennement occupées respectivement par l’école Montessori (avenue de Miremont n° 19) et par la famille Maître (avenue de Miremont n° 17) étaient l’œuvre d’un autre architecte. Elles avaient récemment été vendues sans que la ville n’exerce son droit de préemption. La villa « Montessori » était dans un piètre état et dans l’attente d’une autorisation de rénovation. Une première procédure en autorisation de construire n’avait, semblait-il, pas abouti au motif que les travaux projetés étaient trop ambitieux pour recevoir l’aval du SMS. Une deuxième procédure devait être en cours. La maison « Maître » avait, quant à elle, été entièrement rénovée après sa vente.

Au bout du chemin, une petite allée protégée par des arbres menait directement à l’avenue de Miremont que les participants ont alors remontée. Selon les recourants, la villa sise au n° 21A était restée en l’état depuis 1920, car habitée par une dame d’un âge certain. En face de l’ensemble de villas, se situe un bâtiment daté des années 80, de deux étages sur rez et, de l’autre côté, des bâtiments de grand gabarit.

55.                            Le 18 avril 2012, les consorts Ferrero ont indiqué à l’OPS que la demande de mise à l’inventaire des villas de l’avenue de Miremont du 27 janvier 2012 n’avait pas été formée par l’association Miremont Village, mais bien par les propriétaires de toutes les villas concernées. L’OPS devait en conséquence entrer en matière sur cette demande.

56.                            Par courriers du 20 avril, 22 avril et 4 mai 2012, les propriétaires des parcelles nos 1'794, 1'798 et 2'279 en ont fait de même.

57.                            Le 8 mai 2012, le juge délégué a demandé à l’OPS de lui fournir la note de M. Zumthor du 12 décembre 1985, ainsi que le rapport de M. Ripoll de 1998 précités, dans la mesure où le recensement architectural effectué par l’atelier d’architecteur Philippe Calame déjà transmis s’y référait. Il a adressé la même demande à la ville.

58.                            Lesdites pièces ont été transmises par l’OPS le 11 mai 2012.

59.                            Le 15 mai 2012, la ville a également versé à la procédure la note de M. Zumthor du 12 décembre 1985. Elle n’avait en revanche pas retrouvé le rapport de M. Ripoll de janvier 1998 et sollicitait une prolongation de délai au 25 mai 2012 pour produire ladite pièce.

Les pièces demandées déplaçaient néanmoins l’objet du litige sur la question du bien-fondé d’un plan de site. Or, elle-même n’avait jamais pu prendre officiellement position sur l’adoption de celui-ci qui n’avait pas fait l’objet d’une enquête publique. Le Conseil d’Etat avait quant à lui indiqué vouloir attendre l’issue de la procédure de préemption pour décider de l’adoption d’éventuelles mesures de protection des villas concernées. Il ne souhaitait par conséquent pas entamer la procédure d’adoption du plan de site, en l’état inexistant.

60.                            Le 24 mai 2012, la ville a à nouveau produit la note de M. Zumthor du 12 décembre 1985, de même que le plan d’aménagement établi par son service d’urbanisme le 11 novembre 1985 et le rapport du SMS de mars 1985.

Elle sollicitait de pouvoir déposer d’ultimes observations en raisons des pièces déposées au dossier depuis sa dernière écriture.

61.                            Par courrier du 30 mai 2012, les consorts Ferrero ont également sollicité de pouvoir se déterminer sur le transport sur place et la production par l’OPS de nombreuses pièces.

62.                            Le 7 juin 2012, l’OPS a répondu au courrier des consorts Ferrero du 18 avril 2012.

Considérant que le plan de site constituerait la mesure de protection la mieux appropriée au vu des qualité de l’ensemble des villas de l’avenue de Miremont, il n’entendait pas donner suite à la demande d’inscription à l’inventaire du 27 janvier 2012. Le DCTI n’étant pas tenu de se prononcer sur cette demande par une décision formelle à teneur de l’art. 7 al. 2 LPMNS, son courrier ne constituait qu’une détermination non susceptible de recours.

63.                            Le 22 juin 2012, les consorts Ferrero ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre le courrier de l’OPS du 7 juin 2012, en concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’autorité intimée pour qu’elle ouvre une procédure d’inscription à l’inventaire des villas de l’avenue Miremont.

64.                            A cette même date, les parties ont déposé leurs observations après enquêtes, reprenant et développant leur argumentation antérieure.

Les consorts Ferrero y ont réitéré leur demande de suspension de la procédure jusqu’à droit jugé sur le recours pendant devant le TAPI, respectivement jusqu’à droit jugé sur la demande pendante devant le TPI.

Selon la ville, l’arbitrage à effectuer entre l’intérêt patrimonial et l’intérêt à la construction de logements était de la compétence du Conseil d’Etat et non du pouvoir judiciaire. Or, le Conseil d’Etat avait clairement donné la priorité à l’exercice par la ville de son droit de préemption et n’envisageait de prendre d’éventuelles mesures de protection du secteur que si ce dernier devait ne pas aboutir. Elle-même avait initié une étude d’avant-projet de PLQ qui servirait à l’élaboration du projet à élaborer en liaison avec le DU et la commission d’urbanisme conformément à l’art. 5A al. 1 LGZD. Cette première image faisait apparaître un potentiel de 165 logements sur l’ensemble des parcelles du périmètre, dont 18 pour la seule parcelle n° 1'795. Refuser la préemption reviendrait ainsi à empêcher la création d’un nombre très important de logements d’une part et, d’autre part, à procéder, à la place du Conseil d’Etat, à la pesée des intérêts qu’il appartenait à celui-ci d’opérer, sans tenir compte de la compétence du conseil municipal de préaviser tout projet de plan de site.

65.                            Le 29 juin 2012, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Les recourants sollicitent préalablement la suspension de la procédure. Ils considèrent que la cause ne peut être jugée avant que le sort de deux autres procédures ne soit connu, celui de la demande de mise à l’inventaire des villas de l’avenue de Miremont pendante devant le TAPI et celui de leur action en exécution du testament de feu Mme Zell formée contre la ville devant le TPI.

b. A teneur de l’art. 14 al. 1er LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/97/2007 du 6 mars 2007, consid. 2). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2009, consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie n’ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1er Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/21/2006 du 17 janvier 2006, consid. 5a).

En l’espèce, le sort que connaîtront la demande de mise à l’inventaire des villas de l’avenue de Miremont et l’action en exécution de la charge testamentaire de feu Mme Zell n’est pas indispensable pour l’issue du présent litige. La requête en suspension de la procédure des recourants sera, en conséquence, rejetée.

3. a. A titre d’acte d’instruction, les recourants demandent à la chambre administrative d’auditionner Mme Nemec-Piguet, directrice de l’OPS et conservatrice cantonale des bâtiments, de M. Beuchat, conseiller en conservation du patrimoine de la ville, ainsi que de représentants des associations Patrimoine suisse et Miremont Village.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

La chambre administrative refusera en l’espèce de procéder aux auditions requises. En effet, les avis des personnes visées par les recourants figurent, soit sous forme de préavis, soit sous forme de lettres, au dossier de la cause, de sorte que leur audition n’apparaît pas indispensable. La chambre administrative a en outre ordonné l’apport du projet de plan de site n° 29'802-229, respectivement procédé à un transport sur place, de sorte qu’elle dispose désormais de tous les éléments nécessaires à la résolution du litige.

4. Lorsqu’elle connaît d’un litige relatif au droit de préemption prévu par la LGL, la chambre administrative dispose d'un pouvoir d’appréciation étendu (ATA/557/2001 du 4 septembre 2001, consid. 2 ; ATA P. du 1er septembre 1998).

5. a. Selon l’art. 3 al. 1 LGL, les bien-fonds sis notamment en zone de développement, qui peuvent être affectés à la construction de logements, sont grevés d’un droit de préemption au profit de l’Etat et des communes intéressés. Le droit de préemption ne peut s’exercer qu’aux fins de construction de logements au sens de la LGL.

b. Le propriétaire, qui aliène ou promet d’aliéner un bien-fonds soumis au droit de préemption, doit en informer immédiatement le Conseil d’Etat et la commune du lieu de situation, au plus tard lors du dépôt de l’acte au registre foncier. Lorsque le Conseil d’Etat ou la commune envisage d’exercer son droit de préemption, il doit interpeller préalablement le propriétaire et le tiers-acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens (art. 4 al. 1 et 2 LGL).

c. Le Conseil d’Etat dispose d’un délai de soixante jours depuis le dépôt de l’acte au registre foncier pour notifier aux parties sa décision en la matière (art. 5 al. 1 LGL). S’il décide de renoncer à exercer son droit de préemption, il avise la commune en même temps que les intéressés. Dans les trente jours suivant cette notification, la commune doit à son tour notifier aux parties liées par l’acte, soit sa décision de renoncer à l’exercice de son droit de préemption, soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte, soit son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par elle, ainsi que sa décision de recourir, à défaut d’acceptation de son offre, à la procédure d’expropriation conformément à l’art. 6 LGL (art. 5 al. 2 LGL).

6. Les recourants soutiennent que la décision du 18 juillet 2011 les informant de l’exercice par la ville de son droit de préemption dans le cadre de la vente de la parcelle n° 1'795 pour le prix de CHF 2'400'000.- serait nulle, au motif qu’elle aurait été rendue par une autorité incompétente.

Selon l’art. 30 al. 1 let. k LAC, les décisions relatives à l’exercice d’un droit de préemption sont prises par délibérations du conseil municipal. Conformément à l’art. 48 let. g LAC, il revient ensuite au conseil administratif de les exécuter. Celui-ci doit notamment procéder à la notification prévue par l’art. 5 al. 2 LGL, tâche qu’il peut déléguer à l’un ou l’autre des services de l’administration communale, dont les décisions sont assimilées aux siennes propres à teneur de l’art. 12 al. 2 LPA. Dans le système de la LGL, c’est cette notification qui fait courir le délai de recours dans lequel les intéressés peuvent contester la décision d’une commune d’exercer son droit de préemption, de sorte que cette décision doit être désignée comme telle, motivée, signée et indiquer les voies et délais de recours ordinaires conformément à l’art. 46 LPA (ATA/800/2005 du 22 novembre 2005).

En l’espèce, la ville a suivi une procédure respectueuse de la répartition des compétences précitées, comme du système légal instauré par la LGL. Elle a informé les recourants, comme les acquéreurs, de son intention d’exercer son droit de préemption dans le cadre de la vente de la parcelle n° 1'795, par courriers du DCA-Ville du 17 juin 2011. Conformément à l’art. 4 al. 2 LGL, les intéressés ont eu l’occasion de faire valoir leurs moyens lors de leur audition par la commission des finances du conseil municipal, ainsi que par courrier du 22 juin 2011 adressé aux membres de ce conseil. Par délibération du 27 juin 2011, ce dernier a autorisé le conseil administratif à exercer le droit de préemption de la ville sur la parcelle n° 1'795 au prix de CHF 2'400'000.- à des fins de constructions de logements d’utilité publique. Le DCA-Ville a enfin mis en forme cette délibération, pour le compte du conseil administratif, en rendant la décision du 18 juillet 2011 dans des formes parfaitement conformes aux exigences des art. 5 al. 2 LGL et 46 LPA.

Le grief de nullité de la décision dont est recours doit, partant, être écarté.

7. Les recourants considèrent que la ville serait forclose dans l’exercice de son droit de préemption, dans la mesure où la délibération du 27 juin 2011 n’a pas été approuvée par le Conseil d’Etat dans les 90 jours suivant la communication par le notaire de l’acte de vente du 25 mai 2011. Une telle approbation aurait, selon eux, un effet constitutif, de sorte que la décision de la ville d’exercer son droit de préemption n’existerait pas encore à ce jour.

a. Les délibérations des conseils municipaux sont astreintes au contrôle du Conseil d’Etat qui, en sa qualité d’autorité de surveillance des communes (art. 61 LAC), s’assure de leur validité. Lorsqu’elles ont été prises en dehors de séances légalement convoquées, respectivement en violation des lois et règlements en vigueur, le Conseil d’Etat a la compétence de les annuler (art. 67 et 70 al. 2 et 3 LAC).

b. Certaines délibérations, dont celles relatives à l’exercice d’un droit de préemption (art. 70 al. 1 let. d LAC), ne sont en outre exécutoires qu’après avoir été approuvées par le Conseil d’Etat. Selon la doctrine, l’approbation du Conseil d’Etat a, en principe, un effet constitutif dans ce sens que l’acte communal en cause n’entre en force qu’après avoir été approuvé (A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 273 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, 1994, p. 96/97 à propos de l’approbation du droit communal). Tel est généralement le cas des règles de droit communales (ATF 89 I 107, consid. 2a ; 89 I 20, consid. 3) ou des plans d’aménagement communaux (ATF 100 Ia 147, consid. 1 ; 100 Ia 157, consid. 2) soumis à approbation cantonale. Dans ces hypothèses, les actes communaux en cause ne deviennent opposables aux administrés qu’une fois approuvés par l’autorité cantonale compétente. Lorsque ce sont des décisions communales au sens de l’art. 4 LPA qui sont sujettes à approbation cantonale, celle-ci constitue l’étape indispensable à leur exécution forcée.

c. Dans les cas où la délibération d’un conseil municipal porte sur une décision administrative au sens de l’art. 4 LPA, celle-ci peut donc faire l’objet d’un double contrôle : l’un, de nature hiérarchique, exercé par le Conseil d’Etat en vertu de l’art. 67 LAC et l’autre judiciaire, exercé sur recours par la chambre administrative. Afin d’éviter qu’une procédure judiciaire ne soit poursuivie inutilement ou que des décisions divergentes ne soient rendues (cf. MGC [En ligne], Séance 54 du 4 décembre 1997, disponible sur http://www.ge.ch/grandconseil/memorial/data/540102/54/540102_54_partie34.asp [consulté le 18 juin 2012]), l’art. 86 LAC permet, dans ces hypothèses, à la chambre administrative d’impartir un délai convenable au Conseil d’Etat pour décider s’il entend annuler la délibération attaquée.

En l’espèce, la ville a eu connaissance de la vente de la parcelle n° 1'795 le 27 mai 2011. Le délai maximum de 90 jours, qui lui était imparti pour se déterminer selon l’art. 5 LGL, arrivait donc à échéance le 25 août 2011 (ATA/161/2008 du 8 avril 2008, consid. 6 et 7). Or, son conseil municipal a autorisé l’exercice du droit de préemption communal pour un prix de CHF 2'400'000.- par délibération du 27 juin 2011, tandis que le DCA-Ville a régulièrement notifié cette offre d’achat aux parties, par décision du 18 juillet 2011 dont est recours. La procédure d’approbation de la délibération du 27 juin 2011 a, quant à elle, été suspendue par le Conseil d’Etat pour pallier le risque de décisions divergentes.

La ville a donc exercé son droit de préemption en temps utile. L’art. 5 LGL n’exige en effet pas que la délibération autorisant l’exercice par une commune de son droit de préemption soit approuvée par le Conseil d’Etat et, partant, dotée d’un caractère exécutoire dans les nonante jours suivant la communication de l’acte de vente. A teneur de cette disposition, il suffit que le conseil municipal se soit déterminé conformément à l’art. 30 al. 1 let. k LAC et que sa décision ait été notifiée selon les formes et le délai prescrits, pour que le droit de préemption communal ait été, d’un point de vue formel, valablement exercé. Comme toute autre décision administrative, celle relative à l’exercice d’un droit de préemption communal existe en effet dès l’instant où elle est rendue par l’autorité communale compétente en la matière et notifiée conformément aux exigences légales. La question de son entrée en force ou de son caractère exécutoire est en revanche sans pertinence pour l’examen de sa validité formelle.

Mal fondé, le grief de forclusion de la ville sera, en conséquence, rejeté.

8. Les recourants se plaignent d’une atteinte inconstitutionnelle à leurs droits de propriété. Ils soutiennent en particulier que l’exercice par la ville ne reposerait sur aucun intérêt public conforme aux buts poursuivis par la LGL.

a. L’exercice du droit de préemption constitue une restriction de droit public à la propriété garantie par l’art. 26 Cst. qui n’est admissible que si elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst.).

b. Les art. 2 et 3 al. 1 LGL disposent que, dans le cadre de leur politique générale d’acquisition de terrains, le canton et les communes jouissent d’un droit de préemption sur les bien-fonds situés en zone de développement, dans le but d’y construire des logements d’utilité publique. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la juridiction de céans, cette base légale et l’intérêt public ainsi poursuivis, à savoir contribuer à la politique sociale du logement, permettent de restreindre valablement la garantie constitutionnelle de la liberté économique et de la garantie de la propriété, dans le respect du principe de la proportionnalité (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2008 du 24 novembre 2008, consid. 3.3 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.552/1998 du 9 février 1999 ; ATA/585/2011 du 13 septembre 2011 ; ATA/587/2008 du 18 novembre 2008 ; ATA/557/2001 du 4 septembre 2001).

c. Le droit de préemption des collectivités publiques ne peut s’exercer qu’aux fins de constructions de logements au sens de la LGL. Son exercice n’implique toutefois pas nécessairement la présentation d’un projet de construction détaillé. Le Tribunal fédéral a reconnu la possibilité d’acquérir des terrains pour des besoins futurs, à condition qu’il s’agisse d’un but précis et de besoins qui devront être satisfaits tôt ou tard, dans un avenir qui n’est pas trop éloigné (Arrêt du Tribunal fédéral C.R. c. Conseil d’Etat du canton de Genève du 23 janvier 1985, consid. 5c). Lorsqu’elle acquiert un bien-fonds par voie de préemption, l’autorité doit déterminer si l’acquisition du terrain concerné est opportune du point de vue de sa politique en faveur de la construction de logements, en tenant compte de la situation et des caractéristiques de la parcelle et de ses environs. Elle doit faire un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements sur l’emplacement considéré, en prenant en considération et éventuellement en anticipant les facteurs propres à influencer le développement du secteur (ATF 114 Ia 17). L’acquisition du terrain par la collectivité publique et l’édification d’immeubles destinés à abriter des logements doivent ainsi se trouver dans un rapport d’adéquation (ATA/587/2008 du 18 novembre 2008, précité). Au stade de l’exercice du droit de préemption, l’autorité n’a donc pas besoin de justifier son intervention par la présentation d’un projet détaillé. Elle doit toutefois rendre plausible l’existence d’un besoin précis, et tenir compte des possibilités réelles d’y satisfaire à l’emplacement envisagé, dans un avenir pas trop éloigné (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2008 précité ; T. TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in La maîtrise du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 156 et ss).

d. S’agissant du principe de l’adéquation, la juridiction de céans a déjà eu l’occasion de préciser que les obstacles que peuvent constituer les parcelles voisines et l’incertitude relative à la difficulté de les surmonter ne sont pas en soi un argument valable, d’une part, parce que rien ne permet de prévoir une attitude définitivement négative de la part des propriétaires concernés, et d’autre part, parce que s’il fallait suivre le raisonnement contraire, l’Etat ne pourrait plus acquérir que des parcelles dont la superficie suffirait entièrement à édifier un bâtiment de logements, notamment du point de vue des limites de distance et de l’indice d’utilisation du sol encore disponible au regard des constructions voisines. L’acquisition du terrain nécessaire, parcelle par parcelle, ne serait en revanche plus possible, chacune d’elle pouvant constituer l’obstacle à l’acquisition publique d’une autre. Une telle solution serait de nature à mettre un terme à la politique des autorités en matière de construction de logements, dans un canton dont le territoire exigu, impliquant de multiples contraintes d’aménagement du territoire, ne donne à l’Etat qu’une marge de manœuvre restreinte. Au demeurant, si les négociations futures ne devaient pas permettre de trouver les moyens de surmonter les obstacles, l’Etat pourrait encore faire usage de son droit d’expropriation (ATA/587/2008 du 18 novembre 2008 et les références citées).

9. En l’espèce, la parcelle n° 1'795 est située en 5ème zone de développement 3. Proche du centre-ville et relativement proche de la future halte Champel-Hôpital du CEVA, elle bénéficie d’une bonne desserte par les transports publics, se trouvant notamment à proximité de la halte Champel-Hôpital du futur CEVA. Elle est donc a priori apte à la construction d’un bâtiment de logements d’utilité publique, tel que celui envisagé par la ville, projet qui répondrait au but d’intérêt public poursuivi par les art. 3 et suivants LGL et contribuerait à lutter contre la pénurie de logements, dont le canton de Genève souffre notoirement.

Conformément à la jurisprudence précitée, le fait que la parcelle n° 1'795 soit, comme ses voisines, grevée de servitudes d’interdiction de construire des bâtiments autres que des villas, ne représente en outre pas un obstacle insurmontable à la concrétisation du projet. De telles servitudes pourraient notamment être levées dans le cadre de l’élaboration d’un plan localisé de quartier (cf. art. 6A LGZD). De même, les éventuelles restrictions susceptibles de résulter du testament de Mme Zell concernant l’affectation de la parcelle n° 1'793 apparaissent sans pertinence, en tant qu’elles relèvent du droit privé et ne portent pas sur la parcelle soumise à l’exercice du droit de préemption litigieux.

10. Le pronostic à faire sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, sur l’emplacement considéré ne s’en trouve pas moins entaché par un facteur dirimant. Le projet de la ville de construire des logements d’utilité publique sur la parcelle n° 1'795 contrevient en effet à l’intérêt public à la conservation du patrimoine architectural, tel qu’il est expressément consacré par le PDC pour le secteur en cause. Dans la couronne suburbaine, l’objectif 2.12 du concept de l’aménagement cantonal ne préconise d’utiliser les potentiels à bâtir dans les zones de développement que pour autant que les impératifs de protection du patrimoine et des sites le permettent. Au niveau de la fiche n° 2.01 du schéma directeur cantonal, le maintien de poches faiblement urbanisées en l’état et la prise de mesures de protection, tel que des plans de site, sont en outre prévus dans les sites sensibles présentant une valeur patrimoniale d’ensemble. Les parcelles nos 1'782, 1'783, 1'789, 1'791 à 1'794, 2'278 et 2'279 figurent parmi ces sites qui doivent être maintenus ou astreints à un IUS maximum de 0,4, selon la carte annexée à la fiche de mesures n° 2.01. Le PDC consacre donc expressément la valeur architecturale, comme l’objectif de conservation des villas de l’avenue de Miremont, dont l’intérêt patrimonial est reconnu depuis le recensement du site à l’ISOS, respectivement réaffirmé à chaque fois que des services spécialisés, aussi bien communaux que cantonaux, sont consultés.

L’arbitrage entre l’intérêt public à la construction de logements sociaux et celui, souvent opposé, à la protection du patrimoine architectural a donc été clairement opéré lors de l’adoption du PDC en 2001. Il n’a pas été remis en cause depuis lors, soit à l’occasion des différentes mises à jour dont le schéma directeur cantonal a fait l’objet. Celle que le Conseil d’Etat a en dernier lieu adopté le 6 octobre 2010 et qui a été validée par le département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication le 31 mars 2011 n’a notamment pas porté sur la fiche de mesures n° 2.01 qui a conservé sa teneur initiale et demeure donc d’actualité.

Or, les plans directeurs ont, à teneur de l’art. 9 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), force obligatoire pour les autorités. A Genève, l’effet contraignant de ce plan s’attache à l’ensemble des composants du PDC, soit aussi bien au concept de l’aménagement qu’au schéma directeur cantonal (ATA/551/2006 du 17 octobre 2006, consid. 6). Il est expressément consacré par le droit cantonal, à teneur duquel que les autorités cantonales et communales appliquent les principes et les objectifs du PDC, notamment en veillant à ce que les plans d’affectation du sol soient conformes au PDC et à son concept de l’aménagement cantonal (art. 11 al. 1 LaLAT). En vertu du principe de la hiérarchie des actes de planification, les plans directeurs localisés doivent également s’y conformer (art. 10 al. 7 LaLAT), sous peine de voir leurs options d’aménagement écartées lors de l’adoption des plans d’affectation (art. 10 al. 8 LaLAT). En l’espèce, celle que le PDCom retient pour le périmètre en cause (potentiel de développement « à prédominance logement ») apparaît clairement incompatible avec le PDC, de sorte que les autorités compétentes pour l’adoption des plans d’affectation du sol pourront et devront s’en distancer.

En vertu de l’art. 11 al. 1 LaLAT, il n’est donc pas possible qu’un PLQ, conforme au projet de densification de la ville, puisse voir le jour à moyen terme. Seul le projet de plan de site n° 29'802-229, dans la mesure où il se conforme à l’option d’aménagement spécifiquement prévue par le PDC pour le secteur en cause, dispose en l’état de quelques chances d’aboutir. En anticipant les facteurs propres à influencer le développement du secteur, l’on ne parvient en outre pas à un pronostic plus favorable à l’objectif poursuivi par la ville, puisque le projet de PDCn 2030 soumis à enquête publique dans le courant de l’année 2011 persiste à identifier les villas de l’avenue de Miremont comme un site construit à protéger et qu’un projet de plan de site en prévoyant le maintien est en cours d’élaboration auprès des autorités cantonales.

Dans ces circonstances, l’exercice par la ville de son droit de préemption communal sur la parcelle n° 1'795 n’apparaît pas justifié par un intérêt public suffisant. Celui-ci se voit en l’espèce primé par l’intérêt public à la conservation du patrimoine que les autorités cantonales ont jugé supérieur au cours des dix dernières années et auquel elles comptent donner la prédominance à l’avenir encore. L’objectif poursuivi par la ville doit, dans cette mesure, céder le pas au bénéficie de l’intérêt privé des consorts Ferrero qui ont récemment rénové leur bien avec soin dans l’optique de sa conservation.

Le contraire reviendrait à porter une atteinte inconstitutionnelle à la garantie de la propriété des recourants, respectivement à légitimer une option d’aménagement illégale, dans la mesure où elle contrevient au PDC.

11. Au vu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner les griefs de violation du principe de l’égalité de traitement et de celui de la protection de la bonne foi également invoqués par les recourants.

12. Le recours sera admis. Aucun émolument ne sera toutefois mis à la charge de la ville en application de l’art. 87 al. 1 LPA. En revanche, et dans la mesure où les consorts Ferrero l’ont requise, une indemnité de procédure de CHF 2'500.- sera mise à sa charge (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2011 par Messieurs Jean Ferrero, François Ferrero, Pierre Ferrero et par Madame Anne Catherine Ronga contre la décision de la ville du 18 juillet 2011 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la ville du 18 juillet 2011 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à Messieurs Jean Ferrero, François Ferrero, Pierre Ferrero et Madame Anne Catherine Ronga à la charge de la ville ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Jacques Martin, avocat des recourants, ainsi qu'à la Ville de Genève et, pour information, au Conseil d’Etat et au service de surveillance des communes.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :