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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/675/2017

ATA/209/2018 du 06.03.2018 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; AUTORISATION D'EXPLOITER ; RESTAURANT ; CAFETIER-RESTAURATEUR ; COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE ; JURISTE ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ ; CASIER JUDICIAIRE ; ORDONNANCE PÉNALE ; CERTIFICAT DE BONNE VIE ET MOEURS ; HONNEUR ; CONSTATATION DES FAITS ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; RÉTROACTIVITÉ ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.70.al1; Cst.29.al2; LPA.61; LRDBHD.4.al3; RRDBHD.3; RRDBHD.31.al13; LPA.46; LPA.47; RRDBHD.31.al15; LRDBHD.70.al3; RRDBHD.65; Cst.9; LRDBHD.70.al9; RRDBHD.65; Cst.9; LRDBHD.70.al9; LRDBHD.8; LRDBHD.9; LRDBHD.10; LRDBHD.3.letn; RRDBHD.40.al1; LRDBHD.3.leto; RRDBHD.39.al1; RRDBHD.39.al2; aLRDBH.5.al1.letd; aLRDBH.70; LRDBHD.63; Cst.9; Cst.5.al3; Cst.5.al2; Cst.36.al3; Cst.8; LCBVM.10
Résumé : Admission partielle des recours dirigés contre deux décisions du PCTN, selon lesquelles le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes d'honorabilité pour qu'une mise en conformité des autorisations d'exploiter deux établissements publics soient accordées. À teneur de la jurisprudence constante en la matière, la situation du recourant ne s'apparente pas à celles dans lesquelles le critère d'honorabilité n'était pas rempli, au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/675/2017-EXPLOI ATA/209/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 mars 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Cramer, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ exploite le café-restaurant à l'enseigne « B______ » sis C______ à Genève, depuis août 1984.

Cet établissement public est propriété de la Ville de Genève (ci-après : la ville) et a été d'abord mis à ferme, puis en location, depuis le 1er janvier 2007, à M. A______ et à Madame A______, son épouse.

M. A______ exploite également le café-restaurant à l'enseigne « D______ » sis place E______ à Genève, dont il est propriétaire avec son épouse.

2) Le 12 avril 1999, le service des autorisations et patentes, devenu le service du commerce puis le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a renouvelé l'autorisation d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne « B______ » de M. A______.

Le 19 octobre 2009, le PCTN a autorisé M. A______ à exploiter le café-restaurant à l'enseigne « D______ ».

3) Le 31 mai 2016, suite à l'entrée en vigueur de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), qui prévoit dans ses dispositions transitoires que les titulaires d'autorisations délivrées sur la base de l'ancienne loi doivent en obtenir une nouvelle dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la LRDBHD, M. A______ a déposé auprès du PCTN, deux formulaires intitulés « mise en conformité LRDBHD des établissements autorisés en vertu de la LRDBHD ».

Sous le point « 4.2.2 Le propriétaire (ou les représentants de la société propriétaire) fait-il actuellement, à titre personnel, l'objet d'une procédure pénale », il a coché la case « Oui » et précisé que la procédure pénale était dirigée contre lui-même et son épouse « pour emploi de personnel déclaré mais sans autorisations de travail ». Ces faits étaient reconnus.

Parmi les pièces produites et dont l'apport était obligatoire, l'extrait de casier judiciaire de M. A______ contenait deux condamnations prononcées par le Ministère public genevois :

– la première du 11 mars 2013 à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis à l’exécution de la peine durant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'200.-, pour emploi d'étrangers sans autorisation ;

– la seconde datait du 22 octobre 2015 à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 50.- le jour, pour emploi répété d'étrangers sans autorisation.

Il a également joint une attestation délivrée par le commissaire de police le 6 avril 2016 suite au refus de délivrer à M. A______ le certificat de bonne vie et mœurs (ci-après : CBVM).

4) Par décisions séparées du 25 janvier 2017, déclarées exécutoires nonobstant recours, le PCTN a rejeté les demandes d'autorisation d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne « B______ » et le café-restaurant à l'enseigne « D______ » de M. A______.

Ses requêtes étaient incomplètes dès lors qu'il n'avait pas annexé les plans des établissements, précis, cotés, datés, signés et comprenant l'indication de la surface dédiée à l'exploitation. Le PCTN renonçait toutefois à les lui renvoyer dans la mesure où il apparaissait que ses demandes ne répondraient pas aux exigences légales, même une fois complétées.

Il avait été condamné récemment à deux reprises par le Ministère public pour avoir employé des étrangers dépourvus d'autorisation de travail et/ou de séjour. Ces infractions étaient graves et répétées et présentaient un lien direct avec l'exploitation d'établissements publics. En dépit de la condamnation prononcée le 11 mars 2013, il avait employé cinq nouvelles personnes en situation irrégulière durant le délai d'épreuve.

Par ailleurs, deux nouvelles infractions semblaient avoir été commises, dès lors que deux travailleurs n'avaient pas été en mesure de présenter de titre de séjour valable lors d'un contrôle effectué le 15 décembre 2016 au « B______ ».

Dans ces circonstances, M. A______ ne répondait pas aux exigences d'honorabilité et n'offrait pas toute garantie d'une exploitation conforme aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail.

Dès lors que cet élément justifiait, à lui seul, le rejet de ses requêtes en autorisation, il n'y avait pas lieu d'examiner si son épouse répondait aux exigences en matière d'honorabilité.

Ces décisions ont été signées par une juriste du secteur juridique du PCTN et ont été envoyées par courrier A+.

5) Par actes distincts du 27 février 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif ou à ce qu'il soit autorisé, sur mesures provisionnelles, à continuer à exploiter ses établissements, et principalement à l'annulation des décisions attaquées et à l'octroi des autorisations d'exploiter, « sous suite de frais et dépens ».

La chambre administrative devait ordonner au PCTN de produire l'acte habilitant une juriste à signer une décision telle que les décisions querellées. À défaut, les décisions attaquées devaient être annulées, dans la mesure où elles étaient entachées d'un vice grave, soit qu'elles avaient été prises par une personne dont la compétence faisait défaut.

La notification des décisions du PCTN du 25 janvier 2017 étaient irrégulières, au motif que lesdites décisions n'avaient pas été notifiées par courrier recommandé mais par courrier A+.

Le PCTN avait manqué de diligence et de célérité en rendant ses décisions le 25 janvier 2017, soit environ huit mois après avoir été en possession des nouvelles demandes d'autorisation d'exploiter. Ce faisant, il avait dépassé de quatre mois le délai imparti par la loi.

La prise en compte des deux infractions de décembre 2016 – contestées – par le PCTN à l'appui de sa position constituait un abus de son pouvoir d'appréciation et était arbitraire.

Les infractions à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) avaient été commises en 2013 et 2015, soit respectivement trois ans et un an avant l'entrée en vigueur de la LRDBHD. Dès lors que l'ancienne loi sanctionnait déjà les infractions relatives aux prescriptions sur les étrangers et qu'elle permettait de prendre différentes mesures à l'encontre de l'exploitant, dont le retrait de l'autorisation d'exploiter faisait partie, le PCTN aurait pu, à l'époque, sanctionner l'intéressé pour les faits constitutifs desdites infractions. Partant, l'intimé avait fait preuve de mauvaise foi en décidant de rejeter les nouvelles demandes d'autorisation d'exploiter pour non-conformité aux prescriptions en matière de police des étrangers.

Il était honorablement connu sur la place de Genève depuis de nombreuses années, comme en témoignait son activité d'exploitation des établissements depuis, respectivement, plus de trente ans et dix ans. Jusqu'à la survenance de la condamnation du 11 mars 2013, il les avait exploités sans aucun reproche, respectant l'ordre juridique par un comportement irréprochable. S'agissant des condamnations pénales pour emploi d'étrangers sans autorisation, elles concernaient essentiellement des employés engagés pour de brèves périodes, soit pour « un mois, trois mois, quatre mois, quatre mois puis à deux reprises un an » (sic). En cumulant les durées d'engagement, l'ensemble des périodes cumulées équivalait à moins d'un employé engagé sans autorisation par an, dès lors que les six engagements sans autorisation étaient répartis sur une période de quatre ans, étant tous intervenus entre 2011 et 2015. Ce chiffre devait être mis en relation avec la vingtaine d'employés du café-restaurant à l'enseigne « B______ » et la dizaine du café-restaurant à l'enseigne « D______ », dont certains depuis 2001. De plus, les employés en question avaient été engagés dans un contexte de remplacement au pied levé lors d'absence ou de maladie de membres de l'équipe. Il n'était malheureusement pas parvenu à procéder autrement dès lors qu'il n'avait pas trouvé de collaborateur en situation de travail régulière à engager sur le marché du travail. Par ailleurs, les employés engagés sans autorisation ne l'avaient pas été « au noir » mais plutôt « au gris », dans la mesure où les cotisations sociales et les impôts étaient payés. En outre, ils avaient été payés au même tarif qu'un collaborateur en situation régulière. Ainsi, les infractions commises et le contexte dans lequel elles s'étaient produites n'étaient pas de nature à remettre en cause l'honorabilité dont il avait fait preuve durant les trente, respectivement dix ans, passés dans ses établissements.

Enfin, il était incompréhensible que le PCTN n'ait pas rendu ses décisions en application des art. 9 let. d et 10 LRDBHD. Ces dispositions visaient expressément les situations dans lesquelles l'intimé pourrait reprocher à un exploitant/propriétaire, requérant une autorisation d'exploiter, de ne pas avoir respecté les conditions de travail en usage. Elles permettaient le cas échéant au PCTN d'astreindre le requérant à signer auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT) l'engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et de faire dépendre sa décision de la signature dudit engagement. Ainsi, le PCTN aurait tout d'abord dû, en vertu du principe de la proportionnalité, demander à l'intéressé de signer ledit engagement et faire dépendre ses décisions d'autorisation de la signature de cet engagement, en lieu et place du simple rejet d'office de ses requêtes en autorisation. Toutefois, l'honorabilité, dont il avait témoigné pendant les années durant lesquelles il avait exploité sans reproche les deux établissements, devait être reconnue et l'exempter de devoir effectuer une telle démarche.

Les recours ont été enregistrés sous les numéros de cause A/675/2017 et A/676/2017.

6) Le 29 mars 2017, le PCTN a déclaré ne pas s'opposer à une restitution de l'effet suspensif aux recours, tout en réservant expressément sa détermination sur le fond du litige.

7) Par décisions du 3 avril 2017, la présidence de la chambre administrative a autorisé, à titre provisoire, M. A______ à continuer l’exploitation des établissements jusqu’à droit jugé au fond et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

8) Le 3 mai 2017, le PCTN a conclu au rejet des recours « sous suite de frais ».

Aucune disposition de la LRDBHD ou du règlement d’exécution de la LRDBHB du 28 octobre 2015 (I 2 22.01 - RRDBHD) ne prévoyait que les décisions de rejet de requêtes en autorisation devraient être rendues à titre collégial, ou par un membre du personnel occupant une certaine fonction. Partant, une juriste du PCTN était habilitée à rendre seule une décision d'une requête en autorisation d'exploiter. Au surplus, le cas de M. A______ avait été présenté par la juriste en charge du dossier au chef du secteur juridique du PCTN, lequel avait donné son accord oral préalablement au rejet des requêtes. La signature des présentes écritures par le directeur et par le chef du secteur juridique du PCTN confirmait que les décisions attaquées emportaient l'aval du comité de direction du PCTN.

Selon la jurisprudence, l'envoi d'une décision formelle par courrier A+ était un mode de notification valable, ce d'autant plus que les recours étaient la preuve que M. A______ avait pu prendre connaissance des décisions en cause et agir dans le délai légal, si bien qu'il n'avait subi aucun préjudice.

Le délai de quatre mois prévu par le RRDBHD était un délai d'ordre, dès lors que ni la loi ni le règlement ne prévoyait de conséquence en cas de non-respect de ce délai. M. A______ n'avait ainsi pas un droit à ce que le PCTN se prononçât dans un délai de quatre mois à la suite du dépôt de ses requêtes. De plus, la nature de l'affaire ne présentait pas un caractère urgent, puisque l'intéressé continuait à exploiter les établissements durant le traitement de ses requêtes. Il n'avait d'ailleurs subi aucun préjudice du fait que lesdites décisions n'aient pas été rendues plus tôt. Enfin, l'intéressé n'avait jamais mis en demeure le PCTN de statuer sur ses requêtes.

Selon le procès-verbal de contrôle du PCTN du 16 décembre 2016, en date du 15 décembre 2016, il avait été constaté que le livret G de l'un des employés du « B______ » était échu depuis le 5 janvier 2010 et qu'aucune démarche n'avait été entreprise par l'employeur dans le but d'obtenir un permis de travail pour le second employé, lequel y travaillait depuis le 1er octobre 2016. Le PCTN n'avait toutefois pas retenu que ces infractions étaient établies, mais avait uniquement indiqué que deux nouvelles infractions semblaient avoir été commises en décembre 2016. Le PCTN ne s'était ainsi pas fondé sur ces dernières pour rejeter les requêtes en autorisation d'exploiter de l'intéressé, mais sur les infractions établies à son encontre par ordonnances pénales des 11 mars 2013 et 22 octobre 2015. Celles-ci étaient suffisantes pour justifier le rejet des requêtes. Après avoir employé durant un an sans autorisation une personne de nationalité étrangère, M. A______ avait récidivé durant le délai d'épreuve du sursis qui lui avait été octroyé en employant sans autorisation cinq personnes de nationalité étrangère pour des durées respectives d'un mois, trois mois, dix-neuf mois, quatre mois et quatre mois, au sein même de l'établissement visé par l'une des requêtes en autorisation d'exploiter. Même en ne prenant en considération que les infractions ressortant de l'ordonnance pénale du 22 octobre 2015, les requêtes auraient de toute façon été rejetées, au vu de la gravité des infractions commises et du caractère récent de la condamnation du 22 octobre 2015. Dès lors, les décisions du 25 janvier 2017 n'étaient pas arbitraires.

Le PCTN n'avait pas été informé des condamnations prononcées à l'encontre de M. A______ par ordonnances pénales des 11 mars 2013 et 22 octobre 2015, ni des procès-verbaux établis par le secteur du travail au noir de l'OCIRT et du rapport adressé par ce dernier au Ministère public le 23 octobre 2014. Il n'en avait été informé que lorsqu'il avait instruit les requêtes en autorisation d'exploiter de l'intéressé, soit peu avant le prononcé des décisions attaquées. M. A______ ne pouvait de plus pas légitimement partir du principe que les informations détenues par un service de l'OCIRT seraient nécessairement transmises aux autres services dépendant du même office. Pour pouvoir conclure que ses condamnations ne remettaient pas en cause son honorabilité, il aurait au contraire fallu qu'il s'assure que le PCTN était au courant. Ce d'autant plus, qu'il avait également la possibilité de transmettre lui-même les ordonnances pénales le concernant. Il ne saurait à présent de bonne foi reprocher au PCTN d'avoir agi contrairement à la bonne foi en rejetant ses requêtes. Enfin, l'intéressé n'alléguait pas avoir pris des dispositions irréversibles.

La réputation de M. A______ sur la place de Genève n'était pas pertinente pour déterminer s'il répondait aux exigences d'honorabilité au sens de la loi, étant relevé que la délivrance d'un CBVM avait été refusée à l'intéressé le 6 avril 2016. Par ailleurs, au vu de la gravité et de la répétition des infractions commises, ainsi que du caractère récent de la condamnation du 22 octobre 2015, laquelle avait été prononcée à peine sept mois avant le dépôt des requêtes du 31 mai 2016, la longue durée d'exploitation dont se prévalait le recourant ne permettait pas de considérer qu'il offrait toute garantie d'une exploitation conforme aux exigences prévues par la loi. Il avait récidivé durant le délai d'épreuve du sursis qui lui avait été octroyé en employant sans autorisation cinq personnes de nationalité étrangère pour des durées d'un mois, trois mois, dix-neuf mois, quatre mois et quatre mois. Il s'agissait d'infractions graves et répétées en lien étroit avec l'activité de l'intéressé. Il s'agissait en outre de longues périodes d'emploi sans autorisation, à tout le moins s'agissant des durées d'emploi d'une année et de dix-neuf mois. Ainsi, même en ne prenant en considération que les infractions ressortant de l'ordonnance pénale du 22 octobre 2015, les requêtes de M. A______ auraient déjà dû être rejetées. S'agissant de l'absence d'antécédents avant la condamnation du 11 mars 2013, les éventuelles amendes qui auraient pu être infligées avant le 1er janvier 2008, date de l'entrée en vigueur de la LEtr, ne figureraient pas au casier judiciaire. Par ailleurs, M. A______ n'avait pas respecté les prescriptions légales en matière de droit des assurances sociales s'agissant d'un employé, les charges de celui-ci n'ayant pas été prélevées et rétrocédées, et l'on ignorait si celles-ci l'avaient été s'agissant d'un autre employé. En tout état, les condamnations des 11 mars 2013 et 22 octobre 2015 ne portaient pas sur le non-respect des prescriptions en matière de sécurité sociale et de droit du travail, mais sur le non-respect des prescriptions en matière de police des étrangers. Le nombre d'employés était sans pertinence, dès lors qu'il ne diminuait en rien la gravité des infractions commises. Enfin, il n'était pas démontré que les personnes en situation irrégulière engagées l'aient été dans un contexte d'urgence ou qu'il n'aurait pas trouvé des personnes au bénéfice des autorisations nécessaires pour exercer une activité lucrative en Suisse.

Le rejet des requêtes était une mesure non seulement apte à atteindre le but d'intérêt public visé par la loi, à savoir le respect des prescriptions en matière de police des étrangers, mais également nécessaire pour que ce but puisse être réalisé. Le nombre et la gravité des infractions, le caractère récent de la condamnation du 22 octobre 2015, ainsi que les récidives, durant le délai d'épreuve du sursis – ce qui avait conduit le Ministère public à retenir un pronostic défavorable –, ne permettaient pas de considérer que la signature de l'engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève serait suffisante pour atteindre le but visé. Seul le rejet des requêtes y était propre. De plus, ces mesures n'interdisaient pas toute activité à M. A______, qui pourrait travailler comme employé au sein des établissements ou de tout autre établissement. Les décisions étaient ainsi dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits de l'intéressé. Les décisions querellées se fondaient sur l'intérêt public que la loi visait à atteindre et ne créaient pas d'inégalités injustifiées, dès lors qu'un administré dans une même situation verrait également sa requête rejetée. Elles étaient en outre fondées sur des motifs sérieux et objectifs et n'étaient pas dépourvues de sens et d'utilité. Elles étaient également opportunes, puisqu'elles servaient au mieux l'intérêt public compte tenu du but de la loi. Le PCTN avait ainsi respecté le principe de la proportionnalité et fait bon usage de son pouvoir d'appréciation.

9) Le 7 juillet 2017, M. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

S'agissant de la problématique de la compétence, il était notoire qu'un service s'exprimait par sa direction. Les explications données par le PCTN étaient contradictoires, en ce sens que si la juriste était réellement habilitée à rendre et à signer seule les décisions litigieuses, point n'était alors besoin de faire signer les observations du 3 mai 2017 par le directeur et le chef du secteur juridique du PCTN. À défaut d'avoir produit l'acte habilitant une juriste du PCTN à signer les décisions attaquées, celles-ci devaient être annulées, étant entachées d'un vice grave, soit un défaut de compétence.

S'il était exact qu'il n'avait pas mis le PCTN en demeure de statuer sur ses requêtes, l'autorité était malgré tout supposée respecter la loi. Par ailleurs, le PCTN, en tardant à rendre les décisions litigieuses, ainsi qu'en réclamant un délai pour répondre au recours, avait adopté un comportement en contradiction avec le fait d'avoir rendu des décisions applicables nonobstant recours. Cela démontrait que l'absence d'honorabilité qui lui était reprochée n'était pas telle qu'elle devait l'empêcher d'exercer sa profession.

Il ne comprenait pas l'intérêt qu'aurait le PCTN à invoquer les deux prétendues nouvelles infractions de décembre 2016 à l'appui de sa position sans en tenir compte par la suite. En alléguant cela, l'intimé faisait preuve de mauvaise foi. Par ailleurs, il avait entamé des démarches tendant à la régularisation de son employé le 5 octobre 2016 déjà, soit deux mois avant le contrôle du 15 décembre 2016, et l'autorisation avait été délivrée en mai 2017. Quant à l'autre employé, son statut était régulier au regard des prescriptions en matière de droit du travail, puisque son permis était valable jusqu'au 22 mai 2022.

Ni le PCTN, ni aucune autre autorité ne lui avait jamais demandé de transmettre les ordonnances pénales. C'était en toute bonne foi qu'il avait considéré que les informations détenues par un des services de l'OCIRT étaient transmises aux autres services. Il avait en outre fait preuve de bonne foi en remplissant les formulaires en renouvellement de son autorisation d'exploiter et en y annexant toutes les pièces requises.

Les infractions commises en 2013 et 2015 devaient être mises en perspective avec la longue durée d'exploitation sans reproche pour appréhender la notion d'honorabilité. Ces infractions, vu les peines infligées, ne pouvaient pas être qualifiées de graves. La remarque du PCTN sur le fait que les amendes antérieures au 1er janvier 2008 pouvaient ne pas figurer au casier judiciaire n'était pas étayée. Les considérations portant sur le respect des prescriptions légales en matière de droit des assurances sociales d'un employé étaient contestées. L'employé en question – qui aidait ponctuellement – n'avait jamais perçu un salaire dépassant le montant de CHF 2'300.- l'an, soit le montant au-dessous duquel l'employeur n'était pas tenu de payer les cotisations si l'employé ne le demandait pas, ce que l'employé n'avait pas demandé. Il n'avait pas agi dans un esprit de lucre mais au contraire en respectant scrupuleusement ses obligations d'employeur. L'indication dans les formulaires selon laquelle lui et son épouse faisaient actuellement l'objet d'une procédure pénale en cours était une erreur de compréhension de sa part. Il avait cru qu'il lui était demandé s'il avait fait, par le passé, l'objet d'une procédure pénale. Ainsi, des différents critères fixés par la loi pour juger de l'honorabilité, seul un n'avait pas été respecté, pour une petite partie de son personnel, et ce de façon exceptionnelle.

Le PCTN se gardait de relever que le Ministère public avait renoncé à révoquer le sursis accordé le 11 mars 2013. Dès lors, il ne pouvait être estimé que la seule mesure adéquate qui s'offrait à l'autorité consistait en le rejet de ses requêtes. Une mesure moins incisive aurait dû être appliquée pour lui laisser une chance de continuer à exercer sa profession. L'intimé ne pouvait être pris au sérieux lorsqu'il alléguait que le recourant pourrait à tout le moins travailler comme employé au sein des établissements ou auprès d'un autre établissement. De plus, les décisions ne pouvaient pas être qualifiées de proportionnelles eu égard à la trentaine de personnes qui perdraient leur emploi si elles venaient à être confirmées.

Enfin, il persistait à requérir la comparution personnelle des parties et l'audition de témoins.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 66 al. 1 LRDBHD).

2) Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l'espèce, les causes nos A/675/2017 et A/676/2015 opposent les mêmes parties, se rapportent au même complexe de faits et concernent l’une comme l’autre une autorisation d'exploiter un établissement public. Vu la connexité entre les questions juridiques litigieuses, les deux procédures seront jointes sous la cause n° A/675/2017.

3) Dans le corps de ses mémoires de recours, puis dans ses répliques, le recourant propose l'audition des parties, ainsi que celle de témoins.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1 ; 2C_481/2013 du 30 mai 2013 consid. 2.1 ; ATA/1347/2017 du 3 octobre 2017 consid. 2a ; ATA/643/2016 du 26 juillet 2016 et les arrêts cités).

Par ailleurs, le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 consid. 4a).

b. En l'espèce, pour autant qu’il faille comprendre des termes « Preuve par témoins » et « Audition des parties » que le recourant sollicite des actes d’instruction – ce que toutefois ses écritures du 7 juillet 2017 semblent confirmer –, ceux-ci seront rejetés. En effet, la chambre de céans estime être suffisamment renseignée sur les éléments pertinents du litige pour le trancher, sans procéder à des actes d’instruction complémentaires.

4) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) et/ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception – non réalisée en l’espèce – prévue par la loi (al. 2).

5) Dans un premier grief, le recourant soutient que la juriste du PCTN n'était pas compétente pour prendre les décisions du 25 janvier 2017.

a. Le PCTN est compétent pour recevoir, instruire et délivrer les autorisations d'exploiter des entreprises vouées à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement (art. 4 al. 3 LRDBHD ; art. 3 al. 1 et 2 RRDBHD et 4 al. 1 RRDBHD).

Selon l'art. 31 al. 13 RRDBHD, le service rend une décision de rejet de la requête si les conditions prévues par la loi ne sont pas réalisées ou si des intérêts publics prépondérants l’exigent.

b. En l'occurrence, ni la LRDBHD ni le RRDBHD n'imposent que les décisions de rejet en autorisation d'exploiter soient rendues à titre collégial ou par un membre du personnel occupant une certaine fonction au sein du PCTN.

Le secteur juridique du PCTN, ainsi que ses collaborateurs, est d'ailleurs l'entité la mieux à même de surveiller l'application des dispositions légales fédérales et cantonales en matière de commerce.

Ainsi, la juriste du secteur juridique du PCTN était habilitée à rendre les décisions du 25 janvier 2017.

Le grief est mal fondé.

6) Le recourant considère que la notification des décisions du 25 janvier 2017 est viciée, ayant été faite par courrier A+.

a. Selon l'art. 46 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (al. 1). Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (al. 2). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. Selon l'art. 31 al. 15 RRDBHD, la décision est notifiée par écrit à l’exploitant.

c. Selon la jurisprudence, en cas de notification par courrier A+, le délai que celle-ci fait partir commence à courir à partir du dépôt dans la boîte aux lettres du destinataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 ; 2C_430/2009 du 14 janvier 2010 ; ATA/222/2017 du 21 février 2017 consid. 4 ; ATA/1047/2016 du 13 décembre 2016 ; ATA/202/2016 du 3 mars 2016).

d. En l'occurrence, force est de constater que, mise à part une notification par écrit, ni la LRDBHD ni le RRDBHD ne prévoient d'autres conditions de forme s'agissant de la notification des décisions du PCTN.

Par ailleurs, une notification par courrier A+ est un mode admis par la jurisprudence. Peu importe le contenu de la décision envoyée.

De surcroît, selon les écritures du recourant les décisions du PCTN du 25 janvier 2017 envoyées par pli A+ lui ont été notifiées le 27 janvier 2017. Il a interjeté recours dans le délai de trente jours, si bien qu'il n'a subi aucun préjudice de ce mode de notification.

Le grief est écarté.

7) Le recourant estime que le PCTN a violé son devoir de diligence et le principe de célérité en rendant ses décisions le 25 janvier 2017 alors qu'il avait déposé ses requêtes en autorisation d'exploiter le 31 mai 2016.

a. Les personnes au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée sur la base de l’ancienne législation peuvent poursuivre l’exploitation de leur établissement et offrir les mêmes prestations, à condition qu’elles obtiennent dans les douze mois à compter de l’entrée en vigueur de LRDBHD les éventuelles autorisations complémentaires ou de remplacement nécessaires, leur permettant d’offrir lesdites prestations (art. 70 al. 3 LRDBHD).

Selon l'art. 65 RRDBHD, les personnes au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée sur la base de l’ancienne législation doivent requérir auprès du PCTN, au plus tard dans les six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, les autorisations de remplacement nécessaires pour pouvoir poursuivre l’exploitation de leur établissement conformément à la LRDBHD et au RRDBHD (al. 1). Le PCTN dispose d'un délai de quatre mois pour rendre la décision relative à la requête en autorisation visée à l'al. 1 (al. 2).

b. Selon la doctrine, sauf dans les rares cas où la loi fixe à l'autorité un délai impératif, et non un simple délai d'ordre, pour se prononcer, l'administré n'a pas un droit à ce que l'autorité compétente statue dans un délai déterminé abstraitement. Le délai au-delà duquel l'inaction de l'autorité contrevient à son obligation de statuer dépend des circonstances, de la nature de l’affaire, de sa complexité et de la difficulté éventuelle d’élucider les questions de fait (ATF 135 I 265 et jurisprudences citées ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1501).

c. En l'espèce, dès lors que ni la LRDBHD ni le RRDBHD ne prévoient de conséquence en cas de non-respect du délai de quatre mois prévu par l'art. 65 al. 2 RRDBHD, la chambre de céans considère que ce délai est un délai d'ordre. Ainsi, le recourant n'a pas un droit à ce que le PCTN statue dans ce délai.

Les griefs du recourant afférents au dépassement de ce délai seront donc écartés.

8) Le recourant soutient que la prise en compte des « deux nouvelles infractions », qui semblent avoir été commises en décembre 2016 au sein du « B______ », est arbitraire.

a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; 137 I 1 consid. 2.4 ; 136 I 316 consid. 2.2.2).

b. En l'espèce, les décisions attaquées font mention du contrôle du 15 décembre 2016 au sein de l'établissement et de la commission de deux nouvelles infractions aux prescriptions en matière de police des étrangers. Toutefois et à ce propos, le PCTN a utilisé le verbe « sembler ».

Dans ses écritures du 3 mai 2017, l'intimé a expliqué qu'il ne s'était pas fondé sur ces éventuelles infractions pour rejeter les requêtes en autorisation d'exploiter du recourant, mais sur les infractions établies à son encontre par ordonnances pénales des 11 mars 2013 et 22 octobre 2015. L'utilisation du verbe « sembler » dans les décisions attaquées rejoint ces considérations, puisque ce terme ne permet pas de confiner à la certitude.

Il en découle que le PCTN ne s'est pas fondé sur le contrôle du 15 décembre 2016 pour rendre ses décisions.

Le grief est infondé.

9) a. Le 1er janvier 2016, sont entrés en vigueur la LRDBHD et le RRDBHD, abrogeant respectivement la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (aLRDBH) et son règlement d’exécution du 31 août 1988 (aRRDBH).

b. L’autorisation d’exploitation délivrée sous l’ancien droit n’a pas cessé de déployer ses effets à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, comme cela ressort a contrario de l’art. 65 al. 4 RRDBHD. Toutefois, en vertu de l’art. 70 al. 3 LRDBHD, les personnes au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée sur la base de l’ancienne législation peuvent poursuivre l’exploitation de leur établissement et offrir les mêmes prestations, à condition qu’elles obtiennent dans les douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la LRDBHD – à savoir jusqu’au 31 décembre 2016 – les éventuelles autorisations complémentaires ou de remplacement nécessaires, leur permettant d’offrir lesdites prestations. Si le département de la sécurité et de l'économie (ci-après : le département) constate que les conditions d’octroi de l’autorisation d’exploiter prévues par la LRDBHD ne sont pas remplies par un établissement autorisé en application de l’ancienne législation, il impartit un délai raisonnable à l’exploitant et, au besoin, au propriétaire de l’établissement, pour qu’il soit remédié à cette situation. Il statue à l’expiration du délai fixé, qui peut toutefois être prolongé si les circonstances le justifient. Les délais cumulés ne peuvent pas dépasser douze mois (art. 70 al. 9 LRDBHD).

10) a. L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al. 2 LRDBHD).

b. L’art. 9 LRDBHD traite des conditions relatives à l’exploitant. Ainsi, l'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée à condition que l'exploitant, notamment, offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la LRDBHD et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes et, s’il a la qualité d’employeur, qu'il démontre au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, il demande à l’employeur de signer auprès de l'OCIRT l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement (art. 9 let. d LRDBHD).

L’art. 10 LRDBHD détaille les conditions relatives au propriétaire, à savoir que l'autorisation d'exploiter l’entreprise est délivrée à condition que son propriétaire offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la LRDBHD et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes. S’il est l’employeur des personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, le propriétaire doit en outre démontrer au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, il demande au propriétaire employeur de signer auprès de l’office l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement.

c. Est exploitant la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (art. 3 let. n LRDBHD ; art. 40 al. 1 RRDBHD).

Le propriétaire est quant à lui défini comme la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci, et qui désigne l'exploitant (art. 3 let. o LRDBHD ; art. 39 al. 1 RRDBHD).

d. En cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité (art. 39 al. 2 RRDBHD).

e. En l'occurrence, dans la mesure où le recourant est au bénéfice depuis le 1er juillet 2007 d'un contrat de bail commercial visant l'exploitation du café-restaurant à l'enseigne « B______ », propriété de la ville, le recourant doit être considéré comme étant un exploitant au sens des art. 3 let. n et 9 LRDBHD. S'agissant du café-restaurant à l'enseigne « D______ », le recourant ne conteste pas en être le propriétaire au sens des art. 3 let. o et 10 LRDBHD. C'est d'ailleurs ce qu'il a indiqué dans le formulaire du 31 mai 2016.

11) Les art. 9 let. d et 10 LRDBHD ont la même teneur s'agissant de la notion d'honorabilité du propriétaire, respectivement de l'exploitant de l'établissement.

Si l'honorabilité du propriétaire n'était pas examinée sous l'ancien droit, tel était le cas de celle de l'exploitant, de sorte qu'il y a lieu de se référer notamment à la jurisprudence y relative.

12) a. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la condition d’honorabilité de l’aLRDBH que « cette condition est rédigée de façon à permettre une appréciation nuancée de l’honorabilité requise en fonction du genre d’établissement que le requérant entend exploiter ; elle met l’accent sur les principales matières dans lesquelles le requérant doit présenter toute garantie » (MGC 1985 35/III 4240 ; ATA/205/2005 du 12 avril 2005).

Dans la définition de la notion d'honorabilité, que l'on retrouve dans d'autres textes légaux genevois – loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14) ; loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24) ; loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) – il s'agit avant tout de déterminer si le comportement de la personne exerçant ou voulant exercer une activité soumise à autorisation, est compatible avec ladite activité. Dans ce cadre, la chambre administrative s’est prononcée à plusieurs reprises sur la condition d’honorabilité telle qu’elle figurait à l’art. 5 al. 1 let. d aLRDBH.

b. Elle a ainsi retenu que cette condition n'était pas remplie lorsque l'exploitant avait été condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d’ordre sexuel commis dans son propre établissement public (ATA/377/2000 du 6 juin 2000), lorsqu'il s’était vu reprocher le développement d’un trafic de produits stupéfiants dans lequel il avait servi d’intermédiaire (ATA/294/2001 du 8 mai 2001) ou lorsqu'il avait été condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans (ATA/369/2001 du 29 mai 2001), ou encore avait fait l'objet d'une condamnation à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d’une collègue et induction de la justice en erreur (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004). Enfin, n'a pas été jugée à même d’exploiter un établissement public une personne qui avait fait l’objet de nombreuses plaintes et dénonciations pénales au cours des quinze années précédentes et de quatorze rapports de dénonciations et trois sanctions administratives en application de l’aLRDBH au cours des quatre dernières années (ATA/552/2004 du 15 juin 2004).

La chambre administrative a, par ailleurs, confirmé le refus de l’autorisation d’exploiter notifié à une personne ayant été condamnée à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour avoir vendu un véhicule automobile qui ne lui appartenait pas, compte tenu de l’écoulement du temps. Pour autant que l’intéressée ne commette pas de nouvelle infraction, elle devait être autorisée à exploiter un établissement public si elle déposait une nouvelle demande au début de l’année 2005, soit deux ans après sa condamnation pénale (ATA/272/2004 du 30 mars 2004).

Dans des arrêts du 29 juillet 2014, la chambre administrative a confirmé des refus d’autorisation d’exploiter opposés à un même exploitant pour deux cafés-restaurants différents (ATA/600/2014 et ATA/599/2014 du 29 juillet 2014). La condition d’honorabilité n’était pas remplie, le requérant ayant été condamné à deux reprises : une première fois à une peine pécuniaire de vingt-trois jours amende à CHF 60.- le jour, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour avoir violé les règles de la circulation routière en qualité de conducteur dans l’incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifié ; une seconde fois, à une peine pécuniaire de deux cents jours-amende à CHF 50.- le jour avec sursis à l’exécution de la peine et un délai d’épreuve de trois ans ainsi qu’à une amende de CHF 2'500.-, pour complicité de faux dans les titres.

La condition d'honorabilité a également était niée à un exploitant ayant été condamné à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 1'500.-, pour usure (ATA/957/2014 du 2 décembre 2014).

c. À l'inverse, la chambre administrative a considéré que l'autorité avait mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant, ayant fait l'objet, entre 2010 et 2013, de plusieurs rapports de police établis suite à des contrôles de l'établissement et ayant donné lieu à des sanctions pour infractions à l’aLRDBH, ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité dans la mesure où les infractions retenues à son encontre ne revêtaient pas une gravité particulière, qu'elles n'avaient pas donné lieu à des sanctions pouvant être qualifiées de lourdes et qu'il ne ressortait pas du dossier qu'elles seraient réitérées de manière systématique (ATA/1161/2015 du 27 octobre 2015).

13) a. Les travaux préparatoires de la LRDBHD relèvent quant à eux que la condition d'honorabilité a, entre autres, pour objectif le renforcement de la protection des travailleurs. Le projet de loi a ainsi intégré plusieurs références au droit du travail, rappelant que les employeurs devaient respecter la législation sur le travail, quels que soient les horaires d’exploitation, devant fournir une attestation démontrant qu’ils n’ont pas de retard dans le paiement de leurs cotisations sociales et pouvant être soumis à un contrôle des conditions de travail en tout temps (PL 11’282, p. 44, consultable en ligne sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11282.pdf).

De même, le projet de la LRDBHD avait pour objectif de rendre plus efficaces les mesures et sanctions à l’égard des contrevenants, notamment s’agissant des conditions d’exploitation commerciales des établissements et des droits des employés (PL 11’282, p. 34). Le système des sanctions était simplifié et renforcé : le projet de loi considérait comme graves les infractions relatives aux horaires d'ouverture et de fermeture, à la législation sur la vente d'alcool, à la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, ainsi que les animations organisées sans autorisation. Cette nouvelle disposition garantissait des sanctions plus sévères à l’encontre des contrevenants, s’agissant de ces infractions (PL 11’282, p. 43).

b. Ainsi, alors que l’art. 70 aLRDBH indiquait qu’en cas d’infraction à la législation ou aux conditions particulières de l’autorisation, le département [pouvait], en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, prononcer, à l’encontre de l’exploitant : la suspension de l’autorisation d’exploiter pour une durée de dix jours à six mois (let. a), le retrait de l’autorisation d’exploiter (let. b), le nouvel art. 63 LRDBHD indique qu’en cas d’infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu'aux conditions de l’autorisation, le département prononce, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, les mesures suivantes à l’encontre de l’exploitant :

a) l'obligation de suivre une formation complémentaire, définie par le règlement d'exécution, en lien avec le domaine dans lequel l'infraction a été commise ;

b) la suspension de l’autorisation d’exploiter, pour une durée maximum de six mois ;

c) le retrait de l’autorisation d’exploiter.

La LRDBHD précise que sont notamment considérées comme graves les infractions aux dispositions de la LRDBHD relatives aux horaires d'ouverture et à la vente d'alcool, à la législation sur le travail (usages, LTr [loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - RS 822.11]) et aux assurances sociales, les inconvénients engendrés pour le voisinage, ainsi que les animations organisées sans autorisation (art. 63 al. 3 LRDBHD). Lorsqu’il a prononcé le retrait d’une autorisation d’exploiter, le département ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d’autorisation déposée par l'exploitant et/ou le propriétaire pendant un délai de deux ans à compter du jour où la décision de retrait est entrée en force (art. 63 al. 4 LRDBHD).

14) L'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation constituent des violations du droit, qui peuvent être revues par les autorités de recours. Cela signifie qu'une autorité judiciaire de recours qui contrôle la conformité au droit d'une décision vérifiera si l'administration a, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère la loi, respecté le principe de la proportionnalité – et les autres principes constitutionnels tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité, la bonne foi –, mais s'abstiendra d'examiner si les choix faits à l'intérieur de la marge de manœuvre laissée par ces principes sont « opportuns » ou non (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 569 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 174-175 n. 524). L’autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux précités (Benoît BOVAY, op. cit., p. 566).

15) Le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. L’administration doit ainsi s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Le principe de la bonne foi protège donc le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1).

16) Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2014, n. 38, n. 126, n. 137 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 226 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 552 ss).

17) En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1184/2015 du 3 novembre 2015 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 184).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst., de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst. L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_366/2016 du 13 février 2017 consid. 2.1 ; 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, p. 281 ss n. 167 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 198 ss ; René WIEDERKEHR/Paul RICHLI, Praxis des allgemeinen Verwaltungsrecht, 2012, p. 282 n. 843 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 135 n. 420).

18) En l’occurrence et à titre liminaire, la question d'une violation du principe de la bonne foi de la part de l'intimé peut souffrir de rester indécise au vu de ce qui suit.

Le PCTN a motivé le rejet des requêtes du recourant, visant à l'octroi de nouvelles autorisations pour l'exploitation des établissements, sur la base des condamnations figurant au casier judiciaire produit en annexe des requêtes.

a. Le recourant n’a pas contesté avoir employé des personnes sans autorisation de travail valable en Suisse ni que les infractions aient été commises dans le cadre de la gestion de l'établissement à l'enseigne « B______ », l'un des établissements pour lequel il sollicite une autorisation.

Selon les ordonnances pénales figurant aux dossiers, le recourant avait employé un ressortissant brésilien en sachant que ce dernier ne disposait d'aucune autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse à tout le moins entre novembre 2011 et le 5 novembre 2012 (ordonnance pénale du 11 mars 2013). Il avait également employé cinq personnes ne disposant pas des autorisations nécessaires pour exercer une activité lucrative en Suisse entre les 12 mars 2013 et 1er octobre 2014 pour des durées respectives de presque un mois, un peu moins de trois mois, un peu plus de dix-neuf mois, quatre mois et quatre mois et demi (ordonnance pénale du 22 octobre 2015). Il avait chaque fois reconnu les faits reprochés.

Les infractions qui ont été retenues ont un lien étroit avec l’activité pour laquelle les autorisations sont sollicitées. Elles sont expressément mentionnées aux art. 9 et 10 LRDBHD. Le recourant ne conteste pas que les condamnations qui ont été prononcées reposent en outre sur des faits commis dans l’exercice de l’activité d’exploitant d'un établissement public, et sont en rapport avec l'un des deux établissements, objet de l'une des requêtes en autorisation d'exploiter en cause. De plus, l’intéressé a été condamné pour réitération des infractions qui lui sont reprochées et la dernière condamnation est récente. Elles sont en conséquence de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que les entreprises seront exploitées, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers.

Toutefois, selon la jurisprudence précitée, les cas où la chambre de céans a retenu que la condition de l’honorabilité n’était plus remplie s’accompagnaient de la commission d’autres infractions pénales, à l’instar d’actes d’ordre sexuel commis dans l’établissement (ATA/377/2000 précité), le développement d’un trafic de stupéfiants en servant d’intermédiaire (ATA/294/2001 précité), une escroquerie à l’assurance sociale (ATA/369/2001 précité), la vente d’un véhicule automobile n’appartenant pas à l’intéressé (ATA/272/2004 précité), le faux dans les titres (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 précités), usure (ATA/957/2014 précité). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

b. Selon la jurisprudence de la chambre administrative rendue après l’entrée en vigueur de la nouvelle LRDBHD, des condamnations pénales pour infraction à la LEtr peuvent, selon leur degré de gravité et leur ancienneté, ne pas entacher l’honorabilité de l’exploitant et du propriétaire.

La chambre de céans a notamment considéré, s’agissant d’un exploitant qui avait employé dix personnes sans autorisation de travail valable en Suisse pour des périodes comprises entre deux mois et cinq ans et demi, entre le 1er juin 2010 et le 15 mars 2016, que la condamnation pénale à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 190.- le jour reposait sur des faits commis dans l’exercice de l’activité d’exploitant de l'établissement faisant l'objet de la requête en autorisation d'exploiter, et était grave dans la mesure où elle portait sur de nombreux cas et pendant de longues périodes. La condamnation en cause était en conséquence de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que l’entreprise serait exploitée, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers. La chambre administrative a néanmoins jugé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, que le PCTN avait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité en qualité d’exploitant pour que l'autorisation d'exploiter l'établissement dont il était propriétaire soit délivrée (ATA/1349/2017 du 3 octobre 2017).

Dans un autre cas, soit celui d’un gérant qui avait employé à plein temps, du 1er janvier 2010 au 31 mars 2015, un cuisinier sans autorisation d’exercer une activité lucrative en Suisse, condamné à une peine pécuniaire de nonante-cinq jours-amende à CHF 80.- le jour, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, les faits ayant été commis dans l’exercice de son activité d’exploitant d’un établissement faisant l'objet de l’une des requêtes en autorisation d'exploiter, la chambre administrative a considéré que l’infraction était grave dans la mesure où elle portait sur une longue période, alors que l’intéressé savait qu’il agissait en violation de la loi. La condamnation en cause était ainsi de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que l’entreprise serait exploitée, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers. Cependant, dans ce cas également, compte tenu de toutes les circonstances, la chambre administrative avait estimé que le PCTN avait mésusé de son pouvoir d’appréciation (ATA/1409/2017 du 17 octobre 2017).

Récemment, dans un dossier d'un requérant, à la fois propriétaire et exploitant, qui avait été condamné à deux reprises par le Ministère public pour avoir employé des étrangers dépourvus d’autorisation de travail et/ou de séjour, respectivement par ordonnances pénales du Ministère public du 16 juillet 2012 et du 15 janvier 2016 à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 100.- le jour assortie d’une amende de CHF 2'000.- et à une peine pécuniaire de cent jours-amende à CHF 90.- le jour, la chambre de céans a aussi estimé que le PCTN avait mésusé de son pouvoir d’appréciation (ATA/1594/2017 du 12 décembre 2017).

c. En l’espèce, s’il est exact que la seconde condamnation est récente, la première date de quelques années. Il est douteux que la prise en compte des faits retenus contre l’intéressé dans les ordonnances pénales précitées et qui ont été commis avant l’entrée en vigueur de la LRDBHD, soient compatibles avec le principe de la non-rétroactivité, même si sous l’angle de l’existence d’une base légale claire, les art. 9 et 10 LRDBHD prévoient que l’exploitant et le propriétaire doivent offrir par ses antécédents et son comportement la garantie d’une exploitation conforme de l’entreprise. Les autres conditions fondant une exception à l’interdiction de la rétroactivité, soit un intérêt public prépondérant et le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis ne semblent pas remplies. En effet, s’agissant de l’intérêt public prépondérant notamment, le législateur genevois n’a pas, dans le cadre de la LRDBHD, considéré comme graves les infractions contre la LEtr, mais il a mis l’accent sur les conditions d’exploitation commerciales des établissements et les droits des employés. En outre, il ressort du dossier et notamment des pièces remises par le recourant le 7 juillet 2017 que l'un des employés pour lequel il avait été condamné le 22 octobre 2015 a été régularisé le 24 octobre 2016, avec son soutien. Par ailleurs, l’autorité intimée ne conteste pas qu’aucun autre type d’infraction notamment en rapport avec les conditions d’exploitation de l’établissement n’ont été commises par l’intéressé.

S'agissant de la problématique des cotisations sociales des employés, le recourant a expliqué que l'employé en question ne travaillait que ponctuellement et qu'il n'avait pas perçu un salaire de plus de CHF 2'300.- par an, si bien qu'il n'avait pas à régler les cotisations sociales, étant précisé que l'employé en question n'en avait pas fait la demande expresse. En outre, il ressort des pièces du dossier que pour tous les autres employés qui ne bénéficiaient pas d'autorisation de travail valable en Suisse, le recourant réglait les cotisations sociales, étant précisé que les condamnations des 11 mars 2013 et 22 octobre 2015 ne portent pas sur le non-respect des prescriptions en matière de sécurité sociale et de droit du travail. Ainsi, rien ne permet de douter du fait que le recourant s’acquitte des charges sociales relatives à l’ensemble de ses employés.

Certes, le recourant n'a pas obtenu le CBVM, selon l'attestation délivrée par le commissaire de police le 6 avril 2016. Toutefois, ce refus ne signifie pas nécessairement que la condition d'honorabilité au sens de la LRDBHD et du RRDBHD ne soit pas réalisée, notamment suivant le type d'infractions pour lesquelles le requérant a été condamné (art. 10 de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 - LCBVM - F 1 25).

Dans ces conditions et vu les circonstances particulières du cas d’espèce, compte tenu des jurisprudences précitées, du durcissement voulu par le législateur à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle LRDBHD, du principe de non-rétroactivité susmentionné, du fait que l’art. 63 al. 3 LRDBHD ne fait pas mention des violations de la LEtr, que la sanction maximale prévue, tant par l’aLRDBH que par la LRDBHD, limite la suspension de l’autorisation d’exploiter à six mois au maximum (art. 63 al. 1 let. b LRDBHD ; ATA/1349/2017 précité consid. 14), le PCTN a violé le principe de la proportionnalité, singulièrement le sous-principe de la nécessité, et a abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité, pour exploiter les établissements dont il est l'exploitant pour l'un et propriétaire pour l'autre, pour que les autorisations de mise en conformité soient délivrées.

L’attention du recourant est toutefois expressément attirée sur le fait que toute réitération, voire toute nouvelle condamnation, tomberait sous l’art. 63 al. 1 LRDBHD et pourrait, le cas échéant, entraîner la révocation ou le non-renouvellement des autorisations d’exploiter.

19) Au vu de ce qui précède, les recours seront partiellement admis, les décisions du PCTN du 25 janvier 2017 annulées, et la cause renvoyée au PCTN pour analyse des autres conditions d’octroi de la délivrance des autorisations d’exploiter, en invitant au préalable le recourant à fournir les plans de l'établissement, précis, cotés, datés, signés et comprenant l'indication de la surface dédiée à l'exploitation des établissements en question, ainsi que tous autres éléments éventuellement manquants.

20) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, qui y a conclu et qui a encouru des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes nos A/675/2017 et A/676/2017 sous la cause n° A/675/2017 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 27 février 2017 par Monsieur A______ contre les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 janvier 2017 ;

au fond :

les admet partiellement ;

annule les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 janvier 2017 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour examen et nouvelles décisions dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Cramer, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :