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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/492/2016

ATA/202/2016 du 03.03.2016 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/492/2016-FPUBL ATA/202/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 mars 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Christian Fischele, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES

 



Attendu, en fait que :

1. Le 1er février 2016, le conseiller d’État en charge du département des finances a ouvert une procédure de reclassement concernant Madame A______, membre du personnel de l’administration cantonale depuis le 1er mai 2001 et au bénéfice du statut de fonctionnaire depuis le 1er mai 2004.

Lors d’un entretien de service sous forme écrite du 30 novembre 2015, la hiérarchie de Mme A______ lui avait reproché l’insuffisance de ses prestations ainsi que son inaptitude à remplir le poste de cheffe de secteur à la comptabilité qu’elle occupait depuis le 1er novembre 2010, étant précisé qu’elle était en arrêt maladie depuis le 14 février 2014. Le 10 décembre 2015, la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) du département lui avait adressé, à son domicile élu auprès de son avocat, par courrier A Plus, le compte rendu dudit entretien, en indiquant qu’elle disposait d’un délai de trente jours dès réception pour remettre des observations pour remettre des observations complémentaires. Ce courrier avait été déposé dans la boîte aux lettres le 12 décembre 2015. Le délai pour sa détermination échoyait donc le 11 janvier 2016. Elle n’avait toutefois transmis celle-ci que le 13 janvier 2016, de sorte qu’elle était tardive et lui était retournée en annexe à la décision d’ouverture de la procédure de reclassement, qui était déclarée exécutoire nonobstant recours.

2. Par acte du 12 février 2016, Madame A______ a recouru contre la décision susmentionnée, concluant à ce que sa nullité soit constatée. Elle avait en effet été rendue en violation de son droit d’être entendue puisque ses observations au sujet du compte rendu de l’entretien de service sous forme écrite avaient été écartées de manière illicite. En effet, si la décision avait bien été déposée dans sa boîte aux lettres le 12 décembre 2015, un samedi, jour non ouvré, elle n’en avait pris connaissance que le 14 décembre 2015. Par ailleurs, le délai de trente jours pour formuler ses observations était fixé par une disposition réglementaire, de sorte que la suspension légale du délai du 18 décembre au 2 janvier inclus lui était applicable. Même si l’on retenait comme date de réception de la décision querellée le 12 décembre plutôt que le 14 décembre, le délai venait à échéance le 27 janvier 2016. Ses observations du 13 janvier 2016 n’étaient ainsi pas tardives et le conseiller d’État n’aurait pas dû les écarter. L’effet suspensif devait être restitué au recours.

3. Le 29 février 2016, le département a déposé ses observations sur demande de restitution d’effet suspensif. La décision querellée était une décision incidente n’entraînant aucun dommage irréparable. Elle permettait au contraire de prévoir un reclassement susceptible d’éviter un licenciement. Le recours contre une telle décision était irrecevable, de sorte que la demande de restitution d’effet suspensif l’était également. Il n’y avait en outre aucun motif justifiant la restitution de l’effet suspensif au recours. La procédure de reclassement était en cours, avec la collaboration de Mme A______ et elle avait atteint la moitié de sa durée. L’intimée ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même d’avoir fait ses observations hors délai et de s’être, de ce fait, privée elle-même de son droit d’être entendue. Au demeurant, elle pourrait le faire valoir devant la chambre administrative.

Considérant en droit :

1. Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ; ci-après : le règlement).

2. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

4. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

 

5. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

6. En l’espèce, il n’est pas manifeste que la décision querellée serait nulle pour les motifs invoqués par la recourante, dès lors que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de notification par courrier A Plus, le délai que celle-ci fait partir commence à courir à partir du dépôt dans la boîte aux lettres (arrêts 2C_570/2001 du 24 janvier 2012 et 2C_430/2009 du 14 janvier 2010), d’une part et que, d’autre part, la suspension des délais prévue par l’art. 63 LPA ne s’applique qu’en procédure contentieuse.

7. La chambre de céans a, de manière constante, déclaré irrecevables des recours contre des décisions incidentes d’ouverture d’une procédure de reclassement, les conditions alternatives du préjudice irréparable et de l’évitement d’une procédure probatoire longue et coûteuse requises par l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies (ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/825/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013).

8. Dans ces circonstances, les chances de succès du recours paraissent faibles.

9. En outre, l’intérêt public invoqué par l’intimé, soit la poursuite de la procédure de reclassement en cours, à laquelle la recourante collabore et qui atteint la moitié de sa durée, apparaît important et la recourante ne se prévaut pas d’un intérêt privé qui devrait prévaloir dans la pesée d’intérêts.

10. Vu ce qui précède, la demande de restitution de l’effet suspensif au recours sera refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

Vu l’art. 66 al. 3 LPA ;

Vu l’art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 


LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

réserve la recevabilité du recours du 12 février 2016 de Madame A______ ;

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Christian Fischele, avocat de la recourante ainsi qu'au département des finances.

 

 

Le vice-président :

 


J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :