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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1521/2004

ATA/205/2005 du 12.04.2005 ( JPT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1521/2004-JPT ATA/205/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 avril 2005

dans la cause

 

Monsieur A.__________
représenté par Me Olivier Cramer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SÉCURITÉ


 


1. Par arrêtés des 13 avril 2000 et 17 juin 2003, le département de justice, police et sécurité (ci-après : le département) a autorisé Monsieur A.__________ à exploiter le café-restaurant à l’enseigne « X.__________ », sis rue _____, 12.. Genève et le « Y.__________ », sis rue _____.

Le 2 novembre 2003, l’intéressé a requis du service des autorisations et patentes l’autorisation d’exploiter le « Z.__________ », sis rue _____, 12.. Genève.

2. Les faits suivants ressortent du dossier de M. A.__________, constitué par le département :

a. Selon un rapport, établi le 3 janvier 2003 par le poste de gendarmerie de _____, plainte a été déposée contre M. A.__________ le 13 septembre 2002, suite à une dispute ayant éclaté un mois plus tôt entre une amie du plaignant et celle de M. A.__________. Celui-ci avait projeté le plaignant contre un véhicule et l’avait frappé, alors qu’il était à terre.

A raison de ces faits, M. A.__________ a été condamné à une peine de vingt jours d’emprisonnement par ordonnance du Procureur général du 29 avril 2003. Cette ordonnance a été mise à néant par jugement du Tribunal de police du 20 octobre 2003, qui a reconnu l’intéressé coupable de lésions corporelles simples et lui a infligé une amende de CHF 1'000.-.

b. Selon un rapport de la gendarmerie de _____, une nouvelle plainte a été déposée, notamment contre M. A.__________, suite à une bagarre survenue au snack « Z.__________ ». Condamné à trente jours d’emprisonnement assortis du sursis pendant trois ans le 26 juin 2003, M. A.__________ a saisi le Tribunal de police de l’affaire. La plainte ayant été retirée entre-temps, cette autorité a constaté, par jugement du 17 novembre 2004, que les conditions de la poursuite n’étaient plus remplies.

c. Un rapport de la gendarmerie de _____, daté du 21 juillet 2003, établit qu’une plainte a été déposée contre M. A.__________, suite à une bagarre survenue devant le restaurant « W.__________ III » le 18 juin de la même année. Cette affaire a donné lieu à une ordonnance de classement en opportunité le 2 avril 2004. Saisie d’un recours par le plaignant, la Chambre d’accusation a statué le 6 mai suivant, rejetant le recours avec suite de frais.

d. Il ressort d’un rapport dressé le 11 novembre 2003 par la brigade des enquêtes administratives de la police judiciaire, que M. A.__________ employait une personne séjournant illégalement sur le territoire de la Confédération.

3. Le 11 mars 2004, l’état major de la police a émis un préavis négatif, s’agissant de délivrer à M. A.__________ un certificat de bonne vie et mœurs, celui-ci ayant démontré, par son comportement, qu’il n’avait pas la maîtrise requise pour diriger un établissement public de manière responsable.

4. a. Par courrier du 3 mai 2004, le département a informé M. A.__________ qu’il envisageait de lui retirer les autorisations d’exploiter les cafés-restaurants « X__________ » et « Y.__________ » et de lui refuser la délivrance de celle demandée pour le « Z.__________ », en raison de son comportement inadéquat. Le département a encore fait état d’une amende de CHF 3'000.- datée du 7 août 2000 relative à une infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931(LSEE - RS 142.20).

b. Dans le délai prolongé au 28 mai 2004 imparti à l’intéressé pour produire ses observations, celui-ci a indiqué que les antécédents évoqués par le département n’étaient pas saisis par la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) et que, partant, ils ne pouvaient justifier une décision visant au retrait – ou au refus de délivrer – des autorisations d’exploiter des établissements publics.

5. Par décision du 14 juin 2004, le département a retiré les autorisations accordées à M. A.__________ les 13 avril 2000 et 17 juin 2003 pour l’exploitation des établissements « X.__________ » et «Y.__________ » et a refusé de lui délivrer celle d’exploiter le café-restaurant « Z.__________ », considérant qu’au vu de la réitération de faits qui avaient été sanctionnés pénalement, il ne répondait plus à la condition d’honorabilité prévue à l’article 5 alinéa 1 lettre d LRDBH.

6. M. A.__________ a recouru au Tribunal administratif le 15 juillet 2004 en concluant à l’annulation de la décision attaquée et à la délivrance de l’autorisation sollicitée.

7. Le 23 août 2004, le département s’est opposé au recours. M. A.__________ ne remplissait plus, au vu de ses antécédents, les conditions d’honorabilité exigées par la LRDBH.

8. Entendues en comparution personnelle le 1er novembre 2004, les parties ont campé sur leur position.

a. M. A.__________ a expliqué qu’il n’avait pas fait appel du jugement du Tribunal de police du 20 octobre 2003, les frais de procédure qui en auraient découlé auraient été supérieurs à l’amende qui lui avait été infligée. Aucune suite n’avait été donnée par le Parquet quant au rapport dressé par la police le 11 novembre 2003, lui reprochant d’employer une personne séjournant illégalement en Suisse.

b. Le département a persisté dans la décision entreprise, considérant que la répétition d’actes de violences que le recourant aurait pu éviter, vu sa grande expérience du monde de la nuit, était préoccupante.

9. Le 25 novembre 2004, M. A.__________ a produit une écriture après enquête, à laquelle était annexé le jugement du Tribunal de police du 17 novembre 2004 précité. Les deux seules condamnations subsistant étaient celles d’une amende de CHF 1'000.- pour lésions corporelles simples le 20 octobre 2003 et diverses amendes pour violations de la LRDBH, dont la quasi totalité remontait à près de dix ans. Ces éléments ne suffisaient pas à justifier un refus d’autoriser l’exploitation d’un nouvel établissement et un retrait des autorisations dont il était bénéficiaire.

10. Le département a maintenu sa position le 20 décembre 2004. La réitération des plaintes déposées contre M. A.__________ démontraient que ce dernier ne maîtrisait pas ses comportements dans certaines circonstances et qu’il ne remplissait plus la condition d’honorabilité prévue à l’article 5 alinéa 1 lettre b LRDBH.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 5 alinéa 1 lettre d LRDBH, une autorisation d’exploiter un établissement soumis à la loi ne peut être délivrée que si le requérant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’établissement soit exploité conformément aux dispositions de la LRDBH et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail. L’article 8 alinéa 1 lettre c LRDBH prévoit que l’autorisation d’exploiter est caduque lorsque les conditions de son octroi ne sont plus remplies, à moins que cette situation ne justifie la suspension ou son retrait.

L’article 7 du règlement d’exécution de la LRDBH du 31 août 1988 (RDBH – I 2 21.01) prévoit que le département procède à une enquête de police aux fins de s’assurer que le requérant réponde aux conditions énumérées à l’article 5 de la loi. En application de cette disposition, le département consulte les fichiers de police et examine le respect des conditions prévalant à la délivrance d’un certificat de bonne vie et mœurs.

L’article 10 alinéa 1 lettre b de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 (LCBVM - F 1 25) prévoit que ledit certificat est refusé à celui dont l’honorabilité peut être déniée avec certitude en raison soit d’une ou de plusieurs plaintes fondées concernant son comportement, soit de contraventions encourues par lui à réitérées reprises, notamment pour ivrognerie ou toxicomanie ou s’il s’agit d’un failli inexcusable. Les faits de peu d’importance ou ceux qui sont contestés et non établis, ne sont pas pris en considération.

3. Reste à déterminer si, dans le cadre de la liberté d’appréciation qui lui revient, l’autorité intimée a fait bon usage des renseignements qu’elle a requis auprès de la police.

4. La juridiction de céans s’est prononcée à quelques reprises sur la condition d’honorabilité telle qu’elle figure à l’article 5 alinéa 1 lettre d LRDBH. Cette disposition a été rédigée de façon à permettre une appréciation nuancée, en fonction du genre d’établissement que le requérant entend exploiter.

a. Par arrêt du 6 juin 2000, le tribunal de céans a confirmé un refus d’autorisation d’exploiter à une personne qui avait été condamnée à une peine d’emprisonnement d’une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d’ordre sexuel qui s’étaient déroulés dans le propre établissement public alors exploité par l’intéressé, et qui remontaient à 1998 (ATA/377/2000 du 6 juin 2000).

b. Dans un autre cas, le tribunal de céans a confirmé un refus d’autorisation d’exploiter à une personne qui s’était vue reprocher le développement d’un trafic de produits stupéfiants dans lequel l’intéressée avait servi d’intermédiaire. Le tribunal a estimé que ces faits ne permettaient pas de poser un pronostic favorable à sa capacité de diriger de manière conforme à la loi un établissement public (ATA/294/2000 du 8 mai 2001).

c. Dans un autre arrêt, le Tribunal administratif a considéré que l’exploitant, condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans, ne présentait plus le caractère d’honorabilité imposé par la loi (ATA/369/2001 du 29 mai 2001).

d. La juridiction de céans a également statué sur le cas d’une personne ayant été condamnée à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour avoir vendu un véhicule automobile qui ne lui appartenait pas. Tout en ayant confirmé le refus de l’autorisation d’exploiter, le tribunal a estimé qu’il y avait lieu de tenir compte de l’écoulement du temps, et il a précisé que pour autant que l’intéressée ne commette pas de nouvelle infraction, elle devrait être autorisée à exploiter un établissement public si elle déposait une nouvelle demande au début de l’année 2005, soit deux ans après sa condamnation pénale (ATA/272/2004 du 30 mars 2004).

e. Plus récemment encore, le Tribunal administratif a confirmé qu’une requérante ayant été condamnée, deux ans avant le dépôt de sa requête, à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d’une collègue et induction de la justice en erreur, ne présentait pas le caractère d’honorabilité exigé par la loi (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004).

5. Dans la présente affaire, le tribunal constate que le recourant a été condamné par le passé à une amende de CHF 1'000.- pour lésions corporelles simples et que les éléments mis en avant par le département n’ont pas entraîné de condamnation pénale.

Les autres cas cités par le département ont été contestés par le recourant et on ne peut pas considérer que les faits aient été établis. Les reproches qui peuvent lui être adressés sont nettement moins graves que ceux ressortant des dossiers évoqués dans le considérant qui précède. Dans ces circonstances, le recours sera admis, et la décision litigieuse annulée. Le dossier sera retourné au département, afin qu’il délivre au recourant l’autorisation sollicitée, si les autres conditions en sont remplies.

6. Au vu de l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de CHF 1'500.- à la charge de l’Etat de Genève, sera allouée au recourant qui obtient gain de cause.

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juillet 2004 par Monsieur A.__________ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 14 juin 2004;

au fond :

l’admet ;

annule la décision litigieuse en tant qu’elle retire à M. A.__________ l’autorisation d’exploiter les établissements « X.__________ » et « Y.__________ » ;

retourne le dossier au département pour qu’il délivre l’autorisation sollicitée ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue au recourant une indemnité de CHF 1'500.-, à la charge de l’Etat de Genève.

communique le présent arrêt à Me Olivier Cramer, avocat du recourant ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :