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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3103/2022

ATA/184/2023 du 28.02.2023 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;DEVOIR DE COLLABORER;REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSISTANCE);BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);DOMICILE;OBLIGATION DE RENSEIGNER;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;REMISE DE LA PRESTATION
Normes : Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.8; LIASI.11.al1; LIASI.28; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; CC.23; CC.24; LIASI.35.al1; LIASI.36; LIASI.42.al1
Résumé : Confirmation d’une décision de demande de restitution de prestations accordées au recourant dans la mesure où il a été établi qu’il ne disposait pas réellement d’un domicile dans le canton de Genève et qu’il a failli à son obligation de renseigner. Confirmation du refus de la remise. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3103/2022-AIDSO ATA/184/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Arnaud Moutinot, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né en 1970, d’origine tunisienne, a obtenu la nationalité suisse en 2009.

b. À teneur du registre informatisé « Calvin » de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. A______ s’est marié en 2004 avec Madame B______. Les époux ont eu deux enfants, nés en 2005 et 2009, avant de se séparer le 11 septembre 2010 et divorcer le 19 juin 2014.

Le 20 mars 2016, M. A______ s’est remarié en Tunisie.

c. Il ressort également des données « Calvin » que M. A______ a quitté Lausanne pour Genève en 2004 et a été domicilié à Genève (C______) du
13 janvier 2004 au 1er mars 2005, à Chancy (D______) du
1er mars 2005 au 11 septembre 2010, date de son départ pour la Tunisie, à Avusy (E______) chez Madame F______ (sœur de Mme B______) du 15 novembre 2010 au 12 avril 2012, à Chancy (D______) du 12 avril 2012 au 31 octobre 2015, date à laquelle il est reparti pour la Tunisie, et à Genève (G______) du 8 janvier au 1er juillet 2020, date de son départ pour Delémont.

Mme B______ a été domiciliée à Chancy (D______) du 1er mars 2005 au 15 avril 2012, à Avusy chez sa sœur du 15 avril au 15 août 2012, à Onex dès cette date, puis à Vernier depuis le 20 août 2022.

B. a. M. A______ a perçu des prestations de la part de l’Hospice général
(ci-après : l'hospice) en application de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) du 1er juillet 2012 au 30 septembre 2015, avec une interruption du 1er mai au 31 juillet 2013 en raison de l’exercice d’une activité professionnelle.

b. Durant cette période, M. A______ a signé deux fois, les 11 juin 2012 et 29 juin 2015, le document « Demande de prestations d’aide sociale financière », mentionnant qu’il habitait au D______ à Chancy et qu’il était « séparé judiciairement » depuis le mois d’avril 2011, respectivement qu’il était « divorcé » depuis le mois d’avril 2011.

c. M. A______ a également rempli avec son assistante sociale, en date des 12 juillet 2013 et 10 juillet 2014, le formulaire de réévaluation de sa demande, attestant qu’il n’y avait aucune modification par rapport à sa demande du
11 juin 2012, hormis la perte de son emploi au 1er juillet 2013.

d. Le 10 septembre 2014, il a complété le « Contrat d’aide sociale individuel », précisant qu’il était à la recherche d’un appartement suite à sa séparation et « chez des amis ».

e. Il a en outre signé, les 11 juin 2012, 12 juillet 2013, 10 juillet 2014 et
29 juin 2015, un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel il s’est notamment engagé à renseigner sans délai l’hospice sur ses situations personnelle, familiale et économique, à lui communiquer tout fait nouveau pouvant entraîner la modification du montant de l’aide financière accordée, et à rembourser à l’hospice toute prestation indûment perçue.

f. Il a été rapporté le 15 juillet 2014 dans le « Journal du dossier » tenu par l’hospice, que M. A______ habitait chez des amis gratuitement, mais que cette situation était problématique pour accueillir ses enfants et qu’il recherchait activement un logement. Au niveau de l’AVS, il devrait s’inscrire en tant que personne non active dès qu’il serait divorcé.

Au mois de juillet 2014, le dossier de M. A______ a été transféré au Centre d'action sociale de l'hospice (ci-après : CAS) de Bernex.

Suite à un entretien périodique du 28 août 2014, Madame H______, assistante sociale du CAS de Bernex, a noté que le but principal était désormais la recherche d’un logement, car la précarité de la situation empêchait
M. A______ de se concentrer sur ses recherches d’emploi. Il allait s’inscrire et déposer son dossier à la permanence logement de l’hospice et auprès de régies.

Le 10 septembre 2014, Mme H______ a rappelé à M. A______ de se consacrer aux recherches de logement.

Le 27 octobre 2014, Mme H______ a rapporté que le bénéficiaire n’avait toujours pas trouvé d’appartement, qu’il s’était inscrit dans les régies publiques et privées et continuait activement ses recherches.

Suite aux rendez-vous des 26 novembre 2014, 21 janvier et 23 mars 2015,
Mme H______ a indiqué que la situation n’avait pas changé et que
M. A______ continuait ses recherches de logement.

Lors d’un entretien périodique du 21 avril 2015, Mme H______ a écrit « M n’a pas encore reçu son affiliation à l’AVS. Vu qu’il a été divorcé à partir de mai 2014, il ne devrait normalement pas avoir de cotisations en retard ».

Le 29 juin 2015, Mme H______ a noté, suite à un nouvel entretien avec
M. A______ : « Suite au contrôle CFA, je demande à M son premier jugement de divorce. Il est un peu surpris et va voir comment il va faire pour se le procurer ».

Le 28 août 2015, Mme H______ a relaté que M. A______ allait partir trois semaines en Tunisie pour voir sa famille et sa femme, mais aussi pour faire des démarches liées à un projet professionnel. Il avait trouvé « une solution de logement un France » lui permettant d’exercer son droit de visite et allait « habiter en France voisine » car il n’avait pas trouvé d’autres solutions pour pouvoir continuer à accueillir ses enfants. Il avait été informé qu’il n’aurait plus droit à des prestations d’aide financière à compter du mois d’octobre 2015.

Le 23 novembre 2015, Mme H______ a indiqué dans le « Journal du dossier » que l’intéressé avait « déménagé en France depuis septembre 2015 » et n’était donc plus aidé depuis octobre 2015. Son dossier était prêt pour le classement. S’il devait se représenter, il devrait « apporter son jugement de divorce ».

C. a. Le 21 janvier 2020, M. A______ s’est présenté au CAS de Champel pour solliciter des prestations d’aide financière.

b. Il ressort du « Journal du dossier » qu’il a alors indiqué être rentré en Suisse le
8 janvier 2020 après avoir vécu cinq ans en Tunisie. Il était marié, et sa femme et leur enfant de un mois vivaient en Tunisie. Il sous-louait un studio à Champel.

c. Après l’arrivée de la femme de M. A______ et de leur enfant en Suisse, l’hospice leur a alloué des prestations du 1er au 31 juillet 2020, date à laquelle la famille s’est établie dans le canton du Jura.

d. Le 20 janvier 2021, le résumé des archives du CAS de Bernex a été rapporté au « Journal du dossier ».

Il en ressort notamment que, lors de l’entretien du 7 août 2012, M. A______ avait indiqué qu’il avait résilié son contrat de bail avec effet au 31 août 2012, étant ajouté : « À partir de là à chaque fois que la question a été posée, Monsieur a semble-t-il déclaré qu’il cherchait un logement et qu’il vivait chez des tiers ».

Le 2 octobre 2012, il avait demandé à l’assistante sociale s’il pouvait obtenir un logement en France. Elle lui avait répondu par la négative.

Entre les 7 novembre 2012 et 27 octobre 2014, M. A______ avait indiqué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas de logement et vivait chez des tiers.

Après la clôture du dossier en 2015, il est résumé : « Il faudra attendre le 04.02.2020 la réouverture du droit pour que Monsieur apporte son premier jugement de divorce daté du 15 mai 2014 sur lequel il est indiqué que Monsieur est domicilié sur Annemasse ».

D. a. Par décision du 27 avril 2021, l’hospice a réclamé à M. A______ le remboursement d’un montant de CHF 52'755.70 correspondant aux prestations versées du 1er mai 2014 au 30 septembre 2015, période durant laquelle il n’avait pas droit à une aide financière faute de résidence effective à Genève.

b. Par opposition du 28 mai 2021, complétée le 13 août 2021, M. A______ a contesté devoir la somme réclamée. Il a exposé que le domicile conjugal avait été attribué à son épouse lors de la séparation et qu’il avait logé chez des amis depuis 2010 car il ne trouvait pas de logement. Il avait sous-loué un appartement en France voisine pour pouvoir exercer son droit de visite un weekend sur deux, mais cet appartement n’avait jamais été sa résidence régulière. Il en avait informé sa conseillère le 28 août 2015, qui lui avait assuré, après en avoir référé à sa hiérarchie et au service juridique, qu’aucune restitution de prestations ne lui serait demandée et que l’hospice se limiterait à mettre un terme à son intervention car il quittait le territoire helvétique. C’était d’ailleurs la décision qui avait été prise. Il avait à nouveau sollicité l’aide de l’hospice au début de l’année 2020 et avait alors produit copie de toutes les pièces requises, dont le jugement de divorce du 15 mai 2014. La décision reposait sur un seul élément, à savoir que ledit jugement, qu’il avait remis le 4 février 2020, mentionnait en première page une résidence à Annemasse. Or, il ne s’agissait ni de son adresse officielle ni de son lieu de résidence, mais uniquement du lieu ponctuel où il ne faisait qu’exercer son droit de visite sur ses enfants un weekend sur deux. La décision était infondée car il n’avait jamais été résident français et sa domiciliation était restée à Genève, comme attesté par le fait qu’il avait été taxé par l’administration fiscale genevoise, et non pas française, en 2014 et 2015. Il avait dit à son assistante sociale qu’il logeait chez divers amis et également en France afin de pouvoir exercer son droit de visite. En tout état, la demande de remboursement était tardive car intervenue plus de cinq ans après que l’hospice avait été informé de cette résidence. Il a en outre sollicité la remise de l’obligation de restituer.

c. Par décision sur opposition du 19 août 2022, l’hospice a confirmé sa demande de restitution de CHF 52'755.70. Il a retenu que M. A______ avait sa résidence effective à l’étranger. La prescription quinquennale n’avait jamais été atteinte puisqu’il avait découvert le 4 février 2020 seulement l’absence de résidence effective par la production du jugement de divorce. En outre, l’intéressé avait gravement violé son obligation de renseigner, de sorte qu’il ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi. L’une des conditions pour la remise faisait défaut.

E. a. Par acte du 21 septembre 2022, M. A______, par l’intermédiaire de son avocat, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 19 août 2022, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit et prononcé qu’il n’était pas tenu au remboursement des CHF 52'755.70, et au renvoi de la cause à l’intimé pour nouvelle décision.

Concernant son domicile, le recourant a fait valoir que, suite à sa séparation et à l’attribution du domicile conjugal à son ex-épouse, il avait effectué de nombreuses recherches de logement, toujours dans le canton de Genève, mais n’avait pas trouvé de logement stable et avait dû être logé par des amis depuis 2010. Il a rappelé que son droit de visite était conditionné à l’existence d’un logement permettant d’accueillir ses enfants, raison pour laquelle il avait sous-loué un appartement en France voisine à l’une de ses connaissances, Monsieur I______, et donné cette adresse au Tribunal de première instance (ci-après : TPI). Compte tenu de l’arrangement précaire trouvé avec le logeur, il n’avait pas précisé au TPI que le bien n’était à sa disposition qu’un weekend sur deux, mais il l’avait annoncé au service de protection des mineurs à qui il avait transmis une attestation de M. I______. Il occupait donc ce bien une infime partie de son temps et était resté objectivement et subjectivement sur le territoire cantonal. Il était ainsi resté domicilié dans le canton de Genève durant toute la durée des prestations versées, soit entre les 1er juillet 2012 et 30 septembre 2015, ce qui était attesté par le registre de l’OCPM, les bordereaux et avis de taxation de 2014 et 2015, et les communications des autorités judiciaires. La quasi-totalité des éléments au dossier indiquait une domiciliation genevoise ou du moins suisse. En effet, ses enfants se trouvaient à Genève, où il était hébergé par des amis et cherchait à se reloger de manière particulièrement intensive, où ses papiers étaient déposés, où il payait ses impôts et recevait son courrier. En définitive, le seul élément du dossier tendant vers un potentiel rattachement avec la France était l’adresse figurant sur le jugement de divorce, ce qui n’était pas suffisant pour prouver qu’il s’était fondé un nouveau domicile, ce d’autant plus que ce logement était utilisé de manière très ponctuelle et à la seule fin de pouvoir exercer un droit de visite. Il avait dû se contenter de ce qu’il avait trouvé et n’avait jamais déclaré avoir emménagé en France. Il était retourné chez ses parents en Tunisie en raison de l’arrêt des prestations de l’intimé car il n’avait plus d’argent, avant de revenir au début de l’année 2020. Subsidiairement, le recourant a soutenu qu’il pourrait être considéré comme étant « sans domicile fixe » puisqu’il était constamment accueilli par des amis. Dans un tel cas, il faudrait retenir que son domicile correspondait à son lieu d’origine qui était Genève, soit le territoire avec lequel il avait les liens les plus ténus.

S’agissant de la prescription quinquennale, si l’intimé devait considérer que sa solution de logement ponctuelle et temporaire, ayant pour seul but d’exercer son droit de visite, était constitutive d’un domicile à l’étranger et que les conditions d’octroi d’une aide financière n’étaient plus réalisées, il devrait alors également constater la tardiveté de sa décision du 27 avril 2021, qui intervenait plus de cinq ans après le 28 août 2015. En effet, il avait informé Mme H______ de l’existence de cet appartement lors de leur entretien du 28 août 2015. La collaboratrice de l’intimé lui avait alors expliqué, après en avoir référé à sa hiérarchie et au service juridique, qu’aucune restitution ne lui serait demandée, mais qu’il serait retenu qu’il avait quitté le territoire helvétique, raison pour laquelle la décision du
30 septembre 2015 avait mis fin à ses prestations. En outre, il ressortait de plusieurs extraits du « Journal du dossier » que l’intimé savait qu’il était divorcé depuis le mois de mai 2014, et ce depuis le 23 mars 2015 (recte : 21 avril 2015) au plus tard, soit une date encore antérieure. Si l’intimé avait connaissance de ce fait, c’était parce qu’il lui avait transmis le jugement de divorce, étant rappelé que de tels jugements étaient systématiquement demandés puisque l’état civil des bénéficiaires était un élément essentiel du suivi des dossiers et nécessaire pour vérifier le montant d’éventuelles pensions. L’intimé lui avait d’ailleurs demandé copie de son premier jugement de divorce. Le fait que le dossier soit vide de toute requête expresse de production du deuxième jugement de divorce, alors que l’intimé avait connaissance de son existence, ne pouvait s’expliquer que par une communication spontanée de ce document. Dans tous les cas, la décision litigieuse était tardive, l’action en restitution se prescrivant par cinq ans à partir du jour où l’intimé avait eu connaissance du fait qui ouvrait le droit au remboursement.

 

Quant à sa demande subsidiaire de remise, il avait fait preuve de bonne foi et de transparence, raison pour laquelle l’intimé avait décidé de mettre un terme à son soutien financier en août 2015. De plus, il se trouvait dans une situation financière extrêmement difficile puisqu’il était bénéficiaire de l’aide sociale jurassienne.

Le recourant a produit une attestation de l’OCPM du 27 octobre 2015 mentionnant qu’il était domicilié au D______ à Chancy et résidait dans le canton de Genève depuis le 15 novembre 2010, des attestations de régies relatives à ses recherches d’appartement en septembre et octobre 2014, des tableaux récapitulatifs de ses demandes de logement entre septembre 2014 et août 2015, des documents fiscaux pour les années 2014 et 2015, le contrat de bail de M. I______ portant sur un appartement à Annemasse, et une attestation de M. I______ datée du 25 avril 2015.

b. Dans sa réponse du 20 octobre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait violé son obligation de renseigner en déclarant qu’il exerçait son droit de visite chez des amis en Suisse alors que cela se passait en France, en ne l’informant pas qu’il disposait d’un logement pour accueillir ses enfants alors qu’il lui avait également alloué des frais de séjour temporaire, en ne l’informant pas immédiatement et spontanément du prononcé du divorce et en ne fournissant pas le jugement qui lui avait été demandé le 29 juin 2015, en déclarant avoir emménagé en France alors qu’il y résidait déjà depuis une période indéterminée et était sur le point de partir pour la Tunisie. Le recourant ne pouvait impunément, au gré de ce qui servait ses intérêts, annoncer un domicile en France au pouvoir judiciaire genevois et un domicile en Suisse à l’autorité d’aide sociale genevoise. En outre, il apparaissait peu plausible que le locataire à Annemasse ait eu une autre solution de logement un weekend sur deux et hautement invraisemblable que le recourant ait été logé gracieusement par différents amis durant trois ans, étant rappelé que le contrat de bail à Chancy avait été résilié à la fin du mois d’août 2012 et qu’il n’avait plus de résidence connue depuis le 1er septembre 2012. De surcroît, il soutenait avoir vécu chez des amis depuis 2010, portant ainsi à cinq ans son errance, ce qui était encore plus invraisemblable, étant encore souligné qu’il n’avait jamais donné le nom de l’un de ses amis. S’il avait réellement été sans domicile fixe pendant toutes ces années, nul doute qu’il se serait contenté d’une solution de logement plus précaire, comme une sous-location ou une chambre, en attendant de trouver un appartement correspondant à ses souhaits. D’ailleurs, à peine de retour de Tunisie, il ne semblait pas avoir eu de la peine à trouver un appartement à Champel. Il apparaissait en réalité plus probable qu’il s’était contenté de déposer à partir de septembre 2014 et sur insistance de son assistante sociale son dossier auprès des régies publiques et de quelques régies privées, voire d’effectuer des recherches sur Internet, afin de ne pas éveiller la suspicion quant à sa résidence en France. Cela étant, le fait d’avoir un logement en France n’impliquait pas de ne pas vouloir en trouver un à Genève. Le recourant ne niait pas ne pas avoir parlé de son appartement à Annemasse à ses assistants sociaux jusqu’à l’entretien du 28 août 2015. S’il avait véritablement occupé ce logement un weekend sur deux, on percevait mal quel risque il aurait eu à l’annoncer. De plus, lorsqu’il en avait enfin parlé, c’était uniquement pour dire qu’il venait de le trouver, ce qui était faux. Son assistante sociale lui avait indiqué qu’il ne ferait pas l’objet d’une demande de restitution parce qu’elle croyait qu’il venait de s’installer en France. Le recourant vivait à demeure en France, où il recevait ses enfants, et n’avait pas de résidence effective à Genève. De surcroît, il n’avait même pas sa famille en Suisse puisque sa fiancée, qu’il avait épousée le 20 mars 2016, vivait en Tunisie. Même s’il était hautement probable que l’intéressé n’avait plus de résidence effective à Genève depuis le 1er septembre 2012, la décision litigieuse retenait la date du 1er mai 2014 qui correspondait à celle du jugement du divorce.

L’assistante sociale avait noté dans le « Journal du dossier » le 21 avril 2015 pour la première fois que l’intéressé était divorcé, le 29 juin 2015 qu’elle lui avait réclamé le jugement de divorce, le 23 novembre 2015 que s’il devait se représenter, il devrait alors apporter le jugement. Ceci prouvait que ce document ne lui avait pas été communiqué à cette date. L’hospice avait découvert l’absence de résidence effective à Genève le 4 février 2020 par la production du jugement de divorce, réclamé le 29 juin 2015. La prescription n’était pas atteinte, pas plus que la péremption qui intervenait dix ans après le fait donnant lieu à restitution.

Pour le surplus, il n’y avait pas lieu de revenir sur le montant réclamé, qui faisait l’objet d’une attestation d’aide financière et n’était pas contesté.

Enfin, la demande de remise devait être rejetée, la condition de la bonne foi faisant défaut.

L’intimé a produit une attestation d’aide financière établie le 11 octobre 2022, récapitulant la somme versée au recourant, dont le montant afférant à la période du 1er mai 2014 au 30 septembre 2015 (CHF 52'755.70).

c. Par réplique du 21 novembre 2022, le recourant a soutenu que l’intimé n’avait pas démontré qu’il se serait domicilié en France entre le 1er mai 2014 et le 30 septembre 2015, et avait omis de préciser qu’il lui avait demandé le 29 juin 2015 la production du « premier » jugement de divorce rendu par les instances vaudoises, et non la production du second jugement prononcé à Genève, précisément parce qu’il avait déjà communiqué ce deuxième jugement. Ceci expliquait qu’il avait été surpris par cette demande. Il s’y était plié et s’était adressé au Tribunal d’arrondissement de Lausanne pour obtenir copie dudit jugement, qui lui avait été transmis le 31 août 2015 seulement, soit après la décision de l’intimé d’interrompre les prestations, de sorte qu’il ne le lui avait probablement jamais envoyé. Il n’avait pas déclaré le 28 août 2015 qu’il allait emménager en France, mais avait annoncé qu’il y exerçait son droit de visite. Cela ne prouvait pas une domiciliation antérieure en France. Le rôle de la LIASI n’était pas de punir les éventuelles déclarations imprécises faites devant les autorités civiles. Les enfants sur lesquels il exerçait son droit de visite étaient à Genève, tout comme le centre de ses intérêts, et non en France.

La prescription quinquennale avait soit été « atteinte » le 28 août 2015, lorsqu’il avait dûment informé son assistante sociale de ce qu’il logeait chez divers amis et utilisait également l’appartement d’Annemasse pour exercer son droit de visite, soit le 21 avril 2015, lorsqu’il avait remis à l’intimé le jugement de divorce. Son assistante sociale était parfaitement consciente qu’il n’avait jamais réussi à trouver un logement stable et lui avait d’ailleurs proposé de le mettre en contact avec une autre personne qui cherchait une colocation.

Il a produit ses échanges de courriels avec Mme H______ en septembre 2015 concernant cette proposition.

d. Par décision du 26 septembre 2022, le recourant a été mis au bénéfice de l’assistance juridique avec effet au 9 septembre 2022.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LIASI).

2.             Le recours porte sur le bien-fondé de la décision du 19 août 2022, par laquelle l’intimé a demandé au recourant la restitution de la somme de CHF 52'755.70, correspondant aux prestations versées du 1er mai 2014 au 30 septembre 2015, étant précisé que ce montant n’est pas remis en cause.

3.             Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du
14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007
(RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

3.1 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

3.2 Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/1093/2022 du 1er novembre 2022 consid 3b ; ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 /consid. 3d).

Selon l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir ; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles
(al. 2).

L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; ATF 136 II 405 consid. 4.3). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 et 5A.34/2004 du
22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122
consid. 3.6, in JdT 2011 IV 372 ; ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé ; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 ; ATF 120 III 7 consid. 2b ; ATF 119 II 64 consid. 2b/bb). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN in Basler Kommentar zum ZGB, 6ème éd. 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

En l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.4).

3.3 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

La chambre de céans a eu l’occasion de relever que l’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprenait l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1090/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3 ; ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2d).

De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/174/2022 du 17 février 2022 consid. 3f).

3.3.1 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles
(let. d). Conformément à l’art. 35 al. 2 LIASI, l’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2).

La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b, in JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7).

3.3.2 Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du
10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 précité consid. 3d).

La prescription est notamment interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal (art. 135 ch. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO-Code des obligations-RS 220]). Les conditions d'interruption de la prescription sont plus souples en droit public que celles prévues par l'art. 135 CO. Il s'agit de tout acte propre à faire admettre la prétention en question, visant à l'avancement de la procédure et accompli dans une forme adéquate. L'administré interrompt la prescription par toute intervention auprès de l'autorité compétente tendant à faire reconnaître ses droits. Pour l'autorité, le délai est interrompu en particulier dès lors qu'elle déclare son intention d'ouvrir une procédure et par tout acte qu'elle prend pendant celle-ci : par exemple par l'envoi au contribuable d'une formule de déclaration fiscale et, par la suite, par les actes qui, jusqu'à la décision, visent à établir la créance puis, ensuite, à la recouvrer. En revanche, des actes préparatoires tels que des mesures d'instruction ne suffisent pas. Le débiteur doit avoir reçu connaissance du fait interruptif (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 100 et la jurisprudence citée).

3.4 Conformément à l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'Hospice général (al. 2)l.

De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022
consid. 4g ; ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

4.             En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1
let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

5.             En l’espèce, il convient d’examiner si les conditions ouvrant le droit à une aide financière étaient réalisées durant la période litigieuse, plus particulièrement si recourant avait son domicile et sa résidence effective à Genève du 1er mai 2014 au 30 septembre 2015, puis, cas échéant, si le recourant a violé son obligation de renseigner l’intimé et si la demande de restitution est fondée. Enfin, dans un tel cas, il conviendra de se déterminer sur la demande de remise.

5.1 En ce qui concerne le domicile et la résidence effective, l’intimé s’est fondé sur le jugement de divorce du 15 mai 2014, dont la page de garde indique pour adresse du recourant le J______ à Annemasse, et dont il ressort qu’il y
sous-louait un studio de 30 m2.

Le recourant ne conteste pas avoir résidé en France voisine, mais soutient qu’il s’agissait d’une résidence temporaire, destinée uniquement à exercer son droit de visite un weekend sur deux. Il invoque que son domicile est resté dans le canton de Genève, où il logeait le reste du temps et où vivaient ses enfants, comme attestés par le registre de l’OCPM, ses documents fiscaux, ses recherches intensives d’appartement dans le canton, ou encore l’attestation de M. I______.

Le registre « Calvin » mentionne pour adresse du recourant du 12 avril 2012 au 31 octobre 2015 l’ancien domicile conjugal à Chancy. Or, le contrat de bail de cet appartement a été résilié au 31 août 2012, comme annoncé par le recourant à l’intimé le 7 août 2012, et l’intéressé a expressément admis ne plus y avoir habité et avoir logé chez différents amis depuis 2010 déjà. Dans ces circonstances, les indications figurant au registre de l’OCPM ne permettent en aucun cas d’établir l’existence d’un domicile et d’une résidence effective dans le canton de Genève durant la période litigieuse.

Que les bordereaux et avis de taxation de 2014 et 2015, ou d’autres documents officiels, indiquent l’adresse de Chancy est sans pertinence puisqu’il est avéré que le recourant a utilisé cette adresse lorsqu’il avait besoin d’en donner une à Genève. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait lorsqu’il a rempli les demandes de prestations auprès de l’intimé. Or, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger.

S’agissant de l’attestation du 25 avril 2015 de M. I______, titulaire du bail d’habitation au J______, elle mentionne le prêt du logement et sa mise à disposition au recourant, ce qui exclurait toute rémunération. Or, le recourant a clairement indiqué, dans le cadre de sa procédure de divorce en 2014 et dans ses écritures à la chambre de céans, qu’il sous-louait cet appartement, ce qui implique le paiement d’un loyer. De plus, M. I______ a affirmé qu’il prêtait ce logement « les weekends », alors que le recourant soutient qu’il s’agissait seulement d’un weekend sur deux. Ce document n’est donc pas fiable.

Quant aux recherches d’appartement à Genève, il ressort du « Journal du dossier » de l’intimé que Mme H______, qui a repris le suivi du recourant à partir du mois de juillet 2014, lui a fixé comme objectif prioritaire, dès le mois d’août 2014, de trouver un logement. Elle l’a donc invité à déposer ses dossiers dans plusieurs régies et à se consacrer à ces recherches, ce qui explique les multiples démarches effectuées en ce sens dès le mois de septembre 2014. Le recourant avait toutefois demandé, en octobre 2012, s’il pouvait obtenir un logement en France, ce à quoi il lui avait été répondu par la négative. Il avait donc un intérêt évident à ne pas mentionner l’existence de l’appartement à Annemasse et à se conformer aux instructions de son assistante sociale.

Certes, les deux enfants aînés du recourant vivaient à Genève avec leur mère, mais cet élément ne suffit pas à maintenir une résidence habituelle sur le territoire cantonal du recourant, alors que le seul logement dont il disposait réellement se trouvait à Annemasse, et qu’il avait clairement manifesté son intention d’y habiter par-devant la juridiction civile.

En définitive, l’intéressé n’a produit aucun document attestant qu’il continuait à résider effectivement Genève pendant la période litigieuse. Le seul élément concret au dossier est son jugement de divorce qui fait état d’une sous-location à Annemasse. À cet égard, il sied encore de relever qu’il a annoncé s’acquitter d’un montant de CHF 700.- par mois pour ce logement, montant dont le juge civil a tenu compte pour établir ses charges incompressibles. Étant donné que le contrat de bail de M. I______ fait état d’un loyer mensuel de EUR 490.- par mois dès le 4 mars 2011, révisé par la suite chaque année, il n’est pas vraisemblable que ce loyer ait pu être supérieur à CHF 700.- en 2014 et 2015. Il est donc indéniable que le recourant s’est acquitté de la totalité du loyer mensuel, ce qui permet d’exclure qu’il n’aurait occupé le bien immobilier qu’un weekend sur deux.

Il s'ensuit que l’intimé était fondé à conclure à l'absence de résidence habituelle à Genève.

5.2 S’agissant de l’obligation de renseigner, le recourant a admis à plusieurs reprises, que ce soit au stade de l’opposition ou du recours, qu’il n’avait informé l’intimé de l’existence de l’appartement qu’il sous-louait à Annemasse que lors de l’entretien du 28 août 2015. Il n’a donc pas spontanément renseigné l’intimé sur son lieu de résidence effective et ne lui a pas transmis toutes les informations pertinentes. On relèvera également qu’il n’a signalé aucun changement de situation personnelle dans le questionnaire de réévaluation du 10 juillet 2014, alors qu’il était divorcé depuis peu, et que le formulaire de demande de prestations du 29 juin 2015 ne mentionne pas non plus le jugement de divorce du 15 mai 2014. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le recourant a violé son devoir de renseigner.

Concernant la prescription, le recourant ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que l’intimé connaissait le motif sur lequel était fondée sa demande de restitution dès le 28 août 2015, date de dernier entretien périodique, voire dès le 21 avril 2015, date à laquelle il avait au plus tard remis son jugement de divorce.

En effet, l’intéressé a annoncé le 28 août 2015 à Mme H______ qu’il avait « trouvé une solution de logement » et qu’il « allait » habiter en France voisine, se gardant de préciser qu’il sous-louait ce bien depuis plus de quinze mois. L’intimé a donc décidé de mettre fin aux prestations au 30 septembre 2015, ignorant que les conditions du droit aux prestations n’étaient plus remplies depuis le mois de mai 2014 à tout le moins.

Quant à la date de communication du jugement de divorce, le recourant a clairement affirmé, au stade de l’opposition, qu’il avait transmis ce document à l’appui de sa demande de prestations de 2020, indiquant dans son écriture du 28 mai 2021: « Au début de l’année 2020, Monsieur A______, de retour de Tunisie, a à nouveau sollicité l’aide de l’Hospice général. Dans ce cadre, il a alors produit copie de toutes les pièces requises et notamment le jugement de divorce du 15 mai 2014 ». Il a confirmé cette affirmation plus loin : « Cette décision repose sur un seul élément, le fait que le jugement de divorce du 15 mai 2014, remis par Monsieur A______ le 4 février 2020, mentionne en première page "Monsieur A______, domicilié J______, 74100 Annemasse (France)" ». Ce n’est que devant la chambre de céans que l’intéressé a soutenu avoir remis en 2015 déjà copie de ce jugement. Les déclarations du recourant, qui évoluent au gré de ses intérêts, ne sont pas crédibles. Elles sont de surcroît mises à mal, d’une part, par le formulaire de demande de prestations du 29 juin 2015, dans lequel il a été noté que l’intéressé était « divorcé » depuis« Avril 2011 », ce qui correspond à la date du jugement sur mesures protectrices. Si l’intimé avait été en possession du jugement du 15 mai 2014, il l’aurait indiqué. D’autre part, par l’indication au « Journal », au moment du classement du dossier en novembre 2015, que le recourant devrait apporter son jugement de divorce s’il devait à nouveau solliciter des prestations. Que l’intimé ait fait référence à un « premier jugement de divorce » est sans pertinence. En effet, on peut douter qu’il savait que le recourant avait divorcé une première fois dans le canton de Vaud, car cette information ne ressort ni des demandes d’aide financière de l’intéressé ni du registre de l’OCPM, ce qui suggère donc plutôt une erreur de plume. Mais surtout, l’intimé a également noté dans le « Journal du dossier » le 20 janvier 2021 qu’il avait fallu attendre le 4 février 2020 pour que le recourant apporte « son premier jugement de divorce daté du 15 mai 2014 », ce qui démontre que l’intimé n’avait précédemment pas reçu ce document.

Partant, l’intimé n’a appris qu’en février 2020, lorsque le recourant a produit son jugement de divorce de 2014 dans le cadre de sa nouvelle demande d’aide financière, que la condition du domicile et de la résidence sur le territoire genevois n’était pas remplie, à tout le moins entre les mois de mai 2014 et septembre 2015. La décision du 27 avril 2021 est donc intervenue dans le délai de prescription de cinq ans à compter de la connaissance des faits et de dix ans dès la survenance des faits.

5.3 Enfin, le recourant ne peut se prévaloir de sa bonne foi puisqu’il a enfreint son obligation d’informer l’intimé, en lui cachant pendant plus de quinze mois qu’il sous-louait un appartement en France voisine et ne résidait plus à Genève.

Les conditions de la bonne foi et de la situation difficile étant cumulatives, l’intimé a constaté à bon droit que la remise ne pouvait être accordée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 septembre 2022 par
Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du19 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud Moutinot, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :