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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3728/2024

JTAPI/258/2025 du 12.03.2025 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; Cst.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3728/2024

JTAPI/258/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 mars 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Ilir CENKO, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1990, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 15 août 2017, il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public de l’arrondissement du nord vaudois pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

3.             Il a déposé une demande d’autorisation de séjour le 26 juin 2017 auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Il indiquait être arrivé en Suisse à l’âge de 18 ans et exercer une activité lucrative depuis ses 19 ans. À ce jour, il avait accumulé huit ans d’expérience ininterrompue dans le marché du travail et, une année comptant double jusqu’à 20 ans, il accumulait un total de 10 ans en Suisse. Il avait créé des liens intenses avec la Suisse, considérant y avoir forgé son caractère. Il maîtrisait parfaitement le français et avait une parfaite connaissance du tissu politique, social et économique genevois. Il était devenu un élément indispensable pour la pérennité et la bonne marche du fonctionnement de l’entreprise B______ Sàrl pour laquelle il travaillait.

Il a notamment joint à sa requête diverses attestations d’employeurs, un formulaire « Papyrus », un extrait de son casier judiciaire vierge, une attestation d’absence d’aide financière de l’Hospice général, une attestation de non-poursuite de l’office des poursuites et divers attestations et lettre de recommandation.  

4.             Entre novembre 2017 et août 2018, l’OCPM a requis de la part de M. A______ la production d’un certain nombre de documents.

5.             Le 3 janvier 2019, M. A______ a notamment transmis des fiches de salaire pour les mois de février 2009 et février 2010 de la société C______ SA et une attestation de travail de la même société couvrant l’année 2009 et 2010 au nom de « Monsieur D______ » et indiquant le numéro AVS 3______.

6.             Le 6 février 2019, l’OCPM a délivré à M. A______ une autorisation de travail provisoire révocable en tout temps auprès de la société E______.

7.             À la demande de l’OCPM, M. A______ a transmis, le 3 septembre 2019, des justificatifs de résidence pour l’année 2010. Il a également transmis, toujours à la demande de l’OCPM, le 27 septembre 2019 une copie de son extrait de compte AVS, lequel mentionnait des cotisations à partir de novembre 2014.

8.             Le 13 novembre 2019, l’OCPM a dénoncé M. A______ au Ministère public, émettant des doutes concernant l’authenticité de certains documents produits dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité.

L’attestation émise par F______ en date du 31 décembre 2009 indiquait que M. A______ avait travaillé au sein de l’entreprise du 15 décembre 2008 au 6 janvier 2009 alors que l’entreprise avait été inscrite au registre du commerce le 19 juin 2009. Le décompte salaire établi par C______ SA pour l’activité déployée en février 2010 indiquait un taux de cotisation à l’assurance maternité erroné, un prélèvement de charges sociales non reversées à l’AVS et un numéro AVS alors même que les premiers versements effectués sur le compte individuel dataient de 2014. Enfin l’attestation datée du 31 décembre 2010 établi par la société G______ Sàrl pour une activité de 2007 à 2010 ne pouvait pas être authentique dès lors que cette société avait été radiée le ______ 2008.

9.             Le 5 mai 2021, M. A______ a été interpellé par les services de police et prévenu d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), emploi de personnel étranger sans autorisation, facilitation en Suisse de l’entrée, de la sortie ou du séjour illégal d’un étranger et pornographie, acte d’ordre sexuel avec des enfants, comportements frauduleux à l’égard des autorités ainsi que faux dans les titres.

10.         Lors de son audition par la police le 5 mai 2021, il a notamment indiqué être arrivé en Suisse en 2007 et avoir, entre 2007 et 2010, habité chez des amis et des collègues à H______(GE), à I______(GE), à la J______(GE) et à K______(GE). Il ne se souvenait pas exactement des personnes chez qui il avait vécu ou travaillé. Il avait habité avec des amis jusqu’en 2011-2012. En 2013-2014, il était allé vivre à K______(GE) jusqu’en 2018, sans pouvoir donner l’adresse exacte. Il avait tellement changé d’appartements qu’il ne se souvenait pas vraiment des adresses. En 2018, il avait obtenu un appartement à l’L______ 2______ à K______(GE) et y avait vécu seul. Il était reparti environ deux mois au Kosovo et était revenu en 2010.

Il n’avait pas gardé ses anciens abonnements de tram ni ses billets de train pour la période 2007-2010, période pendant laquelle il se déplaçait en voiture avec l’aide d’amis. Il n’avait pu obtenir des relevés des transports publics genevois (ci-après : TPG) que depuis 2011. Il avait passé son permis de conduire au Kosovo en 2009 quand il était resté sur place un moment.

Entre 2010 et 2013, il avait travaillé sur plusieurs chantiers ; il était payé cash et ne recevait pas de fiche de salaire.

Il a reconnu que certains documents produits concernant ses emplois entre 2007 et 2010 étaient des faux.

11.         L’OCPM a informé M. A______, le 14 juin 2024, de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 30 juin 2017 et, par conséquent, de refuser de soumettre son dossier avec un avis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

Selon les pièces du dossier ainsi que du rapport d’arrestation du 6 [recte 5] mai 2021, M. A______ avait produit des documents falsifiés, notamment des fiches de salaire, dans le but de l’induire en erreur afin d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Il avait en effet fait l’objet d’un rapport établi par la police genevoise pour infraction à la LEI, et au Code pénal, notamment pour faux dans les titres, pornographie et acte d’ordre sexuel avec des enfants ; il avait reconnu ces faits. Sa situation ne répondait pas aux critères de l’opération « Papyrus ». Il ne remplissait pas non plus les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité.

Un délai de 30 jours lui était imparti pour faire part, par écrit, de ses observations et objections éventuelles.

12.         Le Ministère public a rendu, le 1er décembre 2022, une ordonnance de classement partiel s’agissant des documents produits à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour du 26 juin 2017 établi au nom des entreprises M______, F______ et C______ SA et des infractions d’entrée, de séjour et d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation couvrant la période du 6 mai 2014 au 15 août 2017.

13.         M. A______ n’a pas transmis d’observations à l’OCPM suite à sa lettre du 14 juin 2024.

14.         Par décision du 4 octobre 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de M. A______ du 30 juin 2017 et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 4 janvier 2025 pour partir.

Selon les pièces présentes dans son dossier ainsi qu’en référence au rapport d’arrestation du 6 [recte 5] mai 2021, l’OCPM constatait qu’il avait produit des documents falsifiés, notamment des fiches de salaire, dans le but de l’induire en erreur afin d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Il avait fait l’objet d’un rapport établi par la police genevoise pour infraction à la LEI et au Code pénal, notamment pour faux dans les titres, pornographie et actes d’ordre sexuel sur des enfants. Il avait reconnu les faits. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l’opération « Papyrus ».

Il ne remplissait pas non plus les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité : il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, son intégration correspondant au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas non plus démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence.

En outre, il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Il avait manifestement maintenu des liens étroits avec le Kosovo puisqu’il avait obtenu plusieurs visas de retour depuis le dépôt de sa demande pour se rendre notamment dans ce pays. Sa réinstallation au Kosovo s’avérait raisonnablement exigible.

15.         Par acte du 4 novembre 2024, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, préalablement à sa comparution personnelle et, au fond, à l’annulation de la décision et au renvoi du dossier à l’autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants, sous suite frais et dépens.

La lecture attentive des diverses pièces du dossier devait convaincre le tribunal que, depuis pour le moins 2007 selon son affirmation, et 2009 selon des documents produits, il vivait en Suisse et y avait exercé une activité auprès de nombreux employeurs. Ainsi, la simple observation de sa très longue présence en Suisse, en réalité une quinzaine d’années à ce jour, devrait convaincre le tribunal qu’il avait accompli une durée de résidence dans ce pays de manière ininterrompue, ce qui permettait de constater que la condition de très longue durée de séjour en Suisse était donnée.

Il ne niait pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale pour un délit dont la commission, objectivement, pouvait être considérée comme sensible ; il fallait toutefois prendre en considération le contexte très exceptionnel de la commission de cette infraction. Le fait qui lui était reproché sous la condamnation de pornographie dure était un acte isolé et qui s’inscrivait au sein d’un épisode familial mettant en scène un acte réellement répréhensible mais auquel la mère de l’enfant elle-même paraissait, au vu de ses déclarations, avoir donné une importance autre que celle conférée par la justice. De même, les vidéos que la police avait trouvées sur son téléphone lui avait été adressées par une tierce personne.

Il était arrivé en Suisse à l’âge de moins de 18 ans, ce qui donnait à la durée de sa présence en Suisse une connotation particulière. Âgé aujourd’hui de 34 ans, il avait passé plus de la moitié de sa vie en Suisse. Il ne conservait de son pays que les souvenirs épars et principalement celui d’un souvenir sans futur.

Il s’exprimait avec facilité en français et avait obtenu un niveau A2. Professionnellement, son parcours faisait montre de sa volonté d’être complètement indépendant financièrement. Il était inscrit au registre du commerce depuis 2017 comme titulaire de l’entreprise individuelle E______, société active dans les faux-plafonds, la plâtrerie, les cloisons et la peinture. Selon son relevé de compte AVS, il avait cotisé depuis 2014. Depuis 2018, voir même 2017, il avait travaillé à Fribourg à la demande ou sur appel, régulièrement et constamment, malheureusement sans statut, au gré des besoins d’employeurs potentiels.

Il ne s’était rendu que pour de très brefs séjours au Kosovo afin de visiter ses parents, étant souligné qu’il s’était chaque fois rendu dans ce pays muni d’un visa délivré par l’OCPM. Son interruption de séjour n’avait jamais dépassé ce qui était en fait possible dans le cas d’un séjour touristique. Enfin, son intégration sociale était notamment illustrée par les lettres de soutien de ses amis et collègues qui avaient déjà été déposées dans le cadre de sa procédure auprès de l’OCPM.

S’agissant de sa situation économique, elle pouvait être considérée comme bonne dans la mesure où il avait mis en place une raison individuelle qui, depuis maintenant plus de sept ans, lui permettait de réaliser un revenu brut mensuel qui s’échelonnait entre CHF 8'000.- et CHF 9'000.-. Durant ces sept ans (sic) de séjours en Suisse, il n’avait jamais émargé à l’aide sociale et n’avait jamais fait l’objet d’aucune poursuite ou acte de défaut de bien.

Il était par ailleurs célibataire et sans enfants à charge. Aujourd’hui âgé de 34 ans, il avait construit son avenir professionnel en Suisse à force de travail acharné et de détermination. Dans son pays d’origine, ne pourrait rencontrer aucune aide et, bien au contraire, il ne rencontrerait qu’envie, suspicion et jalousie. Ainsi, en raison de l’extrêmement longue durée de son séjour en Suisse, mais surtout compte tenu du fait qu’il avait réellement et concrètement construit sa vie future dans ce pays, son renvoi n’était pas raisonnablement exigible. Il était enfin contraire à la garantie de la dignité humaine de mettre entre parenthèses les 17 années qu’il avait passées en Suisse.

16.         Le 27 novembre 2024, le tribunal a reçu un complément au recours signé par le recourant, ainsi que deux témoignages écrits.

Il n’avait jamais commis d’actes sexuels avec des enfants et n’avait jamais imaginé cet acte. Il avait une vidéo de son neveu nu et pas un seul instant il avait pensé à un quelconque acte sexuel. C’était une blague qui s’était produite au Kosovo et il ignorait que cette vidéo deviendrait sérieuse car à aucun moment il avait pensé à quelque chose de mal.

Monsieur N______ lui avait envoyé des vidéos drôles mais lorsqu’il avait reçu une vidéo à caractères zoophile il avait été choqué. Il avait tenté de supprimer complètement la conversation avec Monsieur N______ mais n’avait pas réussi.

Reprenant par ailleurs les éléments contenus dans son recours, il faisait valoir qu’il avait construit sa vie en Suisse et qu’il ne pouvait plus quitter ce pays pour se réinstaller au Kosovo.

17.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 9 janvier 2025, proposant son rejet. Il a produit son dossier.

La condamnation du recourant pour détention et consommation de pornographie dure, laquelle avait été confirmée par la chambre pénale d’appel et de révision le 14 décembre 2023, était un élément excluant à lui seule l’application de l’opération «Papyrus ».

Sous l’angle plus large du cas de rigueur, et conformément à la jurisprudence, la durée du séjour, même si celle-ci devait être qualifiée de longue, ne saurait à elle seule suffire à justifier l’existence d’une situation personnelle d’extrême gravité. En outre, sur le plan professionnel, l’intéressé ne pouvait faire valoir une ascension professionnelle exceptionnelle ni l’acquisition de qualifications si spécifique qu’il ne pourrait les mettre en pratique au Kosovo. Enfin, il ne ressortait pas du dossier que ses liens avec la Suisse seraient à ce point étroit qu’un retour dans son pays d’origine où il avait pour le moins vécu jusqu’à sa majorité le placerait dans une situation excessivement rigoureuse.

18.         Le recourant, sous la plume de son conseil, a répliqué le 20 janvier 2025, indiquant en premier lieu qu’en relisant l’écriture de recours quelques erreurs de plumes étaient à relever, qu’il souhaitait rectifier.

Il a produit un extrait de casier judiciaire sur lequel figuraient, à tort, la mention de condamnation pour lesquels il avait entre-temps été acquitté. Il produira des observations complémentaires ou de nouveaux documents prochainement.

19.         Le recourant, en personne, a encore adressé des observations tribunal le 5 février 2025, en y joignant certaines photos.

20.         Le même jour, sous la plume de son conseil, il a transmis un jeu de photographies démontrant sa présence en Suisse.

Ledit conseil indiquait par ailleurs qu’il cessait d’être constitué pour la défense de ses intérêts.

21.         Par courrier du 12 février 2025, un nouveau conseil s’est constitué pour la défense des intérêts du recourant, sollicitant la mise à sa disposition du dossier du tribunal.

22.         Le 27 février 2025, l’OCPM a informé le tribunal ne pas avoir d’observations complémentaires à apporter dans la procédure.

23.         Aucune autre écriture n’a été produite dans la procédure par le nouveau conseil.

24.         Le détail des pièces et des écritures sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

3.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, Il incombe à l'administré d'établir les faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle.

4.             En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).

5.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

6.             A titre préliminaire, le recourant sollicite sa comparution personnelle.

7.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b) ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b).

8.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder à la comparution personnelle du recourant. Il a en effet eu la possibilité de faire valoir ses arguments à plusieurs reprises dans le cadre du recours - étant rappelé qu’il a produit sous la plume de son conseil ou seul pas moins de cinq écritures - et de produire tout moyen de preuve utile en annexe auxdites écritures, sans qu’il n'explique quels éléments la procédure écrite l’aurait empêché d'exprimer de manière pertinente et complète.

Cette demande d'instruction, en soi non obligatoire, sera par conséquent rejetée, dans la mesure où elle n’apportera pas un éclairage différent sur le dossier.

9.             Le recourant sollicite la délivrance d’une autorisation de séjour notamment en application de l’opération « Papyrus ».

10.         Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

11.         En l’occurrence, la requête qui se trouve à l'origine de la décision querellée a été déposée le 26 juin 2017. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au litige.

12.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

13.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

14.         L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

15.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a).

16.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

17.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6b ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

18.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e).

19.         La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées). Le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet donc pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/16 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ég., sous l'ancien droit, ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1).

20.         La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269 et les références citées). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur, car, comme indiqué plus haut, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/608/2021 du 8 juin 2021 consid. 7d). Néanmoins, si le séjour illégal d'un étranger a toujours été implicitement toléré par les autorités chargées de l'exécution du renvoi (communes ou cantons), cet aspect doit être favorablement pris en compte (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017 consid. 6a). On ne saurait par ailleurs inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l'intéressé est seulement tolérée en Suisse ; en particulier, après la révocation de l'autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n'emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011 ; cf. aussi ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit).

21.         L'intégration professionnelle de l'intéressé doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

22.         Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

23.         L’opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/opera tion-« Papyrus »-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal).

24.         S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour était exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour étaient exigés.

25.         La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

26.         Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

27.         Dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (ancien art. 96 al. 1 LEtr). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

28.         Sous l’angle étroit de la protection de la vie privée, l’art. 8 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l’étranger devant établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de présumer que les liens sociaux développés sont à ce point étroits qu’un refus de renouveler l’autorisation de séjour ou la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux. Ce « séjour légal » n’inclut pas les années de clandestinité dans le pays. Il convient du reste de ne pas encourager les personnes étrangères à vivre en Suisse sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l’État devant le fait accompli. La présomption qu’il existe un droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans ne s’applique ainsi pas dans le cas d’une première demande d’autorisation après un séjour illégal. Cela étant, une personne ayant résidé en Suisse sans autorisation de séjour peut, à titre exceptionnel, se prévaloir d’un droit au respect de la vie privée découlant de l’art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse, à condition qu’elle fasse état de manière défendable d’une intégration hors du commun (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2024 du 16 mai 2024 consid. 4.2.1).

29.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus », étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

30.         Le recourant ayant déposé sa demande de régularisation et d'autorisation de séjour pour cas de rigueur le 26 juin 2017, c'est à juste titre que l'autorité intimée l’a examinée sous l'angle des critères de l'opération « Papyrus ». Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer, au jour du dépôt de sa requête, un séjour continu d’une durée de dix ans ainsi que l’absence de condamnation pénale, pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation. Or, cette dernière condition fait ici défaut, le recourant ayant été définitivement condamné par arrêt de la CPAR du 14 décembre 2023, notamment pour pornographie. Force est également de constater que le recourant, qui a indiqué dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour être arrivé en Suisse à 18 ans pour ensuite faire valoir une arrivée en 2007, n’a pas démontré la continuité de son séjour à Genève avant en tout cas 2010 : en effet, comme le recourant l’a lui-même reconnu, certains documents produits à l’appui de sa demande et tendant à justifier une activité professionnelle à Genève entre 2007 et 2010 étaient des faux et aucun autre documents, notamment des abonnements de TPG ou le versement de cotisations sociales par exemple n’ont été produits. Il s’ensuit que sur la base des pièces versées au dossier, il doit être retenu qu’il ne remplissait également pas la condition de dix ans de séjour continu en Suisse au jour du dépôt de sa demande de régularisation, en juin 2017. Pour ces deux motifs, il ne peut donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de l’opération « Papyrus ».

Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant séjourne en Suisse sans interruption depuis 2009, voire 2010, il ne faut pas perde de vue que ce séjour s’est déroulé en grande partie dans l’illégalité et se poursuit, depuis le dépôt de la demande de régularisation, au bénéfice d’une simple tolérance des autorités. Or, le recourant ne saurait déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. Il ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l’occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission. La durée de son séjour ne saurait donc, en soi, être considérée comme déterminante.

Le recourant exerce certes une activité lucrative, mais son intégration économique ne peut pas pour autant être qualifiée d’exceptionnelle, le simple fait d’être titulaire d’une entreprise individuelle active dans le domaine des faux-plafond, de la plâtrerie, des cloisons et de la peinture ne suffisant pas à justifier l’obtention d’une telle qualification. Sous l’angle de l’intégration socioculturelle, le recourant ne démontre pas l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour dans son pays natal. Il n’a pas non plus été allégué ni a fortiori étayé qu’il se soit fortement investi dans la vie culturelle ou associative genevoise. Au vu de ces éléments, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale telle qu’un renvoi dans son pays d’origine ne pourrait être exigé, étant rappelé qu’il a fait l’objet d’une condamnation notamment pour pornographie. En outre, il ne faut pas perdre de vue que le recourant est né au Kosovo, qu’il y a vécu au minimum 18 ans (soit une très grande partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte) et que des membres de sa famille y séjournent encore. En tout état, il ne parvient pas à démontrer que sa relation avec la Suisse serait si étroite et profonde que l’on ne pourrait exiger de lui d’aller vivre dans un autre pays, notamment le Kosovo.

S’agissant de sa réintégration dans son pays d’origine, si le recourant risque certes de traverser une phase de réadaptation, il pourra vraisemblablement compter sur les membres de sa famille pour reprendre pied au Kosovo dont il connaît la langue et les us et coutumes, et où il s’est rendu au moyen de divers visas. Au surplus, le fait de se retrouver dans les mêmes circonstances économiques que ses compatriotes restés au pays ne constitue pas un cas d’extrême gravité, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît ainsi pas gravement compromise en soi et le recourant, en bonne santé, ne fait état d’aucun élément particulier qui permettrait de retenir le contraire. Au vu de ces éléments, sa réintégration dans sa patrie ne saurait être considérée comme fortement compromise et son renvoi ne constituera dès lors pas un déracinement insurmontable.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d’admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Le recourant ne pouvait ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu’il pourrait à tout moment être amené à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM.

En conclusion, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation du recourant sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

31.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

32.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

33.         En l’espèce, dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

34.         En tous point mal fondé, le recours est rejeté.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

36.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 4 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière