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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2689/2023

JTAPI/325/2024 du 11.04.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;ÉTAT DE SANTÉ;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.30; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2689/2023

JTAPI/325/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 avril 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par B______, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1994, est ressortissante du Pérou.

2.             Par courrier du 25 octobre 2021, sous la plume de son mandataire, elle a sollicité l’octroi d’une autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Elle était arrivée en Suisse en 2019 après un séjour en Espagne et souffrait d’un syndrome douloureux chronique nécessitant un traitement à vie. Dans son pays d’origine, les traitements requis par son état de santé n’étaient guère disponibles, de sorte qu’un retour dans celui-ci lui causerait une sérieuse aggravation de son état de santé.

3.             Par courrier du 29 mars 2022, Mme A______ a produit un rapport médical de son médecin traitement, daté du 23 septembre 2021. Selon ce rapport, elle était connue pour des douleurs de la hanche droite suite à un accident de la voie publique survenu le 15 mars 2017 au Pérou, avec fracture du fémur droit qui avait nécessité la mise en place d’une prothèse totale de la hanche et d’autres interventions. Elle souffrait notamment d’un syndrome douloureux chronique, d’anxiété, de trouble du sommeil et d’acné. Le traitement nécessaire et adéquat à entreprendre était la poursuite d’un traitement médicamenteux contre la douleur et l’acné, un suivi par un médecin généraliste (min. 6x/an), un suivi régulier par un psychologue, un suivi dermatologique, un suivi en anesthésie antalgique, ainsi que de la physiothérapie (3-4x/an). Le pronostic sans traitement était une péjoration des douleurs avec répercussion sur la qualité de vie et l’insertion sociale. Avec traitement, le pronostic était une meilleure gestion de la douleur avec possibilité de reprendre une activité professionnelle et sociale.

Selon son mandataire, le système de santé publique au Pérou ne permettait pas une prise en charge correcte des malades n’ayant pas ou peu de ressources financières et ceux-ci devaient se tourner vers les institutions de santé privées s’ils en avaient les moyens. N’ayant pas les ressources financières suffisantes, elle n’aurait dès lors pas accès dans son pays d’origine aux soins somatiques nécessité par son état de santé.

4.             Par courrier du 14 septembre 2022, faisant suite à une demande de l’OCPM du 16 août 2022 quant à sa situation financière et médicale et à son intégration, Mme A______ a notamment produit une attestation de français de niveau B1 à l’oral, ainsi que des attestations de participation et de formation pour devenir agent de santé communautaire. Elle sollicitait un délai supplémentaire afin de fournir le certificat médical requis, indiquant envisager d’effectuer une demande auprès de l’assurance-invalidité (ci-après : AI).

5.             Par courrier du 3 mars 2023, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser l’autorisation de séjour sollicitée et de prononcer son renvoi de Suisse au motif que les conditions du cas de rigueur n’étaient pas remplies. Un délai lui était imparti pour faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.

6.             Par courrier du 17 avril 2023, Mme A______ a sollicité un délai supplémentaire pour faire valoir son droit d’être entendu.

7.             Par courrier du 17 mai 2023, elle s’est déterminée.

Elle avait été victime à l’âge de vingt-deux ans d’un accident de voiture ayant eu pour conséquences de multiples fractures du bassin et du fémur droit, ayant nécessité une ostéosynthèse avec renforcement acétabulaire par plaque vissée au bassin et une prothèse totale de la hanche. Bien que ces interventions aient permis une récupération de la marche, elle souffrait toujours de douleurs au niveau de la hanche, de l’aine et du pelvis droit lorsqu’elle parcourrait une distance supérieure à quelques centaines de mètre, qu’elle accélérait le pas ou essayait de courir. Elle avait également des pertes d’équilibre. Ces déséquilibres avaient entraîné des chutes et elle souffrait ainsi également d’une dysfonction de l’articulation temporo-mandibulaire gauche limitant l’ouverture de la bouche et induisant des maux de tête chroniques. Des séances de physiothérapie mandibulaire avaient débuté en octobre 2022, mais n’avaient pas permis une amélioration notable et pérenne des douleurs. Afin de traiter ces différentes pathologiques, elle bénéficiait d’une antalgie de Tramadol, Irfen et Duloxétine. Un suivi médical général était à poursuivre à intervalle de deux mois sur le long terme. S’agissant des douleurs faciales, elle prenait quotidiennement des comprimés d’Aspégic et utilisait une gouttière Michigan depuis février 2023. Souffrant d’une dépression réactionnelle à l’accident, aux douleurs chroniques qui s’en étaient suivies et au stress de sa situation administrative, elle était suivie par un psychiatre et un psychologue. Son pronostique restait favorable pour autant que les traitements puissent se poursuivre.

N’étant pas en mesure de travailler en raison de son état de santé, elle avait déposé une demande auprès de l’AI. En cas de retour au Pérou, elle ne pourrait pas se faire soigner dignement, ne disposant pas des moyens financiers nécessaires à la prise en charge des soins dont elle bénéficiait actuellement.

Elle a notamment produit des rapports médicaux de ses médecins traitants, ainsi qu’une attestation de dépôt d’une demande AI effectué en date du 7 février 2023.

8.             Par décision du 23 juin 2023, l’OCPM a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 30 septembre 2023 pour quitter le territoire.

Les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas satisfaites. La durée de son séjour sur le territoire suisse ne saurait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa demande, celle-ci devant être relativisée en lien avec le nombre d’années qu’elle avait passées dans son pays d’origine. Arrivée en Suisse en 2019 alors qu’elle était âgée de vingt-cinq ans et âgée maintenant de vingt-huit ans, elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte au Pérou. Ces années apparaissaient comme essentielles pour le développement de la personnalité et partant, pour l’intégration sociale et culturelle. De plus, elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée, n’ayant pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables pour qu’elle ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine. En outre, aucun élément au dossier ne permettait de penser qu’elle disposait de membres de sa famille en Suisse et par conséquent, elle disposait de l’essentiel de son réseau familial au Pérou. Le fait qu’elle ait passé avec succès les examens du certificat de français de niveau B1 à l’oral constituait un effort louable en matière d’intégration, mais ne suffisait pas pour que cette intégration revêtît un caractère exceptionnel. Elle n’avait par ailleurs pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’elle ne pourrait plus les mettre en pratique dans son pays d’origine. Concernant sa situation médicale, il ressortait du dossier qu’elle était arrivée en Suisse déjà souffrante et atteinte dans sa santé. En outre, son état de santé actuel était directement lié à l’accident qu’elle avait subi en 2017 au Pérou. Le fait qu’elle avait bénéficié d’une prothèse totale de la hanche droite au Pérou démontrait qu’elle avait bien pu être prise en charge de manière satisfaisante par le système de santé dans son pays d’origine. Concernant sa demande auprès de l’AI, celle-ci était toujours en cours et aucune décision n’avait été rendue à ce jour. Enfin, la participation de Mme A______ à une formation en vue de devenir agent de santé communautaire ne pouvait être considérée comme une formation lui permettant d’acquérir un titre ou un diplôme reconnu en Suisse, de sorte qu’elle ne pouvait invoquer l’art. 27 LEI afin de bénéficier d’une autorisation de séjour pour études en Suisse.

L’exécution de son renvoi était possible, licite et raisonnablement exigible. En effet, quand bien même elle présentait de nombreux problèmes de santé causés par son accident et qu’elle était prise en charge par ses médecins à Genève, sa situation médicale n’était pas à ce point grave que son renvoi au Pérou ne constituait une nécessité médicale et la mettrait en situation de danger vital.

9.             Par acte du 28 août 2023, Mme A______, sous la plume de son mandataire, a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) contre cette décision en concluant, principalement, à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision. Préalablement, elle sollicitait son audition.

Reprenant intégralement les arguments exposés dans son courrier à l’OCPM du 17 mai 2023, elle a précisé que, suite à son accident survenu au Pérou en 2017, elle souffrait de douleurs chroniques au niveau de la hanche, de l’aine et du pelvis droit, ainsi qu’à la mâchoire, nécessitant un suivi médical. Elle bénéficiait également d’un suivi sur le plan psychologique (dépression réactionnelle suite à son accident). Ces différentes pathologies nécessitaient un traitement à vie pour éviter une aggravation de son état de santé physique et psychique.

Les soins dont elle avait besoin étaient indisponibles au Pérou, où il lui serait impossible de souscrire à une assurance-maladie.

En cas de renvoi, elle serait par ailleurs confrontée à une extrême précarité, dès lors qu’elle se retrouverait sans emploi et sans le moindre revenu. Sa situation financière ne lui permettrait pas d’avoir accès aux soins médicaux nécessaires et, vu l’état du système de santé au Pérou, elle ne pourrait pas obtenir le traitement adéquat. Il existait ainsi un risque important que son état de santé se dégrade très rapidement, ce qui mettrait sa vie en danger.

Dans ces conditions, son renvoi était illicite et inexigible et elle devait être mise au bénéfice d’une admission provisoire.

À l’appui de son recours, elle a produit un chargé de pièces.

10.         Dans ses observations du 25 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.

La recourante en satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l’octroi d’un permis humanitaire, étant rappelé qu’en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical et les éventuelles difficultés de réintégration ne sauraient justifier, à eux seuls, la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité.

Concernant son renvoi, sans minimiser l’état de santé de la recourante, il n’était pas démontré que le stade des différentes pathologique dont elle était atteinte était avancé au sens où l’entendait à la jurisprudence en la matière. Il n’était par ailleurs pas non plus démontré à satisfaction de droit qu’elle ne pourrait bénéficier d’une prise en charge à son retour au Pérou et que son état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie.

11.         Par réplique du 21 novembre 2023, la recourant a persisté dans ses conclusions.

12.         Selon l’attestation de l’Hospice général du 30 septembre 2022, Mme A______ est totalement aidée financièrement par ce service depuis le 1er janvier 2022.

13.         Le contenu des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite préalablement son audition par le tribunal.

6.             Le droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

7.             Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

8.             Le droit d’être entendu ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

9.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige sans qu’il soit utile de procéder à l’audition de la recourante, rien n'indiquant que les éléments qu’elle pourrait apporter oralement ne pouvaient pas l’être par écrit. La recourante n'explique pas, de son côté, quels éléments déterminants la procédure écrite ne lui aurait pas permis d'exprimer de manière complète et détaillée. Par conséquent, la demande d’instruction tendant à l’audition de la recourante, en soi non obligatoire, sera rejetée.

10.         Sur le fond, la recourante conclut à l’annulation de la décision attaquée et à la délivrance, en sa faveur, d’un permis humanitaire en se prévalant de son état de santé.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas des ressortissants du Pérou.

12.         Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

13.         L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’une telle situation, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

14.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

15.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

16.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

17.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c).

18.         L’intégration professionnelle de l’intéressé doit en principe revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

19.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

20.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d’une raison personnelle majeure, lorsque l’intéressé démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à sa santé, qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a). En outre, l’étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d’une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour y poursuivre son séjour (ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a).

Une grave maladie (à supposer qu’elle ne puisse être soignée dans le pays d’origine) ne saurait justifier à elle seule la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant que l’un des éléments, parmi d’autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d’enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l’étranger, etc.), à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4 ; C-7939/2007 du 29 mars 2010 consid. 7.2 et 7.2.2). Ainsi, en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité. Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 83 al. 4 LEI et un individu ne pouvant se prévaloir que d’arguments d’ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d’origine et souffrant de la même maladie ou d’un état de santé d’une gravité similaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2014 du 27 mars 2015 consid. 4.5 ; 2C_187/2008 du 15 mai 2008 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 6.3.2 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid.6.6 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 6.1 et les références citées).

21.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

22.         En l’espèce, la recourante indique être arrivée en Suisse en 2019, soit depuis environ cinq ans. Elle ne peut ainsi manifestement pas se prévaloir d’une longue durée de séjour au sens de la jurisprudence susmentionnée. De surcroît, la durée de ce séjour doit être fortement relativisée, dès lors que celui-ci s’est déroulé de manière illégale puis à la faveur d’une simple tolérance des autorités. Elle ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée dans la mesure où elle n’exerce pas d’activité lucrative et ne subvient pas à ses besoins, étant entièrement à la charge de l’aide sociale. Par ailleurs, il n’apparaît pas qu’elle ait tissé des liens particulièrement intenses avec la Suisse.

En outre, arrivée en Suisse à l’âge de vingt-cinq ans, la recourante a vécu toute son enfance, son adolescence et la majeure partie de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Elle en maîtrise la langue et en connaît les us et coutumes. De plus, compte tenu de la brève durée de son séjour hors du Pérou, elle y dispose encore très certainement d’un réseau social et familial, la recourante s'étant abstenue de contredire l'autorité intimée sur ce point. Cette période de sa vie apparaît en tous les cas comme nettement prépondérante par rapport aux quelques cinq ans durant lesquels elle a séjourné en Suisse. Sa réintégration au Pérou ne paraît ainsi pas gravement compromise en soi.

S’agissant de son état de santé, il ressort des certificats médicaux produits que la recourante souffre de douleurs chroniques au niveau de la hanche, de l’aine et du pelvis droit et d’une dépression réactionnelle, suite à son accident de voiture survenu en 2017 au Pérou. Elle souffre également d’une dysfonction de l’articulation temporo-mandibulaire gauche, limitant l’ouverture de la bouche et induisant des maux de tête chroniques. Ces affections, qui ne répondent pas aux critères jurisprudentiels énoncés plus haut, ne suffisent pas, à eux seuls, à justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, dont la recourante ne peut se prévaloir, ce d’autant qu’elle était déjà atteinte dans sa santé lors de sa venue en Suisse. Ces aspects médicaux seront discutés ci-après, en lien avec la question de l’exécution du renvoi.

Au vu de ces circonstances, l’appréciation que l’autorité intimée a faite de la situation de la recourante sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

23.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b).

24.         La recourante n’obtenant pas d’autorisation de séjour, c’est à bon droit que l’autorité intimée a prononcé son renvoi.

25.         Reste à examiner si l’exécution de cette mesure est conforme à l’art. 83 al. 1 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de la licéité et de l’exigibilité, ce que la recourante conteste.

26.         Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le secrétariat d’État aux migrations (ci‑après : SEM) décide d’admettre provisoirement un étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5624/2017 du 11 août 2020 consid. 6.2).

27.         L’exécution du renvoi n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Cette disposition vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH ou l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités). Ces dispositions conventionnelles ont la même portée que l’art. 10 al. 3 Cst., selon lequel la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et l’art. 25 al. 3 Cst., d’après lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains (cf. ATF 139 II 65 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Pour apprécier l’existence d’un risque réel de mauvais traitements, il convient d’appliquer des critères rigoureux. Il s’agit de rechercher si, eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

28.         Concernant le défaut de traitement médical approprié dans le pays de renvoi, ce n’est que dans des situations exceptionnelles, en raison de « considérations humanitaires impérieuses », que la mise à exécution d’une décision d’éloignement d’un étranger peut emporter violation de l’art. 3 CEDH. Les étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un État contractant, afin de continuer à y bénéficier de l’assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d’une personne dans son pays d’origine serait moins favorable que celle dont elle jouit dans le pays d’accueil n’est pas déterminant du point de vue de l’art. 3 CEDH. Dans ce cas également, il faut des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH, ce qui exige un seuil de gravité élevé pour que l’état de santé d’une personne lui permette de s’opposer à son expulsion (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

29.         Le retour forcé d’une personne touchée dans sa santé est susceptible de constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle se trouve à un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s’agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l’hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude et qu’elle ne peut espérer un soutien d’ordre familial ou social. Un tel cas exceptionnel peut aussi être reconnu lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’en l’absence d’un traitement ou d’accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l’espérance de vie (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1236/2022 du 30 mars 2022).

30.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

31.         L’art. 83 al. 4 LEI s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-838/ 2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3 ; D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3). L’autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l’étranger concerné dans son pays après l’exécution du renvoi à l’intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (arrêts du TAF 2007/10 consid. 5.1 ; E-4024/2017 du 6 avril 2018 consid. 10 ; D-6827/2010 du 2 mai 2011 consid. 8.2 ; ATA/3161/2020 du 31 août 2021 consid. 9b).

32.         S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).

33.         Selon la jurisprudence, en ce qui concerne l’accès à des soins essentiels, celui-ci est assuré dans le pays de destination s’il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d’origine - sont adéquats à l’état de santé de l’intéressé, fussent-ils d’un niveau de qualité, d’une efficacité de terrain (ou clinique) et d’une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d’une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats. Hormis le critère qualitatif des soins, ceux-ci doivent de plus -, en conformité avec le modèle vu auparavant et développé en matière de droits (sociaux et économiques) de l’homme -, être accessibles géographiquement ainsi qu’économiquement et sans discrimination dans l’État de destination. Quoiqu’il en soit, lorsque l’état de santé de la personne concernée n’est pas suffisamment grave pour s’opposer, en tant que tel, au renvoi sous l’angle de l’inexigibilité, il demeure toutefois un élément à prendre en considération dans l’appréciation globale des obstacles à l’exécution du renvoi (Gregor T. CHATTON/Jérôme SIEBER, Le droit à la santé et à la couverture des soins des étrangers en Suisse, Annuaire du droit de la migration 2019/2020, p. 155 et les références citées).

34.         L’art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, il ne suffit pas en soi de constater, pour admettre l’inexigibilité de l’exécution du renvoi, qu’un traitement prescrit sur la base de normes suisses ne pourrait être poursuivi dans le pays de l’étranger.

35.         En l’espèce, à teneur des rapports médicaux produits, la recourante souffre de douleurs chroniques dans la région de la hanche droite – qui apparaissent à la marche –, de douleurs à la mâchoire, ainsi que d’un état dépressif. Son traitement actuel consiste en la prise de médicalements courants qui appartiennent aux classes des analgésiques, anti-inflammatoires et anti-dépresseurs (Tramadol, Aspégic, Irfen et Duloxétine), le port d’une gouttière et un suivi psychothérapeutique hebdomadaire. Un suivi médical général (6x/an) est également préconisé. Selon le rapport médical – non daté – du Dr. C______, l’évolution de la recourante sur le plan psychologique est positive. S’agissant des douleurs, il ressort des rapports médicaux des 23 septembre 2021 et 6 avril 2023 que, si elles sont vouées à persister sur le long terme, leur intensité peut être atténuée par la prise régulière d’antalgiques, avec la possibilité de reprendre une activité professionnelle et sociale. Dans cette mesure et sans minimiser les problèmes de santé dont souffre la recourante, force est de constater qu’ils n’atteignent manifestement pas le seuil exigé par la jurisprudence pour faire échec à son renvoi. L’exécution de ce dernier s’avère par conséquent licite.

Pour le surplus, rien au dossier ne permet de retenir que le suivi médical de la recourante ne pourrait pas s’effectuer de manière adéquate au Pérou, où elle a déjà bénéficié de soins et d’une prise en charge médicale suite à son accident, étant rappelé que le fait que la qualité des soins médicaux ne soit pas la même qu’en Suisse ne saurait être considéré comme un obstacle insurmontable au renvoi dans le pays d’origine. Il n’est pas non plus établi que la recourante ne pourrait pas avoir accès, en cas de retour au Pérou, aux traitements médicamenteux de base et suivis médicaux que requiert son état de santé, ou que ceux-ci ne seraient pas disponibles dans ce pays, étant relevé que la recourante ne démontre nullement que son état de santé l’empêcherait de travailler, et donc de s’affilier à l’assurance-maladie de son pays d’origine.

En outre, afin de parer à l’éventualité d’une latence à l’accès aux médicaments, la recourante pourra constituer une réserve de médicaments suffisante pour couvrir ses besoins jusqu’à ce que sa prise en charge puisse à nouveau être assurée dans sa patrie. Au besoin, une assistance et une coordination médicale pourront lui être octroyées au moment de l’exécution du renvoi afin de la soutenir dans cette phase de retour (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6799/2018 du 11 février 2019 consid. 6.2.2.2).

Dans ces circonstances, l’exécution du renvoi est également raisonnablement exigible.

36.         En conclusion, en l’absence d’éléments démontrant que le retour de la recourante au Pérou la mettrait concrètement en danger compte tenu de sa situation médicale, il convient de retenir que l’exécution de son renvoi est possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.

37.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

38.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-.

La recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

39.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

40.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 23 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève,

 

La greffière