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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2437/2022

JTAPI/6/2023 du 05.01.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2437/2022

JTAPI/6/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 janvier 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur Rahomir A______, né le ______1976, est ressortissant de Bolivie.

2.             Le 2 août 2016, M. A______ et Madame B______, ont déposé une demande de régularisation de leurs conditions de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Dans le courrier d'accompagnement de cette demande, il était notamment indiqué que M. A______ était arrivé en Suisse fin 2006. Depuis le 1er décembre 2006, il travaillait au sein du restaurant C______ à D______ à plein temps pour un salaire mensuel de CHF 3'864.-. Il cotisait aux assurances sociales et payait ses impôts.

À l'appui de cette demande, plusieurs documents concernant M. A______ ont été transmis à l'OCPM, dont notamment une copie de son passeport, une copie de son contrat de travail, une attestation de son employeur datée du 20 août 2015 indiquant qu'il exerçait une activité professionnelle depuis huit ans, un certificat de salaire pour l'année 2015, ainsi que ses fiches de salaire pour les mois de mars à mai 2016.

3.             Le 29 juillet 2017, M. A______ a sollicité de l'OCPM la délivrance d'un visa de retour afin de se rendre en Bolivie pour des raisons familiales.

4.             Le 15 septembre 2017, l'OCPM a requis des intéressés la production de documents complémentaires, notamment tous les justificatifs de leur séjour en Suisse, la liste des membres de leur famille en Suisse et à l'étranger, une attestation de l'office des poursuites et une attestation relative à leur niveau de français.

5.             Le 7 novembre 2017, M. A______ et Mme B______ ont transmis certains des justificatifs requis, dont notamment un extrait de compte individuel AVS concernant M. A______, lequel indiquait le versement de cotisations depuis l'année 2007.

6.             Le 28 juin 2018, M. A______ a sollicité de l'OCPM l'octroi d'un visa de retour afin de se rendre en Bolivie pour des raisons familiales.

7.             Par courrier du 2 juillet 2018, l'OCPM a sollicité la production de documents supplémentaires, dont une partie a été transmise par M. A______ et Mme B______ par pli du 27 septembre 2018, précisant qu'ils étaient inscrits à l'Aide Suisse d'Entraide Ouvrière (ci-après: OSEO) pour passer un test de connaissance de la langue française niveau A2 le 19 novembre 2018.

8.             Le 19 octobre 2018, l'OCPM a sollicité des intéressés la production de pièces justificatives complémentaires, notamment des copies d'attestations de connaissance de la langue française une fois l'examen du 19 novembre 2018 effectué.

9.             Les 23 novembre 2018, 1er juillet et 23 septembre 2019, M. A______ a sollicité de l'OCPM l'octroi de visas de retour afin de se rendre en Bolivie pour des raisons familiales.

10.         Par ordonnance pénale du 7 novembre 2019, le Ministère public a condamné M. A______ a une peine pécuniaire de cinquante jours-amende d'un montant de CHF 30.-, avec sursis, pour blanchiment d'argent.

11.         Le 19 novembre 2019, l'OCPM a requis la production de documents complémentaires, notamment un certificat de connaissance de langue française de niveau A2 à l'oral ou une attestation de suivi de cours concernant M. A______.

Aucune réponse n'a été donnée à cette demande.

12.         Par courriel du 23 mars 2021, l'OCPM a notamment requis la production d'une attestation de connaissance de la langue française de niveau A2 à l'oral ou une attestation d'inscription récente à un cours de français pour M. A______ ainsi que des informations actualisées relatives à sa situation professionnelle.

13.         Par courrier du 25 mars 2021, M. A______ et Mme B______ ont produit certains des documents demandés, précisant que le premier venait de s'inscrire à un examen de français qui aurait lieu en mai 2021.

14.         Par ordonnance pénale du 19 juillet 2021, le Ministère public a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de trente jours-amende d'un montant de CHF 30.- avec sursis, pour complicité d'escroquerie.

15.         Le 3 novembre 2021, M. A______ a sollicité de l'OCPM l'octroi d'un visa de retour afin de se rendre en Bolivie pour des raisons familiales.

16.         Le 22 mars 2022, l'OCPM a informé M. A______ et Mme B______ de son intention de refuser leur demande d'autorisations de séjour et de prononcer leur renvoi de Suisse.

17.         Par décision du 29 juin 2022, l'OCPM a refusé d'accorder à M. A______ et à Mme B______ les autorisations de séjour sollicitées et a prononcé leur renvoi.

M. A______ avait été condamné par ordonnances pénales des 7 novembre 2019 et 19 juillet 2021 pour blanchiment d'argent et complicité d'escroquerie. Vu la gravité des infractions commises, sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération « Papyrus », notamment le respect de l'ordre juridique suisse.

Il ne remplissait également pas les conditions relatives à la reconnaissance d'un cas de rigueur. Il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Ses condamnations pénales ne démontraient pas un comportement irréprochable attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Bien qu'il n'avait jamais émargé à l'aide sociale, il faisait l'objet de poursuites et d'actes de défaut de biens pour un montant de plus de CHF 8'000.- et aucun plan de remboursement n'avait été amorcé. Il n'avait également pas atteint le niveau de français requis.

Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Ils avaient obtenu tous les deux de multiples visas de retour ces dernières années et s'étaient rendus dans leur pays d'origine où résidaient les membres de leur famille, notamment leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs enfants.

Enfin, le dossier ne faisait pas apparaitre que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

18.         Par acte du 26 juillet 2022, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à l'annulation de celle-ci, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

La décision litigieuse était arbitraire et disproportionnée. L'OCPM avait ignoré les faits pertinents et avait mis presque six ans pour rendre sa décision, comme s'il avait attendu un évènement propre à justifier un refus d'autorisation de séjour, alors que rien n'aurait empêché l'OCPM de rendre sa décision quelques mois après le dépôt de la demande d'autorisation de séjour, car celle-ci était accompagnée des documents usuels requis. De plus, il avait produit les documents supplémentaires sollicités par l'OCPM. Si une décision avait été prononcée avant l'expiration de l'opération « Papyrus », celle-ci aurait été positive, vu qu'il remplissait à ce moment les conditions nécessaires pour la régularisation de son séjour. En effet, avant 2019, il travaillait et gagnait sa vie de sorte à ne pas émarger à l'aide sociale ni avoir de dettes. Il était actif dans le domaine de la restauration et payait ses cotisations sociales, son assurance-maladie ainsi que ses impôts. En outre, il maîtrisait le français, dès lors qu'il communiquait avec les clients et ses collègues dans cette langue. Toutes ces années de bonne intégration et de comportement irréprochable étaient en définitive occultées par ses deux condamnations pénales. À cet égard, il avait été une victime, puisqu'il avait été utilisé par des individus pour en escroquer d'autres afin que ces escrocs s'enrichissent à son insu. Il lui avait uniquement été annoncé que moyennant l'utilisation de son compte Postfinance privé pour effectuer des transactions financières, il pourrait toucher une commission sur chacune d'entre elles et que cela était légal.

De plus, d'autres étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour avaient été condamnés pour des délits semblables et ne s'étaient pas vu retirer leur autorisation de séjour et n'avaient pas été expulsés de Suisse. Son renvoi ne répondait à aucun intérêt public prépondérant, dans la mesure où il était en âge de travailler, qu'il avait un emploi stable lui assurant un revenu régulier et que le marché du travail genevois était actuellement en pénurie dans sa branche d'activité.

Enfin, après quinze ans à Genève, il y avait construit sa vie et avait perdu tout repère dans son pays d'origine.

19.         Le 26 septembre 2022, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il concluait au rejet du recours.

Depuis le dépôt de la demande d'autorisation de séjour, le 2 août 2016, des pièces complémentaires nécessaires à l'instruction de celle-ci avaient été requises à plusieurs reprises.

Le recourant avait déclaré être arrivé en Suisse à la fin de l'année 2006, soit à l'âge de 30 ans, et avait ainsi vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine où il conservait de fortes attaches. De plus, il travaillait depuis son arrivée pour le compte du même restaurant à D______. Il avait notamment produit un extrait de compte individuel AVS attestant de cotisations versées dès 2007. Cela étant, même si le critère de la durée de séjour était important, il n'était pas le seul à prendre en compte, ce d'autant que le séjour du recourant s'était pour l'essentiel déroulé sous le sceau de la clandestinité et qu'il avait un casier judiciaire, l'empêchant de se prévaloir d'un comportement irréprochable.

Après une appréciation d'ensemble de la situation, le recourant ne pouvait se prévaloir d'une ascension professionnelle, d'une intégration particulière dans le tissu genevois et d'un comportement irréprochable au plan pénal, sa réintégration dans son pays d'origine n'apparaissant par ailleurs pas compromise.

20.         Par courrier du 6 octobre 2022, Mme B______ a indiqué au tribunal que le recours introduit par M. A______ ne la concernait pas et qu'elle comptait quitter définitivement la Suisse le 26 novembre 2022. En outre, elle précisait que leur relation conjugale avait cessé et qu'une procédure de divorce serait entamée.

21.         Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti par le tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).

En matière de droit des étrangers, l'art. 90 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.3.1).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

6.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

7.             Le recourant conteste la décision de refus d'autorisation de séjour prononcée par l'OCPM.

8.             En préambule, vu le courrier du 6 octobre 2022 de Mme B______ informant le tribunal qu'elle quitterait le territoire le 26 novembre 2022 et que le présent recours ne la concernait pas, le tribunal n'examinera la conformité de la décision querellée qu'en tant qu'elle concerne la situation de M. A______.

9.             Le recourant prétend tout d'abord que l'OCPM aurait sciemment fait durer l'instruction de la demande d'autorisation de séjour durant près de six ans dans le but de trouver un argument justifiant un refus. Pour ce motif notamment, la décision querellée serait arbitraire et disproportionnée.

10.         En l'espèce, il ressort de la chronologie des faits tels qu'exposés ci-dessus que dès le dépôt de sa demande de régularisation de ses conditions de séjour, l'OCPM a requis du recourant la production de documents complémentaires, notamment d'un justificatif de son niveau de français, et ce à plusieurs reprises. Si le recourant a répondu à la plupart de ces courriers et a fourni des éléments supplémentaires tels que demandés par l'OCPM, force est de constater que depuis le premier courrier de cette autorité sollicitant la production d'un justificatif de son niveau de connaissances de la langue française, le 15 septembre 2017, le recourant n'a jamais fourni aucun document permettant à l'OCPM d'examiner cette question, malgré ses nombreuses relances à l'occasion de ses courriers des 15 septembre 2017, 2 juillet et 19 octobre 2018, 19 novembre 2019 et 21 mars 2021.

Dans cette mesure, il n'appert pas que l'autorité aurait tardé sans raison à prononcer la décision contestée. Au contraire, si la procédure a mis autant de temps à être instruite, cela semble être principalement dû au fait que l'autorité se trouvait dans l'attente de documents permettant d'examiner entre autre le niveau de français du recourant, et partant son degré d'intégration, sans que celui-ci ne produise aucun justificatif à cet égard.

Par conséquent, le tribunal constate que la décision n'est pas arbitraire ou disproportionnée en raison de l'écoulement du temps depuis le dépôt de la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant.

11.         Le recourant conteste ensuite l'appréciation de l'OCPM des conditions nécessaires à l'obtention d'un titre de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

12.         Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1), étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques.

13.         En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été formée le 2 août 2016, de sorte que c'est l'ancien droit qui s'applique.

14.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants de Bolivie.

15.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte des cas individuels d'extrême gravité.

16.         L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

17.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

18.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

19.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269 et les références citées). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

20.         La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

21.         L'opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, élaboré par le département de la sécurité et de l'économie, devenu département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES), « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Le DSES a ainsi précisé - en tenant compte de la marge d'appréciation possible (cf. brochure officielle publiée en février 2017 : https://demain.ge.ch/document/brochure-papyrus) - les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b). L'opération « Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7).

22.         Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse ou de son intégration professionnelle (ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6 ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

23.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

24.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, ainsi que sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus ».

En premier lieu, le recourant a été condamné pénalement pour blanchiment d'argent et complicité d'escroquerie par ordonnances pénales des 7 novembre 2019 et 9 juillet 2021. Si le recourant allègue à cet égard revêtir le statut de victime, force est cependant de constater qu'il a sciemment accepté qu'un inconnu fasse transiter différentes sommes d'argent provenant de comptes bancaires de plusieurs personnes à destination du Benin, dans le but d'effectuer un gain d'un montant de 10% de la valeur de la transaction.

En outre, s'il faut tenir compte de la gravité de l'infraction et de sa sanction dans l'appréciation de la condition d'absence de condamnation pénale, il convient de relever ici que le recourant a été condamné à une peine-pécuniaire de cinquante jours-amende d'un montant de CHF 30.-, avec sursis, pour l'infraction de blanchiment et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende d'un montant de CHF 30.-, avec sursis, pour l'infraction de complicité d'escroquerie. Par ailleurs, ces infractions ne résultent pas uniquement de son statut d'étranger sans statut légal. Les condamnations pénales du recourant démontrent ainsi un manque d'intégration (ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 3; ATA/782/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4). En outre, nonobstant l'existence de condamnations pénales et de dettes, le recourant n'a fourni aucun document permettant d'attester de son niveau de français, ce qui est en soi suffisant pour admettre qu'il ne remplit pas le critère d'intégration sous l'angle de l'opération « Papyrus ».

En tout état, si le recourant déclare être arrivé en Suisse fin 2006, les justificatifs produits ne permettent pas de retracer son séjour avant janvier 2007. De plus, même à admettre que son séjour aurait débuté fin 2006, la demande d'autorisation de séjour a été déposée le 2 août 2016. Dans cette mesure, le critère strict de la durée de séjour de dix ans au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour n'apparait également pas rempli. Par conséquent, le recourant ne peut pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de l’opération « Papyrus ».

25.         En deuxième lieu, sous l’angle du cas de rigueur selon les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, le recourant étant arrivé en Suisse fin 2006, il y résidait depuis un peu moins de dix ans sans titre de séjour et selon une simple tolérance depuis le 2 août 2016, date du dépôt de sa demande de régularisation. La durée de son séjour doit être dès lors fortement relativisée et ne saurait en tout cas pas suffire pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission.

En ce qui concerne son intégration socio-professionnelle, à teneur des éléments du dossier, elle ne peut pas être qualifiée d'exceptionnelle. Rien n'indique qu'il aurait fait preuve en Suisse d'une ascension professionnelle remarquable. Employé à Genève dans le secteur de la restauration, notamment comme plongeur, il n’y a pas acquis des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait pas les utiliser en Bolivie.

De plus, le recourant ne démontre pas, ni même n’allègue, participer à la vie de son quartier ou à des activités associatives ou culturelles. Il n’a fourni aucun document officiel attestant ses connaissances orales de la langue française d’un niveau A2 au minimum.

S’il est financièrement indépendant et n'a jamais émargé à l'aide sociale, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d'une intégration exceptionnelle. Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. Enfin et surtout, la conduite du recourant, au regard notamment de ses condamnations pour blanchiment d'argent et complicité d'escroquerie, ne répond pas à ce qui est exigible de tout étranger qui vit en Suisse.

En outre, il n'apparaît pas que la réintégration du recourant soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. Arrivé en Suisse à l'âge de 30 ans, il a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, de sorte qu'il en maîtrise manifestement la langue et les us et coutumes. De plus, il pourra mettre à profit les connaissances et l’expérience acquises durant son séjour en Suisse, étant relevé qu’il est encore jeune et en bonne santé. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Par ailleurs, ses demandes de visas de retour pour rendre visite à sa famille en Bolivie permettent de penser qu’il a conservé des attaches avec son pays d’origine où vivent ses parents, ses frères et sœurs ainsi que ses enfants.

Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.

Au demeurant, si le recourant prétend que d'autres étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour avaient été condamnés pour des délits semblables et ne s'étaient pas vu retirer leur autorisation de séjour et expulsés de Suisse, force est de constater que, d'une part, le recourant fait état de cas dont les personnes concernées ne se trouvent pas dans une situation comparable à la sienne, dès lors qu'ils sont déjà au bénéfice d'une autorisation de séjour et que, d'autre part, ces allégations ne sont en rien démontrées.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande d’autorisation de séjour.

26.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités).

27.         En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'autorité intimée devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que ce renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

28.         En conséquence, mal fondé, le recours sera rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 juillet 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 29 juin 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière