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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4235/2022

ATA/355/2024 du 12.03.2024 sur JTAPI/1077/2023 ( LDTR ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4235/2022-LDTR ATA/355/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2024

 

dans la cause

 

A______, B______, C______, D______ et E______ recourantes
représentées par Me Andreas FABJAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 octobre 2023 (JTAPI/1077/2023)

 


EN FAIT

A. a. A______, B______, C______, D______ et E______ (ci-après : E______) sont des sociétés actives dans le domaine de l'immobilier et dont les sièges se situent à Genève.

b. A______, B______ et C______ sont copropriétaires de la parcelle n° 3'305 de la commune de Genève, section F______, sur laquelle se trouve un bâtiment dont l'adresse est le 32, G______.

c. D______ et A______, notamment, sont copropriétaires de la parcelle n° 3'306 de la même commune, sur laquelle se situe un bâtiment dont l'adresse est le 34, G______.

d. E______ est propriétaire de la parcelle n° 312 de la commune de Genève, section F______, sur laquelle se trouve un bâtiment sis au 16, rue H______.

Trois locataires y occupent des locaux commerciaux. Leurs contrats de bail respectifs ont été résiliés pour les 30 novembre 2022 (résiliation contestée devant les juridictions des baux et loyers), 31 mars 2025 et 31 janvier 2027.

e. La parcelle n° 5'064 de la commune de Genève, section Cité, accueille un bâtiment dont l'adresse est le 3, Place I______. J______ en est la propriétaire. Cette dernière est également propriétaire de la parcelle n° 6'201 de la commune de Genève, section Cité sur laquelle est érigé un bâtiment, à l'adresse 4, rue des K______.

B. a. À la suite d'un contrôle sur place le 30 septembre 2015, le département du territoire (ci-après : le département) a ouvert des procédures d’infraction portant sur des travaux réalisés sans droit (suppression de surfaces d'appartements) dans les bâtiments sis G______ 32 et 34.

b. Des demandes d’autorisations de construire ont été déposées afin de régulariser lesdits travaux et d’effectuer les compensations requises par le département, à savoir :

-          les demandes définitives (ci-après : DD) 1______ et 2______, par A______, pour les immeubles sis G______ 32 et 34 ;

-          la DD 3______, par A______, B______ et C______, pour l’immeuble situé G______ 32 ;

-          la DD 4______, par D______ et A______ notamment, pour l’immeuble situé G______ 34 ;

-          la DD 5______, par E______, afin de transformer des bureaux en logements dans l’immeuble sis rue H______ 16.

c. Le département a fait savoir que la proposition de A______, B______, C______ et D______ consistant à affecter à l’habitation des locaux à usage commercial et/ou administratif situés dans les immeubles sis rue des K______ 4, place I______ 3 et rue H______ 16 était acceptée. Cette proposition visait à pallier la suppression des surfaces des appartements situés dans les immeubles sis G______ 32 et 34, transformées et aliénées en violation de la loi. Les modalités de la compensation seraient déterminées dans le cadre des procédures d’autorisations de construire.

Il était envisagé de renoncer à l’exigence de remise en état des appartements. Toutefois, les surfaces des logements ayant fait l’objet d’un acte de vente définitif ou d’une promesse de vente annotés au registre foncier devaient être compensées par la réaffectation simultanée en logements de surfaces commerciales ou administratives équivalentes.

d. Par décision du 17 juin 2019, le département a notamment ordonné à A______, B______ et C______ de compenser les surfaces de logements de l’immeuble sis G______ 32, retirées de la location, par la création de surfaces équivalentes.

e. La même décision a été adressée le même jour à D______ et A______, notamment, pour l’immeuble situé G______ 34.

f. Deux demandes d’autorisations de construire ont été déposées par J______ en vue des compensations requises, à savoir :

-          l'autorisation par procédure accélérée (ci-après : APA) 6______, pour la transformation et la restitution de bureaux en deux appartements dans l’immeuble situé place I______ 3 ;

-          l'APA 7______, en vue de la transformation et de la restitution de bureaux en six appartements dans l’immeuble sis rue des K______ 4.

g. Par décisions séparées du 11 novembre 2022, le département a délivré les autorisations de construire DD 1______, 3______, 2______, 4______ et 5______ ainsi qu'APA 6______ et 7______.

Il a notamment fixé le loyer autorisé après travaux pour certains appartements des immeubles sis G______ 32 et 34.

h. Par décisions séparées du même jour, le département a également ordonné :

-          à A______, B______ et C______, pour l’immeuble situé G______ 32, de rétablir une situation conforme au droit en procédant à l'exécution des travaux conformément aux DD 1______ et 3______ ainsi qu'aux APA 6______ et 7______, d’ici au 28 avril 2023 ;

-          à D______ et A______ notamment, pour l’immeuble sis G______ 34, de rétablir une situation conforme au droit en procédant à l'exécution des travaux conformément aux DD 2______ et 4______ ainsi qu'aux APA 6______ et 7______, d’ici au 28 avril 2023 ;

-          à E______, pour l’immeuble sis rue H______ 16, de rétablir une situation conforme au droit en procédant à l'exécution des travaux conformément à la DD 5______, dans un délai de six mois dès notification de la décision.

i. Le 2 décembre 2022, A______, B______, C______, D______, J______ et E______ ont notamment informé le département du fait que l'immeuble sis rue H______ 16 était occupé par quatre locataires. Leurs baux avaient été résiliés et des discussions étaient en cours afin de permettre leur relogement.

C. a. A______, B______, C______, D______ et E______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les trois décisions du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d'une situation conforme au droit. Elles ont conclu à l'annulation et à la réformation de ces décisions, en ce sens que devait être fixé un délai maximal d'ouverture de chantier et de début des travaux (trois mois pour la décision notifiée à E______ et six mois pour celles notifiées à A______, B______ et C______, d'une part, et à D______ et A______, d'autre part) à compter de l'entrée en force des autorisations de construire et de la libération complète des locaux pour l'immeuble sis rue H______ 16.

Elles ont également interjeté recours contre les décisions DD 3______ et 4______ sur la question de la fixation des loyers, concluant à leur annulation sur ce point.

Dans la mesure où certains locaux de l'immeuble sis rue H______ 16 étaient encore occupés par quatre locataires, les travaux ne pouvaient pas être entrepris avant leur entière libération.

b. Le TAPI a retiré partiellement l’effet suspensif au recours dirigé contre les DD 3______ et 4______ pour ce qui concernait l’ensemble des travaux autorisés par ces décisions, à l’exception de la fixation des loyers.

c. Le département a conclu au rejet du recours, indiquant que, par gain de paix, il n’était pas opposé à reporter le délai à fin septembre 2023 pour les travaux dans les immeubles sis rue des K______ 4 et place I______ 3. Il était également disposé à octroyer des délais à fin mars 2024 pour l’immeuble situé G______ 34 et à fin mai 2024 pour celui sis G______ 32, pour autant qu'un planning démontrant la nécessité de prolonger ces délais fût fourni. Il s'est dit opposé à la fixation d'un délai pour ouvrir les chantiers.

d. Dans leur réplique, A______, B______, C______, D______ et E______ ont fourni une attestation du mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) en charge des travaux, datée du 16 mars 2023, selon laquelle il fallait compter douze mois de travaux dès l'ouverture du chantier pour le bâtiment sis rue H______ 16. Les architectes devaient vérifier avec l'inspection des chantiers quels travaux pouvaient démarrer avec des occupants dans l'immeuble.

e. Par jugement du 5 octobre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours. Il a mis à la charge des recourantes un émolument de CHF 1'000.- et leur a alloué une indemnité de procédure d'un même montant, à la charge du département.

La fixation de délais pour exécuter les travaux autorisés, et non pas pour les commencer, n’était ni arbitraire ni disproportionnée. Il en allait de même de la durée desdits délais.

Il était donné acte au département de ce qu’il acceptait de reporter les délais fixés pour l'exécution des travaux dans les immeubles sis rue des K______ 4, place I______ 3 et G______ 32 et 34, à l’échéance prévisionnelle indiquée par les requérantes, moyennant production de la preuve du bien-fondé de tels délais, étant rappelé que cette proposition avait été formulée par gain de paix. Les requérantes avaient été suivies dans leurs requêtes, à condition toutefois de produire les éléments relatifs à la nécessité de ces délais. Ainsi, l’ensemble des griefs relatifs aux trois décisions du 11 novembre 2022 portant sur les délais impartis pour rétablir une situation conforme au droit, mal fondés, étaient écartés.

Les requérantes n’avaient pas démontré que le délai de six mois imparti pour l'exécution des travaux dans l'immeuble situé rue H______ 16 était insuffisant, aucun planning intentionnel n’ayant été produit. Elles n’avaient pas non plus démontré que la présence de locataires dans certains des locaux commerciaux de ce bâtiment empêcherait la réalisation des travaux.

Les griefs liés à la fixation des loyers après travaux étaient en revanche bien fondés, si bien que le recours devait être admis sur ce point.

Le ch. 5 du dispositif du jugement est libellé comme suit : « confirme les trois décisions du département du territoire du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d’une situation conforme au droit adressées respectivement à A______, B______ et C______, à D______, H______, A______ et I______ et à E______ ».

D. a. Le 20 octobre 2023, A______, B______, C______, D______ et E______ ont déposé auprès du TAPI une demande d'interprétation et de rectification du jugement du 5 octobre 2023.

Il convenait de rectifier et de compléter le dispositif du jugement dans le sens du considérant selon lequel le TAPI donnait acte au département de ce qu’il avait déclaré accepter de reporter les délais fixés pour l'exécution des travaux dans les immeubles sis rue des K______ 4, place I______ 3 et G______ 32 et 34. De plus, elles avaient obtenu gain de cause sur la question de ces délais.

b. Par jugement du 2 novembre 2023, le TAPI a rejeté la demande d'interprétation et de rectification.

Le département avait indiqué ne pas s’opposer à l’octroi d’un délai à fin septembre 2023 pour exécuter les travaux dans les immeubles sis place I______ 3 et rue des K______ 4, de sorte qu'il lui en avait donné « acte ». Toutefois, lors du prononcé du jugement, ce délai était échu. Les requérantes ne pouvaient dès lors se prévaloir d’un intérêt actuel à requérir une modification du jugement en ce sens.

Le département avait indiqué être disposé à octroyer des délais d'exécution des travaux à fin mars 2024 pour l’immeuble sis G______ 34 et à fin mai 2024 pour celui situé G______ 32, pour autant qu’un planning démontrant la nécessité de tels délais fût produit. Le TAPI lui avait exclusivement donné « acte » de ce qu’il avait déclaré accepter de reporter les délais fixés « moyennant production de la preuve du bien fondé de tels délais ». Il ne s’agissait pas d’un engagement définitif, mais d’une « proposition » formulée par « gain de paix » et moyennant conditions. Le TAPI ignorait si celles-ci étaient respectées. Partant, rien ne justifiait que la proposition du département, soumise à des conditions qu’il appartenait aux requérantes de remplir, figurât dans le dispositif du jugement.

E. a. Le 17 octobre 2023, le MPQ en charge des travaux a transmis au département un document récapitulant les étapes à venir pour les travaux portant sur l'immeuble sis rue H______ 16. Il a expliqué qu'à l'exception des locaux du rez-de-chaussée, l'autorisation délivrée concernait la totalité des locaux de chaque étage, y compris ceux occupés par les locataires. Il était impossible de réaliser les travaux tant que ceux-ci étaient présents.

b. Le 20 octobre 2023, A______, B______, C______, D______ et E______ ont requis du département qu'il leur octroie un délai de 21 mois pour la réalisation des travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16, le délai devant commencer à courir dès que tous les locataires seraient partis.

Elles ont transmis un planning prévisionnel établi par le MPQ en charge des travaux faisant état d'une durée des travaux estimée à 21 mois. Les travaux commenceraient par la démolition de la toiture, de l'attique, des cinq étages et enfin du sous-sol. Ils porteraient, pour chaque étage à l'exception du sous-sol, sur le curage intérieur, la démolition des cloisons en brique ou plâtre, la démolition des chapes, le sciage des dalles et la démolition des façades côté rue H______ (fenêtres et façades). Puis viendraient des travaux de second œuvre.

c. Le 3 novembre 2023, le département a informé les intéressées du fait qu'il était prêt à accepter, pour l'exécution des travaux, une extension du délai conformément au planning fourni par le MPQ, portant ainsi ledit délai à 21 mois dès l'entrée en force de la « décision ».

F. a. Par acte remis à la poste le 6 novembre 2023, A______, B______, C______, D______ et E______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 5 octobre 2023, concluant à l'annulation du ch. 5 de son dispositif (ch. 3) et à sa réformation en ce sens que, d'une part, la décision du 11 novembre 2022 adressée à E______ était modifiée en tant que le rétablissement d'une situation conforme au droit devrait être réalisé dans un délai de 21 mois à compter de la libération des locaux par l'ensemble des locataires de l'immeuble sis rue H______ 16, et que, d'autre part, il était donné acte au département de ce qu'il avait accepté de reporter les délais fixés initialement au 28 avril 2023 à fin septembre 2024 (sic) pour les travaux concernant les immeubles sis place I______ 2 (sic) et rue des K______ 3 (sic), à fin mai 2024 pour les travaux concernant l'immeuble sis G______ 32 et à fin mars 2024 pour les travaux concernant celui situé G______ 34 (ch. 4). Elles ont également conclu à l'annulation du ch. 6 de son dispositif, la totalité de l'émolument devant être mise à la charge du département, à l'annulation du ch. 7 de son dispositif, la totalité de l'avance de frais devant leur être restituée, et à l'annulation du ch. 8 du dispositif, une indemnité de procédure de CHF 2'000.- devant leur être allouée.

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant qu'une durée de six mois pour l'exécution des travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16 était suffisante. De plus, les travaux ne pouvaient pas, compte tenu de leur ampleur, être exécutés en présence des locataires. Le dies a quo du délai d'exécution des travaux de 21 mois devait donc être modifié.

Le dispositif était contraire aux considérants du jugement, le TAPI ayant omis d'y indiquer que le département avait accepté de prolonger les délais octroyés pour l'exécution des travaux dans les immeubles sis place I______ 3, rue des K______ 4 ainsi que G______ 32 et 34.

Elles avaient obtenu entièrement gain de cause, si bien que les émoluments auraient dû être supportés exclusivement par le département et qu'une indemnité plus élevée aurait dû leur être octroyée.

b. Invité à se déterminer sur le recours, le TAPI a confirmé qu'il ne pouvait être retenu, en l'état, que les recourantes se verraient octroyer les délais sollicités, faute pour elles d'avoir respecté les conditions posées par le département. Dès lors, elles n'avaient pas obtenu gain de cause sur ce point.

c. Le département a conclu au rejet du recours.

Il a confirmé avoir accepté d'octroyer un délai de 21 mois pour l'exécution des travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16. La fixation du dies a quo de ce délai à l'entrée en force de la décision ne prêtait pas le flanc à la critique puisque des locaux étaient toujours soustraits du marché locatif et que l'exécution des travaux avait ainsi un certain caractère urgent. La fixation d'un dies a quo au moment de la sortie de la totalité des locataires laisserait toute latitude aux requérantes de gérer celle‑ci. La « question des locataires » relevait du droit privé, si bien qu'il n'avait pas à la prendre en compte. Dans la mesure où la majorité des locaux de l'immeuble était vide, une partie des travaux pouvait déjà être exécutée au moment de l'entrée en force de la décision et avancée dans l'attente que le reste des locaux fût libéré.

d. Dans leur réplique, les recourantes ont relevé que dès lors que les travaux ne pouvaient commencer qu'une fois les locataires partis, elles ne pourraient pas les exécuter dans le délai imparti si ce dernier devait commencer à courir plus tôt. Le MPQ en charge des travaux avait d'abord estimé à douze mois la durée des travaux, si bien que le délai initial d'exécution de six mois n'était pas justifié. L’attestation du MPQ avait la même force probante qu'un planning intentionnel.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office sa compétence et sa saisine (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. b et art. 11 al. 2 de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10 ; ATA/110/2024 du 30 janvier 2024 consid. 1 ; ATA/1361/2023 du 19 décembre 2023 consid. 2 et l'arrêt cité).

1.1 Pendant le délai de recours contre le jugement querellé, l'intimé a indiqué qu'il était prêt à accepter, pour les travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16, une extension du délai d'exécution (devant être compris comme la fin des travaux) initialement fixé, portant ce dernier à 21 mois dès l'entrée en force de la « décision ». Dans ses écritures devant la chambre de céans, il a confirmé avoir accepté d'octroyer ce délai supplémentaire.

Les recourantes ont, dans le cadre de leur recours devant la chambre de céans – et non pas dans le cadre d'un nouveau recours auprès du TAPI –, contesté le dies a quo de ce nouveau délai, sans remettre en cause sa durée.

Se pose donc la question de savoir si la chambre de céans est compétente pour connaître de cette contestation, – la compétence du TAPI pouvant également entrer en considération –, étant précisé qu'elle l'est pour se prononcer sur les autres conclusions des recourantes (art. 132 de loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 149 al. 1 de loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

1.2 Toute décision prise par le département du territoire en application de la LCI ou des règlements prévus à l’art. 151 LCI peut être déférée au TAPI (art. 145 al. 1 LCI). En matière de constructions et de démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, les jugements du TAPI sont susceptibles d'un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 LOJ, 149 al. 1 LCI et 45 al. 5 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation [mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi] du 25 janvier 1996 -LDTR - L 5 20 ; ATA/582/2013 du 3 septembre 2013 consid. 1d). Le recours à la chambre administrative est doté d'un effet dévolutif complet (ATF 126 II 300 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_886/2012 du 29 juin 2013 consid. 1 non publié aux ATF 139 II 529).

1.3 À teneur de l'art. 67 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l'affaire qui en est l'objet passe à l'autorité de recours (effet dévolutif du recours ; al. 1). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (al. 2). S'il s'agit là d'une nouvelle décision au sens de l'art. 4 LPA, celle-ci ne fait pas courir un nouveau délai de recours puisque l'autorité de seconde instance est déjà saisie du litige et continue à traiter le recours, sauf si la nouvelle décision l'a rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 861 ad art. 67 LPA et la référence citée). L'art. 67 al. 2 LPA donne à l'autorité inférieure, pendant la procédure de recours, le pouvoir de procéder à un nouvel examen de la décision attaquée sans limite de temps (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 935).

1.4 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA). A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n'auraient pas été formées devant l'autorité de première instance (ATA/1299/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La nouveauté d'une conclusion s'apprécie par rapport à l'objet du litige de l'instance précédente (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 20211 consid. 1.5 ; ATA/1237/2019 du 13 août 2019 consid. 7a et l'arrêt cité).

L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 1.5 ; ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 4b et l'arrêt cité). N'est donc pas nouveau un chef de conclusions n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4 ; ATA/633/2023 du 13 juin 2023 consid. 2.4 et l'arrêt cité).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_197/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1 ; ATA/1311/2023 du 5 décembre 2023 consid. 5.1).

L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/633/2023 précité consid. 2 et l'arrêt cité). Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1299/2022 précité consid. 3a et les arrêts cités).

1.5 La particularité de l'espèce réside dans le fait que l'intimé a modifié sa décision du 11 novembre 2022 adressée à E______ pendant le délai de recours à la chambre de céans, et non pas en cours de procédure de recours, soit à un moment où la chambre de céans n'était pas encore saisie de la présente cause. L'art. 67 LPA et la jurisprudence y relative ne trouvent donc pas application, si bien que la compétence de la chambre de céans de connaître de la contestation en cause ne peut pas être inférée de cette disposition.

Reste à déterminer si elle peut être établie autrement, en particulier sur la base de considérations liées à l'objet du litige, qu'il convient de déterminer, à l'aune notamment des conclusions des recourantes devant le TAPI et devant la chambre administrative.

Devant le TAPI, les recourantes ont, inter alia, conclu à l'annulation et à la réformation de la décision du 11 novembre 2022 impartissant à E______ un délai de six mois dès sa notification pour exécuter les travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16. Elles ont requis la fixation d'un délai maximal d'ouverture de chantier dès l'entrée en force de l'autorisation de construire et la libération complète des locaux par les locataires.

Devant la chambre de céans, les recourantes ont conclu à l'annulation du ch. 5 du dispositif du jugement querellé en tant qu'il confirmait la décision précitée. Elles ont requis sa réformation, en ce sens que le rétablissement d'une situation conforme au droit (soit l'exécution des travaux) soit réalisé dans un délai de 21 mois à compter de la libération des locaux par l'ensemble des locataires.

Ainsi, ce qui demeure litigieux est le dies a quo du délai fixé pour la fin des travaux, l'intimé ayant accepté de prolonger sa durée à 21 mois (dès l'entrée en force de la décision), durée qui n'est pas contestée. Alors que devant le TAPI, les recourantes ont sollicité la fixation d'un délai maximal d'ouverture de chantier, elles ont, devant la chambre de céans, renoncé à la fixation d'un tel délai et ont requis que le nouveau délai (portant sur la fin des travaux) commence à courir dès la libération complète des locaux par les locataires. Si l'on doit admettre que ces conclusions ne sont pas exactement les mêmes, la nature des délais requis étant différente, les recourantes ont toutefois déjà demandé, devant le TAPI, que le délai maximal d'ouverture de chantier commence à courir dès la libération complète des locaux par les locataires. En outre, les conclusions prises par les recourantes poursuivent le même objectif, à savoir la mise au bénéfice d'un délai supplémentaire pour l'exécution (la fin) des travaux, et touchent l'objet de la décision attaquée puisque celle-ci prévoit un délai d'exécution desdits travaux (voir à ce propos l'art. 132 al. 1 LCI, cité infra). Par surabondance, la fixation d'un délai maximal d'ouverture de chantier, sans fixation d'une échéance pour la fin des travaux, est en principe plus avantageuse pour les recourantes que la fixation d'un délai pour l'exécution des travaux. Par conséquent, on ne saurait considérer que les intéressées ont étendu leurs conclusions ou que celles-ci iraient au‑delà de ce qui a été sollicité devant la juridiction inférieure. Elles ne s'écartent d'ailleurs pas des prétentions tranchées par le TAPI puisque ce dernier a déjà statué, implicitement en tout cas, sur la question du dies a quo du délai concerné, estimant que les recourantes n'avaient pas démontré que la présence des locataires dans les locaux empêcherait la réalisation des travaux autorisés dans l'immeuble. Enfin, il est sans importance que le TAPI n'ait pas eu à examiner le bien-fondé du nouveau délai fixé par l'intimé, puisque sa durée n'est pas contestée.

Dès lors, la chambre de céans s'estime compétente pour connaître des conclusions prises en lien avec la modification, le 3 novembre 2023, de la décision de l'intimé du 11 novembre 2022.

Le recours a donc été interjeté devant la juridiction compétente, et ce en temps utile (art. 132 LOJ ; art. 17 al. 3 et 62 al. 1 let. a LPA). Il est ainsi recevable, si bien qu'il convient d'entrer en matière sur le fond. Il est pour le surplus à noter que des motifs d'économie de procédure commandent que la chambre de céans statue sur l'ensemble des conclusions prises par les recourantes, un renvoi au TAPI constituant une vaine formalité, au vu des considérants qui précédent.

2.             Les recourantes se plaignent d'une constatation inexacte des faits. Elles soutiennent que l'intimé aurait accepté de prolonger les délais d'exécution des travaux – relatifs aux immeubles sis place I______ 3, rue des K______ 4 et G______ 32 et 34 –, ce que le TAPI aurait retenu dans les considérants de son jugement, mais pas dans le dispositif, qui serait ainsi contraire auxdits considérants. Elles auraient ainsi obtenu gain de cause sur ce point, ce qui devait être constaté dans le dispositif du jugement attaqué. Elles disposeraient à ce titre d'un intérêt actuel, puisque ce constat entraînerait une modification de la répartition des frais en leur faveur et une augmentation du montant de l'indemnité qui leur a été octroyée.

2.1 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

2.2 Les décisions se composent, d'une part, d'un dispositif, à savoir la description des droits et obligations créés, modifiées ou constatés et, d'autre part, d'une motivation, qui explique le fondement légal du dispositif (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 816). De jurisprudence constante, le dispositif d'un jugement ou d'un arrêt doit être interprété à la lumière de la motivation du jugement ou de l'arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_517/2023 du 15 décembre 2023 consid. 3.3 et les arrêts cités).

2.3 Ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

2.4 En l'espèce, il convient au préalable de relever que les recourantes disposent, sur le principe, d'un intérêt actuel à ce que « l'acceptation » par l'intimé de prolonger les délais d'exécution des travaux initialement fixés pour les immeubles sis place I______ 3, rue des K______ 4 et G______ 32 et 34 soit constatée et reportée dans le dispositif du jugement querellé. En effet, une modification en ce sens entraînerait la prolongation desdits délais, ce qui leur procurerait un avantage matériel. Elle aurait également pour conséquence de leur donner gain de cause sur ce point, avec pour effet une modification de la répartition des frais et du montant des dépens alloués en leur faveur, ce qui constituerait pour elles un avantage de nature économique.

Dans les considérants de son jugement, le TAPI, après avoir confirmé le bien-fondé des délais d'exécution des travaux fixés par l'intimé, a donné acte à celui-ci de ce qu'il avait « déclaré accepter de reporter les délais fixés s’agissant des immeubles [sis rue des K______ 4, place I______ 3 et G______ 32 et 34] à l’échéance prévisionnelle indiquée par les requérantes, moyennant production de la preuve du bien-fondé de tels délais ». Il a précisé que les recourantes avaient été suivies dans leurs requêtes concernant les quatre bâtiments en cause, à condition toutefois de produire les éléments relatifs à la nécessité de ces délais. Ainsi, il a écarté l’ensemble des griefs y relatifs.

Dans le dispositif de son jugement, le TAPI a confirmé les trois décisions de l'intimé du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d’une situation conforme au droit, parmi lesquelles les deux décisions portant sur les immeubles sis place I______ 3, rue des K______ 4 et G______ 32 et 34 (ci‑après : les deux décisions du 11 novembre 2022).

Dès lors, et comme cela ressort également des déterminations du TAPI devant la chambre de céans, il apparaît de façon claire que ce dernier a considéré que les recourantes ne s'étaient pas vu octroyer la prolongation des délais sollicitée, faute pour elles d'avoir satisfait aux conditions fixées par l'intimé, et qu'elles n'avaient ainsi pas obtenu gain de cause sur ce point.

Ce résultat ne prête pas le flanc à la critique, pas plus que le contenu du dispositif du jugement querellé, à tout le moins sur la question des deux décisions du 11 novembre 2022. En effet, pour les travaux relatifs aux immeubles sis G______ 32 et 34, ce n'est que sous condition que l'intimé s'est dit prêt à prolonger les délais, les recourantes devant pour ce faire produire les plannings démontrant la nécessité d'une telle prolongation. Or, il n'est pas contesté que les intéressées n'ont pas satisfait à cette condition, devant le TAPI à tout le moins. Par conséquent, et en l'absence également d'informations contraires des parties, la chambre de céans constatera que les délais n'ont pas été prolongés par l'intimé pour les travaux relatifs à ces deux immeubles, si bien que les recourantes n'ont pas obtenu gain de cause sur ce point, ce que le TAPI a correctement établi.

Ensuite, pour les travaux relatifs aux immeubles sis place I______ 3 et rue des K______ 4, il faut concéder aux recourantes que l'intimé n'a pas exigé la production d'un planning justifiant la nécessité de prolonger les délais. Cela étant, la proposition de l'intimé n'a fait l'objet d'aucune formalisation (voir à ce propos l'art. 67 al. 2 LPA) et n'a ainsi pas été concrétisée. Par conséquent, il n'est pas possible de retenir que l'intimé a modifié sa décision et prolongé ledit délai. Même à considérer que tel aurait été le cas, la proposition de l'intimé allait certes dans le sens d'une prolongation du délai mais ne correspondait en revanche pas exactement aux conclusions prises par les recourantes devant le TAPI. En effet, les intéressées ont sollicité la fixation d'un délai maximal d'ouverture de chantier et de début des travaux dès l'entrée en force des décisions concernées, et non pas la fixation d'une date butoir pour la fin des travaux. L'intimé a du reste précisé qu'il s'opposait à la fixation d'un délai pour ouvrir les chantiers. On ne saurait ainsi retenir qu'il a acquiescé aux conclusions des recourantes et que celles‑ci auraient obtenu gain de cause sur ce point.

Pour les raisons précitées, le fait que le TAPI ait, dans les considérants de son jugement, donné acte à l'intimé de ce qu’il acceptait de reporter les délais, moyennant production de la preuve du bien-fondé de tels délais, ne signifie pas qu'il aurait constaté que l'intimé avait accepté de prolonger lesdits délais et de modifier ainsi sa décision. Il s'agissait de prendre acte de l'engagement conditionnel, et non pas irrévocable, de l'intimé, lequel n'a pas pu être concrétisé, dans le cadre de la procédure devant le TAPI à tout le moins.

Au vu de ce qui précède, le TAPI a confirmé à bon droit les deux décisions du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d’une situation conforme au droit. De même, pour ces deux décisions à tout le moins, le dispositif de son jugement correspond à ses considérants.

C'est également à juste titre que le TAPI n'a pas repris, dans le dispositif de son jugement, le fait d'avoir donné acte à l'intimé de son engagement conditionnel, dans la mesure où ce considérant n'a aucune incidence sur l'issue du litige et s'insère dans le sens du dispositif sans le contredire.

Le grief sera donc écarté.

3.             Sous couvert d'un établissement inexact des faits, les recourantes reprochent au TAPI d'avoir retenu qu'elles n'avaient pas démontré que le délai de six mois octroyé pour l'exécution des travaux relatifs à l'immeuble sis rue H______ 16 était insuffisant. Elles avaient en effet prouvé que le MPQ avait estimé la durée prévisible des travaux à douze mois au minimum. Elles reprochent également à l'intimé d'avoir fixé un délai d'exécution des travaux arbitraire (21 mois) et d'avoir ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation, dans la mesure où ce délai devrait commencer à courir dès l'entrée en force de la décision. Or, les travaux ne pouvaient débuter tant que les derniers locataires restaient dans l'immeuble concerné.

3.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA) sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/1138/2023 du 17 octobre 2023 consid. 4.3 et l'arrêt cité).

3.2 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle ne repose sur aucun motif sérieux et objectif, n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2) est manifestement insoutenable, se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2022 du 21 décembre consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_273/2022 du 8 février 2023 consid. 3.1).

Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 Cst., il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1297/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3.7 et l'arrêt cité).

3.3 Dès lors qu'elle règle une situation de façon contraignante et impérative, une décision s'impose à ses destinataires. Son non-respect peut être ainsi sanctionné, et des mesures d'exécution forcée peuvent être prises pour assurer le respect des obligations qu'elle prévoit. Les mesures administratives, à l'instar de l'ordre de rétablir une situation conforme au droit, sont sujettes à exécution forcée. L'exécution par équivalent consiste pour l'autorité à exécuter elle-même ou à faire exécuter par un tiers une obligation à laquelle son destinataire se soustrait. Le cas typique est celui de l'exécution de travaux (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 808, 1141 et 1186).

3.4 Celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI et des peines plus élevées prévues par le code pénal suisse, du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 44 al. 1 LDTR).

3.5 Dans les limites des dispositions de l’art. 130 LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e LCI). Selon le Tribunal fédéral, l'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2 et les références citées ; ATA/788/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.3).

Les mesures prévues à l'art. 129 LCI peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers doivent se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI).

Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu‘il n’invoque l’urgence (art. 132 al. 1 LCI). Selon certains auteurs, ce délai doit être fixé en tenant compte de la durée minimale nécessaire pour exécuter la mesure. Sauf cas d'urgence, le délais d'exécution devraient être au minimum entre trois et six mois, un délai plus long devant être possible selon les circonstances (Emmanuelle GAIDE et Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, p. 484 s., n. 3.5.1).

3.6 La question de savoir si les rapports de droit privé dans le domaine de l'immobilier et de la construction en particulier doivent être pris en compte dans le cadre d'une procédure administrative fait l'objet d'une jurisprudence relativement fournie, rappelée ci-après.

3.6.1 Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 LCI ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2015 du 15 avril 2016 consid. 6 ; ATA/439/2021 du 20 avril 2021 consid. 8c et les arrêts cités). Relèvent également du droit privé et ne sont donc pas de la compétence des juridictions administratives les nuisances alléguées dans une propriété par étage (ci-après : PPE) par la pose d’un échafaudage ainsi que les critiques émises sur le choix de la période des travaux (ATA/740/2016 du 30 août 2016 consid. 5b ; Stéphane GRODECKI/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La jurisprudence genevoise en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2016, RDAF 2017 I p. 25).

3.6.2 Selon le Tribunal fédéral, il n'appartient pas à l'autorité administrative, saisie de la question du rétablissement de l'état conforme au droit, de se prononcer sur les questions de droit privé relatives aux règles de la PPE. La question de l'éventuelle falsification de signature et celle de la validité de l'accord des propriétaires d'étages ne relèvent pas de la procédure administrative (arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2016 du 16 mai 2017 consid. 4.3).

3.6.3 La chambre administrative a déjà eu l'occasion de préciser que le droit du bail était en principe un domaine exclu de la compétence des juridictions administratives (ATA/1334/2023 du 12 décembre 2023 consid. 7.1.3 et les références citées ; ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3 et les arrêts cités). Échappent en particulier à leur compétence les comparaisons établies dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d'autres logements similaires dans un quartier (ATA/1334/2023 précité consid. 7.1.3 et les références citées), les griefs visant à faire valoir que le loyer ne serait pas abusif sous l’angle des dispositions de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220 ; ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 10), ainsi que ceux portant sur la diminution de la qualité de vie des habitants due au bruit et à leur potentiel préjudice financier lié à une éventuelle réduction des loyers subie à leur détriment en raison de l'impact des lourds travaux et de leur durée sur leur propriété (ATA/1031/2020 du 13 octobre 2020 consid. 8).

3.6.4 Selon la jurisprudence rendue en matière d'équipement des terrains, qui n'est pas directement applicable dans le cas présent, en cas de doute sur la capacité de l'accès prévu à répondre aux besoins de la future construction, l'autorisation de construire doit en principe être refusée. S'il apparaît toutefois vraisemblable que la parcelle en cause dispose d'un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux opposants au projet de démontrer que tel ne serait pas le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.2.1 et les références citées).

3.7 La loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40) a pour objet de réglementer l’exercice indépendant de la profession d’architecte ou d’ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L’exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l’État (art. 1 LPAI). L’art. 2 LPAI prévoit qu’il est dressé un tableau des MPQ qui est tenu à jour et rendu public.

Il ressort des travaux préparatoires de la LPAI que la ratio legis réside notamment dans l'intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et l'instruction de dossiers de demandes d'autorisations de construire, et lors de l'exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d'une manière générale, à une meilleure application de la loi (Mémorial du Grand Conseil [MGC] 1982/IV p. 5204 ; ATA/541/2023 du 23 mai 2023 consid. 4.1 et l'arrêt cité).

4.             En l'espèce, il convient au préalable de relever que les recourantes disposent d'un intérêt à ce que la décision du département, telle que modifiée le 3 novembre 2023, soit réformée dans le sens de leur conclusion, puisque l'admission de leur grief entraînerait une modification du dies a quo du délai d'exécution des travaux, soit désormais la libération des locaux par l'ensemble des locataires de l'immeuble, ce qui leur procurerait un avantage matériel. Elles disposent également d'un intérêt actuel à ce que la chambre de céans constate que le délai de six mois initialement fixé par l'intimé était contraire au droit, – quand bien même ce délai a ensuite été prolongé –, puisque, le cas échéant, l'admission de ce grief aurait pour effet de leur donner gain de cause sur ce point et entraînerait une modification de la répartition des frais et du montant des dépens alloués en leur faveur par le TAPI, ce qui constituerait pour elles un avantage de nature économique.

Il sera encore ajouté que le grief tiré de la constatation inexacte des faits relève en réalité de l'appréciation des preuves et sera ainsi traité dans le cadre de celui portant sur l'abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité.

4.1.1 Le principe de la mise en conformité (art. 129 let. e LCI) ordonnée par l'intimé, soit l'exécution de travaux dans le bâtiment sis rue H______ 16, n'est pas contesté. Seul le dies a quo du délai pour ce faire l'est.

Le TAPI et l'intimé ont estimé que les recourantes n’avaient pas démontré que la présence des locataires dans les locaux commerciaux, – qui n'est pas contestée –, empêcherait la réalisation des travaux autorisés dans l’immeuble. L'intimé estime en particulier que dans la mesure où la majorité des locaux de l'immeuble est vide, une partie des travaux pourrait déjà être exécutée au moment de l'entrée en force de la décision et avancée dans l'attente que le reste des locaux soit libéré.

Les explications fournies par le MPQ en charge des travaux, combinées aux pièces jointes au dossier, en particulier le tableau des étapes des travaux ainsi que le planning prévisionnel (17 octobre 2023), suggèrent toutefois le contraire.

En effet, ledit MPQ, professionnel de l'immobilier, a exposé, dans une attestation du 16 mars 2023, qu'il était prévu de réaliser des transformations importantes nécessitant la création de nouvelles distributions sanitaires ainsi que le remplacement de toutes les fenêtres. Les installations de chauffage devront être remises à neuf, et toutes les distributions intérieures seront modifiées. Les ascenseurs seront remplacés. Il a également indiqué, le 17 octobre 2023, que lesdits travaux ne pourraient pas être entrepris tant que les trois derniers locataires resteraient dans les locaux commerciaux de l'immeuble, étant précisé que les travaux concernent la totalité des locaux de chaque étage.

Si l'on peut certes considérer que ces seules déclarations semblent insuffisantes pour démontrer à satisfaction de droit l'impossibilité d'exécuter les travaux en présence des locataires, elles sont toutefois confirmées et appuyées par l'échéancier du 17 octobre 2023. Selon ce document, les travaux commenceront par des travaux de démolition de la toiture, de l'attique, des cinq étages et du sous-sol. Ces derniers porteront, pour chaque étage à l'exception du sous-sol, sur le curage intérieur, la démolition des cloisons en brique ou plâtre, la démolition des chapes, le sciage des dalles et la démolition des façades côté rue H______ (fenêtres et façades). Il apparaît donc que les travaux sont lourds, – ce d'autant plus que tous les locaux seront transformés en logements comme cela ressort des plans de la DD 5______ joints au dossier –, qu'ils portent sur tout le bâtiment et touchent notamment sa structure. Ils ne pourront ainsi très vraisemblablement pas être exécutés, dans les locaux commerciaux encore loués à tout le moins, en présence des locataires, étant du reste relevé que la sécurité des occupants doit être assurée, conformément au règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03). Or, les travaux de second œuvre ne pourront pas non plus, pour des raisons de coordination des travaux et de logistique notamment, commencer tant que tous les travaux de démolition n'auront pas été exécutés, comme cela ressort du planning intentionnel. Par conséquent, il semble impossible de différer les travaux de démolition dans les locaux occupés et d'entreprendre entretemps les travaux de second œuvre dans le reste de l'immeuble, quand bien même la majorité des locaux est vide.

La chambre de céans constatera donc que les travaux ne peuvent matériellement pas être exécutés en présence des locataires, ni commencer avant le départ de ces derniers, ni être achevés dans un délai de 21 mois dès l'entrée en force de la décision (début décembre 2023 en l'absence de recours), dans la mesure où le dernier bail arrive à échéance postérieurement, le 31 janvier 2027. Reste encore à déterminer si une telle impossibilité doit être prise en compte dans le cadre de la (présente) procédure administrative, ce que l'intimé conteste.

La réponse à cette question n'est pas évidente. En effet, de jurisprudence constante, les relations entre bailleurs et locataires relèvent du droit privé, domaine qui est en principe exclu de la compétence des juridictions administratives. Or, la présente situation ne concerne ni le respect des servitudes dans le cadre d'une procédure en autorisation de construire, ni le respect des règles relatives à la PPE, ni l'analyse du caractère abusif ou non d'un loyer, ni une comparaison établie dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d'autres logements similaires dans un quartier. Elle a trait à une impossibilité matérielle objective d'exécuter la décision et se rapproche également davantage de la question de l'accès suffisant à une parcelle en matière d'équipement des terrains, domaine dans lequel les questions de droit privé peuvent faire l'objet d'une analyse par les autorités administratives. Dans les deux cas, il s'agit en effet de s'assurer de la possibilité matérielle de mettre en œuvre une décision (à savoir soit exécuter les travaux, soit garantir l'accès à une construction). Celle-ci doit pouvoir être exécutée par ses destinataires, et être, le cas échéant, sujette à exécution forcée, à défaut de quoi elle n'a ni sens ni utilité, étant d'ailleurs précisé qu'une décision d’emblée inexécutable est frappée de nullité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_360/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3.4.4 ; ATA/163/2023 du 21 février 2023 consid. 5b). Dès lors, un bailleur, destinataire d'un ordre d'exécuter les travaux, doit pouvoir disposer de l'opportunité de prouver que les travaux ne peuvent matériellement pas être exécutés en raison de la présence de locataires. Il n'apparaît pas possible d'en faire abstraction.

Ainsi, en fixant le dies a quo du délai à l'entrée en force de la décision, ce qui la rend inexécutable dans ces circonstances particulières, l'intimé a omis des éléments pertinents et relevant de sa compétence et a donc abusé de son pouvoir d'appréciation, violant notamment le principe de proportionnalité, l’exécution de sa décision n'étant pas raisonnablement exigible pour les recourantes. Celle-ci devra donc être reformée en ce sens que le délai de 21 mois accordé pour l'exécution des travaux commencera à courir dès le départ de tous les locataires de l'immeuble.

La chambre de céans n'ignore cependant pas les arguments de l'intimé. En effet, il est exact que la fixation d'un dies a quo au moment de la sortie de la totalité des locataires pourrait laisser toute latitude aux recourantes de décider du timing des travaux. Toutefois, tous les baux ont déjà été résiliés et, comme le reconnaît l'intimé, les recourantes ont entrepris des recherches pour reloger plus rapidement les derniers locataires. En outre, il apparaît que les recourantes ont tout intérêt à ce que les travaux commencent le plus rapidement possible, ne serait-ce que parce que l'inoccupation de la plupart des locaux constitue un manque à gagner certain. Les craintes de l'intimé doivent donc être relativisées.

Ensuite, de jurisprudence constante, l'intérêt public à remédier à la pénurie de logements qui sévit à Genève est important (ATA/870/2023 précité consid. 5.8 et les arrêts cités). Il apparaît toutefois excessif de considérer, au motif de la poursuite de cet intérêt, qu'il existerait une urgence à entreprendre les travaux concernés, l'immeuble n'étant, à défaut d’informations contraires, pas insalubre ni ne présentant de danger pour les locataires. De même, ledit intérêt public se heurte, dans ces circonstances bien particulières, à l'impossibilité matérielle objective d'entreprendre les travaux en raison de la présence des locataires, ainsi qu'à l'intérêt privé et public prépondérant à pouvoir garantir le bon déroulement des travaux et leur correcte exécution.

Comme le permet la jurisprudence (ATA/1364/2023 du 19 décembre 2023) et afin de s'assurer, eu égard au respect du principe de proportionnalité, de l'exécution de la décision par les recourantes, celle-ci sera assortie de la condition selon laquelle il sera fait interdiction à E______ de reloger de nouveaux locataires avant le début des travaux et pendant leur exécution, charge également à cette dernière de faire évacuer, au besoin, dans les meilleurs délais et dans le respect du droit, les derniers locataires à l'échéance des contrats de bail respectifs, telle que prévue au jour du prononcé du présent arrêt.

4.1.2 Enfin, pour ce qui a trait au jugement querellé et à la question du bien-fondé du délai d'exécution des travaux de six mois fixé initialement, le TAPI ne pouvait pas retenir que les recourantes avaient échoué à prouver que le délai de six mois était insuffisant pour exécuter les travaux. En effet, si aucun planning intentionnel n'avait certes été fourni à ce moment-là, les recourantes ont en revanche transmis, dans leur réplique devant le TAPI, une attestation du MPQ à teneur de laquelle les travaux dureraient douze mois. De plus, au vu de l'ampleur de ces derniers, de surcroît dans la quasi-totalité d'un immeuble de cinq étages, un délai de six mois apparaît court. En l'absence de situation d'urgence, il n'apparaît pas justifié et est donc contraire au principe de proportionnalité.

Le grief est donc bien fondé et sera admis. La décision querellée sera réformée conformément à ce qui précède et le jugement du TAPI annulé en tant qu'il confirme la décision du 11 novembre 2022 adressée à E______.

5.             Les recourantes se plaignent d'une violation de l'art. 87 LPA, en ce sens que le TAPI aurait dû mettre l'ensemble des frais judiciaires à la charge de l'intimé et leur accorder une pleine indemnité (CHF 2'000.-), dans la mesure où elles avaient obtenu entièrement gain de cause.

5.1 La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/954/2023 du 5 septembre 2023 consid. 2.1 et les références citées). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté et les débours.

Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (ATA/119/2023 du 7 février 2023 consid. 2.3 et les références citées).

La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

5.2 L'art. 6 RFPA prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.‑.

La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010 ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1 et les arrêts cités), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Le montant retenu doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et, de manière générale, la complexité de l'affaire (ATA/149/2023 du 14 février 2023 consid. 2.4 et les arrêts cités).

5.3 En l'espèce, le TAPI a admis partiellement le recours. Il a donné raison aux recourantes sur leurs griefs relatifs à la fixation des loyers. Il a en revanche confirmé les trois décisions du 11 novembre 2022. Il a ainsi mis à la charge des recourantes un émolument de CHF 1'000.- et leur a alloué une indemnité de procédure d'un même montant.

Comme exposé et constaté supra, les recourantes n'ont pas obtenu gain de cause sur les deux décisions du 11 novembre 2022 portant sur les immeubles sis place I______ 3, rue des K______ 4 et G______ 32 et 34. En revanche, le TAPI aurait dû leur donner raison sur la décision portant sur l'immeuble sis rue H______ 16, qu'il aurait dû annuler.

Il s'ensuit que l'émolument mis à la charge des recourantes par le TAPI sera réduit à CHF 500.- et que l'indemnité de procédure qui leur a été allouée sera augmentée à CHF 1'500.-, et non pas à CHF 2'000.- comme le requièrent les recourantes, un tel montant paraissant disproportionné eu égard notamment à la complexité de l'affaire et à l'absence d'actes d'instruction.

Le grief sera ainsi partiellement admis, de même que le recours au vu des considérants qui précèdent.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourantes (art. 87 al. 1 LPA). Dans la mesure où elles obtiennent en partie gain de cause, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée, solidairement, à la charge de l'intimé (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2023 par A______, B______, C______, D______ et E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 octobre 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule partiellement la décision du département du territoire-OAC du 11 novembre 2022, telle que modifiée le 3 novembre 2023, dans la mesure où elle impartit à E______ un délai de 21 mois dès l'entrée en force de la décision pour procéder, conformément à la DD 5______, à l'exécution des travaux dans l'immeuble sis rue H______ 16 ;

la réforme en ce sens que les travaux tels qu'autorisés par la DD 5______ devront être exécutés dans un délai de 21 mois à compter de la libération des locaux par l'ensemble des locataires de l'immeuble sis rue H______ 16 ;

dit qu’il est fait interdiction à E______ de reloger de nouveaux locataires dans l'immeuble sis rue H______ 16 avant le début des travaux et pendant leur exécution ;

charge E______ de faire évacuer dans les meilleurs délais et dans le respect du droit les derniers locataires de l'immeuble sis rue H______ 16 à l'échéance des contrats de bail respectifs, telle que prévue au jour du prononcé du présent arrêt ;

annule le ch. 5 du dispositif du jugement du TAPI ;

le réforme en ce sens que, d'une part, sont confirmées les deux décisions du département du territoire‑OAC du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d'une situation conforme au droit adressées à A______, B______ et C______, à D______, H______, A______ et I______, et que, d’autre part, la décision du département du territoire-OAC du 11 novembre 2022 ordonnant le rétablissement d'une situation conforme au droit adressée à E______ est annulée ;

annule le ch. 6 du dispositif du jugement du TAPI ;

le réforme en ce sens qu'est mis à la charge de A______, B______, C______, D______ et E______, prises solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

annule le ch. 7 du dispositif du jugement du TAPI ;

le réforme en ce sens qu'est ordonnée la restitution à A______, B______, C______, D______ et E______, solidairement, du solde de l'avance de frais de CHF 1'000.- ;

annule le ch. 8 du dispositif du jugement du TAPI ;

le réforme en ce sens qu'est allouée à A______, B______, C______, D______ et E______, prises solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire-OAC ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______, B______, C______, D______ et E______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______, B______, C______, D______ et E______, prises conjointement, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire‑OAC ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas FABJAN, avocat des recourantes, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :