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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3784/2022

ATA/119/2023 du 07.02.2023 ( PROC ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.03.2023, rendu le 16.11.2023, SANS OBJET, 1C_132/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3784/2022-PROC ATA/119/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat réclamant

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE (CPEG)

intimée sur réclamation

et

COUR DE JUSTICE – CHAMBRE ADMINISTRATIVE



EN FAIT

A. a. Par arrêt ATA/1017/2022 du 11 octobre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis partiellement le recours de Monsieur A______, ordonné à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : CPEG) de lui donner un accès au procès-verbal de la séance de son comité du 28 octobre 2019, caviardé dans le sens des considérants.

b. La chambre administrative a mis un émolument, réduit, de CHF 500.- à la charge de M. A______ et lui a alloué une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la CPEG. Aucune indemnité de procédure n’a été allouée à la CPEG qui s’était défendue en personne. L'arrêt faisait 19 pages et demi.

B. a. Par acte posté le 14 novembre 2022, M. A______ a formé une réclamation contre l'émolument, concluant à ce qu'il soit annulé, et contre l’indemnité de procédure, concluant à ce qu’elle soit fixée à CHF 5'500.-, toutes taxes comprises (ci-après : TTC), au vu du déroulement, dans les faits, de deux instances devant la chambre administrative. Il produirait un relevé d’opérations complet en fin de procédure de réclamation si sa partie adverse devait, par impossible, contester son indemnité.

L’émolument, même réduit, était injustifiable, puisqu’il avait obtenu gain de cause. Le simple fait que le document ait été caviardé ne pouvait justifier qu’on mette des frais à sa charge, ceci d’autant plus si la CPEG n’y était pas condamnée, alors qu’elle succombait quasi exclusivement après un détour par le Tribunal fédéral.

Au regard de l’activité rendue nécessaire, il se justifierait en principe qu’il ne subisse aucun préjudice, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée, dont il ressortait que l’État devait supporter le risque de toute erreur commise par l’autorité publique.

b. Dans ses déterminations du 19 décembre 2022, la CPEG a relevé que, si M. A______ avait recouru au Tribunal fédéral contre l’arrêt précité du 11 octobre 2022, c’était bien qu’il avait succombé, à tout le moins partiellement, dans le cadre de la procédure cantonale. Elle citait divers arrêts de la chambre administrative au terme desquels notamment, en cas d’admission partielle du recours, des émoluments, réduits, s’élevaient à CHF 500.- et CHF 1'000.-. La perception d’un émolument de CHF 500.- dans le cas d’espèce apparaissait appropriée. Elle s’en remettait à justice sur ce point. En tant qu’établissement public dont la position avait été contestée par le bais d’un recours, elle ne saurait se voir imposer les frais de procédure ou émoluments.

Quant à l’indemnité de procédure, M. A______ ne produisait aucun document, en particulier des factures ou notes d’honoraires et le tarif de l’avocat, susceptible de justifier le montant réclamé et de déterminer quelles dépenses indispensables avaient été occasionnées par la procédure, ainsi que la personne débitrice des montants dus. La question de savoir en quelle qualité il avait agi tout au long du litige était toujours ambiguë, jusqu’à son recours pendant devant le Tribunal fédéral dans lequel il faisait clairement valoir sa qualité de journaliste pour tenter d’obtenir l’accès complet au procès-verbal litigieux. Il avait indiqué son adresse professionnelle, auprès du quotidien Le Temps, tant dans la procédure fédérale que cantonale. Il y avait donc lieu de présumer qu’il avait agi en tant qu’employé dudit journal qui avait dû, jusqu’à preuve du contraire, accepter de supporter les frais de la cause. La proportionnalité de l’indemnité de procédure devait donc être examinée à l’aune de la capacité financière de son employeur.

En tout état, l’éventuelle indemnité de procédure devait tenir compte du fait que le recours n’avait été que partiellement admis. Elle devait également tenir compte du fait qu’elle-même avait, dès le départ, répondu exhaustivement aux interrogations de M. A______ quant aux décisions d’abaisser le taux technique et de changer la table de mortalité, de sorte que la procédure de demande d’accès au procès-verbal litigieux apparaissait vidée de son sens. Le montant de CHF 1'000.- alloué par la chambre administrative ne paraissait pas manifestement disproportionné et ne s’éloignait pas de sa pratique. M. A______ ne pouvait requérir de ne subir aucun préjudice d’ordre financier, compte tenu de l’admission seulement partielle de son recours et de l’absence d’erreur de l’État. La réclamation devait être rejetée sur ce point.

c. Dans sa réplique du 23 janvier 2023, M. A______ s’est étonné de ce que la CPEG, qui avait pourtant succombé, cherche à défendre l’émolument injustement mis à sa charge. Sa comparaison casuistique n’avait « aucun sens ».

La qualité en laquelle il aurait agi n’était pas pertinente. La CPEG n’avait en rien répondu à ses demandes, puisqu’il avait dû saisir le Tribunal fédéral pour qu’on envisage enfin d’appliquer la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08). Rien ne justifiait en l’espèce de s’en tenir à un montant de CHF 1'000.-, à supposer que le plafond réglementaire de CHF 10'000.- respecte les exigences de légalité. Les critères applicables avaient été rappelés dans l’arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017.

La cause présentait une importance particulière, ainsi qu’en témoignait le fait que le Tribunal fédéral avait publié son arrêt, dans un domaine technique, la prévoyance professionnelle. Le temps consacré à la cause, justifié par l’état de frais annexé, sur plusieurs années de procédure, était raisonnable et les opérations effectuées utiles. Il n’y avait pas eu d’audience, « mais le paramètre [était] maîtrisé par celui de l’activité déployée ». Une indemnité au minimum de CHF 5'500.-, qui intégrait tant la notion de participation que les critères posés par la jurisprudence, devait être allouée. Enfin, il avait obtenu très largement gain de cause.

d. Il découle du relevé d’activité produit qu’entre le 13 août 2020 et le 17 novembre 2022 près de 29 heures d’activité ont été décomptées, à des tarifs horaires allant de CHF 400.- à CHF 500.-, pour un total de CHF 12'429.20.

e. Les parties ont été informées le 24 janvier 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le réclamant se plaint de la mise à sa charge d’un émolument, même réduit, dans la mesure où il aurait obtenu gain de cause.

2.1    La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2a ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2).

Selon l’art. 87 al. 1 2ème phrase LPA, en règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours.

2.2    Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

2.3    Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.4    La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

3. En l'espèce, l'arrêt ATA/1017/2022 dont est réclamation fait 19 pages et demi, y compris les voies de droit et signatures. La chambre de céans a dû examiner plusieurs d’écritures, avant et après le retour de la cause du Tribunal fédéral. Au terme du premier arrêt ATA/424/2021 du 18 avril 2021, un émolument de CHF 1'000.- avait été mis à la charge du recourant. Cet émolument était déjà inférieur à la couverture des frais avant le retour du dossier du Tribunal fédéral. S’y est ajoutée l’activité subséquente de la chambre de céans, dont la rédaction de l’arrêt du 11 octobre 2022. Un émolument de CHF 1'000.- à CHF 1'500.- s'avérerait donc conforme au principe d'équivalence au vu du travail effectué.

Quoiqu’en dise le recourant, il n’a pas obtenu pleinement gain de cause au terme de l’arrêt querellé du 11 octobre 2022. Preuve en est, comme relevé à juste titre par l’intimée, qu’il l’attaque devant le Tribunal fédéral pour avoir accès à une version non caviardée du document en cause, alors que la chambre de céans a retenu que seul l’accès à la version caviardée pouvait lui être donné. Il n’a donc pas obtenu le plein de ses conclusions, de sorte que l’émolument doit être réduit proportionnellement et le montant de CHF 500.- confirmé.

Ce grief sera rejeté.

4. Le recourant conteste également le montant de l’indemnité de procédure allouée, de CHF 1'000.-, qu’il veut voir fixée à CHF 5'500.- TTC.

Comme déjà relevé, dans l’arrêt litigieux, la chambre de céans ne lui a donné que partiellement gain de cause. Son recours du 30 octobre 2020 comportait 10 pages et quelques lignes. Un grief y était soulevé et développé en lien avec la violation des art. 24 et 30 al. 3 LIPAD, ainsi que 28 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00). Un chargé de 12 pièces, y compris la décision attaquée, a été produit.

L’objet du litige n’est pas simple, ce que démontrent notamment la réponse au recours de l’intimée du 5 janvier 2021 sur 34 pages et le fait que la cause ait été désormais portée par deux fois devant le Tribunal fédéral. Néanmoins, la réplique du recourant tenait sur 2 pages, dont moins d’un tiers de page d’argumentation. Après le retour de la cause du Tribunal fédéral en mars 2022, la CPEG a fait des observations le 25 avril 2022 de 17 pages, avant que les parties ne se déterminent sur une saisine du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence et que le recourant s’exprime brièvement en dernier lieu le 10 août 2022.

Enfin, aucune audience ou autre acte d’instruction n’ont été nécessaires.

Au vu de ce qui précède, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- aurait pu se justifier, avant sa pondération en fonction du gain partiel au litige du recourant. Ce montant est conforme avec la pratique de la chambre de céans qui, dans des affaires récentes en matière de LIPAD, dans lesquelles les recourants ont obtenu entièrement gain de cause, a accordé des indemnités de procédure de CHF 1'500.- (ATA/1145/2022 du 15 novembre 2022) et de CHF 1’000.- (ATA/457/2022 du 3 mai 2022). Ainsi, l’indemnité accordée, de CHF 1’000.- se justifie et s’avère même supérieure à celles accordées dans ces procédures. La requête visant à ce que ce montant soit fixé à CHF 5'500.-, même si cela correspond à moins de la moitié des honoraires selon l’état de frais versé au dossier, ne peut être admise. En effet, comme le retient la jurisprudence précitée, l’indemnité de procédure ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat.

5. À l'appui de sa réclamation, le recourant invoque enfin la jurisprudence de la CourEDH rappelant le principe selon lequel le risque de toute erreur commise par l'autorité publique doit être supportée par l'État lui-même (ACEDH Zustovic
c. Croatie du 22 avril 2021 requête no 27903/15).

Cette argumentation tombe à faux, la vocation de l'indemnité de procédure n'étant pas de compenser ou d'indemniser les atteintes que le recourant aurait subies, selon lui, de l'autorité publique (ATA/216/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/306/2021 du 9 mars 2021 consid. 4).

6. Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé dans le cadre de la présente procédure de réclamation (art. 87 al. 1 LPA), ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 14 novembre 2022 par Monsieur A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 11 octobre 2022  ;

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure pour la présente réclamation ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du réclamant, ainsi qu'à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :