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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/498/2023

ATA/250/2024 du 27.02.2024 sur JTAPI/1104/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/498/2023-PE ATA/250/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs C______, D______, E______ et F______ recourants
représentés par Me Alain MISEREZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 octobre 2023 (JTAPI/1104/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______1988, et B______, né le ______1985, ainsi que leurs enfants, C______, D______, E______ et F______, nés respectivement les ______2012, ______ 2015, ______2019 et en 2022, sont ressortissants du Kosovo.

b. A______ et B______ indiquent s’être mariés au Kosovo, sans indication de la date. Ils n’ont pas produit de certificat de famille.

B. a. Le 10 juillet 2020, A______ et B______ ont saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative. Dans leurs formulaires M, il était indiqué qu’ils allaient être engagés par G______ (dissoute en avril 2022, puis radiée en novembre 2022) et H______ (dissoute en juillet 2021, puis radiée en octobre 2021). La date d’arrivée en Suisse de A______ n’y était pas mentionnée, celle de B______ étant le 8 février 2005.

b. Par la suite, les requérants ont notamment remis à l’OCPM des attestations de non poursuites pour dettes et de non perception d’aide sociale, des extraits de leurs casiers judiciaires vierges et un contrat de travail daté du 1er mai 2020 à teneur duquel B______ était engagé par H______, en qualité de peintre, pour une durée indéterminée.

c. Le 8 juillet 2021, les époux ont sollicité la délivrance d’un visa afin de se rendre au Kosovo, avec leurs enfants, pour y rendre visite aux parents de B______ « gravement malades ». Le 28 juillet suivant, l’OCPM leur a délivré un visa d’une durée de deux mois.

d. Les 19 octobre, 23 novembre et 10 décembre 2021, 17 janvier, 3 février et 28 mars 2022, l’OCPM a demandé aux requérants de fournir divers documents et renseignements, en particulier attestant de la date de leur arrivée en Suisse. Ces derniers n’ont donné suite à ces requêtes que partiellement, sans indiquer la date d’arrivée en Suisse de A______ et des quatre enfants.

e. Le 1er février 2022, B______ a remis à l'OCPM un nouveau formulaire M, selon lequel I______ (dissoute en janvier 2023, puis radiée en août 2023) l’avait engagé pour une durée indéterminée pour un salaire mensuel de CHF 4'850.-.

f. Par courrier du 13 mai 2022, l’OCPM a informé les requérants de son intention de refuser de préaviser favorablement leur dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour et de prononcer leur renvoi.

Ceux-ci ne remplissaient pas les critères d’un cas individuel d'extrême gravité. L’enfant E______ avait été scolarisée dans le canton de K______ de 2017 à 2020. D______ l’était à Genève depuis 2020. Les requérants n’avaient pas donné suite aux demandes de renseignements des 3 février, 28 mars et 5 mai 2020. A______ ne disposait pas de connaissances de la langue française du niveau minimal « A1 ». Ils n’avaient pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, pas plus qu’une très longue durée de séjour en Suisse ni le fait qu'une réintégration dans le pays d'origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

C______ et D______ étaient arrivés en Suisse en 2015, E______ en 2019 et F______ en 2022. Ils étaient âgés de respectivement 10 ans, 7 ans, 3 ans et 11 mois. Bien que les aînés soient scolarisés, ils n’étaient pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. De plus, ils étaient en bonne santé. Ainsi, leur réintégration dans leur pays d'origine ne devait pas leur poser des problèmes insurmontables.

g. Le 4 octobre 2022, les requérants ont exposé à l’OCPM que le séjour en Suisse de B______ était prouvé depuis février 2005 par l’extrait de son compte individuel AVS. Il avait déménagé à Genève en avril 2020. A______ et les enfants y étaient arrivés en juin 2020. Ceux-ci y avaient été immédiatement scolarisés. F______, D______ et E______ étaient nés en Suisse et y avaient toujours résidé. A______ avait été empêchée de suivre des cours de français en raison de sa grossesse et de son accouchement.

h. Il ressort de l’extrait de compte AVS produit que B______ a travaillé en Suisse douze mois en 2005 et en 2006, onze mois en 2007, quatre mois en 2008, trois mois en 2009, douze mois en 2010 et en 2011, cinq mois en 2012, douze mois de 2013 à 2019 et six mois en 2020.

i. Les requérants n’ont pas donné suite aux nouvelles demandes de renseignements de l’OCPM des 7 octobre et 1er décembre 2022, malgré leur sollicitation de délai.

j. Par décision du 13 janvier 2023, reprenant les termes de sa lettre d’intention du 13 mai 2022, l’OCPM a refusé l’octroi des autorisations de séjour sollicitées.

C. a. Par acte du 13 février 2023, les requérants, agissant en leur nom et celui de leurs enfants, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

B______ séjournait en Suisse depuis 2005, soit depuis quasiment 20 ans. Il ne faisait aucun doute que les membres de la famille remplissaient les critères de la régularisation de leur séjour en Suisse. Leurs difficultés à réunir les documents sollicités par l’OCPM ne justifiait pas sa décision négative et leur retour au Kosovo. Ils espéraient pouvoir réunir ces pièces dans le cadre de la procédure de recours.

L’extrait du compte AVS de B______ démontrait qu’il avait travaillé régulièrement depuis son installation en Suisse. Il était indépendant financièrement et n’avait jamais fait appel à l’aide sociale. Ils n’avaient commis aucune infraction en Suisse.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les requérants n’avaient toujours pas produit les documents requis, ne serait-ce que les attestations de scolarité des deux enfants aînés, ce qui devait pourtant être une simple formalité. En outre, au vu de l’adresse indiquée sur leur acte de recours (« P.a. J______ Avocats, Rue de J______ »), il avait de sérieux doutes quant à une adresse effective à Genève.

c. À l’appui de leur réplique du 28 avril 2023, les requérants ont produit les attestations de scolarité d’C______ et d’D______ pour l’année 2022-23.

Cette scolarisation à Genève démontrait leur résidence dans ce canton. Leur logeur actuel refusait d’annoncer leur nouveau domicile aux autorités cantonales, une situation qui devait être réglée prochainement. Ils vivaient en Suisse depuis tant d’années qu’un retour dans leur pays d’origine leur semblait impossible.

d. Par duplique du 23 mai 2023, l’OCPM a relevé que I______, qui employait B______, avait été dissoute en janvier 2023. N’ayant pas reçu de demande d’autorisation de travail temporaire en faveur de ce dernier, il s’interrogeait sur ses ressources financières actuelles.

e. Le TAPI a, par jugement du 11 octobre 2023, rejeté le recours.

L'OCPM n'avait violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer les autorisations de séjour sollicitées.

Certes, B______ avait travaillé – en toute illégalité – en Suisse depuis 2005, étant toutefois relevé qu’en 2007, 2008, 2009, 2012 et 2020, il ne l’avait fait que pendant quelques mois, ce qui démontrait qu’il ne s’agissait pas d’un séjour continu depuis 2005. La durée du séjour devait être relativisée, dès lors qu'il s'était déroulé sans autorisation et au bénéfice d'une simple tolérance depuis le dépôt de sa requête, en juillet 2020. Aucun élément n’avait été fourni de nature à déterminer la durée du séjour de A______, les requérants s’étant limités à alléguer qu’elle aurait « déménagé » de K______ à Genève en 2020.

Les requérants n’avaient pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'ils ne pourraient plus envisager un retour dans leur pays d'origine. Leur intégration sociale ne revêtait pas un caractère exceptionnel. Ils ne démontraient notamment pas avoir un niveau de français suffisant. Les liens d’amitié qu’ils auraient pu nouer ne dépassaient pas en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu de n'importe quel étranger au terme d'un séjour d'une durée comparable. Les époux ne démontraient pas une intégration et/ou une ascension professionnelles remarquables.

Même si B______ était parvenu à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille par ses activités dans la construction, il ne pouvait ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu'il pourrait à tout moment être amené à devoir mettre un terme à son activité en cas de refus de l'OCPM. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, de ne pas avoir de dettes et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Les requérants avaient vécu la majeure partie de leur existence dans leur pays d'origine, notamment leur enfance et leur adolescence. Les difficultés qu'ils pourraient rencontrer de retour au Kosovo, afin, notamment, de retrouver un emploi, ne sauraient constituer une situation de rigueur au sens de la jurisprudence. Ils avaient manifestement conservé des attaches dans leurs pays, notamment familiales, ce qui devrait faciliter leur réintégration, de même que l’expérience professionnelle acquise en Suisse par B______.

Le processus d’intégration en Suisse des enfants n’était pas à ce point profond et irréversible qu'un départ ne pourrait pas être envisagé. Ils étaient encore très jeunes et demeuraient ainsi essentiellement rattachés, par le biais de leurs parents, à leur pays d'origine. Les études commencées en Suisse pourraient être poursuivies dans des conditions satisfaisantes au Kosovo. Le départ de la famille pour ce pays ne constituerait donc pas un déracinement complet et ne représenterait pas des difficultés insurmontables.

Dès lors qu'il avait refusé de délivrer une autorisation de séjour aux requérants et à leurs enfants, l'OCPM devait ordonner leur renvoi de Suisse, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

D. a. A______ et B______ ont formé recours contre ce jugement, pour leur compte et celui de leurs quatre enfants, par acte expédié le 13 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont préalablement requis un délai pour compléter leur recours, afin de pouvoir produire des pièces restées en mains de leur précédent conseil, et leur audition. Ils ont conclu au fond, principalement, à l’annulation dudit jugement et à ce qu’une autorisation de séjour leur soit octroyée et subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Le recourant était au bénéfice d’un passeport de langue attestant d’un niveau A1 en français atteint en mars 2022 et il avait encore progressé depuis lors. La recourante était arrivée en Suisse en 2015 avec C______ et avait donné naissance à D______ à L______. La famille avait résidé pendant cinq ans en Valais avant de s’installer dans le canton de Genève en avril 2020. C______, D______ et E______ étaient scolarisés et intégrés à Genève. Le recourant était au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée, depuis le 5 septembre 2023, comme manœuvre, au sein de l’entreprise M______. La famille sous-louait un appartement à N______ depuis le 16 septembre 2023.

b. Dans leur complément de recours du 1er décembre 2023, les recourants ont ajouté qu’ils ne dépendaient pas de l’aide sociale ni ne faisaient l’objet de condamnations. La réception du jugement du TAPI avait été un véritable choc pour tous les membres de la famille et avait nécessité qu’C______ et D______, terrifiés par l’idée de devoir quitter la Suisse et le déracinement en découlant, consultent une pédiatre, la Dre O______, qui les avait dirigés vers un logopédiste et un pédopsychiatre. Les enfants s’étaient fait de nombreux amis à l’école, parlaient parfaitement le français, leur langue principale, et se considéraient comme suisses. La recourante envisageait de s’inscrire prochainement aux examens de langue française de niveau A1.

Le recourant et sa famille résidaient en Suisse depuis plus de 8 ans, ce qui correspondait à une très longue durée selon les éléments pris en compte par le SEM et au moment de l’« opération Papyrus ».

Ils revenaient sur les éléments fondant une intégration « totale » et un cas de rigueur, en particulier au regard de la situation de leurs trois enfants scolarisés.

Sous l’angle du principe de proportionnalité, renvoyer leur famille, honnête, qui ne souhaitait que rester dans un pays qu’elle considérait comme le sien, aurait pour seule conséquence de freiner C______ et D______ dans leur développement, leur créant ainsi de vives séquelles tant « logopédiques » que sociales.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

En l’absence de circonstances humanitaires et de famille spécifiques, et d’une intégration professionnelle et socio-culturelle revêtant un caractère exceptionnel, il ne pouvait que confirmer la décision querellée.

d. Dans leur réplique, les recourants ont relevé que l’OCPM ne faisait qu’émettre des jugements de valeur alors que les conditions d’intégration étaient remplies. Il n’avait pas pris en compte les circonstances médicales des enfants.

Ils sollicitaient donc, outre leur audition, celle des médecins et des spécialistes récemment consultés par les enfants.

e. Les parties ont été informées, le 19 janvier 2024, que la cause était gardée à juger.

f. Il sera revenu ci-après sur la teneur des pièces versées par les recourants devant la chambre de céans dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent leur audition, de même que celles des médecins et des spécialistes récemment consultés par les deux enfants aînés.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 L’étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_161/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.1).

2.3 En l'espèce, les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer par écrit devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, et de produire toutes pièces utiles. Ils n’indiquent pas quels éléments ils pourraient oralement ajouter à ce qui figure déjà dans le dossier.

Quant à l’audition des « médecins et spécialistes » récemment consultés par les deux enfants aînés des requérants, il ne figure au dossier pas même l’attestation évoquée dans leurs écritures à la suite d’une consultation chez la Dr O______, étant relevé qu’il est mentionné dans le bordereau de pièces du 1er décembre 2023 que cette pièce est à produire, mais qu’elle ne l’a à ce jour pas été.

Les auditions requises ne sont par ailleurs pas aptes à modifier l’issue du litige au vu des considérants qui suivent. La chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera pas donné suite aux diverses demandes d’audition.

3.             L’objet du litige est la décision de l’autorité intimée du 13 janvier 2023 refusant de transmettre le dossier des recourants au SEM avec un préavis favorable et prononçant leur renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019, sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.2.1 Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

3.2.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3e).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/90/2021 précité consid. 3e ; ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020 consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.2.3 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

4.             4.1 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2 ; 2C_498/2018 du 29 juin 2018 consid. 6.1 ; 2C_739/2016 du 31 janvier 2017 consid. 1.1 ; 2C_647/2016 du 2 décembre 2016 consid. 1.1 et 3.1 ; 2C_891/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3.2).

4.2 Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_459/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1 ; 2C_398/2019 du 1er mai 2019 consid. 3.1 ; 2C_1042/2018 du 26 novembre 2018 consid. 4.1).

5.             Les recourants soutiennent qu’ils remplissent les conditions du cas de rigueur.

5.1 Le recourant soutient qu’il faudrait tenir compte d’un séjour ininterrompu en Suisse de l’année 2005 à ce jour. Il ne saurait être suivi. Il n’amène aucun élément complémentaire à la situation telle qu’examinée par le TAPI qui en particulier s’est basé sur le relevé de ses cotisations AVS. Il en ressort que s’il a certes travaillé en Suisse durant toute l’année en 2005, 2006, 2010, 2011, et de 2013 à 2019, il a en revanche travaillé durant onze mois en 2007, ce qui peut encore s’expliquer par des vacances, mais surtout uniquement pendant quatre mois en 2008, trois mois en 2009, cinq mois en 2012 et six mois en 2020. Il ne figure ensuite aucun élément à la procédure attestant de la continuité de son séjour en Suisse, autre que le dépôt de ses demandes d’autorisation, des fiches de salaire pour les mois de mars à mai 2023 et des pièces en lien avec la scolarisation des deux aînés à K______ puis à Genève.

La durée du séjour du recourant, discontinue comme relevé, doit de plus être fortement relativisée, dès lors qu'il s'est déroulé sans autorisation et au bénéfice d'une simple tolérance depuis le dépôt de sa requête, le 10 juillet 2020. Bien que se sachant en toute illégalité en Suisse, il y a accueilli sa compagne et leurs enfants, à des dates d’arrivée qu’il n’a pas été possible d’établir, les seules pièces probantes sur ce point étant la scolarisation de la fille aînée à K______ dès l’année scolaire 2017-2019 puis à Genève dès l’année 2020, de même que son frère D______. Alors que la fille aînée se trouvait scolarisée à K______, les recourants soutiennent que la recourante aurait vécu en Valais, à savoir durant cinq ans avant une arrivée à Genève, là encore sans le démontrer d’une quelconque manière. Ce faisant, les recourants ont mis l’autorité devant le fait accompli.

Aucun élément n’a à ce jour été fourni de nature à déterminer la durée du séjour de la requérante en Suisse.

Il n'apparaît en outre pas que le recourant se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. Il ne s’est pas investi personnellement, que ce soit dans la vie associative ou dans la culture genevoise. Il ne peut dès lors être retenu qu'il fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

Ce constat vaut a fortiori pour la recourante, qui pour rappel n’a toujours fourni aucun élément de nature à déterminer la durée de son séjour en Suisse et qui ne remonterait, dans la situation qui lui est la plus favorable, qu’à l’année 2017 pour autant qu’elle soit arrivée à K______ avec sa fille aînée C______, ce qui n’est nullement démontré, la recourante ayant au contraire indiqué devant la chambre de céans avoir vécu en Valais durant cinq ans avant son arrivée à Genève. Elle ne prétend pas maîtriser le français et ses grossesses et naissances ne sauraient empêcher l’apprentissage de cette langue. Elle n’a jamais travaillé en Suisse ni ne s’est investie d’une quelconque manière dans la vie associative.

Sur le plan professionnel et financier, les recourants sont indépendants économiquement, n’ont jamais fait appel à l’aide sociale ni ne font l’objet de poursuites ou d’acte de défaut de biens. Il s’agit toutefois là d’un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en leur faveur. Par ailleurs, l’activité du recourant dans le domaine de la construction n’est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

La récente sous-location d’un appartement à N______ et les fiches de salaire pour les mois de mars à mai 2023 pour un salaire brut mensuel de CHF 6'000.- n’y changent rien, étant relevé qu’aucune fiche plus récente n’a été produite depuis lors.

S'agissant de leurs possibilités de réintégration dans leur pays d'origine, les recourants sont nés au Kosovo, dont ils parlent la langue. La recourante y a vécu son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte. Elle y a donné naissance à tout le moins à son premier enfant en 2012. Si le recourant a effectivement vécu loin de son pays d’origine à diverses périodes depuis l’année 2005, à savoir dès l’âge de 20 ans, il y est retourné, y a épousé la recourante et conçu à tout le moins leur première fille. Toute la famille est retournée durant deux mois en été 2021 au Kosovo pour des raisons familiales, ce qui laisse à penser qu’ils y ont gardé des contacts. En tout état, les années que le recourant a passées en Suisse ne l’ont pas rendu étranger à sa culture d’origine ni à sa langue maternelle. Les recourants sont tous deux jeunes et en bonne santé et, de retour dans leur pays d'origine, ils pourront faire valoir les connaissances linguistiques acquises en Suisse ainsi que, pour le recourant, son expérience professionnelle.

En ce qui concerne les enfants, C______ est âgée de 11 ans, D______ de 8 ans, E______ de 4 ans et F______ de 1 an et quelques mois. La scolarisation en Suisse des deux aînés, étant rappelé l’arrivée en Suisse d’C______ en 2017, à K______, où elle a été scolarisée, entraîne une intégration sociale depuis quelques années, en particulier pour C______. Cette dernière n’est toutefois pas encore entrée dans l’adolescence, ni a fortiori son frère et ses deux sœurs, soit une période importante pour leur développement personnel impliquant, pour ce motif, une intégration sociale accrue. Si leur retour au Kosovo nécessitera de leur part un grand effort d’adaptation, dont l’importance ne saurait être sous-estimée, ils seront accompagnés de leurs parents. Dans ces conditions, leur intégration au milieu socioculturel suisse n’est pas si profonde et irréversible qu’un retour dans leur patrie constituerait un déracinement complet.

S’agissant en particulier de la situation des deux aînés qui auraient été traumatisés en ayant pris connaissance du jugement du TAPI et auraient consulté une pédiatre qui les aurait orientés vers des logopédiste et psychiatre, sans vouloir minimiser la gravité de leur état de santé, il sera relevé que la nécessité d’un traitement complexe en Suisse n’est pas avérée. Il n’est pas allégué que, de retour au Kosovo, les recourants ne pourraient pas assurer à leurs enfants des séances auprès de tels spécialistes. Il n’est pas allégué que le Kosovo ne disposerait pas de pédopsychiatres, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux et logopédistes à même de venir en aide à ces deux enfants. Enfin, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas pour justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans leur pays d'origine pourra engendrer pour eux certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

5.2 Dans la mesure où aucun des recourants ne peut se prévaloir d'un quelconque séjour légal en Suisse et dont l'intégration n'apparaît – au surplus – pas exceptionnelle, les années de présence en Suisse du recourant devant être fortement relativisées et la recourante n’y vivant au mieux que depuis l’année 2017, ils ne peuvent se prévaloir de l'art. 8 CEDH.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

6.             Reste à examiner la question du renvoi.

6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6).

6.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

6.3 L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/801/2018 7 août 2018 consid. 10c ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATA/1004/2021 précité ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (arrêt du TAF 2014/26 consid. 7.6, 7.9 et 7.10).

6.4 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

6.5 L'exécution du renvoi est raisonnablement exigible si l'accès à des soins essentiels, au sens défini ci-dessus, est assuré dans le pays d'origine ou de provenance. Il pourra s'agir, cas échéant, de soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui – tout en correspondant aux standards du pays d'origine – sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse ; en particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d et les références citées).

6.6 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé les concernant, au-delà de la question spécifique de la situation médicale des deux enfants aînés.

À cet égard, comme déjà relevé, il n’est pas même allégué que n’existeraient pas au Kosovo des soins médicaux appropriés pour que cela constitue un obstacle au renvoi. Il s’agit en l’état a priori d’une séance, passée, chez une généraliste et de futures séances chez des pédopsychiatre et logopédiste. Rien n’indique que ces deux enfants ne pourront pas se faire soigner de manière adéquate au Kosovo, ni que leur état de santé se dégraderait alors très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de leur vie ou à une atteinte sérieuse et durable de leur intégrité physique.

Les recourants ne remplissent donc pas les conditions d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 LEI, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier que l’exécution de leur renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs C______, D______, E______ et F______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain MISEREZ, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Valérie LAUBER, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.