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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24551/2019

ACPR/704/2025 du 29.08.2025 sur OCL/85/2025 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.10.2025, 7B_1035/2025
Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;ABUS DE CONFIANCE;ESCROQUERIE;USURE(DROIT PÉNAL);GESTION DÉLOYALE;GESTION DE FORTUNE;FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.319.al1; CP.138.al2.ch1; CP.146.al1; CP.157.al1; CP.158.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24551/2019 ACPR/704/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 29 août 2025

 

Entre

A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ et Y______, tous représentés par Me Z______, avocat,

C______, représentée par Me AA______, avocat,

recourants,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 16 janvier 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 27 janvier 2025, A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ et Y______ (ci-après, ensemble : l'hoirie) recourent contre l'ordonnance du 16 janvier 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure ouverte à l'encontre de AB______ pour abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (art. 146 CP), usure (art. 157 CP) et gestion déloyale (art. 158 ch. 1 CP), ensuite de la plainte déposée par feu AC______ (ou ci-après : le plaignant), et lui a alloué une indemnité de CHF 8'652.50 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 CPP).

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi en jugement de AB______, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour suite d'instruction. Ils requièrent, en tout état, l'octroi d'une indemnité de CHF 5'662.50 pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours.

b. Par acte séparé expédié le même jour, C______ forme, pour son compte, un recours contre l'ordonnance précitée, concluant également, principalement, à son annulation et au renvoi en jugement de AB______, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour suite d'instruction. Elle requiert, en tout état, l'octroi d'une indemnité de CHF 5'000.- pour ses frais d'avocat dans la présente procédure.

c. Les recourants ont versé les sûretés, d'un montant total de CHF 2'500.-, qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. AC______, ressortissant saoudien né en 1936, est décédé le ______ juillet 2021 au Liban, où il était domicilié. Il a été malade durant plusieurs années, souffrant notamment d'insuffisance rénale et d'hypertension, sans que cela n'impacte sa capacité de discernement [cf. not. pièce no 24 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019]. Il a laissé pour héritiers 23 descendants et deux épouses.

______ de la famille royale d'Arabie Saoudite, AC______ a fondé la ______ entreprise saoudienne de ravitaillement en ______, également active dans les domaines ______, paragouvernementaux et privés. Il participait directement à la gestion de sa société, déléguant parfois certaines tâches, étant précisé qu'il employait quelques ______ personnes.

De son vivant, AC______ a placé des avoirs auprès de différents établissements bancaires en Suisse.

b. Au début des années 2000, AC______ était un client de la banque AD______. Vers 2009, il avait souhaité entamer des poursuites contre elle pour gestion déloyale, ayant essuyé des pertes.

c.a. À la même période, AC______ était également un client de la banque AE______. En 2005, il y a rencontré AB______, gestionnaire dans cet établissement, laquelle parlait le même dialecte que lui et dont il connaissait la famille.

La gestion de son portefeuille a alors été reprise par la prénommée. Il n'y avait toutefois pas de mandat de gestion. AC______ avait souhaité un profil conservateur : seule une part de 10% à 20% du portefeuille avait été investie de manière dynamique et le capital était garanti.

Étant illettré ‒ ne sachant ni lire, ni écrire ‒ et ne parlant que l'arabe, AC______ transmettait ses instructions de placement par oral à AB______, laquelle se chargeait d'exécuter ses ordres et de lui proposer des investissements. Ils avaient des contacts téléphoniques quotidiens. Le client recevait par ailleurs de la correspondance et la gestionnaire lui rendait visite.

En 2009, AB______ a quitté AE______.

c.b. En décembre 2010, AC______ s'est plaint des prestations de AE______. AF______, gestionnaire ayant succédé à AB______ au sein de cette banque, avait rencontré un problème avec lui, lié à des opérations passées sans qu'il n'en ait été informé et qui avaient engendré des pertes dans son portefeuille.

Suite à ce litige, AB______ s'était rendue au Liban pour expliquer la situation à AC______, dès lors que, selon AF______, la précitée était la seule à pouvoir régler ce problème et que le client était "très difficile à gérer" [pièces no3 et 4 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019].

Dans le cadre de la procédure civile intentée consécutivement par AC______ à l'encontre de AE______ (cause C/1______/2012), un employé [AG______] a notamment déclaré que le précité avait une connaissance limitée des marchés, de sorte que lorsque AB______ lui parlait, elle n'utilisait pas de termes techniques [pièce n4 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019].

AC______ a, quant à lui, déclaré avoir des connaissances dans le domaine financier. Il avait notamment effectué des opérations de change et de matières premières, et avait investi USD 5 millions dans une banque en Égypte, ce qui lui avait rapporté USD 1 million. Lorsqu'il effectuait des investissements, il demandait toujours à ce que son capital soit garanti. Quatre personnes étaient à sa disposition pour gérer sa fortune d’environ un demi-milliard de dollars et s’occuper de ses biens immobiliers ainsi que de ses avoirs bancaires, bien qu'elles n’eussent pas le pouvoir de signer à sa place. Il gérait lui-même sa fortune lorsqu’il était à Genève. Il disposait d’employés formés pour lire les contrats, de même que la documentation bancaire, et les lui expliquer avant qu’il ne les signât. Il pouvait également bénéficier de l'aide de ses 24 enfants [pièce no3 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019].

c.c. Le jugement rendu le 22 août 2016 dans le cadre de cette cause civile (C/1______/2012) retient notamment que si AC______ ne savait ni lire, ni écrire, il ne pouvait valablement arguer n'avoir pas compris ce qu'il signait. Il était en effet actif dans la vie professionnelle depuis de nombreuses années, sa société disposait de plusieurs centaines d'employés et plusieurs personnes étaient à son service afin de lire et de lui expliquer les contrats qu'il devait signer, ainsi que gérer sa fortune mobilière et immobilière. Il lui appartenait, le cas échéant, de demander une traduction ou de se faire expliquer le contenu par un de ses collaborateurs avant de signer le document qui lui avait été soumis, voire de s'abstenir de le signer [pièce no 5 du bordereau de la prévenue du 13 août 2020, consid. B, p. 23].

d. En avril 2009, AC______ a ouvert un compte au sein de AH______, reprise ensuite par AI______, pour suivre AB______ qui avait changé d'employeur.

e.a. En 2016, AB______ a quitté la banque AI______ pour fonder sa propre société de gestion de fortune, AJ______ SA, sise à Genève.

De juillet 2016 à mars 2019, les avoirs de AC______ auprès de AI______ ont été gérés par AJ______ SA, conformément aux documents signés (infra, let. B.e.b.a. et B.e.b.b.).

e.b.a. Les 1er et 7 juillet 2016, à [la clinique de] AK______ – où il était hospitalisé ‒, AC______ a signé avec la banque AI______ un Third-Party Management Autorisation [pièces no 14 et 15 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019], par lequel il autorisait AJ______ SA, désignée dans ce document bancaire comme "Attorney", à gérer, à l’entière décharge de la banque, ses avoirs déposés auprès de cette dernière, sous la relation 2______, et à percevoir une rémunération de la banque de ce fait (art. 6).

e.b.b. Le 12 juillet 2016, à AK______, AC______ a également signé un mandat de gestion discrétionnaire (Discretionary Management Agreement) en faveur de AJ______ SA, ainsi que trois annexes, à savoir l'annexe 1 "Investment Strategy" et l'annexe 2 "Client's profile", signées le 7 juillet 2016, ainsi que l'annexe 3 "Remunerations", signée le 12 juillet 2016 [pièce no 12 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019].

En vertu de ce mandat, AJ______ SA était autorisée à gérer les avoirs du client (art. 1), à ses propres risques et pour ses propres bénéfices, en accord avec la stratégie d'investissement établie (annexe 1), déterminée en fonction du profil du client (annexe 2). AC______ était considéré, dans ce cadre, comme un investisseur qualifié ("qualified investor", art. 4). AJ______ SA conservait la documentation bancaire relative aux avoirs du client (art. 6). Le document prévoyait, en faveur de AJ______ SA, des honoraires de gestion trimestriels ("management fee") à hauteur de 0.25% de la valeur totale des avoirs et de 10% par an des gains dépassant l’objectif de 5%, en prenant en compte les dépôts et retraits et indépendamment des gains et pertes non réalisés (art. 7.1), ainsi que des rémunérations calculées sur le volume total des avoirs et pouvant notamment représenter jusqu'à 60% de la rémunération perçue par la banque, les paramètres de cette rémunération étant résumés à l'annexe 3 (art. 7.5).

D'après l'annexe 1, le client souhaitait une stratégie d'investissement sur le long terme, avec la restriction (écrite en anglais et en arabe) de ne pas investir directement dans des "private equity" ou des fonds.

Selon l'annexe 2, le client avait un profil "sophistiqué", une bonne connaissance des différents produits financiers, se renseignant quotidiennement au sujet des marchés, des objectifs d'investissements sur le long terme, avec une haute tolérance aux risques.

En vertu de l'annexe 3, les rétrocessions étaient comprises entre 0.001 et 2% des actifs sous gestion, calculées sur une base annuelle, le taux de rétrocessions ne pouvant dépasser, pour chaque opération, les 60 points de base.

e.c. Selon AB______, AC______ lui communiquait principalement ses instructions par téléphone [pièces no 3 et 4 du chargé de la prévenue du 13 août 2020] et ne signait que les documents pour lesquels sa signature était obligatoire. Cela étant, elle disposait de certaines confirmations de transactions et ordres de transfert signés par le client [pièces no 19 à 26 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021].

e.d. D'après AB______, elle avait effectué différents voyages, en particulier au Liban et en Égypte, pour rencontrer AC______, ce notamment à neuf reprises au moins en 2017, sept fois en 2018 et deux fois en 2019, avant la résiliation du contrat entre le client et AJ______ SA (infra, let. B.f.a.). En 2016, elle n'avait effectué que cinq voyages, dès lors qu'elle avait rencontré le client à [la clinique de] AK______, où il avait été hospitalisé une bonne partie de l'année [pièces no 3 à 5 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021].

Lors de ces déplacements, elle avait discuté avec le client des relevés de son portefeuille [notamment ceux des 7 juillet 2016, 31 décembre 2016, 5 mars 2017, 26 juin 2017, 10 octobre 2017, 28 février 2018 et 31 juillet 2018; pièces no 6 à 12 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021], ainsi que des avis de débits de son compte auprès de AI______ concernant les management fees versés à AJ______ SA [pièces no13, 16, 17 et 18 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021], étant relevé que les factures correspondantes étaient directement adressées par cette société à la banque [pièce no 7 du bordereau de la prévenue du 13 août 2020 et pièces no 14 et 15 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021], qui procédait au versement en vertu du Third-Party Management Authorisation du 7 juillet 2016.

Selon les conventions de banque restante signées entre AC______ et AI______ les 18 juillet 2013 et 16 février 2019, la documentation bancaire était par ailleurs envoyée une fois par an à l'adresse du client [pièces no 1 et 2 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021].

f.a. À compter du mois de mars 2019, AC______ a confié la gestion d'une partie de ses avoirs auprès de la banque AI______ à la société AL______ SA.

f.b. En septembre 2019, AM______ et AN______, dirigeants de AL______ SA, ont établi un rapport portant sur l'analyse de la relation (2______) de AC______ ‒ composée de six portefeuilles ‒ auprès de AI______, durant la période de juillet 2016 à mars 2019, lequel a notamment mis en lumière les éléments suivants :

- les actifs nets de cette relation s'élevaient à USD 55'368'775.- au 12 juillet 2016 et à USD 42'943'017.- au 31 mars 2019, ce qui représentait une performance sur la période de – 25.17%;

- le client avait signé un large mandat de gestion en faveur de AJ______ SA pour la totalité des portefeuilles, permettant l'utilisation de nombreux outils (MM/ FI/ Actions/ Produits structurés/ Fonds/ Hedge funds/ Dérivés/ FX/ Métaux précieux/ Immobilier), étant relevé qu'il ne voulait pas de private equity;

- d'après les données publiées sur le site www.performance-watcher.ch, les portefeuilles avec un profil identique au client avaient affiché pour la même période un gain entre +12.5% et +19.30%.

Plusieurs facteurs expliquaient les mauvaises performances du client, à savoir :

- le plaignant avait été mis au bénéfice de nombreux crédits lombards, lesquels avaient généré des liquidités qui n’avaient toutefois pas été investies;

- une utilisation intensive des opérations de Forex avait été effectuée, 1300 transactions ayant été opérées, pour un coût de CHF 9'200'000.- pour AC______, dont CHF 4'300'000.- de rétrocessions en faveur de AJ______ SA;

-  470 produits dérivés et structurés avaient été émis, lesquels n'avaient pas eu d'intérêts pour la performance des portefeuilles, mais avaient permis à AJ______ SA de percevoir des honoraires à hauteur de CHF 821'000.-;

-  AJ______ SA avait perçu, nonobstant une performance négative, des commissions de performance de CHF 215'155.- en 2016, CHF 385'150.- en 2017 et CHF 99'962.- en 2018.

En conclusion, il ne se justifiait pas de facturer sur la fortune brute alors que le levier n’était pas utilisé, de prélever une commission de performance sur les plus-values encaissées et non sur la performance globale de la relation, ni de pratiquer un churning "outrancier" sur les opérations Forex et les produits structurés. Sur la période observée, alors que le client avait confié son argent à AJ______ SA pour le faire fructifier, il avait essuyé une perte de plus de 25%, tandis que cette gestion lui avait coûté environ CHF 14.3 millions (soit CHF 8.8 millions pour AJ______ SA et CHF 5.5 millions pour AI______).

g. Le 6 septembre 2019, AI______ a adressé à AB______ un courrier confirmant, après une analyse interne, son souhait de continuer à collaborer avec AJ______ SA et le paiement des rétrocessions dues au 2 septembre 2019, lequel avait été bloqué suite aux critiques de AC______ [pièce no11 du chargé de pièces de la prévenue du 13 août 2020].

h. Le 20 novembre 2019, AC______ a déposé plainte pénale à l'encontre de AB______, en se constituant partie plaignante au pénal et au civil, en raison des faits suivants :

En 2016, AB______ lui avait rendu régulièrement visite au Liban et avait organisé son transfert dans une clinique en Suisse, dès lors qu'il était malade. Elle s'occupait de tout et il lui faisait confiance. Elle ne l'avait toutefois pas informé du fait qu'elle avait fondé AJ______ SA peu avant. Il avait signé tous les documents qu'elle lui avait présentés, sans en demander la teneur, dont un mandat de gestion discrétionnaire en juillet 2016, des ordres de transfert, ainsi qu'un Third-Party Management Autorisation, conférant à AJ______ SA un pouvoir de signature sur son compte bancaire.

En 2013, la valeur totale de ses quatre portefeuilles était de USD 52'153'623.-, en 2014 de USD 44'557'307.- et, en 2015, de USD 31'601'626.-. À la fin de 2016, alors qu'il était titulaire de deux portefeuilles supplémentaires, ses avoirs sous gestion dans les comptes de AI______ représentaient une valeur totale de USD 47'183'153.-, puis USD 54'861'120.- en 2017, USD 40'765'920.- en 2018 et USD 43'452'624.- en 2019.

Au début de 2019, sa confiance en AB______ s'érodant, il avait demandé à sa fille, C______, de passer en revue les documents relatifs aux comptes gérés par la première. Cette dernière, qui était la seule parmi sa progéniture à savoir lire et écrire en anglais, l'avait jusque-là toujours aidé à lire, traduire et examiner l'état de ses comptes, hormis ceux gérés par AB______, en raison de la confiance qu'il accordait à celle-ci. Sa fille ayant constaté des anomalies importantes ainsi qu'une diminution préoccupante et inexpliquée de ses avoirs, il avait interrompu tout contact avec AB______ et résilié immédiatement son mandat de gestion avec AJ______ SA en mars 2019.

Après des échanges avec le conseil de AJ______ SA, il avait découvert que des rétrocessions en CHF 6'975'369.88 [soit CHF 1'048'176.74 en 2016; CHF 2'802'080.95 en 2017; CHF 2'360'056.20 en 2018; CHF 765'055.99 en 2019, selon la pièce no31 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019] avaient été versées par AI______ à AJ______ SA entre le 1er juillet 2016 et le 19 mars 2019. Le détail du calcul des rétrocessions payées par AI______ était '"incompréhensible", de même que les factures des commissions ("Management fee" et "Performance fee") prélevées par AJ______ SA sur son compte pour la période concernée, en vertu du pouvoir de gestion conféré à cette société jusqu'au 19 mars 2019 [pièce no41 du bordereau du plaignant du 20 novembre 2019].

Il avait donc demandé à son nouveau mandataire, AL______ SA, d'analyser la gestion de AJ______ SA entre juillet 2016 et mars 2019 et les défaillances relevées dans son rapport de septembre 2019 étaient apparues (supra, let. B.f.b.). En conclusion, entre juillet 2016 et mars 2019, tandis que sa fortune sous gestion d'environ USD 55'000'000.- avait subi une perte de plus de 25%, cette gestion lui avait coûté CHF 14'248'000.-, dont CHF 8'840'571.- perçus par AJ______ SA.

Ces actes, commis par AB______ et sa société, sur la base des documents qu'elle lui avait fait signer, tout en profitant de sa confiance, de son illettrisme et de son état de santé, relevaient a priori des infractions d'usure, escroquerie, gestion déloyale et abus de confiance.

i. Entendue en qualité de prévenue par la police le 13 août 2020, AB______ a contesté les faits reprochés.

En 2004, elle était intervenue dans un litige entre AC______ et AE______, concernant une baisse de 10% ‒ représentant USD 300'000.- ‒ de son portefeuille en lien avec un investissement de USD 3'000'000.- dans un "mandat equity", donc relativement agressif. Ayant alors compris que le client avait une forte aversion pour le risque, elle avait opté pour des investissements à capital garanti, avec peu d'actions, sans hedge funds, ni private equity, soit un profil conservateur, jusqu'à son départ pour AH______, et n'avait jamais rencontré de problème avec lui.

AC______ était l'un des clients les plus intelligents et les plus avisés sur le plan financier qu'elle avait connus. Il était parfaitement au courant du fonctionnement des différents produits bancaires et elle lui avait toujours expliqué les risques. Il l'appelait pour acheter de l'or, de l'argent et des devises, étant toujours au courant de l'état des marchés. Toutefois, de tels placements étaient très spéculatifs et en conflit avec le profil qu'il avait établi. Partant, il n'était pas très satisfait d'elle et qualifiait sa gestion de "gestion de tortue". Très souvent il la comparait avec son gestionnaire auprès de la banque AD______ et la menaçait de retirer son portefeuille pour le transférer auprès de cet établissement.

En 2008 ou 2009, alors qu'elle travaillait pour AH______, elle avait été contactée par AC______ et son épouse qui voulaient la rencontrer au Maroc. Elle était tombée de haut en voyant les pertes colossales qu'il essuyait chez AD______. Il lui avait demandé de lui trouver un avocat, car il entendait initier une procédure contre le gestionnaire de cette banque pour gestion déloyale. En analysant le portefeuille, elle avait réalisé que les investissements étaient très agressifs – comportant des private equity, hedge funds, métaux précieux et nombreuses devises – et présentaient un effet de levier maximum qui dépassait la valeur totale de ses avoirs en portefeuille [cf. not. pièce no 6 du chargé de la prévenue du 13 août 2020]. Elle avait alors compris pourquoi il qualifiait sa gestion de "gestion de tortue" et qu'en réalité il était très orienté vers des produits risqués et spéculatifs. Lorsqu'il s'était adressé à l'avocat qu'elle lui avait conseillé, AC______ avait affirmé n'être au courant de rien et qu'il ne savait pas ce qu'était un effet de levier ou un private equity, alors qu'il lui avait demandé, à l'époque où elle gérait ses avoirs chez AE______, d'investir dans un private equity, connaissant ainsi très bien le produit.

En 2009, elle avait repris AC______ comme client chez AH______, celui-ci souhaitant entamer des poursuites contre AD______. Elle avait alors modifié, avec son consentement, son profil d'investisseur pour quelque chose d'agressif et spéculatif, afin de correspondre à sa véritable typologie d'investisseur, telle qu'elle découlait des investissements qu'il avait opérés non seulement chez AD______ [cf. not. les explications ressortant de la pièce no 10 du bordereau de la prévenue du 13 août 2020], mais également dans d'autres banques à l'étranger, en Égypte notamment, étant précisé qu'elle avait récupéré également ces portefeuilles. Elle avait alors suivi la stratégie d'investissement que le client désirait ‒ étant relevé qu'en tant que gérante de fortune, elle avait l'obligation de la respecter ‒ tout en tentant de limiter la perte.

La procédure civile que AC______ avait initié contre AE______ avait abouti à une transaction d'un montant de l'ordre de CHF 400'000.-, alors qu'il réclamait plusieurs millions de dollars à la banque. À la suite de cet épisode, AE______ n'avait plus voulu de lui comme client, de sorte qu'il avait transféré tous ses avoirs auprès de AH______.

En mars ou avril 2016, AC______ l'avait appelée en urgence car il était hospitalisé au Liban sur le point d'être amputé d'une jambe. En 24 heures, elle était parvenue à le faire hospitaliser à la clinique de AK______ et il avait pu conserver son membre inférieur. Il était alors resté en Suisse jusqu'en décembre 2016. Elle était seule pour l'aider dans ses démarches de la vie quotidienne. Fin juin ou début juillet 2016, elle l'avait informé de la création de AJ______ SA et lui avait expliqué durant plusieurs heures chacune des clauses du mandat de gestion du 7 juillet 2016 dans sa chambre à AK______. Il avait emporté un exemplaire du contrat, en avait discuté avec ses conseillers et ne le lui avait restitué, signé, que le lendemain ou le surlendemain. Il avait ainsi accordé le droit à AJ______ SA de gérer les avoirs qu'il détenait auprès de la banque AI______ et lui avait demandé de préparer des locaux qui lui permettraient un accès en chaise roulante. Il disait également qu'ainsi elle disposerait de plus de temps à lui consacrer. AJ______ SA était presque devenue son family office. Il avait adressé des envois par AO______ [services postaux privés] à l'adresse de AJ______ SA et elle lui avait elle-même adressé des fax depuis cette société, de sorte qu'il n'ignorait pas que ses avoirs étaient désormais gérés par cette dernière.

AC______ était conscient du fait qu'il investissait de manière agressive, l'appelant jusqu'à trois fois par jour pour lui demander de procéder à des achats. Souvent, elle essayait de le raisonner lorsqu'il voulait procéder à des achats hautement spéculatifs. Les nombreuses transactions Forex et celles sur les produits dérivés avaient toutes été effectuées à sa demande [à lui]. Lorsqu'il avait voulu acheter une importante quantité d'or, elle lui avait rappelé qu'il en détenait déjà passablement. Il lui avait alors répondu que c'était son argent et qu'elle devait exécuter son ordre. Il l'appelait à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit pour lui donner des ordres et la situation s'était aggravée lorsqu'elle était devenue indépendante. Il s'agissait d'une relation très usante.

Sa rétribution se décomposait comme suit: 1% de management fees et des performance fees annuels de 10% sur le portefeuille, si celui-ci avait réalisé plus de 5% de gains en fin d'année. Cette seconde partie de la rétribution n'était payée qu'à la condition que la performance globale du portefeuille en fin d'année fût positive et uniquement au-delà de 5%, ceci alors que la pratique à Genève était de 20% au-delà de 0. Il était inexact de dire que AJ______ SA avait perçu d'importantes primes alors que la performance annuelle était globalement négative. La performance fee était calculée sur la performance globale du portefeuille et non pas sur les plus-values encaissées. AC______ était parfaitement au courant des rétrocessions que AJ______ SA percevait de la banque AI______ et en était content, car il disait que cela lui payait ses services [à elle].

Elle n'avait pas contracté de crédit lombard pour le compte du plaignant. Celui-ci en bénéficiait dans de nombreuses banques et elle en avait "hérité". Il ne voulait pas les réduire et était content de les avoir, dès lors qu'en raison des intérêts très bas, il se procurait des liquidités à bas coût et voulait jouer sur les taux pour réaliser des marges. Elle n'avait perçu aucune rétrocession sur l'activité de crédit, ni n'en avait augmenté la valeur.

La perte essuyée par AC______, de l'ordre de 25.17% entre le 12 juillet 2016 (fortune de USD 55'368'775.-) et le 31 mars 2019 (fortune de USD 42'943'017.-), s'expliquait par ses décisions [à lui] de gestion et par la structure, notamment les effets de levier utilisés, des portefeuilles dont elle avait "hérité". Cela étant, il s'agissait en réalité de baisses sur le portefeuille et non de pertes à proprement parler, qui n'étaient réalisées qu'au moment de la vente des positions. L'année 2019 avait été excellente, mais la société qui avait repris la gestion, sans connaissance de son historique, avait visiblement "réalisé" toutes les positions. Le plaignant recevait les relevés de portefeuille et était au courant au centime près de la gestion de celui-ci, de sorte qu'il était parfaitement informé des baisses survenues.

Les griefs que AC______ formulait à son encontre étaient un copier-coller de ceux qu'il avait invoqués dans la plainte déposée en Égypte. Il utilisait l'argument de l'illettrisme dans tous ses procès. À sa connaissance, il ne savait pas lire l'anglais, mais savait lire l'arabe de façon limitée, ce qui ne l'avait pas empêché de mener à bien ses affaires, étant très entouré.

S'agissant de l'analyse de AL______ SA, il y avait un conflit d'intérêts évident.

j. Selon le rapport de renseignements établi par la Brigade financière le 14 août 2020, faute de détails quant à ce qu'englobaient les rétrocessions en cause, il n'était pas possible de savoir si elles étaient justifiées. Un forfait (flat fee) de 0.8% à 1.5% par année était généralement appliqué par les principaux acteurs du secteur à leurs clients. Quant aux rétrocessions touchées par les banques, celles-ci étaient censées les rétrocéder aux clients qui en faisaient la demande conformément au cadre légal et à la jurisprudence en vigueur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1074/2019 et 6B_1083/2019).

k.a. Entendue par le Ministère public le 30 mars 2021, AB______ a exposé que AJ______ SA profitait des prestations des banques avec lesquelles elle travaillait, notamment AI______, qui lui envoyaient quotidiennement leurs analyses du marché et propositions de produits.

AC______ disposait de conseillers financiers qui surveillaient ses avoirs et investissements, dont son "homme à tout faire" basé en Arabie Saoudite, AP______, lequel avait été informé du mandat de gestion conclu avec AJ______ SA. Le client n'avait pas tout de suite signé ce mandat, mais l'avait négocié, en lui proposant en particulier qu'elle conservât les rétrocessions en contrepartie d'un honoraire de gestion ramené à 1% (au lieu des 2% usuels) et d'un honoraire de performance fixé à 10% au-delà de 5% de performance (au lieu de 20% au-delà de 0% de performance), ce qu'elle avait accepté.

Elle n'avait pas gardé de traces écrites de l'ensemble des instructions de AC______, qui étaient toutes orales, car il y en avait eu énormément. Elle n'avait jamais effectué de transaction à son insu. La gestion des avoirs de ce dernier par AJ______ SA était une continuation de ce que faisait la banque auparavant, soit une gestion spéculative et agressive. Il s'agissait d'une gestion propre aux clients qui aimaient acheter et vendre, sans stratégie. Le profil du client était également le même. La restriction quant aux private equities découlait du fait que le client avait perdu ses investissements dans ce type de titres à l'époque où il était client de AD______. Toutefois, des private equities et des hedge funds avaient dû être maintenus dans le portefeuille du client auprès de AI______, car les premiers avaient une échéance de 10 ans, soit jusqu'en 2018, et les seconds ne pouvaient pas être vendus. Les pertes essuyées par AC______ dont il lui était fait grief dans la plainte incluaient les pertes en lien avec ces titres. Ce dernier avait en tête de récupérer une partie des pertes qu'il avait eues chez AD______.

Elle recevait à la fin de chaque trimestre un décompte des transactions qu'elle montrait au client lors de ses visites au Moyen-Orient, avec les relevés de compte et de portefeuilles, dont ceux relatifs aux rétrocessions, ainsi que les avis de débit et de crédit. Lors de leurs négociations, il lui avait demandé si c'était la banque qui la payait. Lorsqu'elle lui avait répondu par l'affirmative, il lui avait dit qu'elle pouvait garder l'argent, puis ne s'était jamais plaint des transactions figurant dans ces documents. La quote-part revenant à AJ______ SA au titre de rétrocession n'était pas prélevée sur le compte du client, mais provenait de commissions versées par le tiers auprès duquel le placement avait été fait, un fond de placement par exemple.

AC______ avait toujours obtenu des effets de levier grâce à l'octroi de crédits lombards et, depuis 2009, il avait souhaité conserver un effet de levier maximum. En 2017, elle n'avait pas renouvelé les crédits lombards et avait expliqué au client que ce non-renouvellement allait se traduire par une diminution du nombre de transactions. Il n'y avait pas consenti et lui avait demandé de les renouveler. Les liquidités ainsi obtenues avaient été placées. Les montants en cash sur les comptes du client s'expliquaient par le fait que cet argent devait servir de gage pour des expositions sur des titres, par exemple des options, ou être investi dans un dépôt fiduciaire ainsi que des achats de titres, de même qu'éviter les appels de marge.

k.b. Devant le Ministère public, le conseil de AC______ a confirmé que la performance négative à la fin du mandat de AJ______ SA incluait les pertes réalisées par le client sur les private equities et des hedge funds. Cela étant, la plainte ne visait pas la qualité de la gestion, mais la disproportion entre les frais et les avoirs sous gestion.

l. Par courrier du 4 mai 2021, la banque AI______ a notamment indiqué ne pas avoir eu de signalement concernant une pratique de churning de la part de la prévenue en 2016 et 2017, les alertes automatiques générées pour le dernier trimestre 2018 ayant été clôturées.

m. Entendus devant le Ministère public, AM______ et AN______, auteurs du rapport de AL______ SA, ont exposé avoir pour habitude d’analyser le portefeuille soumis par un nouveau client. La relation de AC______ comprenait désormais deux portefeuilles : un sous mandat de gestion discrétionnaire avec un profil équilibré, la seule contrainte imposée à cet égard étant le non-investissement dans des private equities, et l'autre sous un mandat de conseil. Le client n’intervenait pas sur le mandat discrétionnaire mais uniquement sur la partie conseil, en lien avec des achats et ventes d’argent et d’or. Seul un collaborateur parlant arabe, AQ______, communiquait directement avec le client. Selon AN______, le client avait peu de connaissances en matière financière, lesquelles se limitaient au cours de l’argent et de l’or qu’il achetait ou vendait de temps en temps.

AJ______ SA et AC______ avaient conclu un mandat de gestion discrétionnaire dont les limites étaient extrêmement larges, la seule contrainte étant de ne pas investir dans du private equity, sans autre instruction spécifique.

AN______ ne savait pas si AC______ avait autorisé AJ______ SA à mettre en place un crédit lombard de façon discrétionnaire, étant précisé que ce qui avait été fait avant la période sous revue n’avait pas pu être analysé. C'était toutefois normalement le client qui demandait à son banquier de mettre en place une structure de crédit et non l'inverse. Ils avaient constaté que le compte présentait quasi en permanence un fort effet de levier. Pour AM______, il était surprenant que le cash résultant des crédits lombards n’eût pas été investi, étant précisé que celui-ci avait parfois été investi en money market (produit financier s’apparentant à un dépôt fiduciaire), ce qui n’était pas dans l’intérêt du client mais plus probablement dans celui de la banque et du gestionnaire, étant relevé que la banque avait confirmé payer des rétrocessions à AJ______ SA sur les produits structurés utilisés dans le portefeuille.

AN______ a encore indiqué qu'au démarrage de la relation avec AL______ SA, ils avaient dû conserver les crédits lombards alors même qu'ils ne servaient à rien, car il n'était pas possible de les rembourser prématurément sans frais supplémentaires. Une fois que ces crédits étaient arrivés à échéance, ils ne les avaient pas renouvelés.

Au sujet de l’évaluation du "portefeuille n° 2" au 31 décembre 2015 indiquant une position en cash de USD 4 millions et des investissements à court terme de USD 12 millions, AN______ a déclaré qu’il leur était impossible de pouvoir comprendre, même en tant que professionnels, la stratégie appliquée sur le compte, à cause de la classe d’actifs forward et options notamment.

Un client peu sophistiqué aurait pu comprendre que ses actifs sous gestion s'élevaient à USD 100 millions. Du reste, selon leurs discussions avec AC______, c'est ce que ce dernier avait compris, alors que ses actifs nets en compte étaient de l'ordre de USD 40-45 millions contre des prêts de USD 50-55 millions.

Du fait de la répartition des actifs du plaignant dans six portefeuilles distincts, l’analyse en était encore plus complexe. De plus, comme les performance fees n'étaient calculés que sur les actifs qui avaient été vendus et pas sur la valeur du portefeuille individuel (non consolidé), le client pouvait payer des frais de performance alors qu’il avait moins d’argent à la fin qu’au début, ce qui n’était pas justifié. De tels frais étaient usuellement calculés sur une performance globale de la relation.

Les frais de gestion fixés à 1% de la fortune brute, incluant le cash de la ligne de crédit, était selon AM______ une pratique courante, étant précisé que le crédit lombard était normalement toujours utilisé pour favoriser la performance du portefeuille. Ce qui n’était pas usuel, c’était de facturer sur une fortune brute non investie et générant des coûts, alors que celle-ci s'élevait en moyenne, comme dans le cas d’espèce, au double de la fortune nette à cause du crédit lombard.

D'après AN______, les recommandations de l'Association [professionnelle de gestionnaires de fortune] AR______ étaient de facturer au client un maximum de 1% de frais de gestion et de 10% de frais de performance, de sorte qu'il ne devait pas y avoir d'autres sources de revenus pour le gestionnaire. Il était possible pour un gérant indépendant de toucher des rétrocessions de la part d'une banque ou de prestataires, mais cela devait être annoncé au client et rester dans des limites raisonnables. AJ______ SA percevait 45% de rétrocessions sur les 1% du coût des produits structurés émis par la banque AI______ et sur les Forex. Les frais perçus n'étaient pas versés par un émetteur tiers, mais payés indirectement par le client.

Sur la question du churning, AN______ a déclaré qu'"il faudrait connaître les paramètres de détection mis en place par la banque" AI______ pour comprendre sur quel type d'opération et à quelle fréquence des alertes pouvaient être données. D’après son appréciation, 1'300 opérations sur un compte en l'espace d'environ trois ans, représentaient "énormément de transactions". À ce sujet, AM______ a précisé que le churning était une variable très subjective puisque l'intérêt ultime d'une gestion était de faire de la performance pour le client. Ils avaient constaté dans leur analyse qu'il n'y avait absolument pas eu de performance en ligne avec le marché et qu'en plus, il y avait eu énormément d'opérations. Ce n’était donc pas une stratégie gagnante pour le client, mais rentable pour AJ______ SA et la banque AI______. La rémunération perçue par AJ______ SA avait été abusive. À la connaissance de AN______, le client n'avait pas d'autres conseillers financiers.

n. AC______ n'a pas pu être entendu dans le cadre de la présente procédure avant son décès le ______ juillet 2021, son état de santé ne l'ayant pas permis.

o. Réentendue par le Ministère public le 10 mars 2022, AB______ a déclaré qu'au moment de signer les contrats en 2016, AC______ avait toujours été lucide.

 

Les crédits souscrits avaient été utilisés pour des investissements. Les liquidités découlant des crédits lombards remises en garantie auprès des établissements bancaires rapportaient quelque chose au client en ce sens que, grâce à ces garanties, il n'était pas obligé de vendre les actifs qu'elle qualifiait de toxiques. Le solde des liquidités obtenu grâce aux crédits lombards avait été utilisé par le client pour faire ses opérations de trade.

Elle contestait le rapport de AL______ SA et en particulier la conclusion selon laquelle les fonds obtenus par le biais de crédits lombards auraient été laissés en compte et qu'aucun effet de levier n'aurait été recherché. Ce document était truffé d'erreurs et les calculs n'étaient pas justes. De plus, il avait été établi par ceux qui avaient repris les portefeuilles du client de sorte qu'il n'était pas objectif. AC______ était informé de l'existence de ces crédits et de leur utilisation. Il était sophistiqué et avait lui-même signé des documents par lesquels il indiquait vouloir augmenter l'effet de levier de 120%. Elle réfutait l'accusation selon laquelle elle aurait prolongé des crédits lombards dans le seul but de percevoir des rétributions. Elle ne touchait rien en lien avec l'obtention et/ou la prolongation de tels crédits, les banques ne rémunérant pas les gestionnaires sur ceux-ci. Cela étant, lorsqu'elle souscrivait pour un client un crédit lombard ou le prolongeait, elle percevait une rémunération calculée sur la masse sous gestion qui était augmentée à concurrence des fonds obtenus grâce à ce crédit. Il s'agissait du management fee de 1% sur les avoirs bruts. Ce n'était pas la banque qui payait cette rémunération, mais le client, et celle-ci était due quelle que soit la performance du portefeuille. Cette manière de procéder était habituelle.

AC______ aimait traiter des options sur métaux précieux, en particulier à découvert, ce qui lui imposait de conserver en espèces sur ses comptes au moins la moitié de la valeur totale du sous-jacent, en l’occurrence souvent de l’or. Les liquidités provenaient du crédit lombard. Les ordres étaient passés par téléphone entre elle et le plaignant. À l’appui de ses allégations, la prévenue s’est référée à un relevé de la banque AI______ du 11 juillet 2016 [pièce no19 du bordereau de la prévenue du 15 mars 2021] signé par le plaignant, sur lequel figurent six lignes de ventes d’options sur or et argent (XAU/XAG) équivalentes à une valeur d’exposition (ou valeur faciale) de USD 14'400'000.- ("Amount 2"). Sur une autre ligne figure une vente à terme (forward) de USD contre CHF portant sur un équivalent de USD 100'000.-. Ces transactions avaient rapporté USD 504'000.- au client. AC______ avait signé ce relevé car il avait exigé qu'elle lui remît un rapport relatif aux transactions sur or et argent. C’était un des rares documents qu’il avait signés. Elle devait régulièrement le freiner dans ses investissements. Ce jour-là (11 juillet 2016), il lui avait dit de faire ce qu’il lui demandait et que c’était son argent. En lui demandant ce document, il avait voulu s’assurer qu’elle avait bien exécuté toutes les transactions qu’il lui avait demandées.

S'agissant du coût des opérations sur Forex fixé à CHF 9.2 millions, dont CHF 4.3 millions de rétrocessions en faveur de AJ______ SA, elle a indiqué que ces chiffres étaient faux et induisaient en erreur. C'était la banque qui décidait du montant de la rétrocession, laquelle était soumise aux directives de la FINMA.

AJ______ SA avait effectivement perçu les rétrocessions indiquées par AI______. Elle en avait fait part au client et lui avait remis les décomptes de la banque des deux premiers trimestres de 2016. Par la suite, elle les lui avait remis sur demande. Elle avait rencontré le client en moyenne une fois par mois et lui avait remis, à ces occasions, les relevés de portefeuille et de comptes, en sus de la communication des relevés de portefeuille par banque restante. Elle lui avait remis les relevés bancaires sur lesquels figuraient les débits pour les honoraires de AJ______ SA. Parfois, lors de ces rencontres, des banquiers étaient présents. Elle n'avait pas gardé d'écrits au sujet de ces entrevues.

La plupart du temps, AC______ refusait de signer des documents, en raison des problèmes qu'il avait eus avec toutes les banques. À chaque fois qu'il voulait contester quelque chose, il disait qu'il n'avait pas signé et qu'il était illettré.

Elle avait facturé au client des commissions de performance, étant relevé qu'elle contestait que celle-ci fût négative. Par exemple, elle avait hérité d'un compte de la banque égyptienne et l'avait fait augmenter de 36 à 120 millions de livres égyptiennes.

p. C______, qui a déclaré vouloir participer à la procédure pénale en tant que partie plaignante au pénal et au civil, a réfuté que des banquiers eussent été présents lorsque AB______ se rendait auprès de son père, ce que cette dernière faisait fréquemment pour entretenir leur relation de confiance. Son père était effectivement un homme d'affaires, mais pas aussi sophistiqué que AB______ le décrivait. Il était analphabète et avait des connaissances basiques.

q.   Entendu en tant que témoin par le Ministère public le 28 mars 2022, AQ______ a indiqué avoir rencontré AC______ en octobre 2019 et lui avoir fourni des recommandations dans le cadre du mandat de conseil que le client avait conclu en mars 2019 avec AL______ SA, en parallèle d'un mandat de gestion discrétionnaire. Deux portefeuilles supplémentaires, avec une rubrique discrétionnaire (.07) et une rubrique de conseil (.08) avaient été créés. Ses collègues AN______ et AM______ étaient chargés du mandat de gestion discrétionnaire, dans lequel le client avait choisi un profil équilibré et ne voulait pas de risque. Il échangeait avec le client en arabe. Depuis janvier 2020, leurs échanges étaient devenus plus fréquents, soit deux à trois fois par semaine. Ceux-ci se rapportaient de manière quasi exclusive aux transactions sur métaux précieux. AC______ comprenait ce qu'il lui disait à ce sujet et lui donnait des instructions quant à des transactions sur de l'or ou de l'argent. Lorsqu'il lui avait, à une reprise, parlé de transactions à terme sur devises, il n'avait pas eu l'impression que le client comprenait ce qu'il lui disait. Ce dernier ne lui avait jamais parlé de conseillers qu'il aurait eus à disposition. Lorsqu'il attirait l'attention du client sur les risques que présentait une transaction sur de l'argent, ce dernier lui répondait "je fais de l'argent", que c'était parfait et qu'il fallait procéder ainsi. Il n'avait pas recherché quel avait été le profil de gestion du client auprès des précédents gestionnaires et n'en avait pas parlé avec lui. Il ne savait pas quelles étaient les connaissances de AC______ en matière de marchés financiers. Il n'avait jamais parlé de produits structurés avec lui. Il qualifierait ce client de peu sophistiqué, étant relevé que ce dernier ne lui avait pas parlé de la gestion de sa société, de ses opérations de change ni de matières premières pas plus que de ses investissements dans une banque égyptienne. À la question de savoir si AC______ signait les instructions qu'il donnait, le témoin a répondu que le client recevait régulièrement les relevés de compte.

 

r.    Par arrêt du 28 septembre 2023 (ACPR/749/2023), la Chambre pénale de recours (CPR) a annulé l'ordonnance de classement rendue par le Ministère public le 11 avril 2023 et ordonné la répétition en contradictoire des auditions de C______ et AQ______.

s.a. Entendu à nouveau par le Ministère public le 14 décembre 2023, AQ______ a en substance confirmé ses déclarations du 28 mars 2022. En fait, AC______ avait deux portefeuilles, l'un sans risque, géré par ses deux collègues, et un autre sur lequel il intervenait lui-même pour faire des opérations sur les métaux précieux, ce qui comportait des risques. À cet égard, le client, ou son aide, pouvait l'appeler jusqu'à deux ou trois fois par jour pour lui donner des instructions d'investissement. AN______, chargé du dossier classique, tenait un registre Excel succinct des différentes transactions ordonnées par le client. Pour le surplus, il y avait les avis bancaires. Il n'avait pas entendu parler de AP______.

s.b.a. Entendue comme partie plaignante par le Ministère public le 24 septembre 2024, C______ a confirmé ses précédentes déclarations et précisé qu'elle avait dû assister à environ cinq ou six réunions entre son père et la prévenue entre 2009 et 2016, ainsi qu'à quelques conversations téléphoniques. Dès 2016, AB______ avait pris l'habitude d'exclure systématiquement les enfants de ses discussions avec AC______ car ce dernier pensait que ceux-ci attendaient son décès pour prendre possession de sa fortune. Elle avait ainsi demandé à tout le monde de sortir de la salle lors de la signature du contrat litigieux de 2016, alors que son père était hospitalisé. En fait, c'est ce qu'elle en avait déduit, sur la base des explications de son père, n'ayant elle-même pas été présente à ce moment-là. AB______ et son père se rencontraient souvent et se parlaient quotidiennement. Un ami lui avait recommandé la société AL______ SA, après que son père lui eût demandé de trouver des auditeurs externes pour revoir les pertes subies sur son compte auprès de AI______. Elle leur avait ainsi envoyé quelques relevés et les collaborateurs de AL______ SA lui avaient indiqué avoir constaté des pertes importantes et suspectes. Elle connaissait AP______, mais ignorait s'il était un conseiller de son père. Il travaillait toutefois pour lui et était gestionnaire. Avant 2019, elle n'avait pas entendu son père remettre en cause ce que AB______ lui disait, étant relevé que celle-ci venait toujours avec des exemplaires des relevés de comptes trimestriels. Elle-même n'était toutefois pas parvenue à retrouver tous les rapports, étant relevé qu'elle ignorait si son père les avait tous conservés et s'il avait ainsi reçu plus que ce qu'il avait conservé. En 2017, elle avait attiré l'attention de son père sur des irrégularités sur l'un des relevés, mais ce dernier s'était alors énervé et lui avait dit que cela n'était pas son problème, avant de lui demander de vérifier les comptes en 2019. Son père était en mesure de comprendre, sur la base d'un relevé bancaire, s'il y avait eu des pertes mais non d'en comprendre les motifs. Avant 2019, son père lui avait parlé du compte auprès de AI______ et en était content, rejetant immédiatement l'idée selon laquelle il y avait quelque chose de bizarre sur celui-ci. Son père ne tolérait pas de pertes sur ses comptes. Il ne lui avait jamais fait part du fait que le personnel hospitalier l'aurait aidé à photocopier ou scanner des documents.

 

s.b.b. AB______ a contesté avoir déjà demandé aux enfants de AC______ de quitter une pièce. C______ n'avait pas assisté à ses rencontres avec son père. AC______ avait lui-même envoyé les contrats de gestion signés en 2016 à AP______. Le virement de EUR 80'000.- effectué le 20 juillet 2016 en faveur de ce dernier au débit du compte AI______ devait probablement concerner ses honoraires. Le personnel de l'hôpital avait aidé AC______ à envoyer des documents à AP______.

t. Après avoir annoncé le prochain classement de la procédure le 11 novembre 2024, le Ministère public a, par ordonnance de refus d'administration de preuves du 16 janvier 2025, rejeté les réquisitions de preuves formulées par l'hoirie le 25 novembre 2024, considérant que le dénommé AS______ ne revêtait pas les qualités requises pour officier comme expert, qu'une expertise du rapport de AL______ SA était dénuée de pertinence, que la mise en œuvre d'une expertise judiciaire apparaissait impropre à établir la commission d'une infraction pénale et qu'il ne se justifiait pas de procéder à des perquisitions ou un séquestre, vu l'absence de soupçons suffisants d'une quelconque infraction.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a considéré que les éléments du dossier étaient incompatibles avec la description que AC______ faisait de lui-même, à savoir celle d'un homme ingénu et illettré, dépourvu de connaissances dans le domaine bancaire, qui aurait été abusé dans la gestion de son patrimoine. Ils démontraient au contraire qu'il était un homme d'affaires avisé, qui participait activement à, et suivait de près, la gestion de ses avoirs, au point de faire gérer une partie de sa fortune sans mandat, sur la base des instructions qu'il communiquait oralement. Bien qu'il affirmait demander systématiquement aux banques à ce que son capital fût garanti, la description qu'il avait donnée de la gestion de son patrimoine était davantage évocatrice d'une gestion agressive. Dans ces circonstances, l'infraction d'usure (art. 157 CP) n'était manifestement pas réalisée, faute d'une quelconque situation de faiblesse, de même que celle d'escroquerie (art. 146 CP), à défaut d'astuce.

S'agissant d'un éventuel abus de confiance (art. 138 CP) ou gestion déloyale (art. 158 CP), le conseil de AC______ avait, lors de l'audience du 30 mars 2021, précisé que la plainte ne visait pas la qualité de la gestion, mais la disproportion entre les frais et les avoirs sous gestion. Or, le plaignant avait été régulièrement en contact avec AB______ ‒ qu'il connaissait de longue date ‒, l'avait choisie pour gérer sa fortune et l'avait suivie lorsqu'elle avait changé de cadre professionnel, y compris lorsqu'elle avait, en dernier lieu, décidé de créer AJ______ SA, et ce nonobstant le fait qu'entre 2013 et 2015 les avoirs qu'il détenait auprès de la banque AI______ avaient fluctué à la baisse. Il ne s'était pas davantage ému de la fluctuation de ces mêmes avoirs entre 2016 et 2019. Ce faisant, le plaignant avait, par actes concluants à tout le moins, validé la gestion de sa fortune menée pour son compte par AB______, y compris la rémunération perçue par cette dernière pour ses diligences, rémunération qu'il avait d'ailleurs approuvée au préalable en signant le Discretionary Management Agreement. Dès lors, le plaignant et ses héritiers ne pouvaient être suivis lorsqu'ils soutenaient que AC______ avait subitement découvert les rétributions perçues par AB______, puisqu'il avait régulièrement été tenu informé de l'existence et de la quotité de celles-ci. Au surplus, s'agissant des "rétrocessions", la documentation produite par la banque AI______ n'avait pas mis en lumière d'actes de churning. Quant aux "performance fees", ils étaient prévus par le mandat de gestion discrétionnaire signé. Des éléments au dossier tendaient à confirmer que le plaignant ordonnait des "opérations sur produits dérivés" et qu'il en était ainsi familier. En définitive, on ne voyait pas quel devoir de gestion aurait été violé par AB______.

L'analyse faite par AL______ SA ne conduisait pas à une autre appréciation. Elle faisait fi du fait que le plaignant avait consenti à la gestion qu'elle critiquait et se heurtait aux explications convaincantes de la prévenue, de même qu'à d'autres éléments du dossier. L'analyse était au demeurant incomplète, dès lors qu'elle n'avait pas porté sur les actes de gestion de la prévenue alors que AC______ était encore client de la banque AI______. Or, AB______ avait expliqué, sans être contredite, que la gestion de la fortune du client par AJ______ SA s'était inscrite dans le prolongement de celle dont il avait bénéficié lorsqu'elle travaillait pour le compte de la banque précitée.

Enfin, il convenait d'observer que, par le passé, AC______ avait déjà actionné en justice des établissements bancaires, en prétendant que les pertes essuyées, suite à des investissements avec un effet de levier très important ou spéculatif, avaient été causées par des actes de gestion faits à son insu.

D. a. Dans son recours, l'hoirie relève que les déclarations de la prévenue étaient contredites par la plupart des éléments du dossier, en particulier les témoignages de AN______, AM______, C______ et AQ______. Contrairement à ce qu'elle soutenait, feu AC______ ne savait ni lire, ni écrire en arabe, et ne parlait, ni ne lisait en anglais. Il avait peu de connaissances dans le domaine de la finance, celles-ci étant limitées au cours de l'argent et de l'or, n'avait pas un profil sophistiqué, ne donnait des instructions que sur son portefeuille destiné à des investissements d'or et d'argent et n'avait pas eu de conseillers financiers. La prévenue avait fait signer au plaignant les documents contractuels liés à la gestion de son portefeuille, dont un large mandat de gestion discrétionnaire, alors qu'il se trouvait dans un état de vulnérabilité. Elle n'avait pas été en mesure de produire les instructions de son client en lien avec les nombreuses opérations financières effectuées. La gestion des portefeuilles par AJ______ SA n'avait pas été conforme aux intérêts de feu AC______, mais avait servi les siens et ceux de la banque. Le plaignant n'avait pas validé la rémunération de la prévenue, laquelle avait été abusive. La gestion réalisée avait entraîné, entre décembre 2016 et mars 2019, une rémunération de plus de CHF 14'248'000.- pour la prévenue, sa société et la banque (soit CHF 8'840'571.- pour AB______ et CHF 5'407'429.- pour AI______), alors qu'elle avait abouti à une perte de plus de 25% des avoirs sous gestion de feu AC______ qui s'élevaient à CHF 55'368'775.- [ndlr : au 12 juillet 2016, supra let. B.f.b].

Si le Ministère public estimait que les déclarations de C______, AN______, AM______ et AQ______, ainsi que le rapport de AL______ SA, ne permettaient pas de retenir l'existence de soupçons suffisants d'escroquerie, abus de confiance et gestion déloyale, il aurait dû ordonner des mesures d'instruction complémentaires, notamment une expertise judiciaire.

b. Dans son recours, C______ développe, en substance, la même argumentation, invoquant des soupçons suffisants d'abus de confiance, escroquerie, usure ou gestion déloyale. Elle soutient également qu'une expertise aurait dû être ordonnée au sujet de la méthode de gestion de la prévenue, de même que la perquisition des locaux de AJ______ SA et du domicile de AB______.

c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Vu la connexité des deux recours, interjetés contre la même décision, ils seront joints et traités en un seul arrêt.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des parties plaignantes qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP, 121 al. 1 CPP et 110 al. 1 CP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), étant relevé que leur qualité pour recourir a déjà été précédemment reconnue (ACPR/696/2022 du 7 octobre 2022 consid. 3.4.3; ACPR/749/2023 du 28 septembre 2023 consid. 1.2.2).

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             Les recourants reprochent au Ministère public d'avoir classé la procédure diligentée contre AB______.

4.1.  Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

4.2. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1; 6B_20/2017 du 6 septembre 2017 consid. 5.2).

4.3. Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).

4.4.1. L'art. 157 ch. 1 CP poursuit, du chef d'usure, quiconque exploite la gêne, la dépendance, l’inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d’une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

L'infraction s'inscrit dans le contexte d'un contrat onéreux et consiste à obtenir ou se faire promettre, en exploitant la faiblesse de l'autre partie, une contreprestation disproportionnée (ATF 130 IV 106 consid. 7.2).

Il y a inexpérience au sens de cette disposition lorsque la personne lésée ne connaît pas, de manière générale, le domaine d'activité concerné. Une inexpérience relative au contrat en cause, lorsque le lésé ne connaît pas les circonstances pertinentes du cas concret, ne suffit donc pas (ATF 130 IV 106 consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 17 ad art. 157). Il n'est par ailleurs pas possible pour une personne de se retrancher derrière son inexpérience lorsque le caractère risqué et spéculatif d'une opération lui a été clairement expliqué (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 21 ad art. 157).

Dans le cas de transactions commerciales difficiles, il faut moins se baser sur une expérience "moyenne" que sur un manque d'information de la personne lésée, typique du type de transaction (arrêt du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4). L'inexpérience ne doit alors être niée que si le lésé a été informé des particularités des opérations en cause au point de pouvoir comprendre dans les grandes lignes les risques spécifiques qui y sont liés et le modèle commercial appliqué (arrêts du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4 et 6P_26/2006 du 18 octobre 2006 consid. 5).

4.4.2. Pour qu'il y ait usure, il faut par ailleurs que l'avantage pécuniaire obtenu soit en disproportion évidente, sur le plan économique, avec la prestation fournie ou promise en échange. Le rapport entre la prestation et la contreprestation se calcule normalement d'après le prix ou la rémunération usuels dans le commerce pour des crédits, des choses ou des services de ce genre, si tant est qu'ils existent (ATF 82 IV 145 consid. 2). La loi et la jurisprudence ne fournissent pas de limite précise pour déterminer à partir de quand le déséquilibre entre les prestations est usuraire. Les critères à prendre en considération, parmi lesquels celui des risques encourus, rendent difficile une évaluation en chiffres. La disproportion doit toutefois excéder sensiblement les limites de ce qui apparaît usuel et normal au regard de l'ensemble des circonstances et s'imposer comme telle à toute personne avertie. Dans la doctrine, une limite de l'ordre de 20% est évoquée pour les domaines réglementés; pour les autres domaines, il y a usure, dans tous les cas, dès 35% (ATF 92 IV 132 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_27/2009 du 29 septembre 2009 consid. 1.2; B. CORBOZ, op.cit. n. 37-38 ad 157).

4.5.1. La gestion déloyale, selon l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, réprime le comportement de quiconque, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu’ils soient lésés.

Seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance et d'un pouvoir de disposition suffisamment autonome sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise, par exemple. Ce pouvoir peut se manifester tant extérieurement par la passation d'actes juridiques que par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels, (ATF 129 IV 124 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3b; 120 IV 190 consid. 2b). Le gérant de fortune constitue un exemple type de gérant au sens de l'art. 158 CP (ATF 120 IV 190 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.1). 

Le comportement délictueux consiste à violer les devoirs inhérents à la qualité de gérant. Le gérant sera ainsi punissable s'il transgresse – par action ou par omission – les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne. Savoir s'il y a violation de telles obligations implique de déterminer, au préalable et pour chaque situation particulière, le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_878/2021 du 24 octobre 2022 consid. 3.2.2). Ces devoirs s'examinent au regard des dispositions légales et contractuelles applicables, des éventuels statuts, règlements internes, décisions de l'assemblée générale, buts de la société et usages spécifiques de la branche (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.3.1, 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2).

L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice. Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine, c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif ou d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 142 IV 346 consid. 3.2; 129 IV 124 consid. 3.1).

4.5.2. Sont applicables à la gestion de fortune les règles du mandat, en particulier les obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO; ATF 124 III 155; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 précité consid. 3.2.1).

Il en résulte que les conseillers ou intermédiaires en investissement qui sont spécialisés dans le négoce en bourse de produits dérivés sont soumis, à côté d'un devoir d'information, à un devoir de conseil et de mise en garde. Dans ce cadre, ils doivent notamment informer le client sur toutes les pertes importantes survenues, sur les risques de conflits d'intérêts ou sur des changements de politique dans les placements, de même que si l'importance de la rémunération est telle qu'elle influe sur le résultat de la gestion. Le fait, pour un gérant de fortune, de taire les prestations qu'il perçoit de la banque dépositaire, est donc considéré comme étant constitutif de gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP, parce que le client, faute de l'information nécessaire, n'est pas en mesure de réclamer au gérant la restitution à laquelle il peut prétendre et subit, de ce fait, un dommage par la non-augmentation de son actif. Le Tribunal fédéral a par ailleurs jugé qu'une convention attribuant toutes rétrocessions éventuelles au gérant n'était valable qu'en cas d'information suffisante du mandant, notamment au sujet des paramètres des engagements de rétrocession concédés par des tiers, ainsi que l'ordre de grandeur de ces futures ristournes, l'adéquation de l'information étant fonction du degré de connaissance du mandant, l'indication d'un pourcentage de la fortune gérée étant en tout état suffisante (ATF 144 IV 294 consid. 3; 138 III 755 consid. 6.3; 137 III 393 consid. 2).

Le devoir de fidélité oblige par ailleurs le mandataire à s'abstenir de toute démarche qui pourrait nuire aux intérêts de son mandant. Le gérant ne peut donc pas entreprendre des placements inutiles dans le seul but de débiter à ce dernier des commissions pour les transactions effectuées, notamment effectuer des mouvements dans le portefeuille du client qui ne se justifient nullement au vu des intérêts de celui-ci, mais qui ont pour unique but de fonder des commissions, ce que la pratique qualifie de churning ou barattage. Un tel procédé, qui porte gravement atteinte aux intérêts du client, tombe sous le coup de l'art. 158 CP (ATF 142 IV 346 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 précité consid. 3.2.1).

4.6. En l'espèce, il est établi et non contesté que le plaignant et la prévenue se sont rencontrés en 2005 et que la seconde a été chargée de la gestion des avoirs du premier durant près de dix ans auprès de différents établissements bancaires, soit d'abord auprès de AE______, puis de AH______, devenue ensuite AI______, étant relevé que le plaignant a lui-même souhaité suivre la prévenue lorsqu'elle a changé d'employeur et qu'il ne s'est, avant 2019, jamais plaint de ses services.

Il est également constant qu'en juillet 2016, le plaignant a signé un Third-Party Management Autorisation, ainsi qu'un mandat de gestion discrétionnaire en faveur de AJ______ SA, soit la société fondée par la prévenue un peu plus tôt la même année.

Les recourants ne sauraient être suivis lorsqu'ils prétendent que le plaignant ignorait tout de ses rapports avec AJ______ SA. Il a signé les documents précités, alors qu'il ressort du dossier qu'il ne le faisait pas facilement. Quand bien même il se trouvait alors à l'hôpital, aucun élément ne permet de retenir qu'il ne disposait pas de sa capacité de discernement. Tel que cela ressort de ses propres déclarations devant le Tribunal civil le 31 octobre 2014, le plaignant était un homme d'affaire avisé, qui gérait une entreprise conséquente. En outre, il a lui-même expliqué à cette occasion que, du fait qu'il ne savait ni lire ni écrire, il disposait d'employés formés pour lire les contrats qui lui étaient soumis et les lui expliquer, sans compter l'aide de l'une de ses filles, à tout le moins. AB______ a déclaré que le dénommé AP______ avait été l'un des conseillers du plaignant et C______ a confirmé le connaître. Le plaignant a du reste été précédemment en mesure de formuler des plaintes à l'égard d'établissements bancaires dont il avait été le client, en particulier AE______ et AD______, ce qui est de nature à démontrer sa capacité à superviser la gestion de son patrimoine, en dépit du faible niveau d'éducation allégué.

AB______ a par ailleurs indiqué de manière crédible avoir eu des contacts fréquents avec le plaignant durant la période visée, que ce soit par des entretiens téléphoniques ou physiques (supra, let. B.e.c et B.e.d). C______ a d'ailleurs attesté de la fréquence des contacts entre la prévenue et son père, ainsi que le fait que la précitée venait le voir avec la documentation bancaire. Au demeurant, au vu de la clause de banque restante conclue, la documentation bancaire utile a été adressée au plaignant au moins une fois par an, ce qui incluait en particulier les relevés de son portefeuille, montrant le détail des transactions effectuées, les factures d'honoraires de AJ______ SA et les avis de débit de son compte, sur lesquels les montants facturés par la prévenue apparaissaient également. Les recourants ne contestent pas que le plaignant aurait, à tout le moins, reçu la documentation bancaire adressée par la banque AI______.

Aussi, il n'existe pas de soupçon suffisant permettant de retenir que le plaignant n'aurait pas consciemment signé les documents bancaires qui lui ont été soumis en juillet 2016 et qu'il n'en aurait pas compris la teneur, ni saisi les effets.

À cet égard, en lien avec la gestion des avoirs du plaignant, la prévenue a expliqué, d'une part, les raisons pour lesquelles elle avait dû adapter le profil d'investisseur du client à un type plus agressif (supra, let. B.i) et, d'autre part, que la gestion s'était inscrite dans la continuité de celle qu'elle avait accomplie pour le compte du client lorsqu'elle était employée de la banque AI______, étant précisé qu'elle avait "hérité" de certains éléments dans le portefeuille qu'il n'avait pas été possible de modifier d'emblée. Elle a ainsi expliqué que des private equities et des hedge funds avaient dû être maintenus dans le portefeuille du client auprès de AI______, car les premiers avaient une échéance de 10 ans, soit jusqu'en 2018, et les seconds ne pouvaient pas être vendus, alors que les pertes dont il lui était fait grief incluaient des moins-value en lien avec ces titres (supra, let. B.k.a). Le conseil du plaignant a finalement admis que la performance négative en fin de mandat incluait les pertes réalisées sur les private equities et des hedge funds (supra, let. B.k.b). Pour le reste, aucun élément ne permet de mettre en doute le fait que le plaignant a ordonné – oralement, comme il indique dans sa plainte qu'il le faisait ordinairement, en raison de son illettrisme ‒, ou à tout le moins souscrit, aux opérations financières réalisées, étant relevé que son conseil a également précisé que la plainte ne visait pas la qualité de la gestion, mais la disproportion entre les frais et les avoirs sous gestion (supra, let. B.k.b).

S'agissant des frais, il n'est pas contesté que la rémunération perçue par la prévenue a été conforme au mandat de gestion signé par le plaignant, notamment à son art. 7 et à l'appendix 3. Or, la mise en cause a exposé que cet aspect du contrat signé avait été discuté et négocié avec le plaignant. Ce dernier a consenti à ce que les décomptes d'honoraires fussent directement adressés à la banque AI______ en signant le Third-Party Management Authorisation. Il a été informé des décomptes via ses avis de débit, reçus au moins une fois l'an selon la clause de banque restante et ne les a pas critiqués avant 2019. À cet égard, selon les explications de C______, alors qu'elle avait attiré l'attention de son père sur certains éléments des relevés en 2017, ce dernier avait réfuté l'existence d'un quelconque problème. Il ressort enfin des informations délivrées par la banque AI______, qu'aucun acte de churning ne peut être reproché à la prévenue. À l'issue d'une analyse interne, la banque précitée a, du reste, confirmé son souhait de continuer à collaborer avec AJ______ SA et procédé au paiement des rétrocessions encore dues. Or, le plaignant n'émet aucun grief à l'égard de la banque AI______, qui aurait, elle aussi, perçu des frais substantiels.

Quant à l'analyse de AL______ SA, elle ne tient pas compte de la composition du portefeuille dont la mise en cause avait "hérité" à la reprise de la gestion des avoirs du plaignant, les auteurs du rapport n'ayant examiné que ce qui avait été effectué durant la période sous revue. Or, certains produits avaient dû être vendus à perte, sans que l'on ne pût imputer ce résultat à la prévenue. Enfin, le fait que les conditions du mandat de gestion conclu entre le plaignant et AJ______ SA aient été différentes de celles du mandat de gestion conclu entre le plaignant et AL______ SA n'est pas, en soi, pénalement relevant.

Dans ces circonstances, il n'existe pas de soupçon suffisant de l'exploitation d'une situation de faiblesse ni de tromperie astucieuse, de sorte que la réalisation d'une infraction d'usure ou d'escroquerie n'apparaît pas envisageable. Compte tenu en particulier du fait que la gestion de la prévenue ne prêtait en soi pas le flanc à la critique et que les frais perçus l'ont été sur la base d'un contrat conclu avec le client, et en toute transparence, il n'y a également pas lieu de suspecter un abus de confiance ou une gestion déloyale.

Partant, c'est à raison que le Ministère public a considéré qu'une mise en accusation de la prévenue ne se justifiait pas, la probabilité d'un acquittement pour les infractions visées apparaissant supérieure à celle d'une condamnation.

Aucune mesure d'instruction supplémentaire n'apparaît propre à modifier cette appréciation (art. 139 al. 2 CPP). En particulier, dans la mesure où il doit être retenu que le plaignant a signé consciemment le Third-Party Management Autorisation, ainsi que le mandat de gestion discrétionnaire en faveur de AJ______ SA, et que les frais perçus l'ont été conformément à ces documents, une expertise ne pourrait, en tout état de cause, pas modifier ce constat. Au surplus, les preuves essentielles ont été administrées, de sorte que l'on ne voit pas ce que les perquisitions des locaux de AJ______ SA et du domicile de AB______ pourraient encore apporter. La recourante C______ ne l'explicite au demeurant pas.


 

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, arrêtés à un total de CHF 2'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

7.             Il n'y a pas lieu d'octroyer des indemnités aux recourants pour leurs frais d'avocats respectifs (art. 433 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Ordonne la jonction des recours.

Les rejette.

Condamne l'hoirie [de] AC______ et C______, conjointement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 2'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, à AB______, soit pour elle son conseil.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24551/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'405.00

Total

CHF

2'500.00