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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22748/2023

ACPR/313/2025 du 17.04.2025 sur OTDP/716/2025 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.130; CPP.134

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22748/2023 ACPR/313/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 17 avril 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de révocation d'avocat d'office rendue le 26 mars 2025 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 mars 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a révoqué la défense d'office dont il bénéficiait.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à ce qu'une indemnité soit allouée à son défenseur privé, frais de la procédure laissés à la charge de l'État.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______, responsable d’unité au service "______" de D______ [service social], a déposé plainte pénale le 16 octobre 2023 contre A______, lui reprochant d'avoir, le 17 août 2023, adressé des courriers au Conseiller d’État E______ et au Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dont les termes étaient :

« […] C______ est venu à mon domicile avec un étranger et a menacé A______ de violence contre ma famille, disant qu’il détruirait notre famille, qu’il rendrait notre vie insupportable. Il a dit qu’il nous haïssait, nous les Ukrainiens, qu’il voulait que nous quittions Genève le plut tôt possible et qu’il était heureux que nous soyons tués par les Russes et Putin ! ».

b. Il ressort d'un courrier adressé par le Directeur général de D______ à la famille A______ le 22 septembre 2023 qu'une investigation interne avait été menée, laquelle n'avait pas étayé les accusations portées contre C______. Un assistant social de référence leur était attribué, auquel la famille pouvait adresser directement ses questions et demandes.

c. Entendu le 4 décembre 2023 comme prévenu avec l'aide d'une traductrice et hors la présence d'un avocat, A______, originaire d'Ukraine, a admis avoir rédigé, seul, ces courriers [faisant état de menaces de la part de C______, "Directeur général de D______ [service] ______ " à son domicile le 6 août 2023 entre 21h et 22h, en présence d'un "étranger"]. C______ abusait de son autorité et détestait sa famille depuis le début. D'ailleurs, depuis 3-4 mois, la direction de D______ avait interdit à C______ l’accès au dossier. Ils étaient en conflit verbal qui avait débouché sur une suppression de l’aide sociale. Par exemple, C______ ne voulait pas que son fils reçoive une somme d'argent pour le matériel scolaire alors que tous les autres enfants avaient pu en bénéficier. Il maintenait les termes de ses courriers. Aucun témoin ne pouvait corroborer ses propos. "Il n'y avait que lui et moi lorsqu[e C______] a[vait] tenu ces propos déplacés envers les Ukrainiens".

d. Par ordonnance pénale du Ministère public du 25 janvier 2024, A______ a été condamné pour diffamation (art. 173 CP) en raison de ces faits à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 30.- l'unité, assortie du sursis, délai d'épreuve de 3 ans.

Il y a formé opposition.

e. Par ordonnance du 29 février 2024, le Ministère public – à la suite de la demande du précité déposée le 26 février 2024 – considérant son indigence et le fait que l'assistance d'un défenseur était justifiée pour sauvegarder ses intérêts au vu de la gravité et de la complexité du cas en fait et/ou en droit, a ordonné une défense d'office en sa faveur et nommé Me F______ à cet effet.

f. Lors de l'audience de confrontation devant le Ministère public le 17 avril 2024:

f.a. A______, assisté de son défenseur d'office et d'un interprète, a déclaré que le 6 août 2023, entre 21h00 et 22h00, C______ avait "commis un crime contre sa famille". Ce dernier avait bien tenu les propos qu'il lui attribuait dans les courriers litigieux. C______ l'attendait devant chez lui, accompagné d'un homme qu'il ne connaissait pas, ce qu'il avait dit à la police. L'intéressé avait utilisé "Google Traducteur" sur son téléphone pour tenir ces propos et lui avait montré leur traduction en simultané.

f.b. C______, également assisté d'un avocat, a maintenu sa plainte. Il avait rencontré A______ une seule fois, le 3 août 2024, dans les bureaux de D______, en présence d'une responsable administrative, d'une responsable du logement et d'un traducteur. Il n'avait assisté au rendez-vous que deux minutes, laissant ses collègues clarifier la question du "changement d'identité de la famille d'accueil alors que l'adresse était restée la même". En revenant une heure plus tard, il avait constaté que l'entretien n'était toujours pas terminé. Ses collègues lui avaient dit que le dialogue était difficile. Il les avait priés d'aller à l'essentiel, relevant qu'ils avaient uniquement besoin de documents supplémentaires.

f.c. A______ a rétorqué qu'il se souvenait de cet entretien. Il n'y avait aucune confusion dans son esprit: c'était bien le 6 août 2023 que C______ était venu chez lui. Il s'était rendu à la police le lendemain et avait écrit au Conseiller d'État pour que tous deux l'aident à établir la vérité. Il avait rencontré C______ cinq ou six fois à compter du 19 mai 2022, date de son arrivée à Genève. Les rendez-vous [auprès de] D______ avaient lieu avec des conseillers mais C______ venait à chacun d'eux. Une migrante prénommée G______ s'était plainte de ce dernier le 3 août 2023 sur une page Facebook des migrants ukrainiens. Il avait envoyé la lettre litigieuse à toutes sortes d'organisations à Genève pour protéger sa famille et ses droits en tant qu'être humain. Il ignorait comment une certaine H______ avait eu sa lettre qui apparaissait en photo sur une publication Facebook du 3 août 2023.

g. Le 18 avril 2024, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale du 25 janvier 2024 et transmis la procédure au Tribunal de police.

h. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, le prévenu est marié et a deux enfants à charge. Il se déclare sans profession et perçoit l'aide sociale.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, le prévenu est sans antécédent.

C. Dans la décision querellée, le Tribunal de police a retenu que l'affaire n'exigeait pas la désignation d'un défenseur, la peine prononcée étant largement inférieure à 120 jours-amende et la procédure portant sur une seule infraction, dépourvue de gravité et de complexité particulière.

D. a. À l'appui de son recours, A______, défendu par un nouveau conseil, expose que la décision entreprise violait l'art. 134 al. 1 CPP et le principe de la bonne foi. Le Ministère public avait en effet sciemment choisi, le 29 février 2024, de le pourvoir d'une défense d'office, alors même qu'il avait rendu une ordonnance pénale le condamnant à une peine pécuniaire inférieure à 120 jours-amende. On ne pouvait dès lors considérer cette décision comme "objectivement fausse", ce qui permettrait très éventuellement une correction ultérieure. Le Tribunal de police avait, par courrier du 30 juillet 2024, constaté que sa nouvelle demande de désignation d'avocat d'office était sans objet puisqu'elle existait déjà. La décision entreprise était au demeurant insuffisamment motivée et devait être annulée.

Les conditions d'une défense d'office étaient réalisées. Il était au bénéfice d'un permis S (personne à protéger), ne maîtrisait pas du tout la langue française et n'avait aucune expérience du droit, ni en Suisse, ni en Ukraine. Il avait une formation dans le domaine de l'informatique. L'infraction de diffamation, nonobstant les peines prononcées, était complexe (admissibilité des preuves libératoires [art. 173 ch. 3 CP] et problématique de l'application des ch. 4 et 5 de cette disposition). Par ailleurs "et même surtout", la partie plaignante, intervenue à l'origine des faits comme un agent de l'État, était représentée par un avocat. Il fallait s'attendre à ce qu'elle exerce l'action civile par adhésion, de sorte que lui-même devrait affronter des conclusions civiles, ce qui avait certainement guidé le Ministère public dans sa décision du 29 février 2024.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui a qualité pour agir, vu son intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant, sans évoquer de grief spécifique, se plaint d'une motivation "au demeurant" insuffisante de la décision querellée.

3.1.       Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à cette exigence de motivation, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_990/2023 du 3 avril 2024 consid. 2.1.1).

3.2.       En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que le Tribunal de police a considéré que l'affaire n'exigeait pas la désignation d'un défenseur dans la mesure où la peine prononcée par le Ministère public [de 50 jours-amende] était largement inférieure à 120 jours-amende et où la procédure portait sur une seule infraction, dépourvue de gravité et de complexité particulière. Il ressort donc de cette décision les motifs qui ont guidé l'autorité précédente. Le recourant a pu faire valoir ses arguments en toute connaissance de cause dans son recours et ne soutient pas le contraire.

Partant, le grief est rejeté.

4.             Le recourant reproche au Tribunal de police d'avoir violé les art. 130 et 134 al. 1 CPP, ainsi que le principe de la bonne foi, en révoquant la défense d'office ordonnée en sa faveur par le Ministère public le 29 février 2024.

4.1.       Aux termes de l'art. 130 CPP, le prévenu doit avoir un défenseur lorsque la détention provisoire, y compris la durée de l’arrestation provisoire, a excédé 10 jours (let. a); lorsqu'il encourt une peine privative de liberté de plus d’un an, une mesure entraînant une privation de liberté ou une expulsion (let. b); lorsqu'en raison de son état physique ou psychique ou pour d’autres motifs, il ne peut pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et que ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire (let. c); lorsque le ministère public intervient personnellement devant le tribunal de première instance ou la juridiction d’appel (let. d); et lorsqu'une procédure simplifiée est mise en œuvre (let. e).

4.2.       En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2).

4.2.1.           S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1;
139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

4.2.2.           Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires dans le cas particulier pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 précité).

4.2.3. Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 et 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1).

4.3.       Si, au cours de la procédure, le cas de défense obligatoire à l'origine de la défense d'office disparaît et qu'un autre cas de défense obligatoire ne s'est pas créé dans l'intervalle, la défense d'office est révoquée (art. 134 al. 1 CPP), sous réserve d'une requête du prévenu tendant à son maintien sur la base de l'art. 132 al. 1 let. b CPP (Y. JEANNERET/A. KUHN/C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 134 CPP). Au cours de la procédure, la défense obligatoire prend naturellement fin dès que la condition qui l'a déclenchée s'avère ne plus être remplie, notamment en cas d'allègement des charges, par exemple suite à un classement partiel pour les faits les plus graves (Y. JEANNERET/A. KUHN/C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 7a ad art. 134 CPP; M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 3 ad art. 134).

La révocation ne peut avoir d'effet rétroactif; elle n'intervient qu'ex nunc (Y. JEANNERET/A. KUHN/C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 4a ad art. 134 CPP).

4.4.       Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental de toute personne d’être, dans ses relations avec l'État, traitée sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi, tel que consacré à l'art. 9 Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53). Le principe de la bonne foi est également concrétisé en procédure pénale à l'art. 3 al. 2 let. a CPP (ATF 144 IV 189 consid. 5.1; 143 IV 117 consid. 3.2).

Selon ce principe constitutionnel, toute autorité doit s'abstenir de procédés déloyaux et de comportements contradictoires (ATF 111 V 81 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 1B_640/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3.1 et les arrêts cités; 6B_481/2009 du 7 septembre 2009 consid. 2.2; ACPR/336/2012 du 20 août 2012). À certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances précises qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 128 II 112 consid. 10b/aa; 118 Ib 580 consid. 5a). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1; 126 II 377 consid. 3a et les références citées; ACPR/125/2014 du 6 mars 2014).

4.5.       L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

4.5.1. Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2;
118 IV 248 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009 consid. 3.1).

4.5.2. Le prévenu n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP); il ne sera cependant pas admis à faire ces preuves s’il s’est exprimé sans motif suffisant et a agi principalement pour dire du mal d’autrui (art. 173 ch. 3 CP).

4.5.3. Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3).

4.6.       En l'espèce, l'indigence du recourant apparaît établie au vu des documents produits, ce que le Tribunal de police ne conteste pas en soi.

Dans la mesure où le recourant encourt concrètement une peine pécuniaire de 50 jours-amende, sur la base de l'ordonnance pénale du 24 janvier 2025 dont est saisie cette autorité, la cause est de peu de gravité, au sens de l'art. 132 al. 3 CPP, ce que l'intéressé ne remet pas en cause.

Il soutient en revanche qu'elle présenterait une complexité particulière qu'il ne serait pas capable d'appréhender sans l'assistance d'un avocat. Or, il s'agit pour lui de se défendre d'une mise en cause pour diffamation, en lien avec un seul complexe de faits, à savoir l'envoi d'un courrier à un Conseiller d'état et au Bureau du Haut –Commissariat aux droits de l'homme dans lequel il a accusé un employé de D______ d'être venu menacer sa famille à son domicile, en disant qu'il allait la détruire et qu'il haïssait les Ukrainiens, faits qu'il admet. Il s'est exprimé à la police hors la présence d'un avocat et avec un interprète le 4 décembre 2023. Il a à cette occasion confirmé les termes des courriers litigieux, précisant qu'aucun témoin ne pourrait corroborer les propos qu'il y avait tenus.

Après avoir fait opposition à l'ordonnance pénale précitée par laquelle il a été condamné pour diffamation, il a été entendu en audience de confrontation le 17 avril 2024, assisté d'un avocat et en présence d'un interprète. Il a alors déclaré qu'il avait bien été menacé, avec sa famille, par le plaignant le 6 août 2023 dans la soirée, en présence d'un homme qu'il ne connaissait pas, comme il l'avait déjà dit à la police.

Le plaignant a de son côté contesté les accusations du recourant, qu'il n'avait rencontré que brièvement le 3 août 2023, dans les locaux de D______.

Lors de l'audience à venir devant le Tribunal de police, le recourant n'indique pas de quelle manière il entendrait apporter la preuve de la véracité de ses propos ou de sa bonne foi, ni en quoi l'assistance d'un avocat serait nécessaire pour ce faire, étant relevé qu'un interprète fonctionnera à ses côtés. Quant au fait que la partie plaignante serait pour sa part assistée d'un avocat, ceci ne suffit pas encore à considérer qu'il existerait une inégalité des armes commandant la présence pour le prévenu d'un avocat rémunéré par l'État. L'intéressé aura tout au plus à répondre aux éventuelles prétentions civiles de la partie plaignante à qui il appartient d'établir son dommage et non au recourant. Enfin, l'issue de la procédure pénale ne revêt aucune importance particulière pour le prévenu et il ne le soutient pas.

La cause ne revêt donc pas une complexité suffisante, que ce soit en fait ou en droit, légitimant son besoin de bénéficier d'une défense d'office. Les conditions d'une défense d'office ne sont donc pas réalisées.

Elles ne l'étaient pas davantage au moment où le Ministère public a mis le prévenu au bénéfice d'une défense d'office, selon ordonnance du 29 février 2024. C'est donc à juste titre que le Tribunal de police a révoqué cette défense d'office. Il n'a ce faisant pas violé le principe de la bonne foi, dans la mesure où il n'a pas, pas plus que le Ministère public, donné d'assurances au recourant selon lesquelles il bénéficierait de cette défense d'office sans limite dans la durée. Le fait que, dans un premier temps, le Tribunal de police lui ait indiqué qu'il n'avait pas à la solliciter à nouveau, devant lui, dans la mesure où il en avait déjà une, n'empêchait pas cette autorité, après avoir pris connaissance de l'intégralité de la procédure, de considérer que c'était en définitive par erreur que le Ministère public avait retenu un motif de défense d'office qui n'avait jamais existé.

Au vu de ces considérations, la révocation querellée est justifiée et sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22748/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00