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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4686/2018

ACPR/817/2024 du 05.11.2024 sur OCL/662/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : BLANCHIMENT D'ARGENT;GESTION DÉLOYALE;ABUS DE CONFIANCE;BANQUE;COMPLICITÉ
Normes : CPP.319; CP.305bis; CP.158; CP.138; CP.25

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4686/2018 ACPR/817/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 5 novembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Guillaume FATIO, avocat, BMG Avocats, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 15 mai 2024 par le Ministère public,

et

B______, représenté par Mes C______ et D______, avocats,

E______, représenté par Me F______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 27 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 mai 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte du 1er mars 2018.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au retour de la cause au Ministère public pour instruction complémentaire, notamment mise en œuvre de ses réquisitions de preuve (qu'il énumère), puis renvoi en jugement ; subsidiairement, au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 3'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. G______ AG, radiée le ______ 2014, était une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Zoug, active dans le domaine des matières premières, plus particulièrement [du] H______. I______, de nationalité australienne, et J______, ressortissant suisse, en ont été respectivement le président et le vice-président du conseil d'administration, avec signature individuelle.

Du contrat conclu entre K______ CORPORATION et A______

b. Le 28 février 2012, A______, ressortissant suisse, domicilié dans le canton de Thurgovie, et K______ CORPORATION, société de domicile incorporée aux Seychelles – représentée par I______ –, ont conclu un contrat intitulé "Forward H______ Production Agreement & Financial Private placement", en exécution duquel le premier a versé à la seconde une somme de USD 1'000'000.- le 2 mars 2012. Au moyen de ces fonds, la société précitée était tenue d'acquérir [du] H______ – devant servir comme garantie aux investissements effectués pour le compte de A______ – et de les placer dans des comptes-titres auprès d'une banque. À teneur de l'art. 5 dudit contrat, A______ pouvait, à l'échéance de la période contractuelle prévue (12 ou 24 mois), prétendre au remboursement de 120% ou 140% de son investissement.

c. À l'échéance convenue de deux ans, A______ n'a reçu aucun remboursement et n'a, par la suite, plus eu de nouvelles de I______.


 

De la procédure pénale initiée dans le canton de Thurgovie

d. Le 21 juillet 2014, A______ a déposé plainte contre le précité pour escroquerie (art. 146 CP), subsidiairement abus de confiance (art. 138 CP), gestion déloyale (art. 158 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP) auprès du Ministère public de L______ (Thurgovie), lui reprochant d'avoir détourné, à son profit, le montant de USD 1'000'000.- versé sur le compte de K______ CORP ouvert auprès de la banque M______ (anciennement N______) à Genève.

Il a exposé avoir été encouragé par I______ – dont il avait fait la connaissance fin 2011 ou début 2012 – à investir dans [du] H______ physique, placement qui semblait à la fois "sûr et très rentable". Alors que ce dernier lui avait indiqué effectuer les investissements par le biais de sa société K______ CORP, il avait par la suite découvert que l'intéressé opérait en réalité à travers sa société suisse, G______ AG (cf. let. B. a supra).

Durant la période contractuelle, lorsqu'il s'était, à plusieurs reprises, enquis auprès de I______ de l'état de son investissement, ce dernier lui avait assuré qu'il s'agissait d'un "succès". Cela étant, à l'échéance convenue, soit le 31 janvier 2014, l'intéressé avait prétexté diverses excuses pour retarder le remboursement de son investissement, tout en lui assurant que celui-ci interviendrait rapidement. Or, il n'avait plus eu de nouvelles de sa part dès le 30 avril 2014. Au mois de juin de la même année, ayant pris conscience qu'il n'obtiendrait aucun remboursement, il avait effectué des recherches "approfondies", qui lui avaient permis de découvrir que I______ était un "escroc". En effet, à teneur de deux articles de presse australienne du ______ janvier 2014, ce dernier faisait l'objet d'une enquête pénale en Australie, pour avoir escroqué des investisseurs pour un montant de plus de USD 40 millions. Il avait pris la fuite du pays.

e.a. Le 25 suivant, une instruction pénale a été ouverte contre I______ des chefs d'escroquerie, faux dans les titres et blanchiment d'argent. Depuis le 18 juillet 2014, elle est toutefois suspendue, le lieu de séjour du prévenu étant inconnu.

e.b. En mars 2016, cette procédure a été étendue à J______ pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP) en qualité de co-auteur, subsidiairement de complice, puis disjointe de celle de I______ le 5 septembre 2016.

f. Des ordres de dépôt ont été adressés notamment à la banque M______. Il ressort de la documentation bancaire recueillie ce qui suit :

i. Le compte au nom de K______ CORP auprès de M______ a été ouvert par I______, alors domicilié à O______ (Émirats Arabes Unis), le 22 mars 2011. Selon les documents fournis/remplis lors de l'ouverture, le prénommé en était l'ayant droit économique et le seul signataire autorisé.

L'employé de M______ chargé de la relation d'affaires était E______, gestionnaire.

ii. L'ouverture du compte avait été approuvée par le "KYC and Compliance Committee" (ci-après, KYCC) de M______, dont faisaient partie B______, "Chief Operating Officer" (COO), P______, alors directeur de la banque, Q______, "Chief Marketing Officer" (CMO) et "Deputy General Manager", ainsi que R______, responsable du département compliance. La relation bancaire avait été classée à haut risque ("High Risk grade 2"), avec la mention cochée: "Traders / employees of financial intermediaries (Banks, etc.)."

iii. À teneur des documents "KYC" ("Know your customer"), les fonds versés sur le compte devaient notamment provenir de gains/revenus découlant de l'activité de la société australienne S______ PTY LTD – dont I______ était le directeur –, de profits d'investissements, ainsi que de "Personal Hedge funds".

Selon le formulaire "Compliance", daté du 22 mars 2011, les recherches menées dans les bases de données "T______" et "U______", ainsi que sur internet, n'avaient révélé aucune information problématique au sujet de I______.

iv. Le compte a été alimenté exclusivement par les avoirs de A______ (USD 1'000'000.-), le 5 mars 2012. L'ordre de transfert portait la mention : "K______ CORPORATION 1______ CLIENT SEGREGATED ACCOUNT MR A______".

v. Entre les 5 et 21 mars 2012, plusieurs transferts (pour un montant total de USD 234'226.-) ont – sur instructions de I______ – été opérés depuis ledit compte en faveur, notamment, d'une société émettrice de cartes de crédit du précité, de son compte personnel auprès d'un autre établissement bancaire, de personnes physiques, ou encore d'avocats sis en France et en Allemagne.

vi. Le 21 mars 2012, I______ a procédé à l'acquisition de quatre [unités de] H______ au moyen des fonds déposés sur le compte pour un montant de USD 213'166.52, en demandant à la banque de placer ces H______ dans deux sous-comptes, dont l'un au nom de A______.

vii. Par courriel du même jour, R______ a signalé à E______, V______, assistante du précité, et Q______ – destinataire en copie –, que :

- le compte de K______ CORP avait été alimenté par un seul virement provenant de A______ le 5 mars 2012. Elle se disait préoccupée par la mention "K______ CORPORATION, CLIENT SEGREGATED ACCOUNT", qui suscitait des doutes quant à l'identité du véritable ayant droit économique. Elle émettait également des réserves au sujet de I______ et de sa volonté d'ouvrir des sous-comptes;

-  la Commission australienne des investissements (ASIC) avait annulé la licence de la société S______ PTY LTD, mentionnée dans les documents KYC de I______; une enquête était en cours;

- des informations "alarmantes" concernant la société S______ PTY LTD avaient été publiées sur internet en janvier 2012, selon lesquelles cette entité était soupçonnée d'avoir, depuis 2006, escroqué des investisseurs en Australie pour plus de USD 40'000'000.-;

-   une recherche effectuée dans la base de données "T______" avait révélé des faits négatifs sur un certain "I______", lequel avait été reconnu coupable de "Grand Theft" aux États-Unis en 2007. En 2011, le "NATIONAL CREDIT UNION ADMINISTRATION" lui avait en outre fait interdiction de participer aux affaires de toute institution financière fédérale.

viii. Par e-mail du même jour, B______ – auquel l'e-mail susvisé avait été transmis, pour information, – a écrit à R______ : "Doesn't look good; When was this account opened? I hope it wasn't after the company was struck off the regulatory register." [Soit en traduction libre : "Cela n'a pas l'air bon; À quelle date ce compte a-t-il été ouvert ? J'espère que l'ouverture n'a pas eu lieu après que la société eut été radiée du registre règlementaire."] ; ce à quoi la prénommée lui avait répondu que le compte avait été ouvert en mars 2011, alors que la licence financière avait été retirée en février 2010.

ix. Par courriel du 23 mars 2012 adressé à E______, V______ et R______ – destinataire en copie –, Q______, qui se disait très préoccupé par les informations fournies par la prénommée, leur a indiqué qu'ils devaient s'assurer avoir parfaitement compris les activités de I______ s'ils souhaitaient maintenir la relation bancaire.

x. Le même jour, E______ lui a répondu avoir discuté de la problématique avec R______ et décidé de clarifier dans un premier temps l'arrière-plan économique de l'entrée de fonds (USD 1'000'000.-), ainsi que la raison pour laquelle I______ souhaitait ouvrir des sous-comptes. Des explications lui seraient demandées dans un second temps concernant les informations défavorables découvertes à son sujet.

xi. Toujours le même jour, E______ et V______ ont contacté I______ par téléphone. Selon la retranscription de la conversation, ce dernier, qui s'était engagé à transmettre tous les documents et contrats nécessaires, leur avait indiqué que les fonds versés sur le compte de K______ CORP appartenaient à ladite société, et non à une tierce personne.

xii. Par courriels des 23, 24, 26 et 27 mars 2012, I______ a notamment exposé à E______ les objectifs d'investissements et le modèle d'affaires de la société précitée, quelques "illustrations" à l'appui. A______ était un partenaire d'affaires. Il a produit une version, non signée, du contrat d'investissement du 28 février 2012 (cf. let. B. b. supra), ainsi qu'un Addendum, signé de sa – seule – main à lui, prévoyant que le précité s'engageait à investir un montant initial de USD 1'000'000.- dans K______ CORP, en contrepartie de quoi la société devait acquérir [du] H______ à déposer sur le compte de l'investisseur.

xiii. Le 28 mars 2012, un montant de USD 33'698.79 a – sur instructions de I______ – été transféré du compte de K______ CORP sur celui d'une société sise à Z______ (Berne).

xiv. Par lettre du 18 avril suivant – signée par E______ et Q______ –, M______ a fait part à I______ de sa décision de clôturer le compte, au motif que ses activités étaient inadaptées à celle de "Private banking" offerte par la banque. Elle lui a demandé des instructions pour le transfert du solde des fonds [USD 730'675.46].

xv. Le 27 avril 2012, I______ a demandé à la banque de vendre les quatre [unités de] H______ acquis par K______ CORP le 22 mars 2012. La transaction a été effectuée le jour-même pour USD 214'508.93, avant d'être annulée, puis répétée le 30 suivant pour un montant de USD 212'808.33.

xvi. Entre les 26 avril et 15 juin 2012, date de la clôture du compte, plusieurs transferts (pour un montant total de USD 730'675.46) ont été exécutés par M______ en faveur de comptes appartenant à I______ ou à K______ CORP auprès d'autres établissements bancaires.

g. Par jugement du 11 décembre 2018, le Tribunal de district de L______ a reconnu J______ coupable de blanchiment d'argent (art. 305bis CP). Par arrêt du 2 décembre 2019, le Tribunal cantonal (Obergericht) de Thurgovie l'a néanmoins acquitté de ce chef d'accusation, au motif que l'intéressé ne pouvait pas savoir, ni n'aurait dû soupçonner que les fonds qu'il avait utilisés – et qui avaient été mis à sa disposition par I______ – étaient potentiellement d'origine illicite. L'élément subjectif de l'infraction de blanchiment d'argent faisait donc défaut.

Par arrêt 6B_1013/2020 du 12 mars 2024, le Tribunal fédéral a confirmé cet acquittement.

Dans sa décision, la Haute Cour a retenu que le contrat conclu entre A______ et I______ le 28 février 2012 n'impliquait, certes, pas d'obligation de maintenir la valeur des avoirs, au vu de sa dimension spéculative. Cela étant, le dommage financier subi par A______ ne résultait pas de la réalisation du risque de perte inhérent à tout investissement spéculatif, mais de l'utilisation des fonds à d'autres fins que celles contractuellement prévues. I______ ne pouvait en effet pas utiliser le montant de USD 1'000'000.- mis à sa disposition comme bon lui semblait, n'ayant "carte blanche" que dans le cadre des opérations de placement convenues entre les parties. L'infraction d'abus de confiance était donc potentiellement réalisée et pouvait, dès lors, constituer l'infraction préalable au blanchiment d'argent. Cette question pouvait toutefois demeurer indécise, dans la mesure où l'élément subjectif de cette dernière infraction faisait en tout état défaut s'agissant de J______.

De l'enquête pénale administrative

h. À la suite d'une dénonciation du Ministère public de Thurgovie au Département fédéral des finances (DFF), une enquête pénale administrative a été ouverte le 10 novembre 2016 contre R______ et Q______, pour soupçons de violation de l'obligation de communiquer un soupçon de blanchiment d’argent (art. 37 LBA).

À l'issue de cette procédure, R______ a été condamnée à une amende pour violation par négligence de cette obligation. Selon le procès-verbal final du 27 juillet 2018 et le mandat de répression du 1er mars 2019, l'infraction susmentionnée devait lui être imputée, puisqu'elle dirigeait le département compliance de M______ et qu'il lui incombait d'apprécier les résultats des clarifications effectuées et de soumettre au KYCC les cas nécessitant une communication au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS). La "connaissance partielle" de la situation par Q______ et B______ ne la "déchargeait pas de sa responsabilité" (cf. page 4 du mandat de répression du 1er mars 2019). Q______, en particulier, s'était fié à son jugement erroné, tandis que B______ n'avait pas été systématiquement tenu informé des évènements et n'était "pas impliqué dans la décision de rompre la relation d'affaires" litigieuse. Elle ne pouvait, par ailleurs, "s'affranchir de sa responsabilité" en invoquant le rôle joué par E______ lors des clarifications effectuées, puisqu'il lui appartenait, selon les directives internes de la banque, d'apprécier le cas, de rassembler toutes les informations nécessaires et de décider ou non de les soumettre au KYCC (cf. page 5 du mandat de répression précité).

En l'occurrence, elle avait demandé des clarifications en raison de soupçons pesant sur la relation bancaire de K______ CORP, mais n'avait pas pris connaissance des documents exigés du client (tels que les contrats) – dont le contenu renforçait les soupçons déjà existants – et avait renoncé à soumettre au KYCC une proposition de communication au MROS.

Sur le plan subjectif, il a été retenu qu'elle n'avait "pas reconnu l'origine potentiellement criminelle au sens de l'art. 9 LBA des valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d'affaires K______" et n'avait, par conséquent, pas conclu "à l'existence de soupçons fondés (erreur sur les faits)". Elle aurait néanmoins "pu éviter cette erreur" en usant des précautions voulues (art. 13 al. 2 CP).

Le DFF a conclu à l'absence de faute de Q______, lequel a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu le 1er mars 2019. En effet, au vu de "l'avis erroné fourni" par R______, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir "correctement reconnu l'état de fait soumis à l'obligation de communiquer (erreur sur les faits inévitable)".

De la présente procédure pénale

i. Par courrier du 1er mars 2018, A______ a déposé plainte auprès du Ministère public de Genève contre M______, et toute autre personne impliquée, pour abus de confiance (art. 138 CP), blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et toute autre infraction pertinente, reprochant à l'établissement bancaire et à ses collaborateurs d'avoir "rendu possible" le détournement de ses avoirs par I______.

Alors que le département compliance avait considéré que l'ouverture du compte de K______ CORP comportait des "risques substantiels", les employés de la banque s'étaient "accommodés des nombreuses incohérences accompagnant la relation bancaire". De plus, ils s'étaient, "par légèreté", contentés d'explications insuffisantes sur l'origine des fonds (USD 1'000'000.-), alors que le Swift du transfert comportait la mention "K______ CORPORATION 1______ CLIENT SEGREGATED ACCOUNT MR A______".

Dès le 21 mars 2012, les e-mails échangés entre les collaborateurs de M______ démontraient qu'ils avaient conscience du risque d'infractions pénales, mais qu'ils s'étaient "contentés" des explications incomplètes fournies par I______. Alors qu'ils ne pouvaient que "tenir pour possible" l'infraction d'abus de confiance commise à son détriment, ils s'en étaient accommodés, acceptant même d'y apporter leur concours, en ordonnant la clôture du compte et en exécutant les transferts requis par I______.

Par ailleurs, en ne respectant pas leurs devoirs, notamment en omettant de procéder aux mesures de vérifications et de clarifications imposées par la LBA, et en donnant effet aux multiples ordres de transfert de I______, ils avaient participé à l'utilisation et à la dissémination du produit des infractions commises par le précité à son détriment. Leur comportement, "à tout le moins complaisant", avait entravé la confiscation des USD 1'000'000.- déposés sur le compte de M______, participant ainsi au blanchiment du produit des infractions d'abus de confiance – dont la banque s'était rendue complice – et d'escroquerie commises par I______ à son encontre.

Au surplus, les évènements dénoncés "illustraient l'absence de toute mesure d'organisation raisonnable au sein de la banque" afin de prévenir la commission de l'infraction de blanchiment d'argent. De ce fait, cette dernière devait également être tenue pour responsable, indépendamment de la punissabilité de ses employés (art. 102 al. 2 CP).

j. B______ et E______ ont été entendus par la police et/ou le Ministère public comme personnes appelées à donner des renseignements, puis comme prévenus.

j.a. B______ a contesté avoir commis une quelconque infraction. En sa qualité de COO de M______, il était responsable de la supervision des équipes chargées des départements "finance", "compliance" et "risques" de la banque. Chacune de ces unités disposait d'un chef, qui en référait au comité de gestion, dont il faisait partie. Il avait eu connaissance du litige opposant A______ à la banque, mais n'était pas directement impliqué. I______ avait ouvert trois comptes auprès de M______, dont l'un au nom de la société K______ CORP. Lors de leur ouverture, le département compliance avait procédé à une "due diligence" – en utilisant les outils à sa disposition (notamment les bases de données "T______" et "U______", ainsi qu'internet) – qui n'avait révélé aucune information suspecte au sujet de l'intéressé et/ou de ses sociétés. En raison de l'activité d'intermédiaire financier du client, ses comptes avaient néanmoins été classés à haut risque, ce qui signifiait qu'ils feraient plus fréquemment l'objet d'une revue (tous les deux ans au lieu de cinq ans).

Un contrôle systématique était uniquement prévu en ce qui concernait les transactions dépassant les CHF 1'000'000.-, seuil fixé sur la base des recommandations de la FINMA. Dans ce type de situation, le "relationship manager" de la relation bancaire était tenu de clarifier l'arrière-plan économique, puis de soumettre les résultats de ses investigations au département compliance. En cas de suspicion de blanchiment d'argent, ce dernier s'en référait au KYCC – dont il faisait lui-même partie – afin de discuter d'une potentielle dénonciation au MROS.

Puisque les fonds (USD 1'000'000.-) versés par A______ ne dépassaient pas la limite du million fixée (au vu du taux de change appliqué au moment des faits), la banque n'avait pas demandé d'informations supplémentaires.

Il n'effectuait, au quotidien, aucune tâche de compliance. Il ne devait être informé des problèmes qu'après que des investigations eurent été effectuées par le département compliance. En l'occurrence, R______, responsable du département en question, l'avait informé des clarifications demandées au sujet des entrées de fonds sur le compte de K______ CORP. Elle avait soulevé des questions relatives à l'ayant droit économique et souhaité des éclaircissements au sujet des informations potentiellement préoccupantes découvertes sur I______. Il n'avait pas obtenu d'autres informations par la suite, ayant laissé le processus usuel se dérouler, dès lors qu'il ne lui incombait pas d'intervenir dans la gestion d'un compte ou d'exiger lui-même des clarifications. R______ ne lui avait pas fait part d'autres inquiétudes, ni n'avait saisi le KYCC. Aucune dénonciation au MROS n'avait été faite au sujet du compte, dès lors que le département compliance avait vraisemblablement reçu des réponses satisfaisantes à toutes ses questions. En effet, si ce dernier avait encore eu des doutes, il lui aurait appartenu d'en faire part au KYCC.

Au vu des demandes formulées par I______ – qui n'étaient pas compatibles avec les offres proposées par la banque –, R______, Q______ et E______ avaient pris la décision de clôturer la relation bancaire, ce qui ne nécessitait pas l'accord préalable du KYCC.

j.b. E______ a également contesté avoir commis une infraction. Au moment des faits, il occupait un poste de "relationship manager" et était chargé de l'ouverture des comptes, qu'il devait soumettre au KYCC pour approbation. Il avait ainsi procédé à l'ouverture du compte litigieux pour I______, qui s'était présenté comme un "Hedge fund manager" ayant pour projet de créer un fonds d'investissement dans [du] H______. Lors de l'ouverture de la relation bancaire, celle-ci ne posait aucun problème, les vérifications usuelles n'ayant révélé aucune information négative au sujet de l'intéressé.

Selon ses souvenirs, c'était l'entrée de fonds provenant d'un tiers sur le compte de K______ CORP qui avait donné lieu à l'intervention du département compliance et à des discussions relatives à l'activité à laquelle ledit compte était destiné. M______ avait pris la décision de mettre fin à la relation, au motif que les activités de I______ n'étaient pas compatibles avec l'offre de la banque.

Il n'avait pas le souvenir que les fonds versés sur le compte litigieux auraient servi à payer des dépenses personnelles du client.

Dès le moment où le département compliance était intervenu dans le dossier, son rôle s'était limité à faire l'intermédiaire avec I______, auquel il avait transmis les demandes de clarifications. Il ignorait s'il avait obtenu toutes les réponses nécessaires du client, étant précisé qu'il n'était pas de sa compétence – mais de celle du département précité – d'examiner la crédibilité des explications données et la cohérence des documents reçus. D'après ses souvenirs, la banque n'avait pas eu de soupçon de blanchiment d'argent ou de fraude – les informations fournies par leur client ayant été jugées crédibles –, ce qui expliquait l'absence de dénonciation au MROS.

k. Le Ministère public a entendu d'autres employés (ou anciens employés) de M______, en qualité de personnes appelées à donner des renseignements ou de témoins.

k.a. R______ a expliqué avoir demandé des clarifications, en raison de la demande d'ouverture de sous-comptes formulée par I______, qui était inhabituelle. Elle n'avait que partiellement trouvé réponses à ses questions.

En procédant au contrôle du compte litigieux, elle avait découvert des informations préoccupantes au sujet de I______, de sorte qu'elle s'en était référée à sa hiérarchie et au gestionnaire du compte, E______. Toutefois, après vérifications, il s'était avéré que la personne figurant dans la base de données "T______" n'était pas leur client, mais un homonyme.

Des contrats avaient été fournis par I______ et des recherches menées sur A______, lesquelles n'avaient révélé aucune information négative.

Selon ses souvenirs, les gestionnaires et leurs assistants étaient chargés d'approuver et d'exécuter les transferts sur les comptes des clients. À partir d'un certain montant (CHF 1'000'000.-), le logiciel informatique déclenchait automatiquement une alarme afin que le transfert soit contrôlé par le département compliance. Les transferts opérés depuis le compte de K______ CORP – lesquels se trouvaient tous en dessous du seuil fixé pour engendrer un contrôle – n'avaient, selon elle, rien d'alarmants.

L'éventualité d'une dénonciation au MROS n'avait pas été envisagée, dès lors que la banque était toujours dans un processus de vérifications. La clôture de la relation n'était pas due à l'absence d'obtention des clarifications requises. Elle avait peut-être participé à des discussions relatives à la fermeture du compte, mais n'avait pas pris formellement part à cette décision, ayant quitté antérieurement l'établissement bancaire. Pour le surplus, les transferts opérés par M______ après l'annonce de clôture étaient usuels, étant rappelé que I______ était l'ayant droit économique du compte.

k.b. W______ a déclaré avoir succédé à R______, au poste de responsable du département compliance.

B______ n'exerçait effectivement pas de tâches compliance au quotidien, son rôle consistant à surveiller la bonne marche des affaires du département. À la question de savoir s'il appartenait au prénommé, en sa qualité de supérieur hiérarchique de R______, de se prononcer sur la question d'une communication au MROS, elle a répondu par la négative, précisant que cette responsabilité incombait au KYCC.

Lors de l'entrée des fonds litigieux, il était possible qu'aucun contrôle n'ait été effectué par la banque, puisque le montant était inférieur au seuil fixé pour être considéré comme une transaction à risque accru. La mention figurant sur l'ordre de transfert ["K______ CORPORATION 1______ Client Segregated Account Mr A______"] n'avait pas non plus déclenché de contrôle automatique.

Les informations préoccupantes trouvées sur I______ par R______ dans la base de données "T______" avaient été jugées non pertinentes, puisqu'elles ne concernaient finalement pas leur client. Par ailleurs, des contrats et des explications avaient été fournis par ce dernier. Cela étant, lorsque M______ avait constaté que les activités menées par I______ n'étaient pas celles qu'il avait initialement annoncées – et ne correspondaient pas à du "Private Banking" –, elle avait décidé de mettre fin à la relation. La banque n'avait pas signalé le cas au MROS, au motif qu'il n'y avait pas d'indice de blanchiment d'argent.

k.c. Q______ a déclaré avoir été responsable des activités commerciales de M______ et membre, notamment, du KYCC. Suite à la réception de l'e-mail, en copie, de R______ du 21 mars 2012, E______ et son équipe avaient étroitement collaboré avec le département compliance. Les explications requises avaient, d'après lui, été obtenues.

Deux raisons avaient conduit la banque à mettre fin à sa relation avec I______ : les investissements annoncés par l'intéressé n'avaient pas été réalisés, et le client souhaitait effectuer des opérations de "hedging" en lien avec [du] H______, qui n'étaient pas proposées par la banque. Il ignorait tout des transferts effectués par le prénommé sur le compte de K______ CORP, n'étant pas concerné par la gestion de ce compte au quotidien.

l.    Par avis de prochaine clôture du 27 juin 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait prononcer une ordonnance de classement et leur a imparti un délai pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve et solliciter une indemnité.

m. Par pli de son conseil du 18 août suivant, A______ s'est opposé au classement de la procédure et a sollicité les auditions de Q______ et X______.

Q______ devait être auditionné au sujet : i) des éléments transmis par I______ à M______, qui lui auraient prétendument permis de considérer que les clarifications nécessaires avaient été obtenues ; ii) de sa discussion avec E______ et R______, ayant conduit à la décision de clôturer le compte litigieux, et iii) des déclarations de la prénommée concernant les clarifications obtenues par I______, qui entraient en contradiction avec les siennes.

X______, membre du "back-office" de M______, avait "participé à plusieurs communications électroniques" entre la banque et I______, en particulier concernant les transactions financières opérées sur le compte de K______ CORP. Son audition pouvait dès lors apporter des éclaircissements sur les personnes ayant autorisé les transferts des avoirs de A______, notamment après l'annonce de la clôture du compte.

À l'appui de son courrier, A______ a produit la copie d'un "rapport d'expertise" établi le 17 août 2023 par la société Y______ SNC, spécialisée en compliance. Celle-ci arrivait à la conclusion que M______, par le biais de ses employés, avait violé les prescriptions en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Si l'établissement bancaire avait "correctement appliqué les règles", il n'aurait : "i) pas ouvert de comptes pour I______ ; ii) "aurait pris des mesures de blocage internes durant les clarifications et empêché l'exécution des transferts"; et "procédé à une communication pour blanchiment d'argent au MROS", conformément à l'art. 9 LBA.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public constate qu'une éventuelle infraction à l'obligation de communiquer (art. 37 LBA) ne relevait pas de sa compétence, mais de celle du DFF (cf. art. 1 al. 1, let. f, et 50 al. 1 LFINMA; RS 956.1). Il existait donc un empêchement de procéder pour cette infraction (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Les faits potentiellement constitutifs de gestion déloyale simple (art. 158 ch. 1 al. 1 CP) et de blanchiment d'argent simple (art. 305bis ch. 1 CP), survenus en 2012, étaient prescrits (art. 98 let. b CP).

En ce qui concernait l'infraction de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP), ni la banque, ni ses employés, ne revêtaient une position de gérant à l'égard des valeurs patrimoniales appartenant à A______, faute de relation contractuelle entre eux. La banque et ses collaborateurs n'étaient pas tenus de gérer les intérêts pécuniaires du plaignant et ne disposaient pas d'un pouvoir de disposition autonome sur son patrimoine. A______, qui n'était pas titulaire d'un compte auprès de M______, n'était pas en droit de donner des instructions à la banque. Seul I______ disposait de cette faculté.

Le fait pour le plaignant d'avoir versé des fonds sur le compte de K______ CORP – avec pour instructions d'ouvrir un compte ségrégué – ne permettait pas d'établir l'existence d'un devoir de gestion de la banque ou de ses employés à son égard. Pour le surplus, rien au dossier ne permettait d'établir que E______ ou B______ auraient eu un quelconque dessein d'enrichissement illégitime, de sorte que les éléments constitutifs de l'infraction de gestion déloyale aggravée n'étaient, dans tous les cas, pas réunis.

Une éventuelle complicité des collaborateurs de la banque à une infraction à l'art. 158 CP ne pourrait s'envisager que dans l'hypothèse où I______ se serait lui-même rendu coupable de gestion déloyale. Or, ce dernier n'occupait pas une position de gérant. En tout état, même à supposer qu'il puisse être qualifié ainsi, aucun élément au dossier ne permettait de retenir que les employés de M______ savaient ou auraient dû se douter qu'il commettait une infraction au préjudice du plaignant. Il ressortait en effet du dossier que les informations et clarifications nécessaires avaient été obtenues et qu'aucun incident n'avait été remonté au KYCC, en particulier à B______.

L'infraction d'abus de confiance (art. 138 CP) n'était pas non plus réalisée. Puisque le plaignant n'avait pas de relation contractuelle avec M______ et qu'il avait transféré USD 1'000'000.- sur le compte de K______ CORP – dont I______ était l'unique ayant droit économique et signataire autorisé – ni la banque, ni ses employés, n'avaient le pouvoir matériel et juridique de disposer desdites valeurs patrimoniales. Rien ne permettait donc de retenir que le plaignant aurait confié ses fonds à la banque.

Quant à une éventuelle complicité d'abus de confiance, le Tribunal fédéral, dans son arrêt 6B_1013/2020 du 12 mars 2024, avait retenu qu'une infraction à l'art. 138 CP était potentiellement réalisée en ce qui concernait I______. Cela étant, ce dernier ne faisait pas l'objet d'un jugement définitif et entré en force, compte tenu de son lieu de séjour inconnu. Quant à J______, qui avait utilisé les fonds mis à sa disposition par le précité, la Haute Cour avait retenu qu'il ne pouvait pas se douter de la provenance potentiellement délictueuse desdits fonds. Dans ces circonstances, si la personne travaillant "conjointement et quotidiennement" avec I______ était acquittée de l'infraction de blanchiment d'argent, le même raisonnement pouvait s'appliquer à M______.

En tout état, rien ne permettait de conclure que B______ et/ou E______ auraient été complices de I______.

Une complicité par dol éventuel était également exclue, même dans l'hypothèse où les clarifications nécessaires au niveau de la compliance n'auraient pas été obtenues, étant rappelé que R______ avait été condamnée à une amende, par le DFF, pour avoir omis par négligence d'informer le MROS. Puisque les collaborateurs de M______ considéraient que les explications essentielles au sujet de I______ avaient été apportées et, partant, qu'il n'existait pas de soupçon quant à la commission d'une infraction, rien ne permettait de conclure que B______ et/ou E______ auraient apporté leur concours à I______, voire accepté la commission d'un acte délictueux.

Dans la mesure où ce dernier était l'ayant droit économique et l'unique signataire autorisé du compte litigieux, il était par ailleurs en droit de solliciter les transferts opérés sur celui-ci. Aucun acte illicite ne pouvait dès lors être reproché à B______ – qui n'était d'ailleurs pas chargé de la gestion quotidienne de la relation – ou à E______.

Il convenait de rejeter les réquisitions de preuve sollicitées par le plaignant. Ce dernier avait été confronté à Q______, lequel avait été entendu tant par le DFF que par le Ministère public. En tout état, son audition n'apparaissait pas susceptible de modifier l'appréciation juridique des faits, lesquels remontaient au demeurant à 2012, de sorte qu'il apparaissait douteux que l'intéressé soit en mesure de répondre aux questions du plaignant. Il en allait de même de X______.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'une constatation incomplète ou erronée des faits et d'une violation de l'art. 319 CPP cum art. 138, 158 ch. 1 al. 3 et 305bis al. 2 CP.

L'affirmation selon laquelle toutes les clarifications nécessaires au sujet de la relation bancaire litigieuse avaient été obtenues par les collaborateurs de M______ ne reposait sur aucun élément au dossier, hormis les déclarations de ces derniers. Par ailleurs, son rapport d'expertise privée n'avait, à tort, par été pris en compte.

L'infraction de complicité d'abus de confiance était réalisée, à tout le moins sous la forme du dol éventuel. En effet, B______ et E______ ne pouvaient que tenir "au minimum" pour possible la réalisation de l'infraction prévue à l'art. 138 CP, mais s'en étaient accommodés, acceptant même d'y participer, en ordonnant la clôture du compte litigieux et en exécutant les transferts de fonds requis par I______. Les employés de M______ avaient ainsi apporté une contribution causale à la réalisation de l'infraction perpétrée par le précité, puisque s'ils n'avaient pas "aveuglément" exécuté les ordres de celui-ci, l'infraction n'aurait pas été commise.

Par ailleurs, I______ revêtait bel et bien une position de gérant (art. 158 CP). Ce dernier était en effet tenu de gérer les fonds qu'il lui avait confiés et était contractuellement tenu de lui restituer le "solde de cette somme, y compris le rendement obtenu", à la fin du contrat. L'intéressé bénéficiait en outre d'un degré d'indépendance dans son activité, n'étant pas soumis à son "contrôle et à [sa] surveillance pendant la durée du contrat".

Les éléments au dossier démontraient que les collaborateurs de M______ avaient connaissance d'indices concrets quant à la commission, par I______, d'une infraction de gestion déloyale aggravée à son détriment. Aussi, s'ils avaient respecté leurs obligations légales et obtenu les clarifications nécessaires, ils se seraient aperçus que I______ n'était pas autorisé à utiliser les fonds reçus à des fins privées.

Pour le surplus, les faits auraient dû être examinés sous l'angle de l'infraction de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis al. 2 let. c cum 25 CP) – vu l'importance du montant soustrait [USD 1'000'000.-] –, infraction non prescrite. Le système de tromperie mis en place par I______, soit la conclusion du contrat d'investissement du 28 février 2012, démontrait en outre que ce dernier avait agi par métier.

Depuis à tout le moins le 21 mars 2012, les collaborateurs de M______ étaient conscients que les valeurs patrimoniales versées sur le compte de K______ CORP avaient "de grandes chances" de provenir d'un crime et qu'elles n'étaient pas utilisées conformément au but de la relation bancaire. Or, ils s'étaient "complus dans les incohérences et l'invraisemblance des explications de I______". Conscients des risques liés au compte bancaire, ils avaient précipité sa clôture, sans alerter les autorités compétentes. Ainsi, en ne respectant par leurs devoirs, notamment de vérifications et d'annonce, et en donnant suite aux ordres de transferts de I______, ils avaient participé à l'utilisation et à la dissémination du produit des infractions commises par le précité et entravé la confiscation de valeurs patrimoniales, dont ils savaient ou auraient dû savoir qu'elles provenaient d'un crime. Partant, B______ et E______ s'étaient rendus coupables de complicité de blanchiment d'argent aggravé. La banque devait également être tenue responsable, indépendamment de la punissabilité de ses employés (art. 305bis cum 102 al. 2 CP).

Enfin, le rejet de ses réquisitions de preuves n'était pas justifié.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant intégralement à la motivation de son ordonnance querellée.

c. E______ conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

Rien au dossier ne laissait présumer qu'il aurait agi de connivence ou même "complaisamment" avec I______ – avec lequel il n'avait entretenu qu'une relation strictement professionnelle –, n'ayant d'ailleurs aucun intérêt à le faire.

Un éventuel – et contesté – manquement en matière de lutte contre le blanchiment d'argent ne permettrait pas de retenir une complicité d'abus de confiance. Il avait en effet légitimement considéré que les clarifications nécessaires au sujet de I______ avaient été apportées, étant précisé qu'il avait toujours agi en collaboration et en transparence avec le département compliance, auquel il faisait confiance et à l'analyse duquel il s'en était remis.

Le compte litigieux avait été clôturé pour des motifs liés à l'activité menée par I______, qui était incompatible avec l'offre de la banque. Son équipe et lui n'avaient dès lors aucune raison de refuser de donner suite aux instructions de transfert de leur client après l'annonce de clôture du compte, puisque l'intéressé était l'unique ayant droit et signataire autorisé du compte.

Les éléments constitutifs de l'infraction de gestion déloyale aggravée n'étaient manifestement pas réalisés par I______, de sorte que lui-même ne pouvait en être complice.

Il peinait, par ailleurs, à distinguer quel acte auquel la banque aurait participé pourrait être constitutif de blanchiment d'argent. En effet, les transferts opérés par I______ depuis le compte de K______ CORP ne pouvaient à la fois réaliser une éventuelle infraction aux art. 138, 146 et 158 CP, et celle de blanchiment d'argent.

Enfin, le rapport d'expertise privé produit par le recourant n'était pas pertinent, puisqu'il portait essentiellement sur des questions de compliance, en particulier sur de prétendus manquements en matière de documentation ou d'identification de l'ayant droit économique. Ainsi, les faits allégués – et contestés – dans ce rapport portaient sur des infractions prescrites et/ou hors du champ de compétence du Ministère public.

d. B______ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Dans son arrêt 6B_1013/2020 du 12 mars 2024, le Tribunal fédéral s'était limité à indiquer qu'une infraction d'abus de confiance avait "potentiellement" été commise par I______, au terme d'un examen sommaire. Partant, une éventuelle complicité d'abus de confiance était, à ce stade, exclue.

En tout état, en l'absence de saisine du KYCC à l'issue des clarifications menées par le département compliance, la totalité des évènements survenus au sein de la banque l'avait été en dehors de ses propres attributions, en son absence et sans qu'il en ait eu connaissance, de sorte qu'il n'avait pas apporté de contribution causale à la réalisation d'une potentielle infraction d'abus de confiance.

L'infraction de complicité de gestion déloyale aggravée n'était pas non plus réalisée. En effet, en tant que COO de la banque, il ne lui incombait pas de s'impliquer personnellement dans un dossier ou de demander lui-même des clarifications, hormis dans les cas où le KYCC était saisi.

Sous l'angle d'une infraction de blanchiment d'argent aggravé, la procédure ne comportait pas d'élément permettant d'établir l'éventuelle fréquence des actes de blanchiment, ni les gains recherchés et obtenus par I______, étant rappelé que la procédure pénale ouverte à l'encontre de ce dernier était suspendue. Aussi, en l'absence d'une infraction principale de blanchiment d'argent par métier "suffisamment certaine", le "principe de l'accessoriété interdi[sait] de retenir une éventuelle complicité de tiers à de tels actes". En tout état, rien ne permettait de retenir qu'il aurait lui-même favorisé, et encore moins contribué de manière causale aux agissements reprochés à I______.

e. Le recourant a répliqué et persisté dans ses conclusions, ainsi que dans la substance de son argumentation.

f. E______ et B______ ont dupliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP; sur la qualité de lésé en lien avec l'art. 305bis CP : arrêt du Tribunal fédéral 6B_931/2020 du 22 mars 2021 consid. 3.2).

2.             Le recourant ne conteste pas l'ordonnance querellée en tant qu'elle constate que les infractions de gestion déloyale simple et de blanchiment d'argent simple sont prescrites. Il ne remet pas non plus en cause le classement des infractions d'abus de confiance et de gestion déloyale aggravée prétendument commises par B______ et/ou E______ en tant qu'auteurs principaux, ces derniers se voyant reprocher uniquement de s'être rendus complices desdites infractions. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces points.

3.             Le recourant déplore une constatation incomplète et erronée des faits.

Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a énuméré ceux qu'il tenait pour établis à teneur du dossier et repris les éléments qu'il considérait pertinents pour la solution retenue. Il ne lui appartenait pas d'exposer en détails tous les faits et moyens de preuve rassemblés tout au long de la procédure, étant rappelé qu'il peut, au contraire, se limiter à ceux qui n'apparaissent pas d'emblée dépourvus de pertinence (ATF 130 II 530 consid. 4.3).

En tout état, dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public de n'avoir pas retenu que B______ et E______ s'étaient rendus coupables de complicité de gestion déloyale aggravée et d'abus de confiance.

4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime exige qu'en cas de doute quant aux faits pertinents ou au droit applicable, le prévenu soit mis en accusation (ATF 138 IV 86 consid 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).

Un classement n'est possible que lorsque l'impunité des actes du prévenu paraît claire ou lorsque les conditions à l'action pénale font manifestement défaut. Si un acquittement apparaît aussi probable qu'une condamnation, il s'impose, en principe, en particulier pour les infractions graves, de soutenir l'accusation. S'il appartient au juge du fond de procéder à des constatations de fait, le ministère public et l'instance de recours peuvent également être amenés à constater des faits, pour autant qu'ils paraissent clairs et établis au point qu'en cas de renvoi en jugement le juge du fond ne s'en écarterait pas. Cela vaut également en cas de classement. En vertu de la maxime "in dubio pro duriore", ce n'est que lorsque la situation probatoire n'est pas claire qu'il est interdit au ministère public d'anticiper l'administration des preuves que ferait le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 2.2.2 et 2.3 = JdT 2017 IV 357).

4.2.1. L'art. 158 CP punit le gérant d'affaires qui, en agissant avec (ch. 1 al. 1) ou sans mandat (ch. 1 al. 2), viole les devoirs auxquels il est tenu et, ce faisant, porte atteinte aux intérêts pécuniaires du tiers pour le compte duquel il intervient. Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).

Cette disposition suppose la réalisation de quatre conditions: il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un préjudice et qu'il ait agi intentionnellement (ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 192 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2017 du 17 novembre 2017 consid. 4.1 ; 6B_949/2014 du 6 mars 2017 consid. 12.1).

4.2.2. Pour qu'il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l'auteur ait été gérant, ni qu'il ait violé une quelconque obligation de nature pécuniaire à l'endroit de la personne dont il gère tout ou partie du patrimoine. Le terme de gestion déloyale et la définition légale de l'infraction exigent que l'obligation qu'il a violée soit liée à la gestion confiée. Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde (ATF 123 IV 17 consid. 3c p. 22; ATF 120 IV 190 consid. 2b spéc. p. 193; ATF 105 IV 307 consid. 3 p. 312 s.). Le gérant sera ainsi punissable s'il transgresse – par action ou par omission – les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne. Il convient donc d'examiner de manière concrète si les actes de gestion reprochés violaient un devoir de gestion spécifique. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu notamment des dispositions légales applicables (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.3.1 et les références; 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.3 et les références; 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2; 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.2).

4.2.3. Quand l'auteur provoque un dommage dans le cadre de ses prérogatives de gérant, l'application de l'art. 158 CP est envisageable, alors que s'il sort du périmètre qui lui est tracé, par exemple en détournant les valeurs qui lui ont été confiées, seul l'art. 138 CP entre en considération (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal – Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 56 ad art. 138).

4.2.4. Celui qui participe à l'infraction à l'art. 158 CP sans toutefois revêtir la qualité de gérant peut être poursuivi au titre de complice (art. 25 et 26 CP; A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 7 ad art. 158).

La complicité n'est punissable que si l'acte commis par l'auteur principal réalise les éléments constitutifs d'une infraction et s'avère en outre illicite (principe dit de l'accessoriété limitée; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1079/2010 du 3 mars 2011 consid. 4.2).

4.3.1. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, la personne qui, sans droit, emploie à son profit des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

Cette infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 143 IV 297 consid. 1.3 p. 300 ; 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 et les références citées).

4.3.2. Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant ait apporté à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette contribution. La contribution du complice est subordonnée: il facilite et encourage l'infraction. Il n'est pas nécessaire que l'assistance du complice ait été une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction. Il suffit qu'elle l'ait favorisée. Elle peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention ; la complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51-52 ; 121 IV 109 consid. 3a p. 119-120 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_72/2009 du 20 mai 2009 consid. 2.1.). La seule approbation de l'infraction commise par un tiers ne constitue pas un acte de complicité (ATF 113 IV 83 consid. 4). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), de sorte que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (art. 11 al. 2 et 3 CP ; ATF 136 IV 188 consid. 6.2 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.2.1 et les références citées).

Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. À cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (ATF
132 IV 49 consid. 1.1 p. 51-52 ; 121 IV 109 consid. 3a p. 119-120).

4.3.3. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable ou la réalisation de l'infraction et passe néanmoins à l'action, car il accepte le résultat au cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il ne le souhaite pas. Il s'agit d'une forme d'intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait. Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable. Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.3 p. 29; 125 IV 242 consid. 3c in fine p. 252).

4.4.1. En l'espèce, une éventuelle complicité de E______ et/ou de B______ à une infraction à l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP ne pourrait se concevoir que si I______ s'était rendu coupable de gestion déloyale aggravée.

Or, tel n'est pas le cas, puisque ce dernier ne revêt pas la qualité de gérant nécessaire à l'application de cette disposition. Le fait que le recourant lui ait remis une somme d'argent dans le but d'acquérir [du] H______ ne lui donne en effet pas la qualité de gérant, puisque le fondement contractuel de la relation entre les parties ne repose pas sur la responsabilité d'administrer le patrimoine du recourant. Par ailleurs, ce dernier impute à I______, non pas une mauvaise gestion des USD 1'000'000.- versés sur le compte de K______ CORP, mais leur détournement, à savoir un acte manifestement exorbitant aux prérogatives de tout gérant (art. 138 CP).

Les agissements imputés à I______ ne sauraient dès lors tomber sous le coup de l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP. Au demeurant, il sied de relever que les autorités pénales thurgoviennes – et le Tribunal fédéral – n'ont pas appréhendé la procédure dirigée contre l'intéressé sous l'angle de cette infraction, laquelle n'est d'ailleurs pas non plus mentionnée dans la plainte déposée par le recourant le 1er mars 2018 contre M______ et ses employés.

Faute d'infraction principale de gestion déloyale aggravée, une complicité ne peut donc être envisagée.

Le classement sera dès lors confirmé sur ce point.

4.4.2. Le recourant accuse B______ et E______ de complicité d'abus de confiance, estimant invraisemblable que ces derniers n'eussent pas envisagé, compte tenu de signaux alarmants, l'éventualité d'un détournement de fonds par I______. Le recourant considère qu'ils se seraient non seulement "accommodés" des agissements du précité, mais auraient également accepté d'y apporter leur concours en ordonnant la clôture du compte de K______ CORP et en exécutant les transferts de fonds requis par l'intéressé.

Cependant, aucun élément concret ne permet de conclure qu'ils auraient, à un quelconque moment, accepté de prêter assistance à des abus de confiance commis par I______, ni même envisagé cette possibilité.

À teneur de la documentation bancaire recueillie, et des déclarations concordantes des employés de M______, une "due diligence" – n'ayant révélé aucune information négative au sujet de I______ et/ou de ses sociétés – avait été effectuée par le département compliance avant que l'ouverture du compte de K______ CORP ne fût approuvée par le comité KYCC. Ainsi, l'on ne voit pas que l'un ou l'autre des employés de la banque ait pu, et dû, éprouver, au moment de nouer des relations contractuelles avec l'intéressé, des doutes sur sa probité.

Quant au moment du versement des fonds litigieux – intervenu le 2 mars 2012 –, la banque ignorait l'existence – et, a fortiori, la teneur – du contrat conclu le 28 février 2012 entre I______ et le recourant, avec lequel elle n'entretenait aucune relation contractuelle. Elle n'avait dès lors pas connaissance de l'affectation convenue des fonds en question, ni de l'intention potentiellement délictuelle de son client. Ainsi, le fait d'avoir, entre les 5 et 21 mars 2012, exécuté les ordres de transferts – dont les montants étaient tous inférieurs au seuil fixé par la banque pour engendrer un contrôle automatique du département compliance – émanant de I______ – unique ayant droit et signataire autorisé du compte – ne permet pas de conclure que les employés concernés auraient été conscients de participer à une infraction ou de la favoriser. Par ailleurs, il n'est pas établi – ni même allégué – que ces derniers auraient retiré un quelconque profit de la réalisation de ces opérations.

Il ressort, certes, du dossier, que des informations potentiellement préoccupantes au sujet de I______ ont été portées notamment à la connaissance de E______ et de B______ le 21 mars 2012.

Cela étant, le premier soutient avoir demandé et obtenu des clarifications de la part de I______ – avec lequel il entretenait une relation strictement professionnelle –, ce qui est corroboré par leur conversation téléphonique du 23 mars 2012 – retranscrite au dossier –, par les courriels qu'ils ont échangés entre cette dernière date et le 27 mars 2012, ainsi que par les échanges d'e-mails internes à la banque. Par ailleurs, il explique avoir transmis au département compliance toutes les informations et la documentation obtenues de la part de l'intéressé. Il a précisé que son rôle s'était limité, dans ce contexte, à faire l'intermédiaire entre ces derniers et qu'il ne relevait pas de sa compétence – mais de celle du département précité – d'examiner la crédibilité et la cohérence des informations reçues. Ces explications sont corroborées par le mandat de répression rendu par le DFF le 1er mars 2019, duquel il ressort qu'il appartenait à la responsable du département compliance – selon les directives internes de la banque – de rassembler toutes les informations nécessaires, de les apprécier et de décider ou non de les soumettre au KYCC pour une éventuelle dénonciation au MROS.

S'agissant de la décision de clôture du compte – le 18 avril 2012 –, il résulte des déclarations de E______, corroborées par celles de B______, Q______, R______ et W______, qu'elle a été prise, non pas en raison de soupçons de la commission d'infractions par I______, mais au motif que les activités développées par ce dernier n'étaient pas compatibles avec celles ("Private banking") de la banque. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher à l'intéressé d'avoir donné suite aux ordres de transferts émanant de I______ après l'annonce de clôture du compte. R______, responsable du département compliance, a d'ailleurs confirmé que lesdits transferts n'étaient pas problématiques, dès lors que I______ était l'unique ayant droit et signataire autorisé du compte.

En ce qui concerne B______, il résulte du dossier qu'il ne lui incombait ni d'intervenir dans la gestion d'une relation bancaire, ni d'exiger des clarifications de la part d'un client. Il ressort, certes, des échanges d'e-mails internes à la banque, en mars 2012, et de ses propres déclarations, qu'il a été informé du fait que des explications – relatives à l'entrée de fonds sur le compte de K______ CORP et aux informations préoccupantes découvertes au sujet de I______ – avaient été sollicitées par le département compliance. Cela étant, il ressort du dossier, en particulier du mandat de répression rendu par le DFF le 1er mars 2019, ainsi que des déclarations de R______ – à qui il revenait d'apprécier la situation et de procéder aux vérifications essentielles – qu'il n'a pas été tenu informé de l'évolution de la situation et qu'il n'a pas pris part à la décision de mettre fin à la relation bancaire litigieuse. Aussi, et dans la mesure où le KYCC – dont il faisait partie – n'a pas été saisi par le département compliance en vue d'une éventuelle communication au MROS, il affirme avoir légitimement cru que les explications essentielles avaient été obtenues.

À cet égard, il sied de relever, à l'instar du Ministère public, que le DFF a condamné R______ pour violation par négligence de l'obligation de communiquer un soupçon de blanchiment d'argent. Sur le plan subjectif, il a été retenu que l'intéressée n'avait pas conclu à l'existence de "soupçons fondés" de blanchiment à communiquer à l’autorité compétente, mais qu'elle aurait pu en avoir, en faisant preuve des précautions voulues.

Dans ces circonstances, rien ne permet de conclure que B______ et/ou E______ – dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'ils disposaient de plus amples informations – auraient été en mesure de tenir pour concevable l'existence de détournements, par I______, au détriment des avoirs du recourant, et l'auraient acceptée. Le recourant l'admet d'ailleurs lui-même, en qualifiant leur comportement de "légèreté", soit, en d'autres termes, de négligence, ce qui ne suffit toutefois pas.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, les conditions d'une participation, sous forme de complicité, de la part de B______ et E______, à l'infraction d'abus de confiance potentiellement commise par I______, ne sont manifestement pas réunies.

Le classement prononcé par le Ministère public n'est, par conséquent, pas critiquable à cet égard non plus.

5.             Le recourant estime enfin qu'il existe une prévention suffisante d'infraction de blanchiment d'argent qualifié contre la banque et B______ et E______, lesquels auraient agi par complicité.

5.1.  En vertu de l'art. 305bis al. 1 CP – norme qui constitue un délit –, celui qui, intentionnellement, aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime se rend coupable de blanchiment d'argent.

5.2.  L'art. 305bis al. 2 CP – qui constitue un crime – réprime les cas graves.

Ainsi en va-t-il lorsque le délinquant réalise un chiffre d'affaires ou un gain important en faisant métier de blanchir de l'argent (let. c). L'auteur doit, partant, avoir agi au moins deux fois, dans le dessein d'en tirer des revenus (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 57 ad art. 305bis). Est important un chiffre d'affaires de CHF 100'000.-, respectivement un bénéfice de CHF 10'000.- (arrêt du Tribunal fédéral 6B_993/2017 du 20 août 2019 consid. 4.2.3, paru in SJ 2019 I 451).

5.3.  L'art. 102 al. 2 CP permet d'imputer à l'entreprise une infraction à l'art. 305bis CP commise en son sein, s'il peut lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour l'empêcher. Sa responsabilité peut être engagée parallèlement – et non subsidiairement comme c'est le cas pour l'alinéa 1 – à celle de l'auteur (ATF 142 IV 333 consid. 4.2).

5.4.  En l'espèce, le recourant invoque l'infraction de blanchiment d'argent aggravé, mais n'explique pas en quoi les transferts litigieux, à supposer qu'ils puissent être qualifiés d'actes d'entrave, porteraient sur des valeurs patrimoniales provenant d'un crime. En effet, il est constant que les fonds qu'il a versés sur le compte de K______ CORP le 2 mars 2012 n'étaient pas d'origine criminelle. Les infractions reprochées à I______ (abus de confiance, voire escroquerie) ont donc potentiellement été commises lorsque les employés de M______ ont exécuté les ordres de transferts litigieux. À ce moment-là, ces derniers n'ont donc pas pu accomplir un acte propre à entraver la confiscation de valeurs patrimoniales provenant d'un crime non encore commis, mais ont potentiellement permis la réalisation de celui-ci. Dans une telle configuration, une infraction de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis al. 2 CP) ne saurait entrer en ligne de compte, le recourant n'expliquant pas davantage en quoi M______, voire certains de ses employés, auraient adopté d'une quelconque autre manière un comportement tombant sous le coup de cette disposition.

Il s'ensuit que, faute de réalisation des éléments constitutifs de cette infraction, la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique, sur ce point non plus.

6.             Enfin, l'on ne voit pas ce que les auditions sollicitées – visant notamment à fournir des éclaircissements au sujet des personnes ayant autorisé les transferts des avoirs du recourant après l'annonce de clôture du compte de K______ CORP – pourraient amener comme éléments pertinents complémentaires. Q______ a déjà été entendu par le Ministère public et le DFF, tandis que X______, membre du "back-office" de la banque, n'apporterait vraisemblablement aucun élément inédit et probant propre à renverser les raisonnements qui précèdent, qui plus est près de 12 ans après les faits dénoncés.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 3'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

9.             Les intimés, qui obtiennent gain de cause, peuvent prétendre à l’octroi de dépens (art. 429 al. 1 let. a cum 436 al. 1 CPP).

9.1.  En l'occurrence, le conseil de E______ n'a pas chiffré ni justifié son activité. Eu égard au travail accompli, soit la rédaction d'observations de dix-sept pages et demie (pages de garde et conclusions comprises et environ dix pages de développements juridiques) et d'une réplique de huit pages (reprenant pour l'essentiel ses précédents arguments), un montant de CHF 2'925.- lui sera alloué, correspondant à 6h30 heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.-, et mis à la charge de l'État.

La TVA n'est pas due, l'intimé étant domicilié à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1 p. 346).

9.2.  L'avocat de B______ n'a pas non plus chiffré ni – a fortiori – justifié l'indemnité pour son intervention dans la procédure de recours. Au vu de l'ampleur des écritures (trente pages d'observations, pages de garde et de conclusions comprises – non exemptes de redites –, et quatre pages de réplique reprenant pour l'essentiel les arguments exposés dans ses observations) – rédigées, semble-t-il, conjointement par un associé et un collaborateur –, une indemnité correspondant à 4 heures d'activité, au tarif de CHF 450.-, et 4 heures d'activité, au tarif de CHF 350.-, paraît justifiée.

Ses frais de défense seront donc arrêtés à CHF 3'459.20, TVA (8.1%) incluse, et mis à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 3'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 3'459.20, TVA incluse, pour la procédure de recours.

Alloue à E______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'925.-, non soumise à la TVA, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/4686/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'895.00

Total

CHF

3'000.00