Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/716/2024 du 08.10.2024 sur OTDP/2102/2024 ( TDP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21012/2024 ACPR/716/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 8 octobre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 19 septembre 2024 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTERE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 26 septembre 2024 au Tribunal de police, qui l'a transmis à la Chambre pénale de recours, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 précédent par laquelle cette autorité a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.
L'intéressé sollicite l'assistance judiciaire ainsi qu'un traducteur.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a. Par ordonnance pénale n° 1______ du 8 mai 2023, le Service des contraventions (ci-après : SdC) a infligé une amende de CHF 4'400.-, plus émoluments en CHF 150.-, à A______, pour avoir conduit, à titre professionnel, le 14 mars 2023 à 9h50, un véhicule non équipé d'un appareil tachygraphe ainsi qu'immatriculé contrairement aux prescriptions.
a.b. Selon le rapport de renseignements de la police du 17 mars 2023, complété par un courrier circonstancié de la gendarmerie du 5 juillet 2023, le précité avait été contrôlé au volant dudit véhicule devant l'entrée de [l'organisation internationale] B______. S'il avait mentionné ne pas s'exprimer correctement en français, ses réponses aux questions simples, claires et concises, n'avaient à aucun moment pu laisser planer le doute sur son activité et la "barrière linguistique" n'avait pas été un obstacle non plus. Si tel avait été le cas, le contrôle aurait été mené en anglais par exemple. L'intéressé avait déclaré avoir été accrédité pour entrer dans l'enceinte de [l'organisation internationale] B______ afin de prendre en charge une cliente, ajoutant qu'il effectuait depuis deux jours des transports de personnalités contre rémunération avec le véhicule incriminé. Il avait tenté de minimiser son implication, mettant en cause son employeur.
b. Le 16 mai 2023, le précité a formé opposition à l'ordonnance pénale.
c. Le 10 septembre 2024, le SdC a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.
d. Par pli du 18 septembre 2024, A______ a sollicité d'être mis au bénéfice de l'assistance juridique.
C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police a considéré que dès lors que le prévenu n'était passible que d'une amende et que la cause ne présentait pas de difficulté tant sur le plan factuel que sur le plan juridique, l'intéressé était à même de se défendre seul ou de se faire assister, à ses frais, par un conseil de son choix, de sorte que la question de son éventuelle indigence n'avait pas à être examinée.
D. a. Dans son recours, A______ allègue ne pas connaître suffisamment la législation suisse. L'affaire avait un degré de complexité élevé. Il n'avait en outre pas les moyens de rémunérer un avocat, étant précisé que le montant de l'amende l'exposerait à une situation financière très difficile. Il "réit[érait]" enfin sa demande d'un traducteur, ne maîtrisant pas suffisamment le français.
b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du contrevenant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et 111 CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant argue que la sauvegarde de ses intérêts nécessite l'assistance d'un avocat.
3.1. En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).
3.2. La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
3.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132).
Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).
3.4. Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).
3.5. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, les autres conditions pour l'octroi de la défense d'office ne sont de toute manière pas réalisées compte tenu de ce qui suit.
L'ordonnance pénale du 8 mai 2023 l'a condamné à une amende. La nature contraventionnelle de cette sanction permet déjà de considérer que la cause ne présente pas de gravité suffisante au regard du seuil légal et s'inscrit plutôt parmi les cas dits "bagatelles".
De surcroît, les faits reprochés sont simples et circonscrits. Le recourant a, d'ailleurs, pu s'exprimer à leur sujet à la police, en français et sans interprète. Les normes pénales concernées ne présentent pas de réelle difficulté de compréhension ou d'application, même pour une personne sans formation juridique. Il ressort d'ailleurs des réponses du recourant, lors de son contrôle par la police, qu'il a parfaitement compris les enjeux du comportement incriminé en rejetant la responsabilité sur son employeur.
La nature contraventionnelle de l'infraction en cause permet de nuancer les éventuels effets négatifs qui en résulteraient pour le recourant sous l'angle de son activité de chauffeur professionnel. Le recourant n'allègue du reste aucune conséquence négative concrète liée à l'amende infligée, hormis son montant, qu'il juge élevé.
On ne voit ainsi pas ce qui l'empêchera, le cas échéant, de plaider, seul, ses arguments à cet égard devant le juge du fond.
En définitive, la cause est de peu de gravité et ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat. L'une des conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP n'est dès lors pas réunie et la défense d'office du recourant pouvait être refusée par le Tribunal de police.
4. La demande d'un interprète devant le Tribunal de police excède le cadre du présent litige, circonscrit au seul refus d'une défense d'office.
5. Le recours sera rejeté.
6. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).